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Munafa ebook

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Read Ebook: L'Amoureuse Initiation by Milosz O V De L Oscar Vladislas De Lubicz

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Ebook has 248 lines and 55128 words, and 5 pages

brusquement ?veill? dans un monde inconnu, gouvern? par le seul sentiment et ennemi de la morose et st?rile raison humaine. Toutes les particularit?s du bizarre personnage: son regard aimantin de rongeur nocturne; sa voix enrouill?e de vieux coq de clocher; le parchemin craquel? de sa longue face tranchante; sa m?lancolie bouffonne et grimaci?re; sa d?marche enfin qui du solennel passait soudain au trottinant; et tout le reste! et jusqu'? cette fa?on impertinente de se tapoter les joues avec la chauve-souris morte d'un gant de daim moite et chiffonn?; oui, tous les d?tails de la singuli?re figure se fondaient en une sorte d'harmonie du biscornu, en une fa?on d'ensemble incoh?rent qui laissait deviner, sous la versatilit? de pens?e et d'humeur, une remarquable unit? de sentiments.

Mes yeux ne quittaient gu?re l'infatigable babillard; toutefois, en d?pit de la grande clart? qui d?j? baignait les choses d'alentour, le comte-duc paraissait se vouloir d?rober ? mon observation; comme que je fisse, il demeurait ?nigmatique et vague ? ma vue int?rieure; je l'examinais ? travers la brume t?nue mais profonde des r?ves et des sentiments que sa pr?sence r?veillait au tr?fonds de mon ?tre; il ressemblait aux araign?es muettes que l'on consid?re ? travers le rayonnement de leur toile, aux animaux d'aquarium se nourrissant de silence dans la bu?e de leur propre myst?re ext?rioris?. Son babillage, loin de livrer son ?me, semblait faire un masque ? sa pens?e. Il se grisait de paroles oiseuses comme d'autres infortun?s s'enivrent de boissons. Tout son ?tre respirait la h?te, l'inqui?tude; sa d?marche n'?tait pas moins vive que son discours et j'avais peine ? r?gler mon pas sur le sien. Automate muet, je le suivais presque en courant par les ruelles d?sertes. Je n'avais rien ? demander et je n'avais rien ? r?pondre; j'?tais dans l'?tat d'un homme que le sommeil vient de quitter et qui attend l'?claircissement d'un grand myst?re.

Accroupie sur les marches d'une ?glise, une petite gueusante nous implora de ses yeux d'?tique et, pr?sentant sa s?bile, sollicita l'aum?ne: Antisth?ne aussit?t, interrompant sa marche capricante, tira de son gousset une bourse effiloch?e d'avare et, glissant un ?cu dans le gobelet vide, murmura ? l'oreille de l'enfant quelques paroles qui me firent tout l'effet d'?tre une proposition suspecte. Un hoquet de vin et de d?go?t me monta aux l?vres. Le soleil anxieux et vide de l'insomnie grelottait mis?rablement sur le pav? boueux.

Outr? des fa?ons de mon original, je fis mine de m'en vouloir s?parer et portai la main ? mon chapeau. Mais Pinamonte, tout secou? d'un rire soudain et me retenant par le bras:

<>

A cet endroit, l'extravagant accentua sa diabolique p?roraison d'un claquement humide et sonore de sa langue, en m?me temps que d'un clignement important et burlesque des yeux et de toute sa face, il donnait ? entendre que lui seul, Sassolo Sinibaldo, comte Pinamonte et treizi?me duc de Brettinoro, s'?tait hauss? ? cette connaissance lamentable du coeur et de l'esprit de l'homme. Je regardai avec surprise et non sans une sorte de sympathie effarouch?e le vieux ressasseur qui maintenant levait vers l'azur du matin un index s?v?re et fac?tieux d'ap?tre; et tout ? coup je fis un ?clat de rire dont l'enfantine fra?cheur ?tonna mes oreilles. Loin toutefois de s'offenser d'un si brusque acc?s de ga?t?, Antisth?ne lui fit ?cho de la fa?on la plus franche et la plus gracieuse du monde; de sorte que nous poursuiv?mes joyeusement et bras dessus bras dessous notre chemin. <> Puis, surprenant sans doute dans mes yeux l'?clair d'une irr?solution:

<>--<>

Tout en parlant, mon Antisth?ne s'?tait insensiblement ?loign? de quelques pas, et maintenant je l'apercevais qui, levant bien haut, ? la fa?on des chiens, une jambe d?charn?e d'ancien ma?tre de danse, arrosait en toute h?te le mur l?preux de son jardin. Je levai les yeux. Les fen?tres de l'h?tel Brettinoro me firent songer ? des regards voil?s d'une taie mortelle. Un polisson avait trac? ? la craie, au beau milieu de la principale porte, la courbe audacieuse d'une nature de Titan. Mon regard erra distraitement sur la sombre fa?ade dont la vue donnait froid au coeur. Je murmurai, dans un soupir, le nom de ma morte de Vercelli. L'heure ?tait fra?che et fr?missante; n?anmoins, toutes choses me semblaient noy?es dans la bu?e d'une m?lancolie sans fin qui, suivant mon ombre en tous lieux, m'accablait de longue main d'une sensation d'extr?me vieillesse et d'insupportable abandon. Une guimbarde souffreteuse miaulait, dans l'?loignement, la romance d'une Italie ? jamais disparue. C'?tait la voix du pass?, de l'oubli et de la solitude, certes; mais c'?tait une voix encore; et mon amie plaintive de Vercelli n'?tait plus, depuis dix ans, que la Lointaine d'une contr?e inhospitali?re ? l'?cho.

J'aspirai non sans quelque attendrissement, dans le vestibule d?labr? de l'h?tel Brettinoro, la premi?re bouff?e d'air m?phitique qui m'y saisit ? la gorge. L'odeur moussue et somnolente des vieilles demeures est la m?me en tous pays, et fort souvent, dans le cours de mes solitaires p?lerinages aux lieux saints du souvenir et de la nostalgie, m'avait-il suffi de fermer les yeux dans quelque logis ancien pour me reporter aussit?t ? la sombre maison de mes anc?tres danois et pour revivre de la sorte, en l'espace d'un instant, toutes les joies et toutes les tristesses d'une enfance accoutum?e ? l'odeur tendre si pleine de pluie et de cr?puscule des antiques demeures.

Oubliant la pr?sence de l'ironique Antisth?ne, je me laissai donc, une fois de plus, succomber ? la tentation d'?voquer le charme obscur des jours enfuis; et, fermant les yeux, je humai amoureusement la moisissure dormante du palais. Ce mouvement, qui m'avait toujours paru n'avoir en soi rien que de fort naturel, eut n?anmoins pour effet de d?sopiler outre mesure la rate de mon h?te; car ce diable d'Antisth?ne se prit aussit?t ? rire, ?ternuer, tousser et cracher tout ensemble, ? l'indignation grande d'un trio de faquins minables et caducs, apparus ? l'improviste en chemises d'h?pital et culottes de livr?e ?lim?es.

<>

Impassible autant que lamentable, la livr?e ne daigna r?pondre aux pasquinades du barbon que par un grand salut plein de gr?ce s?v?re; ensuite de quoi elle se retira c?r?monieusement ? reculons. Cette belle gravit?, si pleine de muet reproche, ne laissa pas de produire l'effet que j'en attendais, savoir, un revirement brusque dans l'esprit de mon h?te; car j'avais d?j? tous les sujets du monde de penser que l'exub?rance fac?tieuse du comte-duc n'?tait rien moins que son humeur naturelle; d?s la premi?re vue, j'avais devin?, dans mon original, un pauvre esprit m?lancolique et timor?. Sit?t donc que la porte se fut referm?e sur ses gens, M. de Pinamonte laissa para?tre tout le trouble dont il ?tait agit?. Baissant les yeux, se frottant rageusement les tempes, toussant, soufflant et maugr?ant dans le m?me temps, il m'entra?na dans la galerie des anc?tres; et l?, le premier qui eut la malechance de s'offrir ? notre vue re?ut aussit?t, en pleine armure, toute la mitraille de breloques, de clefs, de monnaies et de tabati?res qui gonflait outre mesure les poches de son irascible et timide rejeton. Tout ?tonn? sans doute du haut fait d'armes qu'il venait d'accomplir, le dernier des Brettinoro, soudain rapais?, pirouetta de fort galante fa?on et se prit, de l'air le plus calme du monde, ? me conter l'histoire de l'anc?tre dont il venait d'outrager la face abasourdie et martiale.

Je ne pr?tai qu'une oreille distraite ? l'?loquence de mon ami de hasard. Une toile rel?gu?e dans l'angle le plus obscur de la galerie venait de solliciter mon attention. C'?tait un portrait de jeune femme, dont le regard charg? de m?lancolie eut t?t fait de raviver dans mon coeur le plus cruel des souvenirs.

<>, poursuivait ce bourreau d'Antisth?ne, <>

J'avais beau jouer l'attention et simuler l'int?r?t ou la cr?dulit?; l'indiff?rence du coup d'oeil que j'accordais de temps en temps, par pure courtoisie, aux malfaiteurs de la maison Brettinoro n'?chappait point au regard vigilant de leur sagace rejeton.

<>

Et d?j? l'infatigable babillard, donnant jeu aux ressorts impatients de ses longues jambes galantes, disparaissait comme par enchantement dans les remous d'une tapisserie ancienne dont le sursaut m'aveuglait d'une poudreuse averse de momies de taons et de toiles d'araign?es.

Je n'entreprendrai point de d?crire le trouble qui m'envahit ? l'instant o?, m'approchant de l'ensorceleuse, je crus reconna?tre ? son visage les larges yeux en flamme de parfum de celle qui avait ?t? mon ?me et qui, depuis dix ans, dormait sous les cypr?s lointains de Vercelli. J'abandonne au lecteur le soin de se repr?senter ma douloureuse surprise. Pour peu qu'il ait l'?me sensible, ce lui sera sans doute chose des plus ais?es; car les soupirs auxquels je donnai cours en cette occasion ressemblent de tout point aux plaintes qu'il n'e?t pas manqu? d'exhaler lui-m?me en une occurrence analogue. Pass? le premier saisissement, je m'effor?ai de regagner quelque empire sur mes sens, et d?tachant mon regard des yeux troublants de la magicienne, je consid?rai avec attention l'ensemble de sa personne.

Amen? de la sorte ? reconna?tre qu'elle m'?tait parfaitement ?trang?re dans toutes ses parties, je ne tardai pas d'?prouver un certain d?senchantement ? l'examen de telles de ses disproportions. La courbe audacieuse du menton ne s'harmonisait gu?re avec l'?maciation quasi surnaturelle de l'inconnue; les lignes singuli?rement enchev?tr?es des oreilles longues et fuyantes pr?taient ? sa physionomie je ne sais quelle expression bizarre, anxieuse et sauvage d'animal blotti ? l'ombre des ?coutes; quant au pli douloureux et cruel de la l?vre inf?rieure, j'y crus reconna?tre, tout de m?me que sur le front bas et t?n?breux, l'aveu des plus redoutables instincts et l'empreinte des pires souvenances.

Enti?rement revenu maintenant de mon trouble, j'?cartai d'une des hautes fen?tres de la galerie le rideau poussi?reux qui en tamisait la lumi?re, et je ne pus r?primer une exclamation de surprise en revoyant au grand jour ce qui ne s'?tait jusqu'alors offert ? ma vue qu'estomp? d'artificiel cr?puscule. Outre que la na?vet? du dessin y rappelait certains portraits de cousines et de gouvernantes dont les grimauds des ?coles se plaisent, par amour ou par moquerie, ? illustrer leurs cahiers, il y avait, dans le chef-d'oeuvre informe de M. de Pinamonte, une orgie de couleurs absurde et maladroite ? tel point qu'elle me parut passer en extravagance les plus burlesques imaginations des barbouilleurs d'idoles asiatiques. Quelque d?favorable, cependant, que f?t au pauvre portrait cette brusque irruption du jour, je dus reconna?tre qu'elle n'avait point alt?r? le merveilleux ?clat des grands yeux f??s. Mon regard plein d'amour replongea dans le myst?re divin de ce vieux ciel br?l? de clart?s inconnues; mon ?me ? nouveau d?faillante s'abandonna toute aux attraits pervers de ces prunelles trop fixes et trop grandes; si bien que j'eus toutes les peines du monde ? r?primer, au bord de mes l?vres, l'appel que mon coeur envoyait au mirage d'une passion depuis longtemps ensevelie. Un souffle puissant comme d'un grand vent d'automne, tourbillon de vieilles paroles et de noms plus morts que les feuilles mortes, s'?levait dans mon esprit et, chassant les brumes d'un oubli mensonger qui me d?robait la vue de ma propre ?me, d?voilait aux yeux du souvenir l'image de l'antique cit? marine o? j'avais eu la joie et la terreur de conna?tre l'incarnation m?me de ma f?licit? et de mon infortune.

P?le d'une p?leur de moribond assoupi, l'eau silencieuse des canaux r?fl?chissait la torpeur d'une ville de palais d?serts et de temples abandonn?s. Z?phyr balan?ait mollement, aux balcons fleuris de rouille, les jardins de lianes pensives, noyant aux miroirs ternis la tra?ne jaunissante de leurs robes de f?es. Sur toute la cit? de vision planait, en finale de m?lodie de r?ve, un silence plus irr?el que le tintement d'oreilles des fi?vreux. La ville que j'avais aim?e jeune et joyeuse ?tait morte avec la jeunesse et la joie de mon coeur. Je reconnus le palais ducal o? le r?gent de S... m'avait pr?sent? ? la plus douce des belles. Les portes ?taient condamn?es, les lichens rongeurs avaient envahi les marches disjointes des perrons, l'eau verte des rios noyait les seuils, l'arc-en-ciel br?l? des soleils anciens miroitait en couleurs de poison aux grandes fen?tres indiff?rentes. J'interrogeais en vain les quatre horizons; le silence, le cr?puscule et l'oubli s'?taient ?tablis en ma?tres absolus en tous lieux.

Un bruit de pas vint rompre le charme de l'?vocation ? l'instant m?me o? je m'abandonnais tout entier ? l'?trange bizarrerie qui nous incite ? rechercher, parmi les douleurs du pass?, quelque d?rivatif ? l'ennui du pr?sent.

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Sit?t que la table fut dress?e, le comte-duc m'invita ? y prendre place et nous attaqu?mes de grand coeur une fort all?chante collation de caf?, de biscottes et de condit.

<>

Le comte-duc fit ? cet endroit une pause un peu longue qu'il employa ? toussoter ? la fa?on des pr?cieuses, ? se moucher ?perdument et ? crachoter d'un petit air r?veur dans la direction du portrait enchant?.

Je consid?rais le bizarre narrateur avec une surprise sans cesse croissante. L'?cervel? barbon avait jug? plaisant de dissimuler son habit de ville sous les plis amples et bruissants d'une robe sang de boeuf qui relevait de tragique fa?on la lividit? surnaturelle de son visage. Une toque de velours, fort semblable ? la coiffure des macaques de la foire; une paire de babouches du Levant fleuries et surdor?es; des gants l?ches et poudreux de cardinal ancien; enfin un mouchoir de soie d'Arm?nie, tout humide d'?ternuements de priseur, compl?tait le bizarre ?quipage de mon h?te. L'attitude de M. de Pinamonte trahissait l'angoisse du narrateur qui, en ?voquant quelque drame du pass?, s'?tonne secr?tement d'en avoir ?t? le h?ros. Des plis rugueux et profonds tourmentaient la face orageuse et coriace de mon car?me-prenant; et une petite larme, perdue dans le tissu effil? de ses rides, tremblotait piteusement, telle une goutte de ros?e prise au pi?ge sinistre de quelque aragne dess?ch?e des vieux jours.

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<> Ce ne sont partout que murailles l?preuses, que fen?tres teint?es de lie de pluie ou d'arc-en-ciel de l'autre si?cle; que chemin?es couronn?es de fum?es ?cres et paresseuses, aux odeurs m?lang?es de chair humaine et de graisse de reptile. Un ciel de chemises se balance au-dessus de ma t?te; linges m?lancoliques et pestif?r?s, d'un blanc de l?pre, d'un bleu de mal caduc, d'un jaune de foire, de pissat ou d'ict?re; linges vides de pendus, mais pleins de vermine noy?e...

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<> appara?t dans le soleil vieillot et me regarde longuement, longuement, dans le point ?tincelant de mes yeux. <>, chantonne le pur fant?me. <>

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