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Munafa ebook

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Read Ebook: Sur la route de Palmyre by Henry Bordeaux Paule Bourget Paul Author Of Introduction Etc

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Ebook has 249 lines and 13844 words, and 5 pages

--Je l'ai mari?e au fils d'Abla, m'explique-t-elle avec importance.

C'est ? ne plus s'y reconna?tre! Voil? que sa soeur a ?pous? le fils de la premi?re femme de son mari! Quelle famille!

Timidement, Salma me dit bonjour en mauvais fran?ais.

--Vous parlez aussi fran?ais?

Elle se tourne vers Roumana avec anxi?t?, guettant un secours. Celle-ci me r?pond ? sa place:

--Elle parle mal parce qu'elle a ?t? trop petite ? l'?cole.

--Quel ?ge a-t-elle donc?

--Treize ans.

--Et son mari?

--Dix-sept ans.

? ce moment pr?cis Salma ?clate en sanglots et, comme ? un signal donn?, les vieilles femmes se l?vent en tumulte, s'agitent, parlent avec volubilit?, me racontant quelque chose que, naturellement, je ne saisis pas. On dirait un choeur de sorci?res. De ce concert, dont les glapissements des enfants bien exerc?s sont le fond, partent des g?missements rauques et des cris d?chirants: Abla se fait remarquer par une aptitude particuli?re dans cet exercice.

--Il est en prison, me confie Roumana.

--Qui ?a?

--Tu dois savoir, Negib, le mari de Salma.

--Pourquoi?

Mais les bonnes femmes commencent ? bavarder bruyamment et ces paires d'yeux, ? l'aff?t de mes moindres mouvements, me deviennent insupportables. Si je tourne la t?te d'un autre c?t?, je surprends le regard fig? d'Abla, ? qui mon visage ne revient d?cid?ment pas. Je commence ? me sentir mal ? l'aise, et, sous le pr?texte de voir la petite Marie, je demande ? Roumana de m'emmener. Au moment de sortir de la pi?ce un rire strident ?clate: je reconnais celui d'Abla sans l'avoir jamais entendu. Il faut avoir les nerfs solides pour passer son existence avec une cr?ature aussi antipathique.

--Comme ces arbres sont beaux!--ne puis-je m'emp?cher de dire ? Roumana, en montrant les lilas de Perse.

Elle dit quelques mots en arabe... Je ris.

--Tu sais bien que je ne comprends pas.

--Celui qui plante un arbre n'a point pass? vainement sur la terre... C'est ce qui est ?crit.

Je regarde l'heure et suis ?tonn?e du temps que j'ai pass? ici. Juste ? ce moment, Mansour revient, tr?s agit?, il parle vite. Roumana sert d'interpr?te.

--Il dit qu'il faut que tu partes, que tes serviteurs t'attendent. Il dit qu'il aurait voulu tuer un mouton en ton honneur, et que tu aurais d? passer chez nous sept fois sept jours.

Je la prie de remercier son mari de son aimable hospitalit? et de lui dire que j'ai trouv? la maison splendide.

--C'est ta pr?sence qui la rend belle, me fut-il r?pondu.

Mais, derri?re le ma?tre, Abla s'est faufil?e et elle ouvre sa bouche ?dent?e comme si elle allait me jeter ? la face un torrent de bile, aussi verd?tre que son teint. Le geste reste inachev?, heureusement... Mais elle nous coule un mauvais regard tandis que Roumana se rapproche de moi.

--O? vas-tu?

--? Palmyre, Tadmor.

--Tadmor, oh! c'est loin...

--Nous y serons au coucher du soleil.

Mais Roumana r?fl?chit:

--Baghd?d, c'est loin?

--Beaucoup plus loin que Palmyre. Il y a des journ?es de voyage ? travers le d?sert. Il faut aller traverser l'Euphrate ? Deir-ez-Z?r, puis descendre le fleuve jusqu'? Baghd?d.

--Mon fr?re Adib habite Baghd?d, il est parti, il y aura deux ann?es au petit be?ram. Nous n'avons jamais eu de nouvelles. Tu pourras nous en apporter.

J'essaie de lui faire comprendre l'impossibilit? de cette t?che, mais, vaincue par l'assurance de Roumana, j'acquiesce.

--Tu reviendras?

--Certainement, je repasserai par Dj?ro?d apr?s-demain et je te ferai une longue visite.

Et Roumana, oubliant la petite Marie, va se mettre ? sauter de joie.

Mais le rire ?trange d'Abla arr?te son ?lan et nous fait sursauter toutes deux.

Allons, il faut partir. J'arrache mes mains aux baisers de Roumana. Elle crie au revoir, au revoir. J'ai d?j? quitt? la cour aux lilas que l'?cho plus lointain de sa voix me poursuit encore: au revoir...

Mansour, portant religieusement mon manteau et mon kodak, me reconduit jusqu'? l'auto; Derniers salamalecs et Dj?ro?d dispara?t bient?t.

De nouveau, c'est le steppe. Au tournant de la route, nous crions au mirage: une nappe d'argent qui brille ? droite, l?-bas, au pied d'une colline sableuse. On dirait un lac... C'est un vrai lac d'ailleurs, et nous le regrettons, tant les illusions ajoutent de beaut? aux choses.

? midi, nous atteignons Karyetein, dernier village, dernier point d'eau avant Palmyre, distante de plus de cent kilom?tres. Nous sommes aussit?t harponn?s par le Ca?macan et les notables qui, en redingotes et en tarbouchs, malgr? l'?crasante chaleur, viennent nous haranguer avec une facilit? terrifiante pour des gens ? jeun, comme nous. En Orient, d?s qu'il passe un ?tranger, les notabilit?s du pays accourent, bellement accoutr?es, pour vous raconter des boniments flatteurs et o? vous ?tes trait?s d'Excellence ? toutes les phrases. Cette honn?te coutume n'est certes pas n?gligeable pour des voyageurs fran?ais habitu?s ? ?tre molest?s et houspill?s quotidiennement chez eux... Ayant pu d?jeuner entre deux discours, nous repartons une heure plus tard.

L? commence le d?sert...

Le ciel et les sables, c'est tout...

Le ciel est d'un bleu si profond qu'il en est douloureux et les sables ocr?s ont des ?clairs de feu. Nous allons dans l'azur et dans l'or. Pas un arbre, pas une maison, pas un homme, rien...; si, un renard qui a fui, ?pouvant? ? l'approche d'?tres vivants. Le d?sert a de longues ondulations, et des collines abruptes et des cha?nes de montagnes hautaines... Mais tout cela semble taill? dans du porphyre. Le soleil se joue des couleurs et cr?e des nuances in?dites. Et je sens peu ? peu qu'un charme ?trange m'enveloppe et m'?treint. Je suis heureuse, je voudrais crier ma joie, je voudrais continuer cette course fantastique ? l'infini, toujours plus loin, toujours plus loin, sans but, ? travers cette immensit? qui m'attend et qui m'attire.

Pendant ces heures ?touffantes, o? l'auto surchauff?e volait sur la piste ardente, pendant que le kramsin nous soufflait au visage son haleine embras?e et nous recouvrait de sables br?lants, d?ferlant sur nous comme les vagues d'une mer d?mont?e, je crois que j'ai vraiment compris l'appel du d?sert. Je ne parlais pas, je ne pensais pas, je ne voyais pas, je me laissais bercer par la voix monotone des sables. Tout ce que nous avons rencontr?, je le vois vaguement, comme en un r?ve: un vieux ch?teau ruin?, un khan servant de poste de gendarmerie. Tout ? coup, quelqu'un prononce un nom: <> Alors je sors de ma torpeur et, avidement, je cherche, je devine, et mon impatience s'exasp?re. O? peut-elle ?tre, la ville ?tonnante, si jalousement gard?e par le d?sert? Soudain, devant moi, je distingue une tour. Un cri s'?l?ve: <>... Voici que d'autres tours surgissent ? nos yeux ?tonn?s, des tombeaux! Il y en a, il y en a.... Un supr?me soubresaut du moteur ext?nu? enl?ve une derni?re c?te, nous sommes au sommet du col, et alors!...

On nous avait bien dit que Palmyre ?tait une ville de marchands et de nouveaux riches; un arch?ologue distingu? nous avait m?me pr?venus, avec une grimace de d?go?t, que les ruines ?taient de <>. Comment donc s'attendre au spectacle insens? que nous m?nageaient les derni?res lueurs du jour?... Des champs de colonnades et d'arceaux s'?tendent partout o? fouillent les regards. Les marbres et les granits, amoureusement dor?s par des milliers de jours lumineux et d'audacieux soleils, ont gard? dans leurs veines de pierre le rayonnement de ces heures mortes et nous restituent ce soir toute la clart? que les temps ont incrust?e en eux. Ils sont nimb?s de topaze, comme les toiles de Rapha?l ou du Titien sont couvertes d'une patine chaude qui ajoute ? leur beaut? actuelle le charme du pass?. De la basse ?poque! peut-?tre... Mais quand le couchant embrase ce squelette d?chiquet? de ville fabuleuse ensevelie dans les sables roses du d?sert, quand les flammes du soleil ? l'agonie l?chent et d?vorent les ruines comme si un incendie gigantesque s'abattait sur elles, alors on ne pense plus ? l'?poque haute ou basse, mais on admire et on se tait... Puis le rideau tombe brusquement sur la f?erie et nous entrons ? Palmyre avec la nuit.

Nous sommes re?us par un officier fran?ais, chef du Contr?le b?douin, car nous avons des troupes ? Palmyre... L'accueil est vraiment charmant: visiteurs d'un jour, nous sommes les bienvenus comme des amis longuement attendus. Il y a aussi une Fran?aise ? Palmyre: la femme d'un capitaine, qui n'a point redout? l'isolement du d?sert, et sa pr?sence se trahit par la disposition des coussins et des tapis, par l'ordonnance du menu, par les fleurs qui parent la table. Toute la garnison est r?unie ce soir-l?: il y a des officiers m?haristes et des aviateurs, une douzaine environ, tous gais, tous pleins d'entrain, si bien <>...

Apr?s le d?ner nous montons sur le toit pour essayer de voir les ruines, mais la lune ne se l?vera que beaucoup plus tard: seul le saphir du ciel est paillet? d'?toiles.

Soudain la nuit s'anime... les aviateurs vont regagner leur escadrille et les m?haristes leur grand quartier... des cris... des appels... des voix jeunes et claires... des burnous blancs qui flottent et s'agitent... bruit de moteurs... le silence graduellement retombe.

Palmyre, 20 avril.

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