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Munafa ebook

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Read Ebook: Histoire d'un casse-noisette by Dumas Alexandre

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Ebook has 857 lines and 44244 words, and 18 pages

J'avoue que je fus un peu humili? du peu d'insistance que mettait mon auditoire ? avoir une oeuvre originale.

--Et de qui est-il, votre conte, Monsieur! dit une petite voix appartenant sans doute ? une organisation plus curieuse que les autres.

--Il est d'Hoffmann, Mademoiselle. Connaissez-vous Hoffmann?

--Non, Monsieur, je ne le connais pas.

--Et comment s'appelle-t-il, ton conte? demanda, du ton d'un gaillard qui sent qu'il a le droit d'interroger, le fils du ma?tre de la maison.

--Hum! ?a ne promet pas grand'chose de beau, ce titre-l?. Mais, n'importe, va toujours; si tu nous ennuies, nous t'arr?terons et tu nous en diras un autre, et ainsi de suite, je t'en pr?viens, jusqu'? ce que tu nous en dises un qui nous amuse.

--Un instant, un instant; je ne prends pas cet engagement-l?. Si vous ?tiez de grandes personnes, ? la bonne heure.

--Voil? pourtant nos conditions, sinon, prisonnier ? perp?tuit?.

--Mon cher Henri, vous ?tes un enfant charmant, ?lev? ? ravir, et cela m'?tonnera fort si vous ne devenez pas un jour un homme d'?tat tr?s-distingu?; d?liez-moi, et je ferai tout ce que vous voudrez.

--Parole d'honneur?

--Parole d'honneur.

Au m?me instant, je sentis les mille fils qui me retenaient se d?tendre; chacun avait mis la main ? l'oeuvre de ma d?livrance, et, au bout d'une demi-minute, j'?tais rendu ? libert?.

Or, comme il faut tenir sa parole, m?me quand elle est donn?e des enfants, j'invitai mes auditeurs ? s'asseoir commod?ment, afin qu'ils pussent passer sans douleur de l'audition au sommeil, et, quand chacun eut pris sa place, je commen?ai ainsi:

HISTOIRE D'UN CASSE-NOISETTE

Le parrain Drosselmayer

Ce pr?sident avait un fils et une fille.

Le fils, ?g? de neuf ans, s'appelait Fritz.

La fille, ?g?e de sept ans et demi, s'appelait Marie.

C'?taient deux jolis enfants, mais si diff?rents de caract?re et de visage, qu'on n'e?t jamais cru que c'?taient le fr?re et la soeur.

Fritz ?tait un bon gros gar?on, joufflu, rodomont, espi?gle, frappant du pied ? la moindre contrari?t?, convaincu que toutes les choses de ce monde ?taient cr??es pour servir ? son amusement ou subir son caprice, et demeurant dans cette conviction jusqu'au moment o? le docteur, impatient? de ses cris et de ses pleurs, ou de ses tr?pignements, sortait de son cabinet, et, levant l'index de la main droite ? la hauteur de son sourcil fronc?, disait ces seules paroles:

--Monsieur Fritz!...

Alors Fritz se sentait pris d'une ?norme envie de rentrer sous terre.

Quant ? sa m?re, il va sans dire qu'? quelque hauteur qu'elle lev?t le doigt ou m?me la main, Fritz n'y faisait aucune attention.

Sa soeur Marie, tout au contraire, ?tait une fr?le et p?le enfant, aux longs cheveux boucl?s naturellement et tombant sur ses petites ?paules blanches, comme une gerbe d'or mobile et rayonnante sur un vase d'alb?tre. Elle ?tait modeste, douce, affable, mis?ricordieuse ? toutes les douleurs, m?me ? celles de ses poup?es; ob?issante au premier signe de madame la pr?sidente, et ne donnant jamais un d?menti m?me ? sa gouvernante, mademoiselle Trudchen; ce qui fait que Marie ?tait ador?e de tout le monde.

Or, le 24 d?cembre de l'ann?e 17... ?tait arriv?. Vous n'ignorez pas, mes petits amis, que le 24 d?cembre est la veille de la No?l, c'est-?-dire du jour o? l'enfant J?sus est n? dans une cr?che, entre un ?ne et un boeuf. Maintenant, je vais vous expliquer une chose.

Les plus ignorants d'entre vous ont entendu dire que chaque pays a ses habitudes, n'est-ce pas? et les plus instruits savent sans doute d?j? que Nuremberg est une ville d'Allemagne fort renomm?e pour ses joujoux, ses poup?es et ses polichinelles, dont elle envoie de pleines caisses dans tous les autres pays du monde; ce qui fait que les enfants de Nuremberg doivent ?tre les plus heureux enfants de la terre, ? moins qu'ils ne soient comme les habitants d'Ostende, qui n'ont des hu?tres que pour les regarder passer.

Donc, l'Allemagne, ?tant un autre pays que la France, a d'autres habitudes qu'elle. En France, le premier jour de l'an est le jour des ?trennes, ce qui fait que beaucoup de gens d?siraient fort que l'ann?e commen??t toujours par le 2 janvier. Mais, en Allemagne, le jour des ?trennes est le 24 d?cembre, c'est-?-dire la veille de la No?l. Il y a plus, les ?trennes se donnent, de l'autre c?t? du Rhin, d'une fa?on toute particuli?re: on plante dans le salon un grand arbre, on le place au milieu d'une table, et ? toutes ses branches on suspend les joujoux que l'on veut donner aux enfants; ce qui ne peut pas tenir sur les branches, on le met sur la table; puis on dit aux enfants que c'est le bon petit J?sus qui leur envoie leur part des pr?sents qu'il ? re?us des trois rois mages, et, en cela, on ne leur fait qu'un demi-mensonge, car, vous le savez, c'est de J?sus que nous viennent tous les biens de ce monde.

Je n'ai pas besoin de vous dire que, parmi les enfants favoris?s de Nuremberg, c'est-?-dire parmi ceux qui ? la No?l recevaient le plus de joujoux de toutes fa?ons, ?taient les enfants du pr?sident Silberhaus; car, outre leur p?re et leur m?re qui les adoraient, ils avaient encore un parrain qui les adorait aussi et qu'ils appelaient parrain Drosselmayer.

Il faut que je vous fasse en deux mots le portrait de cet illustre personnage, qui tenait dans la ville de Nuremberg une place presque aussi distingu?e que celle du pr?sident Silberhaus.

Parrain Drosselmayer conseiller de m?decine, n'?tait pas un joli gar?on le moins du monde, tant s'en faut. C'?tait un grand homme sec, de cinq pieds huit pouces, qui se tenait fort vo?t?, ce qui faisait que, malgr? ses longues jambes, il pouvait ramasser son mouchoir, s'il tombait ? terre, presque sans se baisser. Il avait le visage rid? comme une pomme de reinette sur laquelle a pass? la gel?e d'avril. A la place de son oeil droit ?tait un grand empl?tre noir; il ?tait parfaitement chauve, inconv?nient auquel il parait en portant une perruque gazonnante et fris?e, qui ?tait un fort ing?nieux morceau de sa composition fait en verre fil?; ce qui le for?ait, par ?gard pour ce respectable couvre-chef, de porter sans cesse son chapeau sous le bras. Au reste, l'oeil qui lui restait ?tait vif et brillant, et semblait faire non seulement sa besogne, mais celle de son camarade absent, tant il roulait rapidement autour d'une chambre dont parrain Drosselmayer d?sirait d'un seul regard embrasser tous les d?tails, ou s'arr?tait fixement sur les gens dont il voulait conna?tre les plus profondes pens?es.

Or, le parrain Drosselmayer qui, ainsi que nous l'avons dit, ?tait conseiller de m?decine, au lieu de s'occuper, comme la plupart de ses confr?res, ? tuer correctement, et selon les r?gles, les gens vivants, n'?tait pr?occup? que de rendre, au contraire, la vie aux choses mortes, c'est-?-dire qu'? force d'?tudier le corps des hommes et des animaux, il ?tait arriv conna?tre tous les ressorts de la machine, si bien qu'il fabriquait des hommes qui marchaient, qui saluaient, qui faisaient des armes; des dames qui dansaient, qui jouaient du clavecin, de la harpe et de la viole; des chiens qui couraient, qui rapportaient et qui aboyaient; des oiseaux qui volaient, qui sautaient et qui chantaient; des poissons qui nageaient et qui mangeaient. Enfin, il en ?tait m?me venu ? faire prononcer aux poup?es et aux polichinelles quelques mots peu compliqu?s, il est vrai, comme papa, maman, dada; seulement, c'?tait d'une voix monotone et criarde qui attristait, parce qu'on sentait bien que tout cela ?tait le r?sultat d'une combinaison automatique, et qu'une combinaison automatique n'est toujours, ? tout prendre, qu'une parodie des chefs-d'oeuvre du Seigneur.

Cependant, malgr? toutes ces tentatives infructueuses, parrain Drosselmayer ne d?sesp?rait point et disait fermement qu'il arriverait un jour ? faire de vrais hommes, de vraies femmes, de vrais chiens, de vrais oiseaux et de vrais poissons. Il va sans dire que ses deux filleuls, auxquels il avait promis ses premiers essais en ce genre, attendaient ce moment avec une grande impatience.

On doit comprendre qu'arriv? ? ce degr? de science en m?canique, parrain Drosselmayer ?tait un homme pr?cieux pour ses amis. Aussi une pendule tombait-elle malade dans la maison du pr?sident Silberhaus, et, malgr? le soin des horlogers ordinaires, ses aiguilles venaient-elles ? cesser de marquer l'heure; son tic-tac, ? s'interrompre; son mouvement, ? s'arr?ter; on envoyait pr?venir le parrain Drosselmayer, lequel arrivait aussit?t tout courant, car c'?tait un artiste ayant l'amour de son art, celui-l?. Il se faisait conduire aupr?s de la morte qu'il ouvrait ? l'instant m?me, enlevant le mouvement qu'il pla?ait entre ses deux genoux; puis alors, la langue passant par un coin de ses l?vres, son oeil unique brillant comme une escarboucle, sa perruque de verre pos?e ? terre, il tirait de sa poche une foule de petits instruments sans nom, qu'il avait fabriqu?s lui-m?me et dont lui seul connaissait la propri?t?, choisissait les plus aigus, qu'il plongeait dans l'int?rieur de la pendule, acuponcture qui faisait grand mal ? la petite Marie, laquelle ne pouvait croire que la pauvre horloge ne souffr?t pas de ces op?rations, mais qui, an contraire, ressuscitait la gentille tr?pan?e, qui, d?s qu'elle ?tait replac?e dans son coffre, ou entre ses colonnes, ou sur son rocher, se mettait ? vivre, battre et ? ronronner de plus belle; ce qui rendait aussit?t l'existence ? l'appartement, qui semblait avoir perdu son ?me en perdant sa joyeuse pensionnaire.

Il y a plus: sur la pri?re de la petite Marie, qui voyait avec peine le chien de la cuisine tourner la broche, occupation tr?s-fatigante pour le pauvre animal, le parrain Drosselmayer avait consenti ? descendre des hauteurs de sa science pour fabriquer un chien automate, lequel tournait maintenant la broche sans aucune douleur ni aucune convoitise, tandis que Turc, qui, au m?tier qu'il avait fait depuis trois ans, ?tait devenu tr?s-frileux, se chauffait en v?ritable rentier le museau et les pattes, sans avoir autre chose ? faire que de regarder son successeur, qui, une fois remont?, en avait pour une heure faire sa besogne gastronomique sans qu'on e?t ? s'occuper seulement de lui.

Aussi, apr?s le pr?sident, apr?s la pr?sidente, apr?s Fritz et apr?s Marie, Turc ?tait bien certainement l'?tre de la maison qui aimait et v?n?rait le plus le parrain Drosselmayer, auquel il faisait grande f?te toutes les fois qu'il le voyait arriver, annon?ant m?me quelquefois, par ses aboiements joyeux et par le fr?tillement de sa queue, que le conseiller de m?decine ?tait en route pour venir, avant m?me que le digne parrain e?t touch? le marteau de la porte.

Le soir donc de cette bienheureuse veille de No?l, au moment o le cr?puscule commen?ait ? descendre, Fritz et Marie, qui, de toute la journ?e, n'avaient pu entrer dans le grand salon d'apparat, se tenaient accroupis dans un petit coin de la salle manger.

Tandis que mademoiselle Trudchen, leur gouvernante, tricotait pr?s de la fen?tre, dont elle s'?tait approch?e pour recueillir les derniers rayons du jour, les enfants ?taient pris d'une esp?ce de terreur vague, parce que, selon l'habitude de ce jour solennel, on ne leur avait pas apport? de lumi?re; de sorte qu'ils parlaient bas comme on parle quand on a un petit peu peur.

--Mon fr?re, disait Marie, bien certainement papa et maman s'occupent de notre arbre de No?l; car, depuis le matin, j'entends un grand remue-m?nage dans le salon, o? il nous est d?fendu d'entrer.

--Et moi, dit Fritz, il y a dix minutes ? peu pr?s que j'ai reconnu; ? la mani?re dont Turc aboyait, que le parrain Drosselmayer entrait dans la maison.

--O Dieu! s'?cria Marie en frappant ses deux petites mains l'une contre l'autre, que va-t-il nous apporter, ce bon parrain? Je suis s?re, moi, que ce sera quelque beau jardin tout plant d'arbres, avec une belle rivi?re qui coulera sur un gazon brod de fleurs. Sur cette rivi?re, il y aura des cygnes d'argent avec des colliers d'or, et une jeune fille qui leur apportera des massepains qu'ils viendront manger jusque dans son tablier.

--D'abord, dit Fritz, de ce ton doctoral qui lui ?tait particulier, et que ses parents reprenaient en lui comme un de ses plus graves d?fauts, vous saurez, mademoiselle Marie, que les cygnes ne mangent pas de massepains.

--Je le croyais, dit Marie; mais, comme tu as un an et demi de plus que moi, tu dois en savoir plus que je n'en sais.

Fritz se rengorgea.

--Puis, reprit-il, je crois pouvoir dire que, si parrain Drosselmayer apporte quelque chose, ce sera une forteresse, avec des soldats pour la garder, des canons pour la d?fendre, et des ennemis pour l'attaquer; ce qui fera des combats superbes.

--Je n'aime pas les batailles, dit Marie. S'il apporte une forteresse, comme tu le dis ce sera donc pour toi; seulement, je r?clame les bless?s pour en avoir soin.

--Quelque chose qu'il apporte, dit Fritz, tu sais bien que ce ne sera ni pour toi ni pour moi, attendu que, sous le pr?texte que les cadeaux de parrain Drosselmayer sont de vrais chefs-d'oeuvre, on nous les reprend aussit?t qu'il nous les a donn?s, et qu'on les enferme tout au haut de la grande armoire vitr?e o? papa seul peut atteindre, et encore en montant sur une chaise, ce qui fait, continua Fritz, que j'aime autant et m?me mieux les joujoux que nous donnent papa et maman, et avec lesquels on nous laisse jouer au moins jusqu'? ce que nous les ayons mis en morceaux, que ceux que nous apporte le parrain Drosselmayer.

--Et moi aussi, r?pondit Marie; seulement, il ne faut pas r?p?ter ce que tu viens de dire au parrain.

--Pourquoi?

--Parce que cela lui ferait de la peine que nous n'aimassions pas autant ses joujoux que ceux qui nous viennent de papa et de maman; il nous les donne, pensant nous faire grand plaisir, il faut donc lui laisser croire qu'il ne se trompe pas.

--Ah bah! dit Fritz.

--Mademoiselle Marie a raison, monsieur Fritz, dit mademoiselle Trudchen, qui, d'ordinaire, ?tait fort silencieuse et ne prenait la parole que dans les grandes circonstances.

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