Use Dark Theme
bell notificationshomepageloginedit profile

Munafa ebook

Munafa ebook

Read Ebook: Les Cinq Cents Millions De La Bégum by Verne Jules

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 1149 lines and 55487 words, and 23 pages

Un pareil coup de fortune avait de quoi ?blouir l'esprit le plus calme, et le bon docteur ne put enti?rement ?chapper ? l'?motion qu'une certitude aussi inattendue ?tait faite pour causer. Toutefois, son ?motion fut de courte dur?e et ne se traduisit que par une rapide promenade de quelques minutes ? travers la chambre. Il reprit ensuite possession de lui-m?me, se reprocha comme une faiblesse cette fi?vre passag?re, et, se jetant dans son fauteuil, il resta quelque temps absorb? en de profondes r?flexions.

Puis, tout ? coup, il se remit ? marcher de long en large. Mais, cette fois, ses yeux brillaient d'une flamme pure, et l'on voyait qu'une pens?e g?n?reuse et noble se d?veloppait en lui. Il l'accueillit, la caressa, la choya, et, finalement, l'adopta.

A ce moment, on frappa ? la porte. Mr. Sharp revenait.

<< Je vous demande pardon de mes doutes, lui dit cordialement le docteur. Me voici convaincu et mille fois votre oblig? pour les peines que vous vous ?tes donn?es.

-- Pas oblig? du tout... simple affaire... mon m?tier.... r?pondit Mr. Sharp. Puis-je esp?rer que Sir Bryah me conservera sa client?le ?

-- Cela va sans dire. Je remets toute l'affaire entre vos mains... Je vous demanderai seulement de renoncer ? me donner ce titre absurde... >>

Absurde ! Un titre qui vaut vingt et un millions sterling ! disait la physionomie de Mr. Sharp ; mais il ?tait trop bon courtisan pour ne pas c?der.

<< Comme il vous plaira, vous ?tes le ma?tre, r?pondit-il. Je vais reprendre le train de Londres et attendre vos ordres.

-- Puis-je garder ces documents ? demanda le docteur.

-- Parfaitement, nous en avons copie. >>

Le docteur Sarrasin, rest? seul, s'assit ? son bureau, prit une feuille de papier ? lettres et ?crivit ce qui suit :

<< Brighton,28 octobre 1871.

<< Mon cher enfant, il nous arrive une fortune ?norme, colossale, insens?e ! Ne me crois pas atteint d'ali?nation mentale et lis les deux ou trois pi?ces imprim?es que je joins ? ma lettre. Tu y verras clairement que je me trouve l'h?ritier d'un titre de baronnet anglais ou plut?t indien, et d'un capital qui d?passe un demi-milliard de francs, actuellement d?pos? ? la Banque d'Angleterre. Je ne doute pas, mon cher Octave, des sentiments avec lesquels tu recevras cette nouvelle. Comme moi, tu comprendras les devoirs nouveaux qu'une telle fortune nous impose, et les dangers qu'elle peut faire courir ? notre sagesse. Il y a une heure ? peine que j'ai connaissance du fait, et d?j? le souci d'une pareille responsabilit? ?touffe ? demi la joie qu'en pensant ? toi la certitude acquise m'avait d'abord caus?e. Peut-?tre ce changement sera-t-il fatal dans nos destin?es... Modestes pionniers de la science, nous ?tions heureux dans notre obscurit?. Le serons-nous encore ? Non, peut-?tre, ? moins... Mais je n'ose te parler d'une id?e arr?t?e dans ma pens?e... ? moins que cette fortune m?me ne devienne en nos mains un nouvel et puissant appareil scientifique, un outil prodigieux de civilisation !... Nous en recauserons. Ecris-moi, dis- moi bien vite quelle impression te cause cette grosse nouvelle et charge-toi de l'apprendre ? ta m?re. Je suis assur? qu'en femme sens?e, elle l'accueillera avec calme et tranquillit?. Quant ? ta soeur, elle est trop jeune encore pour que rien de pareil lui fasse perdre la t?te. D'ailleurs, elle est d?j? solide, sa petite t?te, et dut-elle comprendre toutes les cons?quences possibles de la nouvelle que je t'annonce, je suis s?r qu'elle sera de nous tous celle que ce changement survenu dans notre position troublera le moins. Une bonne poign?e de main ? Marcel. Il n'est absent d'aucun de mes projets d'avenir.

<< Ton p?re affectionn?, << Fr. Sarrasin << D.M.P. >>

Cette lettre plac?e sous enveloppe, avec les papiers les plus importants, ? l'adresse de << Monsieur Octave Sarrasin, ?l?ve ? l'Ecole centrale des Arts et Manufactures, 32, rue du Roi-de-Sicile, Paris >>, le docteur prit son chapeau, rev?tit son pardessus et s'en alla au Congr?s. Un quart d'heure plus tard, l'excellent homme ne songeait m?me plus ? ses millions.

II DEUX COPAINS

Octave Sarrasin, fils du docteur, n'?tait pas ce qu'on peut appeler proprement un paresseux. Il n'?tait ni sot ni d'une intelligence sup?rieure, ni beau ni laid, ni grand ni petit, ni brun ni blond. Il ?tait ch?tain, et, en tout, membre-n? de la classe moyenne. Au coll?ge il obtenait g?n?ralement un second prix et deux ou trois accessits. Au baccalaur?at, il avait eu la note << passable >>. Repouss? une premi?re fois au concours de l'Ecole centrale, il avait ?t? admis ? la seconde ?preuve avec le num?ro 127. C'?tait un caract?re ind?cis, un de ces esprits qui se contentent d'une certitude incompl?te, qui vivent toujours dans l'?-peu-pr?s et passent ? travers la vie comme des clairs de lune. Ces sortes de gens sont aux mains de la destin?e ce qu'un bouchon de li?ge est sur la cr?te d'une vague. Selon que le vent souffle du nord ou du midi, ils sont emport?s vers l'?quateur ou vers le p?le. C'est le hasard qui d?cide de leur carri?re. Si le docteur Sarrasin ne se f?t pas fait quelques illusions sur le caract?re de son fils, peut-?tre aurait-il h?sit? avant de lui ?crire la lettre qu'on a lue ; mais un peu d'aveuglement paternel est permis aux meilleurs esprits.

Le bonheur avait voulu qu'au d?but de son ?ducation, Octave tomb?t sous la domination d'une nature ?nergique dont l'influence un peu tyrannique mais bienfaisante s'?tait de vive force impos?e ? lui. Au lyc?e Charlemagne, o? son p?re l'avait envoy? terminer ses ?tudes, Octave s'?tait li? d'une amiti? ?troite avec un de ses camarades, un Alsacien, Marcel Bruckmann, plus jeune que lui d'un an, mais qui l'avait bient?t ?cras? de sa vigueur physique, intellectuelle et morale.

Marcel Bruckmann, rest? orphelin ? douze ans, avait h?rit? d'une petite rente qui suffisait tout juste ? payer son coll?ge. Sans Octave, qui l'emmenait en vacances chez ses parents, il n'e?t jamais mis le pied hors des murs du lyc?e.

Il suivit de l? que la famille du docteur Sarrasin fut bient?t celle du jeune Alsacien. D'une nature sensible, sous son apparente froideur, il comprit que toute sa vie devait appartenir ? ces braves gens qui lui tenaient lieu de p?re et de m?re. Il en arriva donc tout naturellement ? adorer le docteur Sarrasin, sa femme et la gentille et d?j? s?rieuse fillette qui lui avaient rouvert le coeur. Mais ce fut par des faits, non par des paroles, qu'il leur prouva sa reconnaissance. En effet, il s'?tait donn? la t?che agr?able de faire de Jeanne, qui aimait l'?tude, une jeune fille au sens droit, un esprit ferme et judicieux, et, en m?me temps, d'Octave un fils digne de son p?re. Cette derni?re t?che, il faut bien le dire, le jeune homme la rendait moins facile que sa soeur, d?j? sup?rieure pour son ?ge ? son fr?re. Mais Marcel s'?tait promis d'atteindre son double but.

C'est que Marcel Bruckmann ?tait un de ces champions vaillants et avis?s que l'Alsace a coutume d'envoyer, tous les ans, combattre dans la grande lutte parisienne. Enfant, il se distinguait d?j? par la duret? et la souplesse de ses muscles autant que par la vivacit? de son intelligence. Il ?tait tout volont? et tout courage au-dedans, comme il ?tait au-dehors taill? ? angles droits. D?s le coll?ge, un besoin imp?rieux le tourmentait d'exceller en tout, aux barres comme ? la balle, au gymnase comme au laboratoire de chimie. Qu'il manqu?t un prix ? sa moisson annuelle, il pensait l'ann?e perdue. C'?tait ? vingt ans un grand corps d?hanch? et robuste, plein de vie et d'action, une machine organique au maximum de tension et de rendement. Sa t?te intelligente ?tait d?j? de celles qui arr?tent le regard des esprits attentifs. Entr? le second ? l'Ecole centrale, la m?me ann?e qu'Octave, il ?tait r?solu ? en sortir le premier.

C'est d'ailleurs ? son ?nergie persistante et surabondante pour deux hommes qu'Octave avait d? son admission. Un an durant, Marcel l'avait << pistonn? >>, pouss? au travail, de haute lutte oblig? au succ?s. Il ?prouvait pour cette nature faible et vacillante un sentiment de piti? amicale, pareil ? celui qu'un lion pourrait accorder ? un jeune chien. Il lui plaisait de fortifier, du surplus de sa s?ve, cette plante an?mique et de la faire fructifier aupr?s de lui.

La guerre de 1870 ?tait venue surprendre les deux amis au moment o? ils passaient leurs examens. D?s le lendemain de la cl?ture du concours, Marcel, plein d'une douleur patriotique que ce qui mena?ait Strasbourg et l'Alsace avait exasp?r?e, ?tait all? s'engager au 31?me bataillon de chasseurs ? pied. Aussit?t Octave avait suivi cet exemple.

C?te ? c?te, tous deux avaient fait aux avant-postes de Paris la dure campagne du si?ge. Marcel avait re?u ? Champigny une balle au bras droit ; ? Buzenval, une ?paulette au bras gauche, Octave n'avait eu ni galon ni blessure. A vrai dire, ce n'?tait pas sa faute, car il avait toujours suivi son ami sous le feu. A peine ?tait-il en arri?re de six m?tres. Mais ces six m?tres-l? ?taient tout.

Depuis la paix et la reprise des travaux ordinaires, les deux ?tudiants habitaient ensemble deux chambres contigu?s d'un modeste h?tel voisin de l'?cole. Les malheurs de la France, la s?paration de l'Alsace et de la Lorraine, avaient imprim? au caract?re de Marcel une maturit? toute virile.

<< C'est affaire ? la jeunesse fran?aise, disait-il, de r?parer les fautes de ses p?res, et c'est par le travail seul qu'elle peut y arriver. >>

Debout ? cinq heures, il obligeait Octave ? l'imiter. Il l'entra?nait aux cours, et, ? la sortie, ne le quittait pas d'une semelle. On rentrait pour se livrer au travail, en le coupant de temps ? autre d'une pipe et d'une tasse de caf?. On se couchait ? dix heures, le coeur satisfait, sinon content, et la cervelle pleine. Une partie de billard de temps en temps, un spectacle bien choisi, un concert du Conservatoire de loin en loin, une course ? cheval jusqu'au bois de Verri?res, une promenade en for?t, deux fois par semaine un assaut de boxe ou d'escrime, tels ?taient leurs d?lassements. Octave manifestait bien par instants des vell?it?s de r?volte, et jetait un coup d'oeil d'envie sur des distractions moins recommandables. Il parlait d'aller voir Aristide Leroux qui << faisait son droit >>, ? la brasserie Saint-Michel. Mais Marcel se moquait si rudement de ces fantaisies, qu'elles reculaient le plus souvent.

Le 29 octobre 1871, vers sept heures du soir, les deux amis ?taient, selon leur coutume, assis c?te ? c?te ? la m?me table, sous l'abat-jour d'une lampe commune. Marcel ?tait plong? corps et ?me dans un probl?me, palpitant d'int?r?t, de g?om?trie descriptive appliqu?e ? la coupe des pierres. Octave proc?dait avec un soin religieux ? la fabrication, malheureusement plus importante ? son sens, d'un litre de caf?. C'?tait un des rares articles sur lesquels il se flattait d'exceller, -- peut-?tre parce qu'il y trouvait l'occasion quotidienne d'?chapper pour quelques minutes ? la terrible n?cessit? d'aligner des ?quations, dont il lui paraissait que Marcel abusait un peu. Il faisait donc passer goutte ? goutte son eau bouillante ? travers une couche ?paisse de moka en poudre, et ce bonheur tranquille aurait d? lui suffire. Mais l'assiduit? de Marcel lui pesait comme un remords, et il ?prouvait l'invincible besoin de la troubler de son bavardage.

<< Nous ferions bien d'acheter un percolateur, dit-il tout ? coup. Ce filtre antique et solennel n'est plus ? la hauteur de la civilisation.

-- Ach?te un percolateur ! Cela t'emp?chera peut-?tre de perdre une heure tous les soirs ? cette cuisine >>, r?pondit Marcel.

Et il se remit ? son probl?me.

A ce moment, on frappa ? la porte.

<< Une lettre pour M. Octave Sarrasin >>, dit le gar?on de l'h?tel.

On peut penser si cette heureuse diversion fut bien accueillie du jeune ?tudiant.

<< C'est de mon p?re, fit Octave. Je reconnais l'?criture... Voil? ce qui s'appelle une missive, au moins >>, ajouta-t-il en soupesant ? petits coups le paquet de papiers.

Marcel savait comme lui que le docteur ?tait en Angleterre. Son passage ? Paris, huit jours auparavant, avait m?me ?t? signal? par un d?ner de Sardanapale offert aux deux camarades dans un restaurant du Palais-Royal, jadis fameux, aujourd'hui d?mod?, mais que le docteur Sarrasin continuait de consid?rer comme le dernier mot du raffinement parisien.

<< Tu me diras si ton p?re te parle de son Congr?s d'Hygi?ne, dit Marcel. C'est une bonne id?e qu'il a eue d'aller l?. Les savants fran?ais sont trop port?s ? s'isoler. >>

Et Marcel reprit son probl?me :

<< ... L'extrados sera form? par un ellipso?de semblable au premier ayant son centre au-dessous de o' sur la verticale o. Apr?s avoir marqu? les foyers Fl, F2, F3 des trois ellipses principales, nous tra?ons l'ellipse et l'hyperbole auxiliaires, dont les axes communs... >>

Un cri d'Octave lui fit relever la t?te.

<< Qu'y a-t-il donc ? demanda-t-il, un peu inquiet en voyant son ami tout p?le.

-- Lis ! >> dit l'autre, abasourdi par la nouvelle qu'il venait de recevoir.

Marcel prit la lettre, la lut jusqu'au bout, la relut une seconde fois, jeta un coup d'oeil sur les documents imprim?s qui l'accompagnaient, et dit :

<< C'est curieux ! >>

Puis, il bourra sa pipe, et l'alluma m?thodiquement. Octave ?tait suspendu ? ses l?vres.

<< Tu crois que c'est vrai ? lui cria-t-il d'une voix ?trangl?e.

-Vrai ?... Evidemment. Ton p?re a trop de bon sens et d'esprit scientifique pour accepter ? l'?tourdie une conviction pareille. D'ailleurs, les preuves sont l?, et c'est au fond tr?s simple. >>

La pipe ?tant bien et d?ment allum?e, Marcel se remit au travail. Octave restait les bras ballants, incapable m?me d'achever son caf?, ? plus forte raison d'assembler deux id?es logiques. Pourtant, il avait besoin de parler pour s'assurer qu'il ne r?vait pas.

<< Mais... si c'est vrai, c'est absolument renversant !... Sais-tu qu'un demi-milliard, c'est une fortune ?norme ? >>

Marcel releva la t?te et approuva :

<< Enorme est le mot. Il n'y en a peut-?tre pas une pareille en France, et l'on n'en compte que quelques-unes aux Etats-Unis, ? peine cinq ou six en Angleterre, en tout quinze ou vingt au monde.

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Back to top Use Dark Theme