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Munafa ebook

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Read Ebook: Les Gueules Noires by Morel Emile Adam Paul Author Of Introduction Etc Steinlen Th Ophile Alexandre Illustrator

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Ebook has 742 lines and 34539 words, and 15 pages

Illustrator: Steinlen

Contributor: Paul Adam

Cette version num?ris?e reproduit dans son int?gralit? la version originale. Toutefois, les erreurs typographiques ?videntes ont ?t? corrig?es. La ponctuation a fait l'objet de quelques corrections.

Les Gueules Noires

?MILE MOREL

Les Gueules Noires

PR?FACE DE PAUL ADAM

PARIS

PR?FACE

La Paye

Elles sont l? une vingtaine qui pi?tinent dans la neige, devant la grosse grille ferm?e, attendant leurs hommes.

L?-bas, au fond de l'immense cour, o? la neige est devenue une boue noir?tre, comme si la houille suintait du sol, le grand b?timent de fer se profile, pesant et sombre, sur le ciel uniform?ment gris.

Tous les regards scrutent au flanc de cette b?tisse rigide et farouche, une sorte de br?che, ? laquelle on acc?de par la mont?e d'une rampe de terre qui se cabre sur des arches de brique. Car, c'est par ce vomitoire, que s'?coulera le flot humain jailli des sources profondes.

Il en est, qui ont amen? un enfant, l'a?n?, ou bien encore le tout petit: celui enfin que leur homme pr?f?re, afin de l'attendrir et de l'entra?ner. Car l'ennemi est derri?re elles: une rang?e d'estaminets, plac?s devant la sortie, comme des pi?ges et qui, eux aussi, guettent la remonte de quinzaine.

C'est l? que l'homme va rapidement prendre courage pour son vice. Il est l?che, il h?site, avant d'en avoir franchi le seuil, mais lorsqu'il en sort, il a le regard mauvais d?j? et l'argent enferm? dans le poing. Il est devenu insensible aux larmes et aux supplications ?perdues de celle qui l'attend encore. Et, sans attendrissement pour l'enfant effar? qui pleure, il s'en va mena?ant.

Alors, vaincue, la femme s'en retourne en sanglotant ? la maison, o?, peu ? peu, entrent la mis?re et la faim.

Or, si leur attente vous angoisse le coeur, c'est qu'elle ?voque tous ces drames et toutes ces souffrances.

Voici que l'on ouvre la lourde grille, la d?fense h?riss?e, derri?re laquelle aux heures hallucin?es, les soldats veillent.

Les femmes s'approchent, et leur groupe, calme jusqu'ici, maintenant s'agite. Celle-ci gifle l'enfant qui s'obstine ? grimper aux barreaux, cette autre se courbe, et d'un geste cru, se mouche entre les doigts, sur la neige; il en est une, qui berce avec un air de rudesse et d'alarme, le nourrisson qui se r?veille. Et ce sont l?, les fr?missements grossiers de leur impatience et de leur inqui?tude.

Un homme, frileusement envelopp? dans une houppelande, comme celles que portent les bergers, est venu s'asseoir ? l'entr?e, sur l'une des bornes de fer. C'est un mineur, qu'un ?boulement a tordu comme une vrille. Les secours de la compagnie ne lui suffisant pas ? nourrir sa famille, il vient tendre la main aux camarades.

Brusquement, l?-bas, les hommes noirs sont apparus, tenant en main leurs lampes encore allum?es. Et celles-ci ont au jour, un aspect fun?raire, un ?clat blafard, rappelant celui des lampadaires, qui ?clairent en plein midi, ? travers un cr?pe.

Ils descendent en courant la rampe de terre, comme pour secouer la tristesse des t?n?bres du fond, rest?e accroch?e ? leurs ?paules. Puis, ils vont de nouveau se perdre, dans une autre partie de l'?trange monument de fer, par une large ouverture b?ante, o? le regard suit un instant, semblables ? de petites ?toiles, leurs lampes qui s'?loignent.

Ils apparaissent et disparaissent par groupes, selon la mont?e des cages, qui viennent des t?n?bres les rejeter au jour.

L?-haut, dans le beffroi qui se dresse vers le ciel immobile, les molettes par o? d?valent les c?bles de l'ascenseur monstre, tournent, tournent, lanc?es dans une giration folle. Et c'est lorsqu'elles s'arr?tent un instant, qu'un flot d'hommes surgit et roule, comme si la gorge profonde vomissait ceux-ci par hoquets.

La fosse, hoquet par hoquet, continue ? vomir son outillage humain. Avec un pi?tinement harass?, des pas ivres de fatigue, les centaines d'hommes loqueteux et macul?s se tassent ? la sortie.

C'est entre les grilles, la coul?e fangeuse d'?tres rugueux comme les anthracites de la mine, d'?tres aux ossatures gourdes et animales. Et cette pl?be, calcin?e par l'approche du grand feu souterrain, cette pl?be sordide que l'on voit derri?re les barreaux de fer aux pointes h?riss?es, donne une tragique impression de force comprim?e et aveugle.

Ils sortent; les gros sous tombent dans l'assiette de l'estropi?; ils tombent lourdement, jet?s par des mains ?normes et souill?es, des mains d?form?es par les meurtrissures. Et tous ces hommes qui font l'aum?ne, ont un m?me air f?roce et tourment?, avec leurs faces machur?es dans lesquelles roule le blanc des yeux.

Sur la route envahie, c'est une cohue aux gestes entrecrois?s et confus, un grouillement dans lequel les quelques femmes qui attendaient, disparaissent noy?es, comme l?-bas, au coron, leurs peines et leurs foyers de souffrance sont perdus, parmi les centaines et les centaines d'autres foyers. Une senteur ti?de de troupeau, une odeur ?coeurante de sueur et de houille, flotte dans l'air glac?, au-dessus de la foule qui sur la neige s'?largit comme une t?che d'encre.

Les portes des estaminets s'ouvrent et se referment avec un ?branlement de vitres. Et sur les seuils, ce sont des appels, des noms cri?s par des voix qu'enrouent les poussiers de charbon rest?s accroch?s dans les gorges.

Un sou lanc? maladroitement, est tomb? sur le sol gluant. Le houilleur qui l'a jet? le ramasse et le d?pose dans l'assiette que l'afflig? tient sur ses genoux.

Ce houilleur doit ?tre l'un des plus anciens de la mine, car son corps porte le stigmate des longues heures de travail, pendant lesquelles les jambes ploy?es, les reins ankylos?s, les ?paules vo?t?es, seuls, les bras se d?tendent, frappant le long du gisement pour extirper l'or noir.

Son allure en est affaiss?e, et ses jambes demeurent arqu?es en avant, comme chez les vieux chevaux rompus. Puis, sur ce corps vid? de graisse, la t?te port?e par un cou amaigri, cord? par les carotides, appara?t trop grosse.

Tout en marchant, l'?chine prostr?e, il noue sa paie dans le serre t?te de toile bleue qu'il a retir? de dessous sa barrette en cuir bouilli. Il fait les noeuds lentement, avec des doigts gourds et inhabiles. Parfois, il rel?ve la t?te, et ses yeux enfonc?s dans un visage bossel? par les pommettes, fouillent d'un regard inquiet la cohue.

Tout ? coup, une grosse femme aux cheveux roux a surgi devant lui. Imp?rieuse et rogue, vivement elle saisit le serre t?te, d'un tour de main le d?noue et en verse le contenu dans son tablier.

Dans la figure elle lui crie:

--Ch' bulletin, faudra me l' faire vir ? nous mason.

Apr?s quoi, ayant tourn? un dos ?norme, elle s'?loigne ? grands pas farouches, fendant la foule de sa grosse poitrine tendue en avant comme une proue.

Lui, reste l?, les bras tombant tr?s bas, avec ses grosses mains d?form?es au bout, h?b?t?, perdu. Bouscul? ici, il va plus loin et s'arr?te, regardant les autres sortir, mais les yeux vagues, l'esprit ailleurs.

Enfin, il palpe l'int?rieur de son bourgeron serr? ? la taille par une lani?re de cuir.

Il en retire son bulletin de quinzaine et y fixe sa pens?e qui errait.

La coul?e de la foule le fr?le, l'?branle comme ces piquets de bois enfonc?s au milieu d'un cours d'eau.

Soudain, il a un mouvement des ?paules, rel?ve les yeux, et le voil? qui remonte le courant humain o? sa grosse t?te ballotte dans la houle des visages noirs.

Il repasse la grille, puis dans la grande cour, il se dirige ? droite, vers le long b?timent bas et sans ?tage des bureaux.

Assis derri?re son grillage, le comptable le regarde entrer, furieusement hostile d?j?, envers ce num?ro de son grand registre qui a pris forme humaine.

--Qu'est-ce que vous venez fiche ici?

Le houilleur demeure une seconde ahuri, comme une brave b?te paisible qui ne sait pourquoi on vient de la cingler d'un coup de fouet.

--. . . . . Ben Voil?, je viens rapport ? les frais d'interment de min fiu qu'est mort ch' mois pass?. A l' paie, l' porion il a dit comme ??, que vous ne lui aviez encore rien donn? pour mi.

--Votre nom?

--B?cu D?sir?.

--A quelle date votre fils a-t-il ?t? enterr??

--L' quatre ed' janvier.

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