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Munafa ebook

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Read Ebook: Sur la route de Palmyre by Henry Bordeaux Paule Bourget Paul Author Of Introduction Etc

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Ebook has 249 lines and 13844 words, and 5 pages

rment depuis des si?cles deux Arabes au nom charmant: Sukeinah et Fatimah. Les sarcophages, r?cemment d?couverts, sont tr?s beaux: l'un en bois sombre, fouill? et travaill? comme la trame d'une dentelle sur laquelle s'?vitent et se cherchent des arabesques folles, des pampres capricieux et des fleurs ?tranges; l'autre de marbre rose, d'un rose pass? et ancien, o? une inscription coufique jette l'ombre noire de son dessin ?l?gant.

Mais les heures tombent et il faut nous h?ter, si nous voulons donner ? Damas un dernier regard d'adieu. Nous allons vers la colline de Salay?, tent?s de nous arr?ter ? tous les tournants de ruelles, repris par le charme intense de cette vie aux portes du d?sert. Nous passons devant des maristans aux d?tails d'architecture curieux, des terrasses croulantes laissant deviner de beaux jardins ombreux, des mosqu?es endormies. Les rues sont si ?troites que les moucharabis se touchent. Nous montons toujours sur les pav?s in?gaux, et voici que tout ? coup la Gho?ta s'?tale ? nos pieds, engloutissant Damas dans ses vergers, ses ?pais bosquets et ses grands peupliers p?les. La lumi?re rayonne sur cette for?t d'arbres, de minarets et de coupoles, entourant au loin le neigeux Hermon d'un halo d'or, voilant l'Anti-Liban d?pouill? d'une parure de f?te. Soudain le cercle ensoleill? se r?tr?cit, l'oasis seule est caress?e de jour et le velours des feuilles se fait plus lourd et plus doux autour de la ville, grande azal?e rose pench?e sur les eaux murmurantes de la Barada. Les jardins entrent dans la nuit, Damas a concentr? sur elle la beaut? du jour qui meurt, elle semble vraiment, ainsi que le chantent les Arabes, <>. Une minute plus tard elle s'ab?me dans les t?n?bres, la mosqu?e des Ommiades flamboie encore un instant, ?levant, comme des torches, ses minarets incendi?s. Puis une fen?tre au coeur de la ville accroche un dernier rayon et ?tincelle comme une escarboucle... Imm?diatement, les collines prennent des tons ensanglant?s, le ciel refl?te Damas dans ses nuages roses et les sables du d?sert deviennent des pierres tr?s pr?cieuses. Sans transition, c'est la nuit, une nuit lumineuse et l?g?re. Il fait froid et nous partons, tandis que les premi?res ?toiles s'allument l?-bas, tr?s loin du c?t? de Palmyre, cette Palmyre que j'ai un peu oubli?e aujourd'hui dans nos courses vagabondes, et dont je retrouve l'envo?tement des syllabes chantantes.

En route pour Palmyre, 19 avril.

? six heures nous sommes pr?ts, et par les rues encore d?sertes nous gagnons la porte Saint-Thomas. Au sortir de la ville on dirait que nous traversons un grand parc, un immense parc, sans barri?res ni limites, et o? se perdent des maisons blanches, comme des fleurs claires en l'?paisseur des prairies encore hautes. La route longe la Barada, qui nous accompagne de sa chanson d?salt?rante; l'air est vif, presque froid, ne se croirait-on pas <>? Chez nous, cependant, il n'y a pas cette puret? dans l'atmosph?re, cette pr?cision des lignes, cet ?blouissement, et surtout il n'y a pas ce ciel! Les brumes du matin ne l'alt?rent point, son bleu est au contraire plus neuf, plus vivant. Les verts diff?rents des arbres, le tapis frissonnant des ma?s p?les, les taches velout?es des jeunes orges, le rideau ondulant des tamaris, tout tressaille d'aise dans la lumi?re. Ici les choses vivent avec joie, comme lorsque nous aimons avec tendresse.

Puis les jardins s'estompent, les bourgs s'essaiment. On devine un petit village ? droite, c'est Adra. Mais nous abandonnons bient?t les cultures et les vergers pour les montagnes pel?es et arides du Djebel Teniyet. Alors la lutte entre la vie et le d?sert se fait plus ?pre. Les arbres se pressent les uns contre les autres, pour opposer un rempart plus solide ? l'assaut des sables; les ruisseaux meurent, pomp?s par l'avidit? de la terre gourmande. Quelques champs montrent encore le brouillard verdoyant de leurs bl?s nouveaux. De loin en loin, on aper?oit des puits qui continuent l'oasis de Damas, tr?s loin dans le bled. Le paysage se st?rilise, se durcit, et pendant des kilom?tres nous roulons solitaires. Le chemin devient inqui?tant, avec des obstacles inattendus, des trous perfides, des tournants en ?pingles ? cheveux. Mais, est-ce l'effet d'une illusion, j'aper?ois de nouveau des arbres, des jardins, ombrageant des maisons. Je demande le nom de ce reposant village. C'est Dj?ro?d, me r?pond-on. H?las! ? deux pas de cette oasis nous avons la panne, la panne redout?e, et il faut descendre: nous gagnerons le village ? pied. Nous sommes imm?diatement rep?r?s et harcel?s par une l?gion d'enfants ? demi nus, qui ?mettent tous la pr?tention de nous servir de guides et, pour cela, luttent de la voix et du geste afin d'arriver aux premi?res places. Des femmes d?voil?es, mis?rables paysannes sans doute, et qui perdent beaucoup en nous offrant les charmes de leurs visages fl?tris, s'occupent activement ? p?trir des galettes de crottin de chameau qu'elles rangent ensuite, avec soin, au pied des murs. C'est, para?t-il, un combustible de premier ordre, d'ailleurs le seul.

Je d?tourne mes yeux de ce spectacle repoussant, et je d?couvre, ? l'?cart, deux femmes ?tendues, drap?es dans des ?toffes ? larges raies jaunes et noires, les tresses de cheveux cr?pus charg?es de perles bleues et de verroteries ?clatantes, sortant d'un grand mouchoir lavande pass?e; au moins celles-l? sont belles. Il y a un air de majest? sauvage r?pandu sur leurs visages dor?s, qui me change de l'expression abrutie des ramasseuses de crottin. En voil? une qui arrive, quelle d?marche! quelle allure! Elle a un port royal. Le corps se redresse, les hanches ondulent, peut-?tre est-elle un peu trop grande. Je ne peux m'emp?cher de dire ? haute voix: <>--<>, me demande vivement un des officiers qui nous accompagnent. Je pr?cise et alors je le vois atteint d'un fou rire inextinguible. Je suis un peu ?tonn?e de mon succ?s. Enfin, quand il peut articuler une parole: <> L'erreur est plut?t flatteuse, et j'en ris ? mon tour. Le drogman, ? ce moment, s'approche de moi et me demande si je d?sire aller me reposer chez une dame qui parle fran?ais. Cette dame qui parle fran?ais m'intrigue, et puis, faut-il l'avouer, je suis tr?s aise de faire quelque chose que ni mon p?re, ni aucun des officiers qui sont avec nous ne pourront faire. P?n?trer dans un harem! Quel prestige cela va me donner!...

? l'entr?e d'une deuxi?me cour le drogman s'?clipse, et je reste avec le grand Arabe. Cette cour est tout ? fait inattendue: une fontaine coule au centre sur laquelle penchent des lilas de Perse, et, ? l'ombre des fleurs mauves, une jeune fille remplit une amphore de terre poreuse. Elle est jeune et d?licatement jolie. Petite, mince encore bien qu'admirablement faite, ses pieds nus jouent dans des babouches de cuir rouge travaill? de fils d'argent. Sous la transparence du voile ? fleurs, un peu, terni, qui drape son jeune corps souple, les bras se devinent d'une forme tr?s pure. Au bruit de nos pas, elle se rel?ve et tourne vers nous un visage ?troit, d?vor? par deux yeux noirs immenses, fendus en amande, agrandis encore par le kh?l. Son teint a la matit? chaude des lis qui ont fleuri dans le recueillement des serres. Sa beaut? m'attire. Et quelle n'est pas ma joyeuse surprise de la voir s'avancer vers moi, me disant en un fran?ais exquis ? entendre si loin de France: <>

Mansour, la regardant avec douceur, lui tient un long discours que je ne comprends pas, puis il s'en va. L'enfant, apr?s un coup d'oeil confus ? sa robe, sans doute sa robe de tous les jours, me prend la main: <> Et elle m'entra?ne vers une grande salle aux fen?tres closes.

--Comment t'appelles-tu?

--Roumana.

--C'est un nom aussi joli que toi.

--Non, c'est toi...

--Moi, je m'appelle Paule.

Elle avance dr?lement la l?vre et r?p?te docilement.

Elle fixe sur moi un grand regard interrogateur, mais elle ne parle pas. Elle attend sans doute que je la questionne. Et moi je suis presque intimid?e: comment faire pour mettre en confiance cette jolie cr?ature enfantine, comment lui faire comprendre la sympathie qui me porte soudainement vers elle?

--Le grand Arabe qui m'a conduite vers toi, est-ce ton p?re?

--Non, c'est mon mari.

--Ton mari, mais tu parais si jeune, quel ?ge as-tu donc?

--J'ai dix-neuf ann?es.

--?a, c'est amusant, ma petite Roumana, nous sommes du m?me ?ge. Seulement, moi, je ne suis pas mari?e. Y a-t-il longtemps que tu as ?pous? Mansour?

--Il y a quatre ans et j'ai ?t? bien triste, j'ai tellement pleur? que de mes yeux coulaient des ruisseaux larges comme la fontaine de la cour.

--Il n'est donc pas bon pour toi?

Ici elle ne r?pond rien et se met ? sourire. J'insiste:

--Pourquoi avais-tu du chagrin?

--J'aurais tellement voulu rester ? l'?cole pour finir ma deuxi?me classe, et puis le p?re est mort, et puis mon oncle a voulu me marier tout de suite, et la m?re n'a rien dit.

Petit ? petit l'histoire de Roumana commence ? se d?gager: c'est une histoire qui ferait banale sans l'accent de la jeune femme, peut-?tre celle de toutes les Arabes de ce pays. Mais la voix de Roumana tremble, elle se souvient et elle souffre; quand elle parle de l'?cole, je vois ses yeux lourds de larmes.

Je commence par la complimenter de son bon accent et de la correction ?tonnante de son fran?ais. Elle l'a appris ? Damas o? son p?re ?tait <> du temps des Turcs. Elle allait ? l'?cole, pas chez les Soeurs, mais chez des demoiselles. Elle y est rest?e deux ans, et elle aurait tellement voulu apprendre le fran?ais tr?s bien! Puis son p?re est mort; elle va me chercher sa photographie o? il est repr?sent? assis avec deux b?b?s en costume europ?en ? ses c?t?s; elle me les indique: Roumana, Salma.

Je m'informe: qui est Salma?

--La petite soeur, r?pond-elle.

--Et ta m?re? Elle n'est pas avec vous?

--Non, il n'y a pas de femme photographe ? Damas.

J'ai compl?tement oubli? que les Musulmanes sont voil?es depuis l'?ge de huit ans...

Pourvu que Roumana ne soit pas bless?e de cette question intempestive!

Mais sans para?tre troubl?e, elle continue: les monotones tristesses se sont abattues sur l'heureuse famille. L'oncle a pris la tutelle, et comme la fille a?n?e atteignait quinze ans, il a jug? qu'un mariage serait une excellente affaire. En vain a-t-elle suppli? qu'on lui laiss?t encore un an, trois mois, quelques jours. Il y avait une occasion unique et la jeune fille a ?t? achet?e 200 livres or, <>, dit-elle, fi?rement. Mansour avait l'?ge de son p?re: une quarantaine d'ann?es environ, mais il ?tait un gros propri?taire de Dj?ro?d.

Elle se tait, et un silence morne s'?l?ve entre nous. Je d?borde de piti? et je ne dois pas le montrer ? cette enfant qui vit presque heureuse ainsi. Pour dire quelque chose, je fais l'?loge de Mansour:

--Ton mari a tr?s grand air, il est beau.

Pas de r?ponse.

--As-tu des enfants?

--La petite Marie.

--Maryam?

--Non, Marie. C'est fran?ais, c'est plus joli.

Est-elle tr?s sinc?re en me disant cela? Qui le sait? Mais je remercie tout de m?me... Pendant que nous causons la porte s'est ouverte et, silencieusement, des ombres se glissent ? c?t? de nous: une matrone, la taille ?paisse, les traits noy?s dans une boursouflure de graisse; une jeune fille tr?s forte, la caricature de Roumana, portant un enfant emmaillot? d'oripeaux ?tincelants; une grande fille sale et d?penaill?e, la chemise fendue sur une gorge opulente; quelques enfants pas du tout intimid?s et qui, un doigt dans le nez, m'inspectent en m?chant une feuille de laitue... Une nu?e de comm?res mal ficel?es, curieuses et d?peign?es font irruption sournoisement... La chambre est remplie.

Puis une femme, grande et ?lanc?e, entre avec autorit?. Tout en me saluant tr?s bas, trop bas, elle me d?visage froidement et ses yeux aux reflets d'?meraude se fixent longuement sur moi. Sans savoir pourquoi, cela m'agace et je me retourne pour demander ? Roumana quelle est cette impudente personne. Mais elle m'a pr?venue et, d'une voix assourdie, se penchant sur moi:

--C'est aussi l'autre femme de mon monsieur. C'est Abla.

L'autre femme de son monsieur! Je reste un moment interdite, puis mon regard va du charmant visage de Roumana ? la figure noir?tre de cette femme. Elle parait ?g?e. Contrairement ? ce qui arrive ici d'habitude, elle s'est dess?ch?e, et sa maigreur est saisissante ? c?t? des mottes de chair flasques et tremblotantes qui l'entourent. Le nez en casse-noisette rejoint le menton aigu, les cheveux sont rares et le teint cireux, mais ?videmment Abla a d? ?tre belle, tr?s belle m?me: ses yeux changeants en sont le dernier t?moignage vivant.

--Tu vis avec elle? dis-je ? Roumana.

--Oui, r?pond-elle avec indiff?rence.

--Elle ne comprend pas le fran?ais?

--Oh! non, il n'y a que moi.

Interrompant les discours de la vieille, Roumana secoue ses tresses noires, qui descendent en sillons bleu?tres sur son cou, et elle me conduit vers les femmes, qui toutes me souhaitent la bienvenue en s'inclinant trois fois. La jeune fille qui lui ressemble, c'est Salma.

--Je l'ai mari?e au fils d'Abla, m'explique-t-elle avec importance.

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