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Munafa ebook

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Read Ebook: Saint Michel et le Mont-Saint-Michel by Brin Pierre Marie Corroyer Douard Germain Abel Anastase

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Ebook has 1478 lines and 182018 words, and 30 pages

Pendant trois cents ans, l'?glise combat; elle se fonde dans le sang et le martyre, sans voir venir personne ? son secours du c?t? de la terre. Arrive enfin Constantin, l'homme de la Providence. Mais ses successeurs ne comprennent pas leur mission; au lieu de prot?ger l'?glise, ils l'entravent, la jalousent et la tourmentent. Dieu ne veut pas de ces empereurs comme instruments. C'est alors qu'il choisit les Francs pour d?fendre l'?glise et former sa garde vigilante et d?vou?e. Les Francs r?pondent ? l'appel divin; leur souverain victorieux en t?te, ils vont au bapt?me en foule. Bient?t cette nation, la premi?re accourue ? la voix d'en haut, passe tout enti?re sous les drapeaux du Christ et re?oit de Rome le titre de fille a?n?e de l'?glise. Le nouveau peuple de Dieu est trouv?. Voil? celui qui doit ?tre ? la fois et le bouclier et l'?p?e de L'?pouse du Sauveur. Mais le souverain Ma?tre n'est pas ingrat; s'il aime qu'on se d?clare hautement pour lui, vite il r?pond aux avances de ceux qui d?fendent sa cause. La France s'est faite ? Reims son homme-lige; il lui envoie son Archange, l'ange des batailles et des triomphes. Cet envoi providentiel est, si j'ose ainsi parler, comme le sceau de l'alliance entre Dieu et le peuple ?lu. Saint Michel choisit lui-m?me sa citadelle et son asile sur ce c?l?bre rocher assis aux flancs de l'aquilon. C'?tait la r?ponse du Tr?s-Haut ? notre patrie, quand elle se fut d?clar?e sa vassale. A dater de ce jour, cette race intr?pide et guerri?re des Francs marche ? la t?te des peuples; toujours s?re de son ang?lique alli?, elle porte partout la lumi?re avec les libert?s sacr?es de la foi chr?tienne; partout o? elle passe, les cha?nes tombent, la tyrannie dispara?t, la barbarie recule ?pouvant?e. A peine saint Michel a-t-il pris possession de son sol, que la France se fait reconna?tre, ? son allure et ? ses coups, comme la ma?tresse du monde.

Mais c'est alors aussi que tous les chemins se couvrent des foules qui viennent visiter, en son sanctuaire a?rien, le protecteur de notre bien-aim? pays. C'est l? qu'empereurs, rois, princes, guerriers innombrables viendront demander ? saint Michel, avec le secret de la victoire, le g?nie qui doit pr?sider aux batailles. Childebert et Charlemagne ouvrent la route du c?l?bre sanctuaire; ce dernier, plein de gratitude pour la protection de l'Archange, reconna?t saint Michel comme le protecteur de la France. Cent ans apr?s, les farouches Normands, nos p?res, s'abattent comme l'ouragan sur tous nos rivages. Tremblantes ? l'approche de ces intraitables enfants du Nord, les paisibles populations d'alentour se r?fugient ? l'ombre des remparts de saint Michel. Rollon, que la religion adoucit, vient s'agenouiller sur ces dalles, embellit la basilique et met au service du prince ?th?r? sa formidable ?p?e. Guillaume le Conqu?rant revendique le tr?ne d'Angleterre; et il emporte, dans les plis de son drapeau, avec l'image de l'Archange, le s?r pr?sage de cette victoire d'Hastings, qui devait placer au front du duc de Normandie le diad?me d'Alfred et de saint Edouard.

Souffrez qu'? ce souvenir je m'arr?te un instant pour m'incliner, ? travers les si?cles, devant ces h?ros immortels, et pour saluer en m?me temps les h?ritiers de leur nom et de leur imp?rissable renomm?e, glorieux patrimoine transmis ? leur post?rit?! Gr?ce ? l'invincible r?sistance des cent dix-neuf, les assaillants d?sertent enfin les remparts et fuient, la honte au front, comme les flots de l'Oc?an qui, apr?s avoir battu vainement cet indestructible rocher, se retirent, en leur reflux, dans leurs myst?rieuses et lointaines profondeurs.

O grand Archange, la victoire ?tait ? vous; elle ?tait ? la France; et pas un instant le vieux drapeau gaulois n'avait cess? de flotter au-dessus de ces pics de granit, disant au reste de nos provinces: <>

Et maintenant, avons-nous raison de dire que saint Michel est le bouclier de la France? Vous l'avez vu, jamais il n'a manqu? ? l'appel des Fran?ais. Toujours sur notre montagne normande, saint Michel a eu le dernier mot et lanc? le dernier trait; et si ces tours cr?nel?es, si ces antiques remparts savaient parler comme ils ont su r?sister, quelles sc?nes ?tonnantes ils feraient passer sous nos yeux!

Vous connaissez la triple mission dont le Tr?s-Haut a investi l'Archange fid?le. Vous avez vu les services que saint Michel a rendus ? la cause de Dieu, de l'?glise et de la France. En retour, que ferons-nous pour lui et quel culte lui rendrons-nous? Ce culte, trois mots le r?sument: la fid?lit?, la confiance et l'amour.

Allons plus loin; ? cette fid?lit? qui continue dans le monde la mission du prince des arm?es c?lestes, joignons la confiance qui nous obtiendra le secours dont nous avons besoin pour accomplir avec fruit cette mission.

Saint Michel a aim? Dieu d'abord. Ravi par les perfections infinies, il ne voit rien au-dessus d'elles. A son exemple, nous dirons tous: <> Satan est l'ennemi de J?sus-Christ; Michel est l'h?ro?que ami du Sauveur. A son exemple, vous direz ? J?sus-Christ: <> Satan est l'adversaire de l'?glise et de son chef. Michel est leur immortel protecteur. A son exemple, nous dirons d'une seule voix: <>

Saint Michel est le patron de la France. Nous voulons ?tre de ceux qui, comme lui, ne s?parent jamais l'amour de l'?glise de l'amour de la patrie; car si nous sommes catholiques, nous sommes aussi Fran?ais, et c'est pourquoi nous affirmons notre amour en demandant ? Dieu pour cette France si ch?re ? nos ?mes la paix au dedans et au dehors, la fid?lit? au Dieu qui la rendit jadis si grande et si prosp?re, le respect de l'autorit?, l'union entre ses fils, l'amour du sacrifice, toutes les vertus en un mot qui font les grandes choses et les grandes nations.

LE MONT-SAINT-MICHEL DANS LES DESSEINS DE LA PROVIDENCE.

Saint Michel est le champion de la gloire de Dieu, le protecteur de l'?glise et le d?fenseur de la France; il est le vainqueur de Lucifer et nous lui devons un culte de fid?lit?, de confiance et d'amour; mais en quel lieu pouvait-il recevoir plus justement les honneurs du triomphe que sur ce roc immortalis? par tant de luttes et de succ?s? C'est l? que l'Archange a r?alis? la parole de saint Jean: <> C'est l? que depuis tant?t douze si?cles, l'Archange brandit son glaive du haut de la forteresse qu'il s'est lui-m?me choisie, et que toujours il a triomph? des ennemis les plus formidables.

Vous le connaissez ce roc fameux o? le travail de l'homme a compl?t? celui de la nature; vous avez admir? cette montagne qui se dresse superbe et s?v?re sur les confins de la Normandie et de la Bretagne, ayant ? sa base la cit?, au centre le monast?re, au sommet la grandiose basilique, cette montagne debout, comme on l'a dit, au milieu des gr?ves, avec ses pieds baign?s par les flots, son sommet perdu dans les nuages, vrai g?ant de granit entre deux immensit?s. S'il tient ? la terre par sa base, il plane, pour ainsi dire, dans les hautes r?gions de l'atmosph?re, et domine le plus vaste horizon, comme pour r?veiller, pour attirer les foules qui dorment du sommeil de la terre et s'endurcissent dans le culte des vanit?s humaines. Merveille incomparable de l'art chr?tien, oeuvre des si?cles et de la foi, qui commande l'admiration, contraint au respect, saisit l'?me, la transporte et fait revivre de si longs souvenirs! C'est bien le tr?ne terrestre de l'Archange! C'est aussi comme un phare resplendissant qui a projet? au loin son ?clat et contribu? pour une large part ? dissiper les t?n?bres de l'ignorance.

D?s les premiers si?cles de notre ?re, le Mont-Saint-Michel, alors appel? le mont Tombe, servait d'asile et de sanctuaire ? la science. R?fugi?s dans la for?t qui couvrait ? cette ?poque les rivages que la mer a conquis avec le temps, de laborieux ermites se livraient ? l'?tude des lettres divines et profanes. Au commencement du huiti?me si?cle, l'ermitage fut remplac? par la coll?giale de saint Aubert. Dans les ?troites cellules construites sur le flanc de la montagne, douze chanoines consacraient de longues heures aux travaux intellectuels. D'apr?s la constitution que leur avait donn?e l'illustre ?v?que, ils devaient partager leur temps entre la r?citation des diff?rents offices, l'?tude de l'?criture sainte, de la litt?rature et la transcription des manuscrits. Plusieurs de ces manuscrits primitifs ?chapp?s soit ? l'incendie, soit au pillage, faisaient autrefois l'orgueil et la richesse de la vieille abbaye. C'est peut-?tre ? l'un de ces chanoines que nous devons l'histoire de l'apparition du glorieux Archange ? saint Aubert. C'est en particulier au chanoine Pierre, dont Mabillon fait un s?rieux ?loge, que nous devons la publication, si pr?cieuse pour les annales monastiques, de la vie de saint Beno?t et de ses premiers disciples.

Interrompues par la guerre de Cent-Ans et par les guerres de religion, les ?tudes au dix-septi?me si?cle brillent d'un nouvel ?clat au Mont-Saint-Michel, sous les b?n?dictins de la congr?gation de saint Maur. C'est alors qu'apparaissent Dom Huynes, qui nous a l?gu? l'histoire g?n?rale de l'abbaye; Thomas le Roy et Dom Louis de Camps, dont les oeuvres ont m?rit? de passer ? la post?rit?.

Que dire maintenant de l'influence exerc?e dans le monde par ces illustres ?l?ves de l'Archange? La France a senti cette influence: plusieurs d'entre eux sont les ?mules de Lanfranc et de saint Anselme, avec lesquels ils entretiennent les pures et nobles relations de l'esprit et du coeur. L'Angleterre l'a sentie: elle les a convi?s dans son sein pour en faire les ma?tres de l'enseignement. L'Italie elle-m?me l'a sentie: les papes appellent ? leur service ces humbles mais savants religieux. De toutes parts on accourt, on se presse autour de leurs chaires si justement renomm?es. Au quinzi?me si?cle, on institua dans l'Ath?nes de la Normandie, dans cette ville de Caen, toujours amie des lettres, des sciences et des arts, une succursale qui porta le nom significatif d'?cole du Mont.

Ce n'?tait pas assez pour saint Michel que cette victoire, si pr?cieuse qu'elle f?t. Protecteur ? jamais puissant, il n'est pas venu chercher un asile sur notre territoire pour nous apporter seulement la lumi?re du

ciel; il venait encore et surtout pour nous d?fendre contre nos ennemis.

Quelques ann?es plus tard, quand les farouches enfants du Nord quittent leurs r?gions sombres et glac?es pour s'abattre comme l'ouragan sur les c?tes de la Neustrie, c'est sous les ailes de l'Archange, c'est au Mont-Saint-Michel que se r?fugient, pour ?chapper ? la temp?te, les habitants d'Avranches et d'alentour. Alors que les terribles envahisseurs prom?nent sur leur passage la d?vastation et la ruine, alors que les villes sont saccag?es, les ?glises incendi?es, les pr?tres ?gorg?s, alors que c'est partout le fer, le sang et la mort, le mont de l'Archange est respect?. Que dis-je? Rollon le v?n?re et le comble de ses largesses. Quand Guillaume le Conqu?rant immortalise nos armes et son nom dans une bataille ? jamais fameuse, l'image de saint Michel flotte sur son drapeau, que porte, avec une fiert? l?gitime, le comte de Mortain. Quand le jeune fils du conqu?rant, Henri Beauclerc, est poursuivi par la haine de ses fr?res furieux et traqu? comme une b?te fauve, c'est sur la montagne de saint Michel qu'il va chercher et qu'il trouve un asile assur?.

Toutefois ce n'?tait pas seulement sur sa propre montagne que saint Michel voulait d?fendre la France. A cette heure m?me o? l'on croit tout perdu, l'Archange appara?t ? Jeanne d'Arc et lui r?v?le sa sublime mission: <> L'histoire, qui nous raconte les succ?s de l'h?ro?ne, nous raconte ?galement avec quelle effusion de coeur elle remerciait messire saint Michel de l'avoir prot?g?e au milieu des combats.

La c?l?bre montagne devait subir de nouvelles et terribles attaques. En ces jours lamentables o? les disciples de Calvin tent?rent d'asservir notre catholique Normandie, ils comprirent bient?t que la prise du Mont devait leur livrer la contr?e tout enti?re. Mais la cit? de l'Archange demeurera le boulevard de la foi, comme elle a ?t? le boulevard de la patrie. Si saint Michel a d?ploy? la vigueur de son bras pour an?antir les ennemis de la France, pourrait-il rester insensible en face des ennemis de l'?glise? En vain les calvinistes, sentant bien que la force est impuissante, ont recours ? la ruse et se d?guisent en p?lerins. En vain s'?crient-ils dans l'orgueil d'un triomphe pr?matur?: <> La Morici?re accourt avec une poign?e d'hommes et culbute l'ennemi. En vain Montgommery surprend la petite cit?; les moines d?fendent la citadelle ? outrance. Que l'attaque se prolonge pendant des ann?es; que les combats se succ?dent sans tr?ve, sans rel?che! A chaque crise, le prince ?th?r? qui toujours veille, suscitera des d?fenseurs: les de Vicques, les La Chesnaye, les Qu?roland. Gr?ce ? sa protection toute puissante leur bras vainqueur repoussera tous les assauts. Vierge du joug de l'?tranger, la montagne sera vierge du joug de l'h?r?sie: elle demeurera catholique et fran?aise toujours.

Nous l'avons vu, le Mont-Saint-Michel a son abbaye o? veille et s'initie ? toutes les connaissances le savant b?n?dictin; il poss?de ses remparts o? ?clate la vaillance de l'intr?pide chevalier; mais par dessus tout il est fier de sa basilique o? des milliers de p?lerins sont venus s'agenouiller en priant, en esp?rant et surtout en aimant. C'est l?, disons-le tout haut, la vraie grandeur, la gloire la plus pr?cieuse du Mont-Saint-Michel: il est avant tout le sanctuaire visit? pendant des si?cles par la foi des chr?tiens, le sanctuaire o? nous devons c?l?brer le triomphe de la religion et de la pi?t?. Si l'Archange descendait pour combattre ? notre t?te, il aimait surtout ? monter au ciel pour y porter nos voeux et nos adorations. Et quel monument au monde fut jamais plus propice ? la pri?re? N'est-ce pas ici, comme l'a si bien dit un illustre enfant de saint Beno?t, que l'homme peut monter ? Dieu sans ?tre arr?t? dans les ?lans de son ?me, et que Dieu peut descendre ? nous sans rien perdre de sa majest??

Aux repr?sentants du pouvoir et de la grandeur viennent se joindre les foules ardentes et confiantes. A partir de la seconde moiti? du treizi?me si?cle surtout, l'entra?nement est g?n?ral, irr?sistible. <

Frapp?s par ces merveilles, ?mus par ces religieuses manifestations, les papes lancent l'anath?me contre quiconque ferait tort aux p?lerins du Mont-Saint-Michel ou les entraverait dans leur saint projet. L'auguste sanctuaire devient pour eux un lieu de pr?dilection qu'ils veulent enrichir des privil?ges les plus pr?cieux. Plus de trente souverains pontifes y attachent des indulgences; et, pour affirmer leur propre d?votion, ils envoient des reliques nombreuses au tr?sor de la basilique.

Qu'il ?tait beau le Mont-Saint-Michel, dans ces si?cles de foi! De quelle profonde v?n?ration, de quels pieux hommages l'entouraient alors les grands et les petits, les souverains et les peuples! Avec quelle vivacit? de confiance le voyageur attard? sur les gr?ves, le matelot battu par la temp?te, l'infortun? dans la d?tresse r?p?taient ce populaire et tant aim? refrain: <> C'?taient alors pour lui des jours glorieux, des jours d'une incomparable splendeur.

Un de nos grands orateurs disait, il y a quelque temps, dans une assembl?e de catholiques: <>

? A. GERMAIN, ?v?que de Coutances et Avranches.

SAINT MICHEL

ET LE MONT-SAINT-MICHEL

DANS L'HISTOIRE ET LA LITT?RATURE

INTRODUCTION

L'histoire du Mont-Saint-Michel n'est pas une page isol?e de nos chroniques locales; elle se rattache par des liens ?troits aux plus graves ?v?nements qui se sont accomplis en France depuis le huiti?me si?cle. Cette montagne de granit, avec sa ceinture de remparts et sa couronne d'?difices ? l'aspect fier et majestueux, ravit l'admiration du visiteur, excite l'enthousiasme du po?te et anime le pinceau de l'artiste; mais elle doit avant tout fixer l'attention de l'historien. Tour ? tour, on l'appela le Palais des anges, la Cit? des livres, le Boulevard de la France et la Merveille de l'Occident. A quelle cause faut-il attribuer l'origine de ces titres glorieux? Le Mont-Saint-Michel est l'oeuvre de la civilisation chr?tienne, et c'est sous l'influence de la religion qu'il a conquis sa renomm?e.

Si le soleil de l'?vangile ne s'?tait jamais lev? sur les c?tes de la Neustrie, quel spectacle nous offrirait aujourd'hui la cit? de l'Archange? Que verrions-nous ? la place de ces constructions hardies et de ces chefs-d'oeuvre immortels? Peut-?tre le Mont-Saint-Michel serait, comme autrefois, un rocher sauvage et st?rile. Mais, d?s l'aurore du christianisme, tout changea d'aspect. Cette montagne qui avait ses destin?es dans les vues de la Providence, devint le centre d'un mouvement religieux, dont l'influence salutaire se fit bient?t sentir en France et chez les nations voisines. C'est l? que saint Michel, le protecteur des enfants de Dieu, choisit son sanctuaire de pr?dilection; et de l?, comme d'une forteresse inexpugnable, il combattit pour les droits de la justice et de la v?rit?. Le monde s'?branla. De toutes parts on accourut pour implorer l'assistance de l'Archange, et pendant plus de dix si?cles le Mont-Saint-Michel servit de rendez-vous aux peuples chr?tiens. Que de prodiges signal?s, que de souvenirs touchants, que de pieuses et na?ves l?gendes se rattachent ? cette partie de notre histoire! On y retrouve la foi de nos p?res, avec son ?lan irr?sistible et sa noble simplicit?.

La science, compagne assidue de la r?v?lation, trouva un asile assur? sous l'?gide de l'Archange. Les gardiens du sanctuaire savaient unir le savoir ? la pi?t?. Ils cherchaient dans les sciences divines et humaines les jouissances que la v?rit? procure aux esprits droits et affranchis de la servitude des sens. Aussi voyons-nous au Mont-Saint-Michel une phalange de religieux occup?s sans cesse ? l'?tude des lettres, de la philosophie, des math?matiques, de l'astronomie, de la musique, de la jurisprudence, et des autres branches des connaissances profanes. Pendant que la France ?tait en proie aux horreurs de la guerre, et que l'ignorance gagnait toutes les classes de la soci?t?, les enfants de saint Beno?t recueillaient les d?bris de l'antiquit?, transcrivaient les oeuvres d'Aristote, de Cic?ron, de saint Augustin, de Bo?ce, et ouvraient des ?coles o? de nombreux disciples se formaient ? la culture de l'esprit et du coeur. Parmi ces savants, on compte de pieux interpr?tes de la Sainte ?criture, des po?tes et des historiens dont les noms et les ?crits sont parvenus jusqu'? nous. Au premier rang brillent les Robert de Torigni et les Guillaume de Saint-Pair.

Le culte de saint Michel conducteur des ?mes fut encore plus populaire surtout depuis le dixi?me si?cle. On pensait que l'Ange fid?le, apr?s avoir pr?cipit? des cieux Satan r?volt?, le poursuivait sans cesse dans sa lutte acharn?e contre les hommes. Il veillait sur l'innocence, ramenait ? la pratique du bien les p?cheurs ?gar?s, conduisait les ?mes au tribunal de Dieu, et pesait avec ?quit? les bonnes et mauvaises actions. A ce titre, saint Michel fut honor? particuli?rement dans les monast?res. Les religieux, faisant profession d'un genre de vie plus pure et plus parfaite ?taient d?s lors les sentinelles avanc?es de la chr?tient?, et comme tels, ils se trouvaient plus expos?s que personne aux attaques, aux pi?ges et aux surprises de l'ennemi; de plus, ils se distinguaient par leur pi?t? envers les morts: pi?t? jadis si florissante dans la plupart de nos abbayes et surtout au Mont-Saint-Michel. Les moines avaient aussi ? se pr?munir contre les invasions des barbares et les empi?tements de leurs voisins. Il n'est donc pas ?tonnant qu'ils aient song? ? faire alliance avec le belliqueux Archange, pour le disposer ? d?fendre leurs droits.

Saint Michel n'est pas seulement l'irr?conciliable ennemi de Satan r?volt?; il en est aussi l'antith?se vivante. Ange de lumi?re avant sa chute, Lucifer est devenu le p?re du mensonge et de l'erreur; il est, selon l'expression de Tertullien, transform? en b?te ennemie de la clart? du jour; c'est pourquoi son antagoniste a ?t? regard? comme le protecteur des lettres, le porte-flambeau de la v?rit?, le propagateur des saines doctrines. En cette qualit? il fut choisi autrefois pour le patron des ?tudiants. A l'exemple des religieux du Mont, qui se disaient <> la plupart de ceux qui fr?quentaient les asiles ouverts ? la jeunesse chr?tienne, les ?l?ves des universit?s, avec les ma?tres qui enseignaient dans les chaires les plus renomm?es, se rang?rent sous l'?tendard de l'archange saint Michel.

Ainsi, dans le palais des rois et dans le clo?tre des moines, au milieu des camps et ? l'ombre des autels, dans les familles illustres et parmi les modestes ?coliers, sur tous les points de notre territoire, et en particulier dans les localit?s voisines du Mont, le culte de l'Archange jouit pendant plusieurs si?cles d'une grande c?l?brit?. Le concert de louanges en l'honneur du g?nie tut?laire de la France ?tait universel.

Dans les temps modernes, la d?votion ? saint Michel a perdu son ?clat. Faut-il s'en ?tonner? L'impi?t? s'efforce d'obscurcir le dogme des anges, et sp?cialement des d?mons; aid?e dans son oeuvre de destruction par le protestantisme qui a jet? le ridicule sur les plus saintes croyances, elle a r?ussi ? pervertir l'esprit humain. Les populations n'aspirent qu'au bien-?tre mat?riel et ne voient plus que la vie pr?sente. Quelle place un esprit tout c?leste, uniquement occup? de la gloire de Dieu et des int?r?ts de l'autre vie, pouvait-il conserver au milieu d'une soci?t? sceptique et railleuse? A une ?poque la catastrophe a ?t? compl?te, et aux yeux des hommes elle a paru sans rem?de. Le sanctuaire de l'Archange lui-m?me a subi le sort de nos autres ?difices religieux: les moines ont ?t? dispers?s; les louanges de Dieu n'ont plus retenti sous les vo?tes de l'ancienne basilique; ? la pri?re ont succ?d? les impr?cations et les blasph?mes; l'abbaye est devenue un sombre cachot o? l'on n'entendait plus que le bruit des cha?nes et le cri des victimes.

Saint Michel, vainqueur du paganisme et de l'h?r?sie, devait triompher. D?j? l'?glise a ?t? rendue au culte, les cachots sont ferm?s, l'?re des grands p?lerinages est ouverte et la statue de notre c?leste patron a re?u les honneurs du couronnement solennel. Gr?ce ? l'initiative de l'?piscopat fran?ais, nous voyons revivre la pi?t?, la confiance et l'?lan des premiers ?ges. L'heure est donc opportune pour faire conna?tre la belle et sublime physionomie de l'Archange, et raconter les gloires de cette montagne si justement appel?e la Merveille de l'Occident.

L'histoire de saint Michel et du Mont-Saint-Michel, dans ses grandes lignes, suit toutes les phases par lesquelles la France est pass?e, depuis son origine jusqu'? nos jours; elle peut se diviser en quatre p?riodes g?n?rales: la premi?re s'?tend de la fondation par saint Aubert ? l'?poque o? la f?odalit?, apr?s l'?dit de Quiersy-sur-Oise et l'av?nement de la race cap?tienne, fut d?finitivement constitu?e; la deuxi?me embrasse les ann?es o? le r?gime f?odal triompha et ne fut pas contrebalanc? par l'?tablissement d?finitif des communes; la troisi?me comprend la dur?e de cette lutte, unique peut-?tre dans les annales des peuples, de cette guerre d'extermination que notre pays soutint pendant plus d'un si?cle contre l'Angleterre; la quatri?me date des tentatives que firent les protestants pour entra?ner la France dans l'h?r?sie, et se termine au glorieux couronnement de saint Michel.

CHAPITRE PREMIER

SAINT MICHEL ET LE MONT-SAINT-MICHEL SOUS LES ROIS DES DEUX PREMI?RES RACES

SAINT MICHEL DANS LES TEMPS PRIMITIFS.

En remontant le cours des ?ges, on trouve d?s la plus haute antiquit? les traces certaines de la croyance aux esprits, bons ou mauvais, inf?rieurs ? Dieu, mais sup?rieurs ? l'homme. Les juifs, h?ritiers des saines traditions, et les autres peuples, qui avaient emport?, en se dispersant, quelques lambeaux plus ou moins d?figur?s des r?v?lations primitives, ont attribu? ? ces m?mes esprits une large part dans la lutte incessante du bien contre le mal; comme nous, ils ont pens? et ils pensent encore que les anges veillent sur les hommes, que les d?mons s'acharnent ? leur perte; bien plus, d'apr?s une d?couverte r?cente faite en Assyrie, le grand combat livr? au ciel d?s l'origine du monde n'?tait pas ignor? des anciens. De tout temps on a plac? ? la t?te des c?lestes phalanges un chef invincible, personnification vivante de la v?rit?, de la justice et de la fid?lit?, ennemi ? jamais irr?conciliable du prince des t?n?bres et des mauvais g?nies rang?s sous son empire, ami des ?mes et d?fenseur des droits de Dieu.

Ces croyances furent alt?r?es et m?lang?es de grossi?res erreurs en ?gypte, en Chald?e, chez les Assyriens et les autres nations infid?les; mais les juifs, instruits par les proph?tes, ne s'?cart?rent pas sur ce point des traditions de leurs anc?tres; au t?moignage de Daniel, ils admirent l'existence d'un ange, dont le nom signifiait dans leur langue la majest? incomparable de Dieu, et d?signait une mission sp?ciale: Michel, c'est-?-dire, qui est semblable ? Dieu. Ils le reconnurent pour leur g?nie tut?laire, leur chef dans les combats, leur guide et leur conseiller; ils lui donn?rent le titre de <> de <> et, si l'on s'en tient aux r?gles de l'ex?g?se usit?e chez les H?breux, il est permis de croire que la Synagogue lui attribua la plupart des faits merveilleux consign?s dans les livres saints, et accomplis par le minist?re des anges. D'apr?s ces interpr?tations, saint Michel fut regard? comme l'interm?diaire des r?v?lations du Sina?; c'est lui qui mit ? mort les nouveau-n?s des ?gyptiens, pour h?ter la fin de la premi?re captivit? et l'acheminement vers la terre promise; c'est lui qui sauva le tr?sor du temple de la cupidit? des S?leucides et infligea un terrible ch?timent ? l'impie H?liodore . Il faisait sans doute partie de l'ambassade qu'Abraham re?ut sous le ch?ne de Mambr?; Mo?se l'entendit lui adresser la parole dans le buisson ardent; ?z?chiel le vit peut-?tre sous le voile ?nigmatique du t?traphorme. Il fut, en un mot, le principal messager du Seigneur dans ses rapports avec le peuple ?lu; il prit part ? tous les actes destin?s ? exalter ou ? humilier, ? d?fendre ou ? punir la famille d'adoption, <> selon l'expression de Tertullien.

Les juifs ne pouvaient ignorer le combat dont le r?cit a ?t? grav? sur les monuments chald?ens, et que saint Jean nous a d?peint avec des couleurs si vives dans son Apocalypse; ils savaient que saint Michel avait re?u la mission de combattre Satan, de s'opposer ? ses projets et de d?fendre les ?mes contre ses s?ductions. Une tradition, c?l?bre autrefois en Isra?l, vient jeter sur ce point une lumi?re ?clatante. On racontait qu'une altercation s'?tait engag?e entre les deux antagonistes, ? la mort de Mo?se; saint Michel fit enlever par un ange le corps du grand l?gislateur et alla l'ensevelir dans une vall?e du pays de Moab, afin de le soustraire au culte des H?breux qui n'auraient pas manqu? de lui rendre les honneurs divins. Le d?mon, souhaitant avoir les restes de Mo?se en sa puissance pour faire tomber le peuple de Dieu dans l'idol?trie, voulut mettre obstacle au dessein de l'Archange; mais

il fut contraint de prendre la fuite, d?s qu'il entendit son adversaire prononcer, comme jadis au ciel, le nom du Seigneur tout-puissant. Saint Jude, dans son ?p?tre, fait allusion ? ce fait, quand il dit: <> Ici, saint Michel nous appara?t d?j? comme vainqueur de l'idol?trie .

Le culte de l'Archange se r?pandait, ? mesure que la foi ?tendait ses conqu?tes, et autant que la pers?cution le permettait. Tous aimaient ? raconter, au milieu des ?preuves de ces premiers si?cles, les apparitions du belliqueux d?fenseur de l'?glise et les faits merveilleux qu'on lui attribuait, surtout en Asie. Il ?tait, croyait-on, du nombre des esprits bienheureux qui s'approch?rent du Sauveur et le servirent apr?s la tentation du d?sert; il fallait voir en lui l'ange de l'agonie, de la r?surrection et de l'ascension. D'apr?s une pieuse l?gende rapport?e par Gr?goire de Tours, le Sauveur lui avait confi? l'?me de sa sainte M?re, depuis l'heure de sa mort jusqu'au moment de son assomption. Il ?tait apparu dans les environs de Colosses, l'une des premi?res villes qui embrass?rent le christianisme; dans l'?le de Patmos, o? saint Jean fut rel?gu?, et jusqu'au sein de Rome pa?enne. Au rapport de Sim?on M?taphraste, l'apparition de Colosses resta longtemps c?l?bre chez les Grecs, ? cause des prodiges dont elle fut accompagn?e. Pour en perp?tuer la m?moire, on b?tit une chapelle sous le vocable de l'Archange, et une f?te fut institu?e ? la date du sixi?me jour de septembre.

accepta l'offre de Constantin et veilla sur les destin?es de l'Empire d'Orient, tant que celui-ci ne trahit pas la cause de Dieu et de la v?rit? . Longtemps le culte du glorieux Archange fleurit sur les rives du Bosphore. Justinien, d?vot serviteur de saint Michel, au dire de Procope, fit restaurer les deux ?glises ?lev?es par la pi?t? de Constantin le Grand; d'autres sanctuaires furent b?tis ? Byzance et aux environs; dans tout l'empire on rivalisait de z?le, et un grand nombre de familles tenaient ? honneur de porter le nom de Michel.

En Italie, o? saint Pierre avait fix? le si?ge de la papaut?, l'ange protecteur de l'?glise manifesta souvent sa puissance par des signes ?clatants, et parut choisi de Dieu pour d?fendre ou ch?tier le peuple romain. Son culte, d?j? populaire dans cette partie de l'Europe, y devint universel apr?s la c?l?bre apparition du monte Gargano, ? l'extr?mit? m?ridionale de l'Italie, et celle du ch?teau Saint-Ange, dans la ville de Rome. La premi?re, qui se rapporte probablement ? l'ann?e 492 ou 493, est racont?e en ces termes par les anciens chroniqueurs. On ?tait au temps du saint pontife G?lase. Dans une ville de la Pouille, jadis nomm?e Siponto, aujourd'hui Manfredonia, vivait un homme appel? Gargano, personnage fort c?l?bre, poss?dant de riches troupeaux dans les p?turages voisins de la montagne qui depuis lors a toujours port? son nom. Un jour il arriva qu'un taureau s'?loigna des autres et s'enfuit sur le versant de la colline, du c?t? de l'Adriatique. Le ma?tre se mit ? sa poursuite avec des serviteurs, et l'ayant trouv? ? l'entr?e d'une caverne, il banda son arc avec col?re et d?cocha une fl?che, qui rejaillit sur lui et le blessa. Ses compagnons, ?tonn?s d'un accident si impr?vu et voyant l? quelque chose de myst?rieux, en r?f?r?rent ? l'?v?que de Siponto, qui ordonna un je?ne de trois jours et des pri?res publiques, afin de conna?tre la volont? du ciel. Le troisi?me jour, il eut une vision o? saint Michel lui d?clara que la grotte du monte Gargano ?tait sous sa protection, et qu'il voulait y avoir un sanctuaire consacr? sous son nom en l'honneur des saints anges. Aussit?t le pieux ?v?que, suivi de son clerg? et de son peuple, se rendit ? l'endroit d?sign?, y c?l?bra les saints myst?res, et distribua le pain de vie ? un grand nombre de fid?les. Plus tard, on y b?tit un temple, o? la puissance divine se manifesta par des prodiges signal?s, attestant ainsi la r?alit? de cette fameuse apparition, qui donna naissance ? l'un des plus grands p?lerinages du monde chr?tien, et dont la m?moire est encore c?l?br?e dans l'?glise universelle ? la date du 8 mai.

La deuxi?me apparition eut lieu, d'apr?s les conjectures les plus vraisemblables, la premi?re ann?e du pontificat de saint Gr?goire I??, en 590. Rome ?tait en proie aux plus affreuses calamit?s. Le Tibre avait franchi ses limites et renvers? dans sa course une partie des ?difices; la peste s?vissait et faisait chaque jour de nombreuses victimes; les farouches Lombards ravageaient l'Italie et m?ditaient la ruine de la ville ?ternelle. Dans cette extr?mit?, le souverain pontife, les pr?tres et les fid?les tourn?rent leurs regards vers Dieu pour implorer son assistance, et pendant trois jours on fit une procession solennelle ? laquelle le S?nat lui-m?me voulut assister. Le ciel se laissa fl?chir. Au moment o? les pri?res s'achevaient, saint Gr?goire vit sur le m?le d'Adrien un ange remettant son ?p?e dans le fourreau, pour signifier que la col?re divine ?tait apais?e et que le fl?au allait cesser . Cet ange, disent les auteurs les plus accr?dit?s, ?tait saint Michel, le protecteur de l'?glise catholique. Dans le si?cle suivant, un temple fut ?lev? en l'honneur du prince de la milice c?leste au lieu m?me de l'apparition, sur le m?le d'Adrien, qui est devenu le ch?teau Saint-Ange et la citadelle de la papaut?. Ainsi,

Constantin, ? peine vainqueur du paganisme, proclame la puissance de saint Michel; Gr?goire le Grand, qui signa un trait? honorable avec les Lombards et jeta parmi eux les premi?res semences du catholicisme; Gr?goire le Grand, qui envoya des missionnaires conqu?rir les ?les Britanniques, reconnut que Rome devait son salut ? la protection de l'Archange. A Byzance, la principale ?glise d?di?e ? saint Michel rempla?a un temple pa?en; le m?le d'Adrien servit de base au ch?teau Saint-Ange.

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