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Munafa ebook

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Read Ebook: The wonder woman by Long Mae Van Norman Clement Joseph M Illustrator

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Ebook has 1978 lines and 72735 words, and 40 pages

LES NEZ-PERC?S

A M. DUFLOT DE MOFRAS,

L'intr?pide voyageur, le savant hydrographe, dont les admirables travaux sur l'Or?gon ont, les premiers, initi? la France aux richesses naturelles de l'Am?rique septentrionale,

L'auteur reconnaissant,

H.-E. CHEVALIER. Ch?teau de Maulnes, ao?t 1562.

LES NEZ-PERC?S

PAR

?MILE CHEVALIER

MICHEL L?VY FR?RES, LIBRAIRES-?DITEURS RUE VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 18 A LA LIBRAIRIE NOUVELLE

CHAPITRE PREMIER

POIGNET-D'ACIER--NICK WHIFFLES

--Castors et loutres! voil? un sac qui est tonnerrement lourd, capitaine. Il y a au moins la charge de deux hommes. Tenez, c'est tout au plus si je puis le remuer. Et pourtant Nick Whiffles n'est pas une poule mouill?e, ? Dieu, non! Que diable ferez-vous donc de tout cet or-l??

--Soyez sans inqui?tude, mon brave, je trouverai ais?ment son placement, r?pondit le capitaine en souriant.

--Ais?ment! ais?ment! mais il y a l? de quoi acheter toutes les femmes de la cr?ation, et ce n'est gu?re ce qui vous tente, vous, car jamais on ne vous a vu tourner les yeux sur une squaw. Ce n'est pas comme mon oncle le grand voyageur dans l'Afrique centrale; lui, il aurait fait dix fois le tour du monde pour rencontrer un beau brin de fille. Il en avait toujours comme ?a cinq ou six douzaines ? ses trousses, oui bien, je le jure, votre serviteur!

Et Nick Whiffles, abandonnant un gros sac de cuir de buffle qu'il avait vainement essay? de soulever, plongea sa main dans une blague en peau de vison pendue sur sa poitrine, retira une poign?e de tabac et s'en bourra la bouche.

--Vous ne l'avez pas connu mon grand-p?re? demanda-il au bout d'un instant.

--Je croyais que vous parliez de votre oncle?

--Oncle ou grand-p?re, ?a ne fait rien, capitaine. C'?tait un fameux touriste, comme ou dit aujourd'hui. Il avait un fier cheval, allez! Ensemble ils parcoururent la terre, la mer, tout le globe. Est-ce que vous les avez rencontr?s dans vos excursions?

--Non, ami Nick, non, r?pliqua le capitaine, riant de la franche bonhomie avec laquelle le trappeur d?bitait ses bourdes.

--Alors, c'est un malheur; car vous ?tiez fait pour vous entendre avec eux, dit celui-ci d'un ton de regret sinc?re. Voyez-vous, mon parrain ?tait aussi fort que vous...

--C'?tait donc votre parrain?

--Ai-je dit parrain?

--Mais il me semble...

--Alors c'est que c'?tait mon parrain, riposta Nick Whiffles sans sourciller. Il ?tait courageux comme un bison, rus? comme un carcajou; mais pourtant il avait un d?faut, un grand d?faut de nature: mon oncle manquait de vigueur dans les bras et dans les jambes. Un enfant l'aurait renvers? ? terre.

--Comment! s'?cria Poignet-d'Acier, donnant cours ? un acc?s d'hilarit?. Comment! tout ? l'heure vous disiez qu'il ?tait aussi robuste que moi!

--Ai-je dit cela? Castors et loutres, je me suis tromp?, capitaine! Lui aussi robuste que vous! Peuh! mon grand-p?re ?tait mou, capitaine! et poltron... poltron! Un li?vre lui aurait fait virer les talons! ? Dieu, oui!

L?-dessus, l'honn?te trappeur porta sa gourde ? ses l?vres et but une copieuse gorg?e.

--D?licieux whisky! dit-il en faisant voluptueusement claquer sa langue contre son palais, d?licieux! On n'en fait pas de meilleur au fort Columbia. Encore une gobe que ces vermines d'Indiens ne me voleront pas. Voulez-vous y go?ter, capitaine?

Poignet-d'Acier fit avec la t?te un geste n?gatif.

--Voyons, Nick, il faut nous h?ter, dit-il ensuite.

--Comme de raison, capitaine. Mais, je l'avoue, ce coquin de sac est trop lourd pour mes ?paules.

--Prenez-en un autre; je transporterai celui-ci.

--Ah! vous, c'est diff?rent. Je ne sais pas ce que vous ne feriez pas, capitaine; vous ?tes le plus vigoureux, le plus habile, le plus infatigable de tous les chasseurs du Nord-Ouest. Ce sera une maudite perte pour nous autres francs trappeurs quand vous serez parti, et les gens de la compagnie de la baie d'Hudson seront, bien capables d'allumer un feu de joie, car vous leur avez donn? fi?rement du fil ? retordre. A votre place, je ne les quitterais pas comme ?a, moi. Ont-ils un peu cherch? ? vous assassiner, hein? Depuis Pad et Joe ...

--Bon, bon! laissons cela, interrompit brusquement Poignet-d'Acier, dont le front se rembrunit aussit?t, comme si ces r?miniscences lui eussent ?t? p?nibles.

--A votre aise, capitaine. Je me tais sur ce chapitre, quoique j'en aurais long ? dire. Mais ?a n'emp?che pas que ?a me peine de vous voir partir comme ?a! Je m'?tais fait ? vous comme ? mes chiens, et je m'en vais maintenant ?tre tout aussi d?sorient? que la premi?re fois que j'ai quitt? les ?tablissements .

--Pourquoi ne m'accompagneriez-vous pas?

--Pourquoi? pourquoi? r?pliqua le trappeur en secouant la t?te; ah! c'est que Nick Whiffles ne peut pas plus se passer du d?sert que le d?sert ne peut se passer de Nick Whiffles, ? Dieu, non! Qui est-ce qui tiendrait les Peaux-Rouges en respect si je m'en allais? Qui est-ce qui d?livrerait le pays des coyotes, des ours gris et de tous les damn?s serpents ? sonnettes qu'on d?couvre ? chaque pas? Non, capitaine, non je ne peux pas abandonner comme ?a les territoires de chasse. Quand je le ferai, ce sera pour monter l?-haut, chez notre Ma?tre ? tous. D'ailleurs je n'aime ni vos villes, ni vos hommes civilis?s. On y trouve plus d'hypocrisie et de m?chancet? que parmi les Indiens. Les premiers ne tuent pas toujours par le corps comme les seconds, mais ils assassinent, ils torturent chaque jour par l'esprit, et cela avec impunit? sans que la loi les poursuive, sans que l'opinion publique les mette au pilori. Au contraire, quand un blanc a bien vol? ses semblables, en usant de finesse et en ne froissant pas trop ce que vous appelez des lois, quand il a fait sa fortune au pr?judice d'autrui par la m?disance, la calomnie, en ruinant des familles, r?duisant le p?re et la m?re ? la mendicit?, les fils ? l'opprobre, les filles ? la prostitution, on l'approuve, on le louange, on l'admire, on lui accorde des honneurs, des r?compenses, des statues! ?a peut para?tre beau, mais ?a n'est pas juste et ?a ne me va pas. Voil?, capitaine, pourquoi je pr?f?re demeurer au milieu des sauvages. Et puis, ma foi, quand on a une carabine ? la main, quelques livres de poudre et de plomb dans sa gibeci?re, et la libert? d'aller o? l'on veut, je ne vois pas trop ce qu'on pourrait d?sirer. Est-ce que la terre ne vous fournit pas toujours un coin de gazon pour en faire votre matelas, et est-ce que le beau ciel, avec ses millions d'?toiles, n'est pas une couverture splendide pour vous abriter? Ah! capitaine, c'est une bonne et joyeuse vie que la vie que nous menons ici! Vous vous ennuierez vite quand vous serez rentr? au Canada, c'est moi qui vous le dis; oui bien, je le jure, votre serviteur!

Nick Whiffles d?cocha cette tirade tout d'une haleine, sans permettre ? son interlocuteur de l'arr?ter. Aussi, en terminant, ?prouva-t-il le besoin de se lubrifier le gosier.

--Est-ce que vous n'?tes pas de mon avis, capitaine? dit-il apr?s avoir donn? une tendre caresse ? son flacon.

--Vous pouvez avoir raison, dit Poignet-d'Acier en se promenant pensivement dans la pi?ce o? se passait cette sc?ne.

C'?tait une grande salle oblongue qui semblait avoir ?t? taill?e dans le roc vif. Ses parois, d'un ronge terne, annon?aient une formation porphyritique. Pour tout ameublement elle avait une table carr?e, des bancs grossiers et quelques caisses en bois de c?dre. Des armes, carabines, fusils doubles, pistolets, couteaux, harpons, arcs, fl?ches, ?taient fix?es en troph?es ? la muraille, le long de laquelle s'?talaient plusieurs sacs en cuir de grande capacit?.

Chacun de ces sacs ?tait, gonfl? par les objets qu'il contenait et ferm? herm?tiquement. Aux quatre coins on voyait un large cachet de cire rouge repr?sentant un chien rongeant un os avec cette devise ? l'exergue:

Je Svis Vn Chien Qvi Ronge un O En le rongeant, je prends mon repos. Vn temps viendra, qui n'est pas venv, Que je mordray qui m'avra mordv.

Cet embl?me et ces vers ?taient la reproduction exacte d'une inscription qui existe encore au-dessus de la porte d'une maison de la rue Buade, ? Qu?bec.

Une lampe en terre rouge ?clairait la chambre souterraine, qui n'avait aucune fen?tre et dans laquelle on remarquait deux portes en face l'une de l'autre.

--Raison! r?pondit le trappeur ? Poignet-d'Acier, je crois bien que je pourrais avoir raison. Est-ce que Nick Whiffles n'a pas toujours raison? Je vous dis que vous reviendrez dans la Colombie, capitaine, et vous y reviendrez. Mais, ? votre place, moi, je ne retournerais m?me pas au Canada. Vous voulez faire la guerre aux Anglais, faites-la donc ici. Avec cet or que vous avez extrait des mines du mont Sainte-H?l?ne, vous seriez ? m?me de fonder une soci?t? plus puissante que celle de la baie d'Hudson, et vous chasseriez ces brigands d'Anglais du pays quand vous le voudriez. A quoi bon, je vous le demande, aller au Canada? Votre or ne vous y servira pas ? grand'chose, car vos ennemis ont l?, dans leurs citadelles et dans leurs forts, des troupes nombreuses et aguerries auxquelles il vous sera peut-?tre bien difficile de r?sister. Quelles ressources, quels hommes aurez-vous ? leur opposer? Nos compatriotes ne sont sans doute pas aussi bien pr?par?s ? la r?volte que vous vous l'imaginez. Ce n'est pas que je veuille m?dire des Canadiens-Fran?ais. Castors et loutres, pour courageux et hardis, ils le sont; ce sont aussi les plus intr?pides chasseurs du d?sert. Ils dirigent leurs canots mieux que qui que ce soit au monde, et comme tireurs, il n'y a gu?re que Nick Whiffles qui puisse les ?galer; mais voyez-vous, capitaine, je les connais, les Canadiens-Fran?ais, tout Irlandais que je suis Dans leurs villages, sous la main de leurs pr?tres, ils ne valent pas une vieille chique . Aujourd'hui ils seront avec vous, et demain, ils marcheront contre vous, si leur cur? le commande. Dans notre ?le, en Irlande, c'est la m?me chose. Dans mon temps, moi aussi j'ai voulu faire des r?volutions. ?a m'a presque valu la corde. On ne m'y reprendra plus, ? Dieu non! Suivez mon conseil, capitaine; moquez-vous des Anglais du Canada, et la guerre, une guerre ? mort ? ceux de la baie d'Hudson! Oh! pour cela, vous pouvez compter sur moi, ma carabine et mes chiens; deux fines b?tes qui ont horreur des Anglais comme un chat de la moutarde, vous savez!

Cette comparaison du bon trappeur amena un sourire sur les l?vres de Poignet-d'Acier.

--Je vous suis reconnaissant de votre proposition, Nick, repartit-il, mais je ne puis pour l'instant l'accepter. Plus tard... car vous avez dit vrai, je reviendrai. Mes pressentiments m'en avertissent. Oui, je reverrai encore le d?sert. Pour le moment, il faut se rendre l?-bas et faire un effort. Mon devoir, ma vengeance me l'ordonnent! Je r?ussirai. N'ai-je pas cet or qui aplanit tous les obstacles? cet or que j'ai cherch? si longtemps, dont la d?couverte a co?t? la vie aux seules cr?atures qui m'aient sinc?rement aim?, et dont l'extraction, l'amoncellement dans ces caves ont encore exig? tant de peines, tant de mis?res et tant d'ann?es, car voil? plus de dix ans que j'ai perdu Jacques et cette pauvre Indienne... Enfin je tiens ce m?tal si convoit?, je le tiens! tous ces sacs en sont pleins. Il y en a la pour des millions de dollars. Dans deux heures le navire que j'ai achet? ? des p?cheurs yankees mettra ? la voile, et dans quelques mois le capitaine Poignet-d'Acier redeviendra Villefranche, l'ex-notaire de Montr?al, l'ennemi jur? de toute la race anglo-saxonne!

En articulant ces paroles, l'aventurier avait oubli? la pr?sence de Nick Whiffles; il s'?tait anim?, ses yeux ?tincelaient; la col?re, la col?re sourde, violente, accentuait vivement ses traits: les poings crisp?s, le corps fr?missant, frappant le sol du pied, il ?tait terrible ? voir.

--M'est avis tout de m?me que vous allez les entortiller dans un tas de damn?es petites difficult?s, capitaine, dit Nick qui l'avait examin? une minute en silence.

--Je veux les expulser de toute l'Am?rique du Nord, s'?cria v?h?mentement Poignet-d'Acier, et si ce n'est ? coups de fusil, ce sera ? coups de b?ton. Ils paieront pour toutes les infamies dont ils nous ont abreuv?s depuis qu'ils se sont empar?s du Canada.

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