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Munafa ebook

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Read Ebook: Junge Triebe: Roman by Freissler Ernst W Ernst Wolfgang

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Ebook has 826 lines and 73748 words, and 17 pages

--Il faut qu'il en ait fait une! dit l'un d'eux, vrai, une grosse! une qui compte! une fameuse! pour qu'il soit ainsi tourment? jusque dans les bons moments, quand il est avec les amis et les belles filles....

Sur ce mot, le marinier se retourna vers la fille aux yeux mornes qui lui sourit avec une esp?ce de reconnaissance.

Elle profita du compliment pour verser ? la ronde. Et tous lev?rent le coude en disant:

--A la v?tre!... Que cela dure! et longuement!

Il y eut un lourd silence.

Enfin, frappant sur la cuisse de Mart?gas qui, accoud?, oubliait les camarades, l'oeil sur sa vision, un des hommes dit:

--As-tu donc tomb? un chr?tien, dis, mon homme? l'as-tu tomb?? en as-tu d?moli un? as-tu d?moli quelqu'un, homme ou femme?

--Coquin de bon sort! fit un autre. S'il est permis, je vous demande un peu, d'?tre plus b?te que vous autres! non! ce n'est rien de le dire! Si Mart?gas a des remords, pourquoi l'interrogez-vous? Pourquoi vous ferait-il des confidences? il y a des choses qu'on se garde. Qui dit un secret lui donne des ailes. Une fois qu'il peut voler, cours apr?s!... Un jour viendrait o?, ayant bu comme ce soir, l'un ou l'autre de nous conterait au cabaret l'histoire de Mart?gas.... Pourquoi se croirait-il plus oblig? que Mart?gas lui-m?me ? garder le silence, celui qui pourrait parler sans risque pour soi? Je suis saoul, comme on ne peut pas l'?tre plus!... ?tre saoul ne m'emp?che pas de voir clair, bien au contraire, et ce que je dis est juste, n'est-ce pas, Gue?t? n'est-ce pas, Cabasse?... Pas un mot de plus, Mart?gas; ne l'excite pas, toi, Cabrol!

Mart?gas releva sa t?te farouche, sa face velue. L'oeil inject?, le poil h?riss?, le colosse grogna:

--Et si je veux parler, moi! tonnerre de tonnerre de bon Dieu!

Il donnait du front dans son id?e fixe avec une obstination aveugle de taureau collant.

Son gros poing tomba sur la table qui tressaillit. Les verres sales s'entre-choqu?rent, tintant. Une bouteille se renversa, inondant les jupes de la fille d'un liquide rouge?tre et douteux.

Et se tournant tout d'une pi?ce vers ce Cabrol qui avait parl?:

--C'est ta faute ? toi, ? ?ne que tu es! gros animal, c'est ta faute, si aujourd'hui et toujours je regrette ?a en moi-m?me. La nuit, bien des fois, j'y pense et de rage je ne peux pas dormir, je me mords les poings. Le jour, je m'arr?te de travailler, des fois, pour y penser, et rien, je te dis, rien ne me console. Et quand je cours ? cheval, d'autres fois, le remords me revient et si rudement m'attrape que, de col?re, je pique mon cheval et je lui travaille la bouche avec le fer, comme s'il y ?tait pour quelque chose.... Ce n'est pas ? lui, pourtant, pas ? lui la faute, pauvre b?te! C'est ? toi, Cabrol, ? toi, je te dis, ta faute ? toi, mauvais conseil, fain?ant, gueusas! Pourquoi t'ai-je ?cout?! Sainte Vierge! oui, pourquoi! Je serais heureux, maintenant.... Nous boirions heureux!

--N'y pense plus! dit l'autre.

--Que je n'y pense plus! hurla l'ivrogne. Comme si c'?tait possible! soyez t?moins, vous autres, jugez un peu! ?coutez, je vais vous dire.

Les t?tes se rapproch?rent. Les curiosit?s s'allum?rent dans les yeux. Les intelligences des brutes se tendirent et, dans leur regard, rayonn?rent, pr?tes ? jouir du mal... il y eut un gros silence.

--Eh bien quoi? dit un des buveurs. Dis-le ou ne le dis pas,--mais tu es un niais si tu le dis.... Je suis, pas moins, curieux de le savoir!

Mart?gas s'essuya le front d'un revers de main.

--Voil?, dit-il, c'est abominable. Ah! comme j'en ai un, de remords!... Nous ?tions, figurez-vous, ? la guerre, voil? sept ans, si je compte bien, si Bar?me n'est pas un ?ne, on s'?tait battu depuis le jour lev?, contre ces Prussiens qui sont des hommes comme vous et moi, n'est-ce pas? Vous dire o? nous ?tions, par exemple, ?a, je ne le peux pas; c'?tait par l?-haut, dans le nord, pr?s de Dijon, nous avions re?u des coups de fusil de ces Prussiens, et nous leur en avions rendu tout le matin. Nous ?tions, Cabrol qui est l? et moi, soldats de la m?me compagnie et nous avions tir? ensemble, que je dis, des coups de fusil tout le matin.... A pr?sent, tout s'en allait, de tous c?t?s, ? la d?bandade, va comme tu voudras, chacun pour soi; on filait, comprenez, comme une manade folle qui s'?parpille de peur, on ne sait pas pourquoi,--parce que le bateau ? vapeur siffle sur le Rh?ne... pour rien, on filait, voil? tout, on d?talait, on se levait de devant. Ce fain?ant qui maintenant boit l?, bien tranquille ? mon c?t?, comme si rien n'?tait, ce Cabrol que vous voyez ?tait avec moi, oui, pr?s de moi, et nous filions, nous ne voulions pas nous quitter, mais il tra?nait la jambe, et moi aussi, fatigu?s tous deux, oh! oui, un peu trop, ? moiti? crev?s de fatigue... et voil? que nous nous arr?tons dans un petit bois, o? les arbres ?taient serr?s, serr?s comme des soldats ? l'exercice; nous ?tions bien cach?s l?, dans ce fourr?, au beau milieu d'une plaine, au bord d'une route, o?, de temps en temps passaient les derniers tra?nards. Tous avaient d?fil? ou ? peu pr?s, car il n'en passait plus gu?re. On allait au hasard, devant soi, vers Dijon je pense, et voil? que nous ?tions seuls tous deux, ce Cabrol et moi, tous deux seuls, ma?tres de nous, ma?tres, vous comprenez, de rester l? ou de partir, de d?serter.... Et nous y pensions. Tout ? coup, sur la route qui ?tait d?couverte, en plaine, passent quatre soldats et un officier de notre r?giment. Un des soldats et l'officier ?taient bless?s, vous entendez bien, bless?s, un des soldats et l'officier. Cinq en tout, et je dis ? cette b?te brute qui est l?; je dis ? Cabrol:

--Regarde!

Il regarda et vit comme moi, la caisse, comprenez-vous? la caisse de bois, la caisse ferr?e o? ?tait l'argent, l'argent de la solde pour tout notre r?giment. Elle ?tait lourde, allez! ils la portaient sur un brancard de malade et, ? leur d?marche, on voyait bien qu'elle ?tait lourde... oh lourde! lourde bougrement!

Mart?gas, bourrel? de remords, essuya de nouveau son front en sueur; il y eut un silence embarrass?.

--Tu es ? temps de ne rien dire, Mart?gas! Tu y es ? temps!

Pourtant, les t?tes des auditeurs se rapproch?rent encore.... La convoitise fit reluire tous les yeux; ils la voyaient, la caisse! D?j? ils ne comprenaient plus les remords de Mart?gas.... Eh bien quoi? apr?s? il avait attaqu? les soldats et l'officier? n'est-ce pas? il avait un peu vol? la caisse; ce Mart?gas, et--pour cela--tu? un peu; tu? un ou deux hommes tout au plus!... eh! mon Dieu, ? la guerre! un de plus, un de moins! Ils le regardaient avec un peu d'admiration et d'envie.

--Il devait y avoir au moins... cent mille francs! dit une voix.

Cent mille francs est, pour les gens de ce bas peuple, le chiffre qui repr?sente les grosses fortunes. Apr?s cent mille francs, tout de suite apr?s, il y a <>.

--Pour s?r, gronda Mart?gas! Pour s?r, ils y ?taient, les cent mille francs!... Et je lui dis:

--Regarde!

Il regarda et me comprit. Les gens allaient passer pr?s de nous, ? trente pas, la bonne port?e, ils ne nous voyaient pas, ils ne se m?fiaient de rien.

Mon camarade me comprit. Je vis tr?s bien qu'il me comprenait parce qu'il devenait p?le, tout blanc comme un mort, l'imb?cile. Et ? voix basse je lui dis:

--Deux que nous en tuons et les autres vont d?taler, et vite! Je me charge de l'officier. Choisis ton homme, et tirons ensemble....

Alors, j'?paulai mon fusil....

Les auditeurs haletaient. La fille rapprocha sa chaise de la table.

--Ah! quel remords! quel remords, g?mit Mart?gas, tout ? fait ivre, et de plus en plus obstin? ? r?p?ter son cri de regret poignant... quel remords, mes amis!...

--Mais alors, Mart?gas, tu es riche? s'?cria tout ? coup la fille. Tu ne me disais pas ?a!...

Et elle posa sa main sur le bras de l'homme.

--Riche! pleura Mart?gas, d?cid?ment d?sesp?r?, voil? bien tout justement mon remords! riche! c'est que j'aurais pu l'?tre, sans celui-ci! sans toi, sans toi! hurla-t-il ? tue-t?te, en tendant contre son voisin un poing furieux.... Figurez-vous, les amis, que, au moment o? j'allais tirer... ... cette b?te mauvaise que Dieu pr?fonde, oui, toi! toi! que le tonnerre du bon Dieu te br?le et te vide!... cet animal malfaisant m'emp?cha de tirer:

--Ne fais pas ?a, qu'il dit, Mart?gas! ne fais pas ?a! Pour l'amour de Dieu, pas ?a!

Et il d?tourna mon fusil avec sa main.

Et sinistrement comique, Mart?gas se d?solait. Les auditeurs partageaient son chagrin, comprenaient sa peine, fraternellement, en ivrognes.

--Je comprends, disaient-ils, chacun ? son tour--c'?tait un beau coup,--?a ne se retrouve pas, non!--J'ai cru d'abord que tu regrettais d'avoir fait un beau coup, c'est tout au contraire. Tu as le regret de l'avoir manqu?....--C'est malheureux, Mart?gas, bien malheureux....

Il ?tait inconsolable, ce Mart?gas.

A QUI LE CHEVAL?

Un peu avant le lever du jour, ? l'heure blafarde, Mart?gas sortit du bouge avec Cabrol.

Tous deux mont?rent sur la digue, et s'en all?rent longeant le parapet, le cerveau lourd, suivant des yeux le Rh?ne orageux, dont on devinait la couleur de terre, sous le ciel violac?, vineux.

Ils avaient dormi un instant, lourdement, les bras sur la table, la t?te au pli de leurs bras, parmi les bouteilles et les verres visqueux.

Une bise qui, par caprice, remontait le Rh?ne, fouettait leurs visages terreux, ?nergiques et jaunes comme le Rh?ne m?me. Ce coup de fouet les r?veilla.

D?gris?s, ils marchaient droit, sans rien dire, ?clair?s parfois d'une clart? brusque par un des r?verb?res accroch?s aux maisons du quai; ils avaient l'air de deux mauvais fant?mes.

Et Cabrol tout ? coup, r?pondant aux lamentations par lesquelles Mart?gas, toute la nuit, avait d?couvert le fond de son ?me obscure, il dit, ce Cabrol:

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