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Munafa ebook

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Read Ebook: Voyages voyage de Laponie voyage de Flandre et de Hollande du Danemark de la Suède by Regnard Jean Fran Ois

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Ebook has 263 lines and 54804 words, and 6 pages

Nous ne f?mes le samedi que fort peu de chemin, ?tant rest?s tout le jour dans une petite maison, qui est la derni?re qui se rencontre dans le pays. Nous e?mes diff?rents plaisirs pendant le temps que nous s?journ?mes dans cette cabane. Le premier fut de nous occuper tous ? diff?rents exercices aussit?t que nous f?mes arriv?s. L'un coupait un arbre sec dans le bois prochain, et le tra?nait avec peine au lieu destin?; l'autre, apr?s avoir tir? le feu d'un caillou, soufflait de tous ses poumons pour l'allumer; quelques-uns ?taient occup?s ? accommoder un agneau qu'ils venaient de tuer; et d'autres, plus pr?voyants, laissant ces petits soins pour en prendre de plus importants, allaient chercher sur un ?tang voisin, tout couvert de poisson, quelque chose pour le lendemain. Ce plaisir fut suivi d'un autre; car sit?t qu'on se fut lev? de table, on fut d'avis, ? cause des n?cessit?s pressantes, d'ordonner une chasse g?n?rale. Tout le monde se pr?para pour cela; et, ayant pris deux petites barques avec deux paysans avec nous, nous nous abandonn?mes sur la rivi?re ? notre bonne fortune. Nous f?mes la chasse la plus plaisante du monde et la plus particuli?re. Il est inou? qu'on se soit jamais servi en France de b?tons pour chasser; mais il n'en est pas de m?me dans ce pays: le gibier y est si abondant, qu'on se sert de fouet et m?me de b?ton pour le tuer. Les oiseaux que nous pr?mes davantage, ce fut des plongeons; et nous admirions l'adresse de nos gens ? les attraper. Ils les suivaient partout o? ils les voyaient; et lorsqu'ils les apercevaient nageant entre deux eaux, ils lan?aient leur b?ton et leur ?crasaient la t?te dans le fond de l'eau avec tant d'adresse, qu'il est difficile de se figurer la promptitude avec laquelle ils font cette action. Pour nous, qui n'?tions point faits ? ces sortes de chasses, et de qui les yeux n'?taient pas assez fins pour percer jusque dans le fond de la rivi?re, nous frappions au hasard dans les endroits o? nous voyions qu'ils frappaient, et sans autres armes que des b?tons, nous f?mes tant, qu'en moins de deux heures nous nous v?mes plus de vingt ou vingt-cinq pi?ces de gibier. Nous retourn?mes ? notre petite habitation, fort contents d'avoir vu cette chasse, et encore plus de rapporter avec nous de quoi vivre pendant quelque temps. Une bonne fortune, comme une mauvaise, vient rarement seule; et quelques paysans ayant appris la nouvelle de notre arriv?e, qui s'?tait r?pandue bien loin dans le pays, en partie par curiosit? de nous voir, et en partie pour avoir de notre argent, nous apport?rent un mouton, que nous achet?mes cinq ou six sous, et qui accrut nos provisions de telle sorte que nous nous cr?mes assez munis pour entreprendre trois jours de marche, pendant lesquels nous ne devions trouver aucune maison. Nous part?mes donc le dimanche du matin, c'est-?-dire ? dix heures; car le soin que nous avions de nous reposer faisait que nous ne nous mettions gu?re en chemin devant ce temps.

Nous f?mes extr?mement r?jouis, ? notre arriv?e, d'apprendre qu'il y avait un Fran?ais dans ce lieu. Vous voyez, monsieur, qu'il n'y a point d'endroit, si recul? qu'il puisse ?tre, o? les Fran?ais ne se fassent jour. Il y avait pr?s de trente ans qu'il travaillait aux mines; il est vrai qu'il avait plus la mine d'un sauvage que d'un homme; il ne laissa pas de nous servir beaucoup, quoiqu'il e?t presque oubli? sa langue; et il nous assura que depuis qu'il ?tait en ce lieu, bien loin d'y avoir vu des Fran?ais, il n'y ?tait venu aucun ?tranger plus voisin qu'un Italien, qui passa il y a environ quatorze ans, et dont on n'a plus entendu parler depuis. Nous f?mes tout doucement que cet homme repr?t un peu sa langue naturelle, et nous appr?mes de lui bien des choses que nous eussions eu de la peine ? savoir d'un autre que d'un Fran?ais.

Nous all?mes le lendemain, mercredi, voir les mines, qui ?taient ?loign?es d'une bonne demi-lieue de notre cabane. Nous admir?mes les travaux et les ab?mes ouverts, qui p?n?traient jusqu'au centre de la terre, pour aller chercher, pr?s des enfers, de la mati?re au luxe et ? la vanit?. La plupart de ces trous ?taient pleins de gla?ons; et il y en avait qui ?taient rev?tus, depuis le bas jusqu'en haut, d'un mur de glace si ?pais, que les pierres les plus grosses que nous prenions plaisir ? jeter contre, loin d'y faire quelque br?che, ne laissaient pas m?me la marque o? elles avaient touch?; et lorsqu'elles tombaient dans le fond, on les voyait rebondir et rouler sans faire la moindre ouverture ? la glace. Nous ?tions pourtant alors dans les plus fortes chaleurs de la canicule; mais ce qu'on appelle ici un ?t? violent peut passer en France pour un tr?s-rude hiver.

Toute la roche ne fournit pas partout le m?tal; il faut chercher les veines, et lorsqu'on en a trouv? quelqu'une, on la suit avec autant de soin qu'on a eu de peine ? la d?couvrir. On se sert pour cela, ou du feu pour amollir le rocher ou de la poudre pour le faire sauter. Cette derni?re mani?re est beaucoup plus p?nible, mais elle fait incomparablement plus d'effet. Nous pr?mes des pierres de toutes les couleurs, de jaunes, de bleues, de vertes, de violettes; et ces derni?res nous parurent les plus pleines de m?tal et les meilleures.

Le jeudi, le pr?tre des Lapons arriva avec quatre de sa nation, pour se trouver le lendemain ? un des jours de pri?res ?tablies par toute la Su?de, pour remercier Dieu des victoires que les Su?dois ont remport?es ces jours-l?.

Ce furent les premiers Lapons que nous v?mes, et dont la vue nous r?jouit tout ? fait. Ils venaient troquer du poisson pour du tabac. Nous les consid?r?mes depuis la t?te jusqu'aux pieds. Ces hommes sont faits tout autrement que les autres. La hauteur des plus grands n'exc?de pas trois coud?es; et je ne vois pas de figure plus propre ? faire rire. Ils ont la t?te grosse, le visage large et plat, le nez ?cras?, les yeux petits, la bouche large, et une barbe ?paisse qui leur pend sur l'estomac. Tous leurs membres sont proportionn?s ? la petitesse du corps: les jambes sont d?li?es, les bras longs; et toute cette petite machine semble remuer par ressorts. Leur habit d'hiver est d'une peau de renne faite comme un sac, descendant sur les genoux, et retrouss?e sur les hanches d'une ceinture de cuir orn?e de petites plaques d'argent; les souliers, les bottes et les gants sont de m?me: ce qui a donn? lieu ? plusieurs historiens de dire qu'il y avait des hommes vers le nord velus comme des b?tes, et qui ne se servaient point d'autres habits que de ceux que la nature leur avait donn?s.

Ils ont toujours une bourse des parties de renne qui leur pend sur l'estomac, dans laquelle ils mettent une cuiller. Ils changent cet habillement l'?t?, et en prennent un plus l?ger, qui est ordinairement de la peau des oiseaux qu'ils ?corchent, pour se garantir des moucherons. Ils ne laissent pas d'avoir par-dessus un sac de grosse toile, ou d'un drap gris-blanc, qu'ils mettent sur leur chair; car l'usage du linge leur est tout ? fait inconnu.

Voil?, monsieur, la description de ce petit animal qu'on appelle Lapon; et l'on peut dire qu'il n'y en a point, apr?s le singe, qui approche plus de l'homme. Nous les interroge?mes sur plusieurs choses dont nous voulions nous informer, et nous leur demand?mes particuli?rement l'endroit o? nous pouvions trouver de leurs camarades. Ces gens nous instruisirent sur tout, et nous dirent que les Lapons commen?aient ? descendre des montagnes qui sont vers la mer Glaciale, d'o? le chaud et les mouches les avaient chass?s, et se r?pandaient vers le lac Tornotracs, d'o? le fleuve Torno prend sa source, pour y p?cher quelque temps jusqu'? ce qu'ils pussent, vers la Saint-Barth?l?my, se rapprocher tout ? fait des montagnes de Swapavara, Kilavara, et les autres o? le froid commen?ait ? se faire sentir, pour y passer le reste de l'hiver. Ils nous assur?rent que nous ne manquerions pas d'en trouver l? des plus riches, et que pendant sept ou huit jours que nous serions ? y aller, les Lapons emploieraient ce temps ? y venir. Ils ajout?rent que, pour eux, ils ?taient demeur?s pendant tout l'?t? aux environs de la mine et des lacs qui sont autour, ayant trouv? assez de nourriture pour quinze ou vingt rennes qu'ils avaient chacun, et ?tant trop pauvres pour entreprendre un voyage de quinze jours, pour lequel il fallait prendre des provisions qu'ils n'?taient pas en pouvoir de faire, ? cause qu'ils ne pouvaient vivre ?loign?s des ?tangs qui leur fournissaient chaque jour de quoi vivre.

Le vendredi, 15 ao?t, il fit un grand froid et il neigea sur les montagnes voisines. Nous e?mes une longue conversation avec le pr?tre, lorsqu'il eut fini les deux sermons qu'il fit ce jour-l?, l'un en finlandais, et l'autre en lapon. Il parlait, heureusement pour nous, assez bon latin, et nous l'interroge?mes sur toutes les choses qu'il pouvait le mieux conna?tre, comme sur le bapt?me, le mariage, et les enterrements. Il nous dit, au sujet du premier, que tous les Lapons ?taient chr?tiens et baptis?s; mais que la plupart, ne l'?taient que pour la forme seulement, et qu'ils retenaient tant de choses de leurs anciennes superstitions, qu'on pouvait dire qu'ils n'avaient que le nom de chr?tiens, et que leur coeur ?tait encore pa?en.

Il nous dit, touchant le mariage, que les Lapons mariaient leurs filles assez tard, quoiqu'elles ne manquassent pas de partis, lorsqu'elles ?taient connues dans le pays pour avoir quantit? de rennes provenues de celles que leur p?re leur a donn?es ? leur naissance et ? leur premi?re dent: car c'est l? tout ce qu'elles emportent avec elles; et le gendre, bien loin de recevoir quelque chose de son beau-p?re, est oblig? d'acheter la fille par des pr?sents. Ils commencent ordinairement au mois d'avril ? faire l'amour, comme les oiseaux.

Les Lapons avaient autrefois une mani?re de marier toute particuli?re, lorsqu'ils ?taient encore tout ? fait ensevelis dans les t?n?bres du paganisme, et qui ne laisse pas encore d'?tre observ?e de quelques-uns. On ne menait point les parties devant le pr?tre; mais les parents les mariaient chez eux, sans autre c?r?monie que par l'excussion du feu qu'ils tiraient d'un caillou. Ils croient qu'il n'y a point de figure plus myst?rieuse, et plus propre pour nous repr?senter le mariage; car comme la pierre renferme en elle-m?me une source de feu qui ne para?t que lorsqu'on l'approche du fer, de m?me, disent-ils, il se trouve un principe de vie cach? dans l'un et l'autre sexe, qui ne se fait voir que lorsqu'ils sont unis.

Je crois, monsieur, que vous ne trouverez pas que ce soit fort mal raisonn? pour des Lapons; et il y a bien des gens, et plus subtilis?s, qui auraient de la peine ? donner une comparaison plus juste. Mais je ne sais si vous jugerez que le raisonnement suivant soit de la m?me force.

J'ai d?j? dit que lorsqu'une fille est connue dans le pays pour avoir quantit? de rennes, elle ne manque point de partis; mais je ne vous avais pas dit, monsieur, que cette quantit? de biens ?tait tout ce qu'ils demandaient dans une jeune fille, sans se mettre en peine si elle ?tait avantag?e de la nature, ou non; si elle avait de l'esprit, ou si elle n'en avait point; et m?me si elle ?tait encore pucelle, ou si quelque autre avant lui avait re?u des t?moignages de sa tendresse. Mais ce que vous admirerez davantage et qui m'a surpris le premier, c'est que ces gens, bien loin de se faire un monstre de cette virginit?, croient que c'est un sujet parmi eux de rechercher de ces filles avec autant d'empressement, que, toutes pauvres qu'elles sont bien souvent, ils les pr?f?rent ? des riches qui seraient encore pucelles, ou qui passeraient du moins pour telles parmi eux. Il faut pourtant faire cette distinction, monsieur, qu'il faut que ces filles dont nous parlons aient accord? cette faveur ? des ?trangers qui vont l'hiver faire marchandise, et non pas ? des Lapons; et c'est de l? qu'ils inf?rent que, puisqu'un homme qu'ils croient plus riche et de meilleur go?t qu'eux a bien voulu donner des marques de son amour ? une fille de leur nation, il faut qu'elle ait un m?rite secret qu'ils ne connaissent pas, et dont ils doivent se bien trouver dans la suite. Ils sont si friands de ces sortes de morceaux, que lorsqu'ils viennent quelquefois pendant l'hiver ? la ville de Torno, et qu'ils trouvent une fille grosse, non-seulement ils oublient leurs int?r?ts, en voulant la prendre sans bien, mais m?me, lorsqu'elle fait ses couches, ils l'ach?tent des parents autant que leurs facult?s le leur peuvent permettre.

Comme les Lapons ignorent naturellement presque toutes les maladies, ils n'ont point voulu s'en faire d'eux-m?mes, comme nous. La jalousie et la crainte du cocuage ne les troublent point. Ces maux, qui poss?dent tant de personnes parmi nous, sont inconnus chez eux; et je ne crois pas m?me qu'il y ait un mot dans leur langue pour exprimer celui de cocu; et l'on peut dire plaisamment avec cet Espagnol, en parlant des si?cles pass?s et de celui dans lequel nous vivons:

Pass? lo de oro, Pass? lo de plata, Pass? lo de hierro; Vive lo de cuerno.

Quand le mariage est consomm?, le mari n'emm?ne pas sa femme, mais il demeure un an avec son beau-p?re, au bout duquel temps il va ?tablir sa famille o? bon lui semble, et emporte avec lui tout ce qui appartient ? sa femme. Les pr?sents m?me qu'il a faits ? son beau-p?re au temps des accords lui sont rendus, et les parents reconnaissent ceux qui leur ont ?t? faits, par quelques rennes, suivant leur pouvoir.

Je vous ai remarqu?, monsieur, que les ?trangers ont en ce pays un grand privil?ge, qui est d'honorer les filles de leur approche. Ils en ont un autre qui n'est pas moins consid?rable, qui est de partager avec les Lapons leurs lits et leurs femmes. Quand un ?tranger vient dans leurs cabanes, ils le re?oivent le mieux qu'ils peuvent, et pensent le r?galer parfaitement, s'ils ont un verre d'eau-de-vie ? lui donner; mais apr?s le repas, quand la personne qu'ils re?oivent est de consid?ration, et qu'ils veulent lui faire ch?re enti?re, ils font venir leurs femmes et leurs filles, et tiennent ? grand honneur que vous agissiez avec elles comme ils feraient eux-m?mes: pour les femmes et les filles, elles ne font aucune difficult? de vous accorder tout ce que vous pouvez souhaiter, et croient que vous leur faites autant d'honneur qu'? leurs maris ou ? leurs p?res.

Comme cette mani?re d'agir me surprit ?trangement, et n'ayant pu jusqu'? pr?sent l'?prouver moi-m?me, je m'en suis inform? le plus exactement qu'il m'a ?t? possible; et, parmi quantit? d'histoires de cette nature, je vous en dirai donc ce qu'on m'a assur? ?tre v?ritable.

Ce Fran?ais que nous trouv?mes aux mines de Swapavara, homme simple, et que je ne crois pas capable de controuver une histoire, nous assura que pour faire plaisir ? quantit? de Lapons, il les avait soulag?s du devoir conjugal; et pour nous faire voir combien ces gens lui avaient fait d'instances pour le faire condescendre ? prendre cette peine, il nous dit qu'un jour, apr?s avoir bu quelques verres d'eau-de-vie avec un Lapon, il fut sollicit? par cet homme de coucher avec sa femme, qui ?tait l? pr?sente, avec toute sa famille; et que, sur le refus qu'il lui en fit, s'excusant du mieux qu'il pouvait, le Lapon, ne trouvant pas ses excuses valables, prit sa femme et le Fran?ais, et les ayant jet?s tous deux sur le lit, sortit de la chambre et ferma la porte ? la clef, conjurant le Fran?ais, par tout ce qu'il put all?guer de plus fort, qu'il lui pl?t de faire en sa place comme il faisait lui-m?me.

L'histoire qui arriva ? Joannes Tornaeus, pr?tre des Lapons, dont j'ai d?j? parl?, n'est pas moins remarquable. Elle nous fut dite par ce m?me pr?tre qui avait ?t? longtemps son vicaire dans la Laponie, et qui avait v?cu sous lui pr?s de quinze ans; il la tenait de lui-m?me.

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Si cette aventure ne nous avait pas ?t? racont?e par le m?me pr?tre qui ?tait alors son disciple, et qui ?tait pr?sent, je ne pourrais jamais la croire; mais il nous l'assura d'une mani?re si forte, que je ne puis en douter, connaissant d'ailleurs le naturel du pays.

Cette bonne volont? que les Lapons ont pour leurs femmes ne s'?tend pas seulement ? l'?gard de leurs pasteurs, mais aussi sur tous les ?trangers, suivant ce qu'on en a dit, et comme nous voulons le prouver.

Je ne vous dis rien, monsieur, d'une fille ? qui le bailli de Laponie, qui est celui qui re?oit le tribut pour le roi, avait fait un enfant. Un Lapon l'acheta, pour en faire sa femme, de celui qui l'avait d?shonor?e, sans autre raison que parce qu'elle avait su captiver les inclinations d'un ?tranger. Toutes ces choses sont si fr?quentes en ce pays, que, pour peu qu'on vive parmi les Lapons, on ne manque pas d'en ?tre bient?t convaincu par sa propre exp?rience.

Ceux qui sont assez heureux en France, et en d'autres lieux, pour arriver ? une extr?me vieillesse, sont oblig?s de souffrir quantit? d'incommodit?s qu'elle tra?ne avec elle; mais les Lapons en sont enti?rement exempts, et ils ne ressentent pour toute infirmit? dans cet ?tat qu'un peu de diminution de leur vigueur ordinaire. On ne saurait m?me distinguer les vieillards d'avec les jeunes, et on voit rarement de t?te blanche en ce pays: ils retiennent toujours leur m?me poil, qui est ordinairement roux. Mais ce qui est de remarquable, c'est qu'on rencontre peu de vieillards qui ne soient aveugles. Leurs vues, d?j? affaiblies par le d?faut de la nature, ne peuvent plus supporter ni l'?clat de la neige, dont la terre est presque toujours couverte, ni la fum?e continuelle caus?e par le feu qui est toujours allum? au milieu de leur cabane, et qui les aveugle sur la fin de leurs jours.

Les successions se font ? peu pr?s comme en Su?de: la veuve prend la moiti?; et si le d?funt a laiss? un gar?on et une fille, le gar?on prend les deux tiers du bien, et laisse l'autre ? sa soeur.

La couleur de leur poil est plus noire que celle du cerf, particuli?rement quand ils sont jeunes; et pour lors ils sont presque noirs comme les rennes sauvages, qui sont toujours plus forts, plus grands et plus noirs que les domestiques.

Quoiqu'ils n'aient pas les jambes si menues que le cerf, ils ne laissent pas de le surpasser en l?g?ret?. Leur pied est extr?mement fendu et presque rond; mais ce qui est remarquable dans cet animal, c'est que tous ses os, et particuli?rement les articles des pieds, craquent comme si l'on remuait des noix, et font un cliquetis si fort, qu'on entend cet animal presque d'aussi loin qu'on le voit. L'on remarque aussi dans les rennes, que, quoiqu'ils aient le pied fendu, ils ne ruminent point, et qu'ils n'ont point de fiel, mais une petite marque noire dans le foie sans aucune amertume.

La Laponie ne nourrit point d'autres animaux domestiques que les rennes; mais on trouve dans ces b?tes seules autant de commodit?s qu'on en rencontre dans toutes celles que nous nourrissons. Ils ne jettent rien de cet animal; ils emploient le poil, la peau, la chair, les os, la moelle, le sang et les nerfs et ils mettent tout en usage.

La peau leur sert pour se garantir des injures de l'air; en hiver ils s'en servent avec le poil, et en ?t? ils ont des peaux dont ils l'ont fait tomber. La chair de cet animal est pleine de suc, grasse, et extr?mement nourrissante; et les Lapons ne mangent point d'autre viande que de celle de renne. Les os leur sont d'une utilit? merveilleuse pour faire des arbal?tes et des arcs, pour armer leurs fl?ches, pour faire des cuillers, et pour orner tous les ouvrages qu'ils veulent faire. La langue et la moelle des os est ce qu'ils ont de plus d?licat parmi eux; et les amants portent de ces mets ? leurs ma?tresses, comme les plus exquis, qu'ils accompagnent ordinairement de chair d'ours et de castor. Ils boivent souvent le sang; mais ils le conservent plus ordinairement dans la vessie de cet animal, qu'ils exposent au froid, et le laissent condenser et prendre un corps en cet ?tat; et lorsqu'ils veulent faire du potage, ils en coupent ce qu'ils ont de besoin, et le font bouillir avec du poisson. Ils n'ont point d'autres fils que ceux qu'ils tirent des nerfs, qu'ils filent sur la joue de ces animaux. Ils se servent des plus fins pour faire leurs habits, et ils emploient les plus gros pour coudre ensemble les planches de leurs barques. Ces animaux ne fournissent pas seulement aux Lapons de quoi se v?tir et de quoi manger, ils leur donnent aussi de quoi boire. Le lait de renne est le seul breuvage qu'ils aient; et parce qu'il est extr?mement gras et tout ? fait ?pais, ils sont oblig?s d'y m?ler presque la moiti? d'eau. Ils ne tirent de ce lait que demi-setier par jour des meilleures rennes, qui ne donnent m?me du lait que lorsqu'elles ont un veau. Ils en font des fromages tr?s-nourrissants; et les pauvres gens, qui n'ont pas le moyen de tuer leurs rennes pour manger, ne se servent point d'autre nourriture. Ces fromages sont gras et d'une odeur assez forte, mais ils sont fades, comme ?tant faits et mang?s sans sel.

Ce chemin, comme vous voyez, monsieur, est tr?s-consid?rable; et s'il y avait des postes de rennes ?tablies en France, il ne serait pas bien difficile d'aller de Paris ? Lyon en moins de vingt-six heures. La diligence serait belle; mais quoiqu'il semble que cette mani?re de voyager soit fort commode, on en serait beaucoup plus fatigu?. Les sauts qu'il faut faire, les foss?s qu'il faut franchir, les pierres sur lesquelles il faut passer, et le travail continuel n?cessaire pour s'emp?cher de verser, et pour se relever quand on est tomb?, feraient qu'on aimerait beaucoup mieux aller plus doucement, et essuyer moins de risques.

Quoique ces animaux se laissent assez facilement conduire, il s'en trouve n?anmoins beaucoup de r?tifs, et qui sont presque indomptables; en sorte que, lorsque vous les poussez trop vite, ou que vous voulez leur faire faire plus de chemin qu'ils ne veulent, ils ne manquent pas de se retourner; et, se dressant sur leurs pieds de derri?re, ils viennent fondre avec une telle furie sur celui qui est dans le tra?neau, qui ne peut ni se d?fendre ni sortir, ? cause des liens qui l'embarrassent, qu'ils lui cassent souvent la t?te, et le tuent quelquefois avec leurs pieds de devant, desquels ils sont si forts, qu'ils n'ont point d'autres armes pour se d?fendre contre les loups.

Les Lapons, pour se parer des insultes de ces animaux, n'ont point d'autre rem?de que de se tourner contre terre, et de se couvrir de leur tra?neau, jusqu'? ce que leur col?re soit un peu apais?e.

Voil?, monsieur, la mani?re dont les Lapons voyagent l'hiver, lorsque la neige couvre enti?rement toute la terre, et que le froid a fait une cro?te glissante par-dessus. L'?t?, il faut qu'ils aillent ? pied, car les rennes ne sont pas assez forts pour les porter; et ils ne les attellent point ? des chariots, dont l'usage leur est tout ? fait inconnu, ? cause de l'?pret? des chemins: ils ne laissent pas de porter des fardeaux; et les Lapons prennent une forte ?corce de bouleau, qu'ils courbent en forme d'arc, et mettent sur la largeur ce qu'ils ont ? porter, qui n'exc?de pas de chaque c?t? le poids de quarante livres. C'est de cette mani?re qu'ils portent pendant l'?t? leurs enfants baptiser, et qu'ils suivent derri?re.

Je pense d?j? avoir dit que les rennes n'ont de lait que lorsqu'elles ont un veau, qui tette pendant trois mois; et sit?t que le veau est mort, elles n'ont plus de lait. Ils leur mettent des cocons de pin, lorsqu'ils veulent qu'ils mangent; et quand ils tettent et qu'ils piquent leur m?re, elle leur donne des coups de cornes.

L'on dit de ces animaux qu'on leur parle ? l'oreille, si l'on veut qu'ils aillent d'un c?t? ou d'un autre; cela est enti?rement faux: ils vont presque toujours avec un conducteur qui en conduit six apr?s lui; et s'il arrive que quelqu'un veuille faire voyage en quelque endroit, s'il peut trouver un renne de renvoi qui soit du pays o? il veut aller, il n'aura besoin d'aucun guide, et le renne le m?nera ? l'endroit o? il veut aller, quoiqu'il n'y ait aucun chemin trac?, et que la distance soit de plus de quarante lieues.

Nous ne f?mes qu'un demi-mille le dimanche, ? cause des torrents et d'un vent imp?tueux qui nous terrassait ? tous moments; et, pendant le temps que nous f?mes ? faire ce chemin ? pied, nous n'avancions pas quatre pas sans voir ou sans entendre tomber des pins d'une grosseur extr?me, qui causaient, en tombant, un bruit ?pouvantable qui retentissait par toute la for?t. Cette temp?te, qui dura tout le jour et la nuit, nous obligea de rester, et de passer cette nuit, comme nous avions fait la pr?c?dente, avec d'aussi grands feux, mais plus de pr?caution, pour ne pas porter l'incendie o? nous passions; ce qui faisait dire ? nos bateliers qu'il ne faudrait que quatre Fran?ais pour br?ler en huit jours tout le pays.

Le lendemain lundi, las d'?tre expos?s ? la bise sans avancer, nous ne laiss?mes pas, malgr? la temp?te qui durait encore, de nous mettre en chemin sur un lac qui paraissait une mer agit?e, tant les vagues ?taient hautes; et apr?s quatre ou cinq heures de travail pour faire trois quarts de mille, nous arriv?mes ? l'?glise des Lapons, o? demeurait le pr?tre.

Les Lapons les plus chr?tiens ne se contentent pas de donner ? leurs pasteurs, ils font aussi des offrandes ? l'?glise. Nous avons vu quantit? de peaux de petits-gris qui pendaient devant l'autel; et quand ils veulent d?tourner quelque maladie qui afflige leurs troupeaux, ou demander ? Dieu leur prosp?rit?, ils portent des peaux de rennes ? l'?glise, et les ?tendent sur le chemin qui conduit ? l'autel, par o? il faut n?cessairement que le pr?tre passe; et ils croient ainsi s'attirer la b?n?diction du ciel. Les pr?tres ont beaucoup d'affaires pendant ce temps; car comme la plupart ne viennent que cette fois ? l'?glise pendant toute l'ann?e, il faut faire pendant huit ou quinze jours tout ce qu'on ferait ailleurs en une ann?e. C'est dans ce temps que la plus grande partie fait baptiser les enfants, qu'ils enterrent les corps de ceux qui sont morts pendant l'?t?; car lorsqu'il meurt quelqu'un dans le temps qu'ils sont vers la mer Occidentale, ou dans quelque autre endroit de la Laponie, comme ils ne sauraient apporter les corps, ? cause de la difficult? des chemins, et qu'ils n'ont point de commodit? pour les transporter, ils les enterrent sur le lieu o? ils sont morts, dans quelque caverne ou sous quelques pierres, pour les d?terrer l'hiver, lorsque la neige leur donne la commodit? de les porter ? l'?glise. D'autres, pour ?viter que les corps ne se corrompent, les mettent dans le fond de l'eau, dans leur cercueil, qui est, comme j'ai dit, d'un arbre creux ou de leur tra?neau, et ne les tirent point que pour les porter au cimeti?re. Ils font aussi leurs mariages pendant la foire: comme tous leurs amis sont pr?sents ? cette action, ils la diff?rent ordinairement jusqu'? ce temps, pour la rendre plus solennelle et se divertir davantage.

Tous ces march?s ne se font plus avec la m?me franchise qu'ils se faisaient autrefois; et comme les Lapons, qui agissaient avec fid?lit? se sont vus tromp?s, la crainte qu'ils ont de l'?tre encore les met sur leurs gardes ? tel point, qu'ils se trompent plut?t eux-m?mes que d'?tre tromp?s.

Il n'y a rien qui fasse mieux voir le peu de christianisme qu'ont la plupart des Lapons, que la r?pugnance qu'ils ont d'aller ? l'?glise pour entendre le pr?tre, et pour assister ? l'office. Il faut que le bailli ait soin de les y faire aller par force, en envoyant des gens dans leurs cabanes pour voir s'ils y sont. Il y en a qui, pour s'exempter d'y aller, lui donnent de l'argent; quelques-uns croient pouvoir se dispenser d'assister ? la pr?dication, en disant qu'ils y ?taient l'ann?e pass?e, et d'autres s'imaginent avoir une excuse l?gitime de s'absenter, en disant qu'ils sont d'une autre ?glise ? laquelle ils ont ?t?. Cela fait voir clairement qu'ils ne sont chr?tiens que par force, et qu'ils n'en donnent des marques que lorsqu'on les contraint de le faire.

Nous f?mes occup?s le reste de ce jour, et toute la matin?e du mardi, ? graver sur une pierre des monuments ?ternels, qui devaient faire conna?tre ? la post?rit? que trois Fran?ais n'avaient cess? de voyager qu'o? la terre leur avait manqu?, et que, malgr? les malheurs qu'ils avaient essuy?s, et qui auraient rebut? beaucoup d'autres qu'eux, ils ?taient venus planter leur colonne au bout du monde, et que la mati?re avait plut?t manqu? ? leurs travaux que le courage ? les souffrir. L'inscription ?tait telle:

Gallia nos genuit; vidit nos Africa; Gangem Hausimus, Europamque oculis lustravimus omnem: Casibus et variis acti terraque marique, Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis. DE FERCOURT, DE CORBERON, REGNARD. 18 Augusti 1681.

Nous grav?mes ces vers sur la pierre et sur le bois; et quoique le lieu o? nous ?tions ne f?t pas le v?ritable endroit pour les mettre, nous y laiss?mes pourtant ceux que nous avions grav?s sur le bois, qui furent mis dans l'?glise au-dessus de l'autel.

Nous port?mes les autres avec nous pour les mettre au bout du lac de Tornotresch, d'o? l'on voit la mer Glaciale, et o? finit l'univers.

Lorsque les Lapons qui devaient nous conduire et nous montrer le chemin furent arriv?s de chez eux, o? ils ?taient all?s pour prendre quelques petites provisions, consistant en sept ou huit fromages de renne et quelques poissons secs, nous part?mes de chez les pr?tres sur les cinq heures du soir et v?nmes nous reposer ? un torrent imp?tueux qu'ils appellent Vaccho, o? nous arriv?mes ? une heure apr?s minuit. Nous e?mes le plaisir, tout le long du chemin, de voir le coucher et l'aurore du soleil en m?me temps. Le soleil se coucha ce jour-l? ? onze heures et se leva ? deux, sans qu'on cess?t de voir aussi clair qu'en plein midi. Mais, lorsque les jours sont les plus longs, c'est-?-dire trois semaines devant la Saint-Jean et trois semaines apr?s, on le voit continuellement pendant tout ce temps, sans qu'au plus bas de sa course il touche la pointe des plus hautes montagnes. On est aussi, pendant les plus courts jours de l'hiver, deux mois entiers sans le voir; et l'on monte ? la Chandeleur sur le sommet des montagnes, pour le regarder poindre pendant un moment. La nuit n'est pourtant pas continuelle, et sur le midi il para?t un petit cr?puscule qui dure environ deux heures. Les Lapons, aid?s de cette lumi?re et de la r?verb?ration de la neige, dont la terre est toute couverte, prennent ce temps pour aller ? la chasse et ? la p?che, qu'ils ne finissent point, quoique les rivi?res et les lacs soient gel?s partout, et en quelques endroits de la hauteur d'une pique: mais ils font des trous dans la glace d'espace en espace, et poussent, par le moyen d'une perche qui va dessous cette glace, leurs filets de trou en trou, et les retirent de m?me. Mais ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que bien souvent ils rapportent dans des filets des hirondelles qui se tiennent avec leurs pattes ? quelque petit morceau de bois. Elles sont comme mortes lorsqu'on les tire de l'eau, et n'ont aucun signe de vie; mais lorsqu'on les approche du feu, et qu'elles commencent ? sentir la chaleur, elles remuent un peu, puis secouent leurs ailes, et commencent ? voler comme elles font en ?t?. Cette particularit? m'a ?t? confirm?e par tous ceux ? qui je l'ai demand?e.

Nous nous m?mes le mercredi matin en chemin, et, apr?s avoir pass? de l'autre c?t? du torrent, nous f?mes une petite lieue ? pied. Nous rencontr?mes dans notre chemin la cabane d'un Lapon, faite de feuilles et de gazon: toutes ses hardes ?taient derri?re sa cabane sur des planches, qui consistaient en quelques peaux de rennes, quelques outils pour travailler, et plusieurs filets qui pendaient sur une perche. Apr?s avoir tout examin?, nous poursuiv?mes notre route ? l'ouest dans les bois, sans suivre aucun chemin. Nous trouv?mes dans le milieu un magasin de Lapon, construit sur quatre arbres qui faisaient un espace carr?. Tout cet ?difice, couvert de quelques planches, ?tait appuy? sur ces quatre morceaux de bois, qui sont ordinairement de sapin, dont les Lapons ?tent l'?corce, afin que particuli?rement les loups et les ours ne puissent monter sur ces arbres, qu'ils frottent de graisse et d'huile de poisson. C'est dans ce magasin que les Lapons ont toutes leurs richesses, qui consistent en poisson sec ou chair de rennes. Ces garde-manger sont au milieu des bois, ? deux ou trois lieues de l'endroit o? le Lapon a son habitation: le m?me en aura quelquefois deux ou trois en diff?rents endroits. C'est pourquoi, comme ils sont expos?s continuellement ? la fureur des b?tes, ils emploient toute leur adresse pour rendre leurs efforts vains; mais il arrive bien souvent, quoi qu'ils puissent faire, que les ours d?truisent tout le travail d'un Lapon, et mangent en un jour tout ce qu'il aura amass? pendant une ann?e enti?re, ainsi qu'il arriva ? un certain que nous trouv?mes sur le lac de Tornotresch, et que nous rencontr?mes ? notre retour, fort d?sol? de ce que les ours avaient d?truit son magasin, et d?vor? tout ce qui ?tait dedans.

Apr?s avoir encore march? environ une demi-heure, nous arriv?mes sur le bord du lac, o? nous trouv?mes un petit Lapon extr?mement vieux, avec son fils, qui allait ? la p?che. Nous l'interroge?mes sur quantit? de choses, et particuli?rement sur son ?ge, qu'il ne savait pas; ignorance ordinaire aux Lapons, qui presque tous n'ont pas m?me le souvenir de l'ann?e dans laquelle ils vivent, et qui ne connaissent les temps que par la succession de l'hiver ? l'?t?. Nous lui donn?mes du tabac et de l'eau-de-vie; et il nous dit que, nous ayant aper?us du haut de sa cabane, il s'?tait sauv? dans le bois, d'o? il pouvait pourtant nous voir; et qu'ayant reconnu que nous ne lui avions fait aucun dommage, et que nous n'avions emport? aucune chose, il s'?tait hasard? ? sortir de son fort pour vaquer ? son travail. Le bon traitement que nous f?mes ? ce pauvre homme en tabac et en eau-de-vie, qui est le plus grand r?gal qu'on puisse faire aux Lapons, fit qu'il nous promit de nous mener chez lui ? notre retour, et qu'il nous ferait voir ses rennes, au nombre de soixante-dix ou quatre-vingts, et tout son petit m?nage.

Nous pass?mes outre, et all?mes passer la nuit dans la cabane d'un Lapon qui ?tait ? l'endroit o? le lac commence ? former le fleuve. Il y a longtemps, monsieur, que je vous parle des maisons des Lapons, sans vous en avoir fait la description; il faut contenter votre curiosit?.

Les Lapons n'ont aucune demeure fixe, mais ils vont d'un lieu ? un autre, emportant avec eux tout ce qu'ils ont. Ce changement de place se fait, ou pour la commodit? de la p?che, dont ils vivent, ou pour la nourriture de leurs rennes, qu'ils cherchent ailleurs lorsqu'elle est consomm?e dans l'endroit o? ils vivaient. Ils se mettent ordinairement pendant l'?t? sur le bord des lacs, ? l'endroit o? sont les torrents; et l'hiver ils s'enfoncent davantage dans les bois, aux endroits o? ils croient trouver de quoi chasser. Ils n'ont pas de peine ? d?m?nager promptement: en un quart d'heure ils ont pli? toute leur maison, et chargent tous leurs ustensiles sur des rennes, qui leur sont d'un merveilleux secours; ils en ont en cette occasion cinq ou six sur lesquels ils mettent tout leur bagage, comme nous faisons sur nos chevaux, et les enfants qui ne sauraient marcher.

Il y a encore une autre sorte de cabane qui est fixe, et qu'ils font de figure hexagone, avec des pins qu'ils embo?tent les uns sur les autres, et dont les fentes sont bouch?es de mousse. Celles-l? appartiennent aux plus riches, qui ne laissent pas de changer de demeure comme les autres, mais qui reviennent toujours au bout de quelque temps au m?me endroit, qui est ordinairement sur le bord des cataractes qui apportent une grande commodit? pour la p?che.

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