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Munafa ebook

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Read Ebook: Paris de siècle en siècle: Le Cœur de Paris — Splendeurs et souvenirs by Robida Albert

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Ebook has 499 lines and 48182 words, and 10 pages

L'h?tel de Lauzun ou de Pimodan que son magnifique balcon d?signe, quai d'Anjou, 17, est l'un des h?tels c?l?bres de l'?le, c'est pour le financier Gruyn que le logis ?tala d'abord les somptuosit?s de ses appartements. Le brillant duc de Lauzun, l'?poux de Mlle de Montpensier, lui succ?da. Apr?s diff?rents possesseurs, le marquis de Pimodan en 1779 lui donna le second nom sous lequel il est connu. En 1841, achet? par un c?l?bre collectionneur, le baron J?r?me Pichon, l'h?tel de Pimodan prit tout ? coup un ?clat litt?raire auquel il ne s'attendait pas. Roger de Beauvoir, Th?ophile Gautier et d'autres litt?rateurs de la pl?iade romantique devinrent les locataires du baron Pichon.

Quelques grandes portes admirables, quelques merveilleux balcons signalent encore bien des h?tels remarquables sur ces quais dits des Balcons, ou dans la rue Saint-Louis-en-l'Ile. Par exemple l'h?tel de Poisson de Marigny, fr?re de Mme de Pompadour, 5, quai d'Anjou, l'h?tel Le Charron, quai de Bourbon, n? 3, l'h?tel de Jassaud, m?me quai, n? 19, l'h?tel Hesselin, 24, quai de B?thune, l'h?tel Chenizeau, rue Saint-Louis-en-l'Ile, 51, dont le balcon, support? par des dragons fantastiquement enroul?s, montre une magnifique ferronnerie, etc...

D?s les commencements du nouveau quartier, une petite chapelle avait ?t? ?rig?e dans l'?le, mais la population augmentant rapidement, il fallut agrandir cette chapelle qui devint paroisse sous le titre de Saint-Louis, et dont le nom passa vite ? l'ancienne ?le Notre-Dame.

En 1664, pour l'agrandir encore, on construisit le choeur de l'?glise actuelle, puis une quarantaine d'ann?es apr?s, on d?molit le reste pour ?lever la nef.

La fl?che assez singuli?re est une pyramide perc?e de grands jours ronds; l'horloge, suspendue sur le c?t? de la tour comme une enseigne et visible des deux c?t?s de la rue, contribue ? donner ? l'?glise et au quartier de l'?le, cette petite ville enferm?e dans la grande, sa physionomie particuli?re.

L'?le Saint-Louis, d?s sa naissance, fut une petite cit? ? part, ville de haute magistrature d'abord, de riches financiers et de grosse bourgeoisie ensuite, d'un aspect noble et grave, tous les ?crivains du si?cle dernier l'ont constat?. Mercier la d?peint favorablement et fait l'?loge de sa tenue et de ses bonnes moeurs. Aujourd'hui encore, sur ces quais aux nobles demeures, dans ces rues d'un calme si parfait, on se croirait dans une sorte de Versailles insulaire, ? cent lieues du Paris bruyant et agit?.

En 1549, pendant les f?tes qui suivirent l'entr?e solennelle de Henri II et de Catherine de M?dicis, le bureau de la ville voulut donner ? la royale ?pous?e le spectacle d'un si?ge et d'un combat naval. Il fit donc ?lever dans les prairies de l'?le de Louviers un petit fort et arranger un havre garni de diverses d?fenses. Un pont de bateaux jet? de l'?le Notre-Dame ? l'?le de Louviers amena les troupes qui simul?rent toutes les op?rations d'un si?ge. La f?te militaire eut grand succ?s; la forteresse enlev?e d'assaut, on passa ? d'autres r?jouissances, joutes, processions accompagn?es, comme cela continuait ? se voir de temps en temps, de quelques br?lements d'h?r?tiques.

L'?le Louviers devint sous les r?gnes suivants une annexe des ports de Paris. Ce fut surtout le d?p?t des bois ? br?ler, le port d'arrivage des longs trains de bois qui descendaient de la haute Seine, ils ?taient d?pec?s l? ou dans les foss?s de l'Arsenal, le long des grands chantiers de bois flott? que le plan de Gomboust, en 1650, nous montre de la Seine aux foss?s de la Bastille.

C'?tait aussi pour les jeunes seigneurs, prompts ? mettre flamberge au vent, un petit Pr? aux Clercs; en ces temps bien des affaires d'honneur se r?gl?rent dans l'?le, o? les grands tas de bois offraient des emplacements discrets convenablement abrit?s des regards de messieurs les exempts.

Les hautes piles de bois, les ?difices de b?ches entass?es disparurent de l'?le Louviers en 1843, lorsque le petit bras de Seine qui la s?parait de la rive fut combl?. Les maisons des rues Coligny et Schomberg s'?lev?rent. L'?le Louviers avait cess? d'exister.

L'extr?mit? de l'?le Saint-Louis est rest?e pittoresque avec la grande estacade de bois supportant une passerelle, qui rattache la pointe o? fut le grandissime h?tel de Bretonvilliers ? l'ancienne ?le des marchands de bois, jadis domin?e par les ombrages du mail, par les pavillons de l'Arsenal et par les b?timents des C?lestins. Tout a bien chang? ici, disons-nous, heureux cependant de garder encore la pittoresque estacade.

LE PONT-NEUF

Incontestablement, la fonction des ponts devrait ?tre ? la fois de fournir un passage sur les rivi?res et de servir ? la d?coration des villes. A certaines ?poques et dans certains pays on eut le sentiment de cette double fonction, de l? ces ponts d?coratifs qui existent encore, de plus en plus rares il est vrai. Aujourd'hui on ne para?t gu?re songer au parti pris d?coratif, au superbe motif que les ponts peuvent offrir ? l'art architectural. Un pont est une oeuvre d'ing?nieur, et voil? tout. Pourvu que l'on puisse passer dessus avec s?curit?, il semble qu'on n'ait rien ? exiger de plus.

Le Pont-Neuf est toujours beau, mais combien il le fut davantage au si?cle de sa jeunesse, quand il s'accompagnait ? l'arri?re-plan de tant de monuments disparus, et se raccordait en avant avec les restes de l'ancien Louvre et de l'h?tel de Bourbon, sur la rive droite, avec le vieux d?cor gothique du rempart et de la tour de Nesle, sur la rive gauche.

Les c?l?bres estampes de Callot et d'Israel Silvestre nous le montrent en cette premi?re jeunesse, faisant deux fois le dos d'?ne, des Augustins au terre-plein, et du terre-plein au quai de l'Ecole, sur la Seine grouillante de bateaux, de barques de passage, de bateaux de lavandi?res, de marchandises qu'on d?barque, de chevaux ? l'abreuvoir, avec la premi?re Samaritaine en avant-corps pittoresque, et des berges accident?es et herbeuses, des d?bris de remparts qui s'?boulent, le vieux ch?teau Gaillard ou Brioch? fait jouer ses marionnettes, l'h?tel de Nevers qui ?l?ve ses grands pavillons de briques et pierres ? la place de l'h?tel de Nesle, enfin la porte et la tour de Nesle qui gardent des cicatrices et des br?ches des si?ges de la Ligue.

C'est l'?ge pittoresque du Pont-Neuf. Plus tard, le grand paysage parisien, trop riche, trop fourni, trop plein, r?gularisera ses lignes, et peu ? peu se d?pouillera de sa surabondance architecturale.

Ce moulin de la pointe de la Cit? devint le moulin de la Monnaie, ayant ?t? achet? par le roi Henri II pour un nomm? Aubin Olivier, menuisier d'Auvergne, esprit inventif qui avait trouv? un proc?d? de monnayage et invent? des engins pour lesquels le fleuve devait servir de moteur. Pr?sent? au roi par le g?n?ral des Monnaies de Marillac, Aubin put installer ses machines dans le moulin et fut m?me log? avec ses aides dans la maison des Etuves.

Les projets longuement ?tudi?s, retard?s par des h?sitations sur l'emplacement le plus commode et se raccordant avec les grandes voies passag?res, aboutirent et enfin l'ex?cution commen?a en 1578, ? la fin d'avril, en profitant des basses eaux. On commen?a le travail par le petit bras de la Seine entre le couvent des Grands-Augustins et l'?le du Palais. Les fondations de quatre piles furent jet?es dans l'ann?e.

Les travaux ne semblent pas avoir ?t? pouss?s avec une grande rapidit?, malgr? la h?te que le roi manifestait de voir l'oeuvre avancer et malgr? ses fr?quentes visites. L'argent sans doute manquait et par surcro?t la situation politique s'aggravait tous les jours. Le roi constatait avec m?lancolie que son pont n'avan?ait pas. Une fois, raconte M. Ed. Fournier, le savant historien du Pont-Neuf, son impatience fut si vive qu'en plein mois de janvier, alors que le fleuve charriait des gla?ons ? plein canal, il fit jeter un pont de bois qui allait de l'une ? l'autre rive, en s'?tayant tant bien que mal sur les pierres boiteuses des piles inachev?es. Et sur cette p?rilleuse passerelle la cour, le roi en t?te, se rendit aux Grands-Augustins pour assister ? une magnifique f?te donn?e en l'honneur du nouvel ordre du Saint-Esprit.

Quand les troubles ? la fin tourn?rent en r?volution, quand la journ?e des barricades contraignit le roi ? s'enfuir de son Louvre, et mit Paris aux mains de Messieurs de Guise et de la Ligue triomphante, on eut bien autre chose ? faire qu'? terminer le Pont-Neuf. Les travaux se trouv?rent compl?tement arr?t?s pour longtemps.

Dans tous ces ?chafaudages, dans les esp?ces de cages form?es par la for?t de poutres soutenant cintres et tabliers, s'?tait ?tablie une population de vagabonds et de voleurs, compos?e surtout d'Irlandais venus ? Paris avec les troupes espagnoles alli?es de la Sainte Ligue.

Le jour, tous ces gueux dormaient dans leur refuge ou mendiaient par les rues; la nuit venue, ils r?daient en qu?te de mauvais coups ? faire. On raconte que des passants attard?s traversant le pont ?taient tout ? coup saisis aux jambes par les malandrins embusqu?s dans leurs cachettes sous la passerelle, d?pouill?s en un clin d'oeil et jet?s ? la Seine. Le Pont-Neuf commen?ait bien, il avait ses voleurs avant d'?tre achev?.

En 1598 Henri IV, d?livr? de ses grands soucis, ordonna la reprise des travaux. Il ?tait temps d'en finir, les autres ponts n'en pouvaient plus, on n'osait plus faire passer les gros charrois sur le pont au Change, et il ne restait pour charrettes et voitures que le pont Notre-Dame.

En 1599, on parvint ? terminer toute la partie sur le petit bras et l'on se mit aussit?t avec ardeur aux piles du grand bras. Il fallait beaucoup d'argent, on le trouva en faisant d'abord contribuer les provinces de Bourgogne, Champagne, Picardie et Normandie, sous pr?texte qu'elles avaient int?r?t ? l'ach?vement du pont pour le passage de leurs marchandises, et ensuite en affectant aux travaux le produit d'un imp?t sur le vin des bourgeois de Paris, imp?t destin? primitivement ? doter la ville de nouvelles fontaines.

En 1603, les travaux ?taient assez avanc?s pour que l'on p?t, au moyen de passerelles ?tablies sur les arches non termin?es et de planches jet?es sur les derniers vides, traverser le Pont-Neuf dans toute sa longueur. Les Parisiens qui attendaient leur grand pont avec impatience se risquaient volontiers ? tenter le passage et plus d'un s'?tait rompu le col en chavirant du haut de ces planches dangereuses sur les piles ou dans la rivi?re.

Le B?arnais voulut op?rer de la m?me fa?on la travers?e du fameux Pont, on lui objecta les accidents arriv?s pr?c?demment aux imprudents. <> r?pondit-il, et le 20 juin 1603, il passa le Pont-Neuf du quai des Augustins au Louvre.

Il fallut encore trois ann?es de travail compl?tes pour achever en son entier le Pont-Neuf. En 1607, tout ?tait termin?, la physionomie de la cit? se trouvait profond?ment modifi?e. Les deux piles de Bussy et de la Gourdaine, avant-garde de la grande ?le, n'existaient plus, elles avaient ?t? taill?es, r?gularis?es, rehauss?es et soud?es ? la Cit?, de fa?on ? constituer au milieu du Pont-Neuf un terre-plein qui divisait celui-ci en deux parties.

Le Pont-Neuf, en arrivant sur la rive gauche, se heurtait aux murailles du couvent des Augustins; il n'y avait pas de rue entre le couvent et la tour de Nesle, il fallait pour ouvrir un d?bouch? au Pont-Neuf couper ? travers les d?pendances du couvent, renverser l'h?tel des abb?s de Saint-Denis, grande et solide construction soutenue de contreforts, et supprimer divers b?timents et jardins. Une compagnie se chargea de l'entreprise. Les difficult?s vinrent de la part des Augustins qui refusaient leurs terrains; ils ne c?d?rent que sur de bonnes conditions: indemnit? ?valu?e par une commission, construction d'un passage sous le sol de la rue pour faire communiquer leurs propri?t?s, et divers avantages. Comme ils ne se d?cidaient qu'en rechignant et qu'ils pr?sentaient au roi quelques derni?res observations sur la r?duction de leur jardin et la perte de leurs l?gumes: <> De fait, les Augustins b?tirent sur la rue, trouv?rent bient?t la sp?culation avantageuse, et tir?rent jusqu'? la fin du dernier si?cle de bons revenus de leurs maisons.

La rue Dauphine se heurtait ? la muraille de la ville ? la hauteur de la rue Mazet actuelle, ancienne rue Contrescarpe-Saint-Andr?, pr?s de la porte Bussy. On ouvrit dans cette muraille une nouvelle porte qui s'appela la porte Dauphine et dura jusqu'en 1673.

Enfin Paris l'avait, ce Pont-Neuf que l'on attendait avec tant d'impatience. Ce fut imm?diatement la grande art?re portant la vie de l'une ? l'autre rive, le passage le plus fr?quent?, et aussi le rendez-vous des gens de toutes sortes, attir?s de ce c?t? par des raisons diverses, bons bourgeois fl?neurs, oisifs divers, petits marchands, charlatans, etc... Ce succ?s d'ailleurs allait enrayer l'essor des quartiers de l'Est et emp?cher le centre aristocratique de la ville de se fixer d?finitivement vers la Place Royale en train de se b?tir.

Tout de suite pour profiter de la vogue du pont, des marchands ?taient accourus, y avaient install? de petites boutiques dans les demi-lunes, des ?talages divers un peu partout, et avec ces marchands, des arracheurs de dents, de petits charlatans vendant poudres de mort aux rats et onguents propres ? gu?rir tous les maux.

Les tra?neurs de rapi?re, chercheurs d'aventures, vieux d?bris des guerres civiles ou gentilshommes attir?s de tous c?t?s vers Paris, bretteurs et raffin?s de cour, n'?taient pas les moins nombreux. C'?tait l'?poque o? la fureur des duels ?tait telle que pour la plus petite v?tille.....

... pour rien, pour le plaisir...

les ?p?es sortaient du fourreau et jetaient sur le carreau, en jeunes cavaliers, en vaillants gentilshommes, de quoi ?quivaloir ? la consommation d'une bataille rang?e tous les ans.

On connut les d?tails par le valet de Villemot qui avait suivi son ma?tre. Les deux adversaires se salu?rent fort courtoisement.--Bonjour, monsieur, si matin! dit Fontaines. Apr?s un ?change de politesses, ils saut?rent tous deux ? terre et mirent flamberge au vent. L'affaire ne tra?na pas, <>. Tous les coups avaient port?. Chacun des combattants pr?sentait les m?mes blessures, ? la gorge, ? la poitrine et au c?t?. Il n'y avait plus qu'? les mettre en terre. <>

La colonie de voleurs ?trangers install?e au Pont-Neuf ou aux environs sur les terrains en transformation, avait fini par montrer une audace telle qu'il avait bien fallu en venir ? des mesures rigoureuses: on fit des rafles de ces bandits, on en pendit un bon nombre et enfin, un beau jour, on chargea le reste de ceux que l'on avait pris sur des bateaux bien garnis d'archers pour les renvoyer au del? de la mer, aux pays d'o? ils ?taient venus. L'Estoile fait aussi mention du d?part de tous ces mendiants et malfaiteurs, mais ne dit pas ce que devinrent les nefs charg?es de toute cette gueuserie.

L'Estoile rapporte qu'il existait chez ces voleurs une juridiction organis?e pour juger les affaires entre coupe-bourses et les m?faits contre la corporation. Dans un bateau sur la rivi?re se tenaient les plaids et audiences de cette justice qui condamnait ? l'amende, ? des peines corporelles et ? la mort; les sentences s'ex?cutaient dans un autre bateau annexe du tribunal, on y fouettait les uns, les condamn?s ? mort y ?taient poignard?s et jet?s ? la rivi?re.

En 1609, le pr?v?t Defunctis put saisir un des principaux de ce tribunal de voleurs, et le fit pendre haut et court au Port au Foin, devant l'endroit o? il avait exerc? lui-m?me sa parodie de la justice.

Pour quelques-uns de pendus le royaume des larrons ne tomba point, il ne resta pas moins dans Paris un incroyable nombre de voleurs et filous de toute importance qui faisaient du Pont-Neuf un des champs principaux de leurs exploits. Vols en plein jour, menues filouteries, bourses coup?es, manteaux enlev?s, d?sordres plus graves aussit?t la nuit venue, guet-apens, assassinats, entraient dans les habitudes journali?res du Pont-Neuf. D?fendre son manteau ou sa bourse quand on ?tait attaqu?, c'?tait risquer sa vie.

On avait eu beau d?cr?ter que tous les vagabonds et truands qui dormaient le jour sur le terre-plein, ? l'ombre du cheval de bronze, et qui se transformaient en voleurs d?s la nuit venue, devraient ?vacuer le Pont-Neuf d?s six heures du soir, sous peine, s'ils ?taient pris par le guet, d'?tre envoy?s en prison ou ? la potence, ils se moquaient des arr?ts. On accusait m?me les archers du guet d'?tre de connivence avec eux et de recevoir, pour leur laisser le champ libre, une part dans le produit de leurs op?rations.

Il devint de mode parmi les jeunes cavaliers de s'en aller le soir, au sortir des cabarets, s'amuser sur le Pont-Neuf ? voler les manteaux des bourgeois. C'?tait, para?t-il, Gaston d'Orl?ans qui avait mis en train ces petits divertissements. Plaisirs raffin?s, mais dangereux, car les choses ne se passaient pas toujours sans coups de b?ton ou estocades, quand les vol?s ne se voulaient pas laisser faire. Si le guet venait par hasard, on le rossait, ou l'on fuyait si l'on ne se trouvait pas en nombre.

Les archers arriv?rent en force, les gentilshommes aussit?t de d?taler. Rochefort et Rieux voulurent en faire autant, mais ce dernier descendit trop pr?cipitamment du cheval de bronze et se cassa la jambe. A ses plaintes le guet accourut et le ramassa. Rochefort, perch? pr?s du grand Henri, fut descendu par les archers et men? avec son ami aux prisons du Ch?telet, o? leur affaire faillit mal tourner pour eux, la peccadille n'?tant point du go?t du grand cardinal.

A la mort de Ferdinand, le cheval seul ?tant termin? fut offert ou vendu ? la r?gente Marie de M?dicis pour la statue qu'elle avait l'intention d'?riger au feu roi. On embarqua donc le cheval de bronze ? Livourne, sur un b?timent qui traversa la M?diterran?e, prit le d?troit de Gibraltar, et put arriver apr?s une navigation mouvement?e jusqu'en vue de la Normandie. L? le b?timent fut jet? ? la c?te par la temp?te.

Le cheval de bronze ?tait au fond de la mer. Il y resta un an; enfin on put apr?s beaucoup de peines et d'efforts le retirer et le faire porter par un autre navire jusqu'au Havre-de-Gr?ce. En mai 1614, nouveau transbordement sur un bateau qui remonta la Seine et l'apporta jusqu'au pi?destal o? il fut ?rig? tout seul en attendant le cavalier.

D'apr?s la seconde version, le cheval et le cavalier auraient ?t? ex?cut?s en m?me temps ? Florence par Jean de Bologne et son ?l?ve Pierre Tocca, et la statue compl?te embarqu?e ? Livourne. L'histoire du naufrage serait authentique, l'?v?nement eut lieu non point en vue des falaises normandes, mais en M?diterran?e sur les c?tes de Sardaigne.

Cheval et cavalier avaient donc s?journ? au fond de la mer, tous deux furent ?rig?s en grande c?r?monie en 1614, sur le pi?destal non encore achev?, et qui attendit longtemps encore les quatre esclaves encha?n?s, destin?s ? ?tre plac?s aux quatre angles. Le monument ne fut bien complet qu'au milieu du si?cle quand on eut entour? la statue d'une grille. Si cette grille protectrice avait isol? le pi?destal d?s le commencement, l'aventure de Rochefort et Rieux n'e?t pas ?t? possible.

Un autre monument aux abords du Pont-Neuf vint d?s ses premiers ans ajouter un trait ? sa physionomie d?j? si pittoresque. C'est la Samaritaine qui v?cut deux si?cles et dont le souvenir survit encore dans un ?tablissement de bains, surmont? d'un palmier de zinc bien peu d?coratif.

En 1603, un m?canicien flamand, nomm? Lintla?r, proposa au roi l'?tablissement d'une machine destin?e ? fournir d'eau potable le Louvre et les Tuileries, trop souvent r?duits ? la portion congrue; il s'agissait de construire sur pilotis un grand moulin en avant du Pont-Neuf presque en travers de la deuxi?me arche de la rive droite; malgr? l'opposition du pr?v?t des marchands bas?e sur la g?ne ainsi apport?e ? la navigation, la pompe fut construite en quelques ann?es.

La Samaritaine jouit tout de suite d'une grand popularit? et son Jacquemart, que l'on venait entendre sur le pont, devint un personnage ? qui tous les faiseurs de libelles et de pasquils firent endosser ?pigrammes, couplets satiriques et pamphlets.

Vers 1714, la Samaritaine subit une reconstruction totale, jusqu'aux pilotis m?mes qu'il fallut en partie renouveler; le b?timent eut trois ?tages, avec, au milieu de la fa?ade donnant sur le pont, un avant-corps cintr? abritant le fameux groupe. M. Edouard Fournier nous apprend que le c?l?bre canon du palais royal faillit ?tre plac? sur la terrasse de la Samaritaine en 1777 pour accompagner le carillon ? midi sonnant.

Les derniers jours de la Samaritaine, apr?s deux si?cles de gloire, furent tristes. Quand vint la r?volution, elle ?tait d?j? fort d?labr?e, son carillon se tut, il fut m?me un instant question de l'envoyer ? la fonte comme les statues du Christ et de la Samaritaine qui disparurent alors.

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