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Munafa ebook

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Read Ebook: Mousseline: roman by Sandre Thierry

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Ebook has 1483 lines and 34645 words, and 30 pages

--Tu sais bien qu'? cette heure-ci nous ne sommes pas chez nous! reprit le p?re Tr?buc. Tu sais bien que tout le monde rentre ? cette heure-ci!

--Le ferai plus, affirma Mousseline d'un air penaud et pu?ril.

Et elle regardait vers la porte, comme si elle craignait d'y voir appara?tre un importun.

Quelqu'un passa, en effet, qui souleva son feutre, un jeune homme, le petit locataire du quatri?me ? gauche, monsieur Jaulet, musicien, sa bo?te ? violon sous le bras.

Mousseline cessa de regarder vers la porte.

--Monsieur Daix est malade, commen?a la m?re Tr?buc.

--Ah! fit Mousseline, sans plus.

Puis:

--Si j'avais su qu'on mangerait des hu?tres, j'aurais rapport? un citron. J'en ai vu, plein une voiture, ? quatre sous, devant la mairie.

--Je les aime mieux nature, dit le p?re Tr?buc.

--Moi non, dit Mousseline.

Mousseline reprenait son travail ? deux heures. Mais, l'apr?s-midi, le p?re Tr?buc n'assistait pas ? son d?part. Il y avait trop de gens ? la station des autobus, et le p?re Tr?buc estimait qu'il n'est sans doute pas tr?s convenable que m?me un p?re embrasse sa fille devant tant de curieux, comme si elle s'embarquait pour la Chine.

--Le monde est si b?te! pensait-il.

Et il ajoutait quelquefois:

--Et si m?chant!

Le matin au contraire, apr?s ce long arr?t et cette absence que la nuit marque entre un jour et le suivant, il est naturel qu'une fille embrasse son p?re avant de se rendre ? son bureau. Le p?re n'a-t-il pas besoin de constater que sa fille est bien telle au r?veil qu'elle ?tait en se couchant? Et davantage peut-?tre n'a-t-il pas besoin d'admirer que cette fra?che et tendre jeune fille qui s'en va, soit sa fille? Le matin, les gens et le monde pouvaient faire toutes les r?flexions qu'il leur plairait: le contentement du p?re Tr?buc ?clipsait son habituel souci des convenances.

Au reste, l'apr?s-midi, le service du p?re Tr?buc exigeait une attention plus grande. Le square ?tait envahi par les enfants, et un bon gardien doit s'imposer une vigilance s?rieuse.

Oh! les enfants ne sont pas si terribles que l'imaginent ceux qui n'en ont pas. Quand ils arrachent une fleur d'un massif ou quand ils pi?tinent un gazon, ils ne le font que tacitement autoris?s, sinon pouss?s, par leurs parents. Dans un square, un gardien doit, plut?t que les gosses, surveiller m?res, gouvernantes et nourrices, et bref les femmes, mais plus encore les hommes. Il n'est gu?re de jardin public, en effet, o? l'on ne trouve sur un banc un couple d'amoureux, et il n'est gu?re d'amoureux qui n'oublient sur leur banc qu'ils ne sont pas seuls dans un paradis d?sert. C'est au gardien de les rappeler ? la pudeur, ? cause des enfants.

--Faut ouvrir l'oeil, disait le p?re Tr?buc.

Et il ouvrait le sien avec d'autant plus de z?le qu'il savait, pour les avoir tromp?s lui-m?me, ? Brest par exemple, et ? Rochefort, comment les amoureux trompent les gardiens de square. Et puis sa Mousseline ? lui avait grandi dans ce square des Batignolles: ? la prot?ger, le p?re Tr?buc ?tait devenu le protecteur de tous les enfants. Les amoureux ne se risquaient pas deux fois dans son square. Ou, connaissant le gardien, ils s'?cartaient l'un de l'autre sur leur banc, d?s qu'ils apercevaient de loin le p?re Tr?buc qui marchait lentement vers eux, les mains derri?re le dos, la t?te droite, le k?pi bien plant?.

Ce jour-l? n?anmoins, le p?re Tr?buc ne se sentait pas enclin ? une rigueur excessive.

La m?re Tr?buc l'avait un peu assombri, avec les mauvaises nouvelles qu'elle rapportait de ce pauvre monsieur Daix, un si brave gar?on.

--Vois-tu qu'il meure? se disait-il. Adieu le mariage! Y aurait maldonne.

Il ne songeait pas que rien jusqu'alors n'avait ?t? plus probl?matique, m?me ? ses yeux, que ce mariage. Il n'y songeait plus, parce que, malgr? ses premiers doutes, il consid?rait que les plus fortes chances s'?loignaient. En se repr?sentant que monsieur Daix p?t mourir, il comprenait qu'un beau r?ve ?tait en p?ril.

Le p?re Tr?buc, dans les all?es de son square envahi par les enfants, regardait droit devant lui, au-del? de ce petit peuple dont il ?tait le protecteur, au-del? de ce printemps d?j? ti?de, vers l'avenir de sa pauvre Mousseline.

Un enfant qui courait faillit tomber sur lui. Le p?re Tr?buc tendit les bras. L'enfant leva la t?te, et, revenu de sa peur:

--Pardon, grand-p?re! dit-il.

Grand-p?re. Oui. Quelques gamins le nommaient grand-p?re. Il ne s'en f?chait jamais, il ne le remarquait peut-?tre pas. Pour la premi?re fois, il entendit qu'un enfant le nommait grand-p?re.

Mais l'enfant fuyait.

Le p?re Tr?buc, debout au milieu de l'all?e, les mains ? demi-tendues en avant, demeura interdit.

--Grand-p?re!

L'enfant avait disparu.

Le m?me jour, vers quatre heures, madame Loissel, avant de sortir, s'?tait arr?t?e devant la loge de la m?re Tr?buc.

Elle avait des nouvelles du malade. Il ?tait calme, il reposait. Mademoiselle Baudetrot, la sage-femme, qui savait soigner les hommes, ayant ?t? pendant quatre ans infirmi?re sur le front, esp?rait que la grippe serait b?nigne.

--Surtout, m'a-t-il dit, que Madame Tr?buc prenne la troisi?me ?dition.

--Je ne l'aurai pas avant six heures.

--Eh bien! ? six heures.

La m?re Tr?buc semblait contrite de ne pas pouvoir monter tout ? l'instant son journal ? ce pauvre monsieur Daix.

--Il pense ? tout! dit la m?re Tr?buc, pleine d'admiration.

--Preuve qu'il n'est pas trop gravement malade.

--?a, c'est vrai. Quand on a la fi?vre...

Elle s'interrompit. Une auto venait de stopper devant la maison, et une trompe lan?ait des appels.

La m?re Tr?buc n'eut pas besoin de se d?ranger.

--Le fianc? de Mademoiselle Coupaud, annon?a-t-elle, non sans un l?ger d?dain ? peine perceptible pour quelqu'un qui ne la conn?t pas.

Tous les jours, vers quatre heures, il appelait ainsi sa fianc?e, qui l'attendait.

--Jolie fa?on d'appeler! observa madame Loissel. Les jeunes gens d'aujourd'hui sont d'une insolence, en v?rit?!

--Que voulez-vous? dit la m?re Tr?buc. Les hommes sont comme sont les femmes. Mademoiselle Coupaud n'a qu'? ne pas lui r?pondre, il montera bien jusqu'au troisi?me pour la chercher, allez!

--Peut-?tre, Madame Tr?buc. Il s'en fatiguerait peut-?tre. S'il a choisi Mademoiselle Coupaud, elle a raison de ne pas le perdre; elle est intelligente, cette petite.

Les appels de la trompe continuaient.

--Vous pouvez ?tre tranquille que, pour pas le perdre, elle fera tout ce qu'il voudra, allez, Madame Loissel, et autre chose aussi, allez. Du moment qu'il est riche...

--Ah! l'argent! exclama sans aigreur madame Loissel.

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