Read Ebook: The swamp was upside down by Leinster Murray Freas Kelly Illustrator
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 472 lines and 19210 words, and 10 pagesL'ENFER ET LE PARADIS DE L'AUTRE MONDE PAR EMILE CHEVALIER PR?FACE < Et je donnai mes raisons. Ces raisons, on les trouvera expos?es dans ce livre, publi?, pour la premi?re fois, en 1857, ? Montr?al, et tir? ? cinquante mille exemplaires, tant en fran?ais qu'en anglais. Si quelques-uns des motifs qui l'ont dict? n'existent plus, comme le trait? de r?ciprocit? entre le Canada et les ?tats-Unis, il n'en est pas moins toujours vrai que la Grande-Bretagne d?courage syst?matiquement l'industrie et les arts utiles dans ses colonies; que, chaque ann?e, les Canadiens eux-m?mes fuient une patrie o? ils ne trouvent point de travail, malgr? les immenses ressources naturelles dont abonde leur pays. Il n'en est pas moins toujours vrai que le Canada ne sera jamais prosp?re et grand que lorsqu'il se sera annex? ? la R?publique des ?tats-Unis. H.-EMILE CHEVALIER. Paris, juillet 1866. L'ENFER CHAPITRE I LE FOYER DU COLON Ce jour-l? Toronto, la capitale du Haut-Canada; ?tait froid, monotone et m?lancolique. ?paisse aussi, bien ?paisse ?tait la neige sur les larges et tristes voies passag?res. Dans les rues d?sertes, comme dans la campagne, ? travers les arbres, au fa?te des ?difices, et loin, fort loin sur la baie silencieuse, ce n'?tait que neige!--neige ici, neige l?, neige partout. Du nord s'?lan?ait une bise piquante qui balayait les plaines, balayait la ville et balayait le lac; de lourds nuages noirs marchaient p?niblement au ciel, et ils ?taient tout charg?s de neige, encore de la neige. Le vent les chassait lentement en g?missant, d'un ton lugubre, le long des art?res de la cit?. Chacun, chaque chose avait cet aspect triste qu'une journ?e aussi sombre, aussi glaciale pouvait ?voquer. Les maisons elles-m?mes avaient l'air ennuy? et mal ? l'aise. Il semblait qu'elles regardassent avec humeur les rues solitaires et se serrassent les unes contre les autres en tremblotant et se plaignant comme de v?ritables mortelles. Les fen?tres aussi ?taient d?laiss?es et n'annon?aient que trop combien peu on s'amusait dans les appartements qu'elles ?clairaient. Les quelques tra?neaux dont, de temps en temps, tintaient les clochettes ? travers l'air froid et humide remplissaient d'une sensation d?sagr?able par leurs sons discords et criards. Les pi?tons qui cheminaient sur les trottoirs ?taient envelopp?s jusqu'? mi-visage dans des fourrures et chauss?s de mocassins. Ce qu'on apercevait de leur face ?tait bleui par la vivacit? de l'atmosph?re, et ils se heurtaient gauchement, s'il arrivait qu'ils se rencontrassent le long de l'?troite piste. On aurait dit que tous ?taient dehors contre leur gr?, et qu'ils se h?taient de rentrer chez eux, ? l'exception de quelques individus de taille malingre, courb?s, ? moiti? couverts contre les rigueurs de la saison, et qui se tenaient au coin des rues, regardant d'un oeil d'envie, tant?t les magasins, tant?t les gens confortablement v?tus qui les coudoyaient en passant. Les traits des pauvres malheureux portaient imprim?e en caract?res ?loquents cette silencieuse requ?te: < Si l'on se sentait mal et chagrin au coeur de la ville, au sein m?me du luxe et de la richesse de la populeuse cit?, ? plus forte raison il en ?tait ainsi dans les faubourgs, sur les mornes mar?cages o? de ch?tives habitations maigrement distribu?es per?aient ? peine les bancs de neige que la tourmente y avait entass?s. C'est l? que vivent les esclaves de la peine, les enfants de bien des maux, le mis?rable et le mendiant; l? aussi hurlaient et se lamentaient les vents malicieux, le jour o? commence cette histoire; l?, ils soulevaient la neige et la fouettaient contre les pauvres demeures; l?, ils tourbillonnaient, tourbillonnaient autour de chaque cabane, cherchant une ouverture pour entrer, sifflant avec furie quand ils l'avaient trouv?e, ou s'?loignant bruyamment quand ils n'en d?couvraient pas et comme si toute leur malice ?tait uniquement dirig?e contre les d?sh?rit?s de la fortune, de m?me que, dans le monde, le fort s'exerce surtout contre le faible, parce que ce dernier n'a rien pour se pr?server de ses rudes attaques. Oui, souffle, mugis et fais rage, ? vent! tu as un r?le ? jouer dans ce grand drame. Quelques-unes de tes victimes sont d?j? bien mis?rables; tu penses encore ? ajouter ? leurs angoisses, ce n'est qu'un autre artifice dans ce long catalogue de d?tresse. Oui, quelques-unes sont d?j? bien d?nu?es,--oui, m?me dans cette petite hutte autour de laquelle tu te livres ? une hilarit? si ?clatante, si ironique--elles sont bien d?pourvues, il ne manque pas de trous pour te laisser entrer; on ne peut t'expulser: entre donc, ? vent; nous 'te suivrons. C'?tait une des plus laides et des plus repoussantes cabanes qui fussent en ce lieu; et Dieu sait que la laideur ne manquait point parmi elles. La seule fen?tre qu'elle poss?d?t ?tait bris?e et grossi?rement raccommod?e avec des haillons; la porte raboteuse paraissait avoir peine ? se tenir sur ses gonds; l'escalier et diverses parties de la charpente ext?rieure avaient ?t? enlev?s, afin d'aider ? r?sister momentan?ment ? l'ennemi commun; et c'?tait, en somme, une habitation aussi inhospitali?re qu'on en peut imaginer une pour abriter une portion de l'humanit?. L'int?rieur n'?tait pas moins repoussant que l'ext?rieur. Il se composait d'une seule chambre, dont le plancher, la tablette de chemin?e et les lambris avaient disparu. Quelques braises, se consumant lentement dans le foyer sans chaleur, disaient assez pourquoi le peu de mobilier de cette pi?ce paraissait avoir partag? le m?me sort, car il ?tait mutil?, d?figur?, au point que ces restes semblaient bons tout au plus ? faire aussi du feu. La neige moite s'?tait introduite de toute part. Elle marquait le sol en vingt places, et les vents coulis exhalaient de tout c?t? leur baleine glaciale. Vraiment, il ne faisait ni chaud ni bon dans la pauvre cabane ce jour-l?! On y remarquait deux jeunes filles, puis un tout petit gar?on accroupi en un coin de la chemin?e, et leur m?re portant un enfant ? la mamelle. Les filles et la m?re ?taient assises devant les charbons agonisants. Leurs corps grelottaient et leurs visages ?taient enfouis dans leurs mains, comme si elles eussent voulu ?chapper ? leur d?n?ment en en bannissant m?caniquement l'image de leur esprit. L'a?n?e, qui pouvait avoir dix-huit ou dix-neuf ans, levait de temps en temps la t?te, jetant tristement ses yeux sur le taudis, puis sur sa m?re qui pleurait, puis sur le petit gar?on ?tendu pr?s de l'?tre glac?, et puis elle replongeait sa figure entre ses doigts amaigris, avec une expression de douleur que rendait plus am?re encore le silence qui enveloppait cette sc?ne. Elle ?tait belle pourtant la jeune fille! Ses formes ne semblaient point avoir ?t? p?tries pour donner asile au chagrin; et si le chagrin s'?tait log? chez elle, il n'avait pu la d?pouiller de ses attraits; elle ?tait charmante, toute pleine de gr?ces, quoique bien vives fussent les peines qui troublaient sa vie. Ses cheveux flottaient en d?sordre sur ses ?paules, et les pommettes de ses joues brillaient d'un ?clat de mauvais augure; mais dans ses grands yeux noirs rayonnait une beaut? calme, et toute sa physionomie refl?tait une tranquillit? d'?me que la n?gligence ne pouvait d?guiser et la mis?re qui l'environnait effacer enti?rement. Il y avait quelque chose de c?leste dans ce galetas, quoique les peines de notre monde l'eussent si affreusement marqu? de leur cachet. La plus jeune fille n'?tait pas aussi belle que sa soeur. Mais elle avait la m?me physionomie et la m?me r?gularit? de traits, dont on pouvait parfaitement retrouver l'origine dans le visage hagard, fl?tri par les soucis et encore distingu? de la m?re. Moins remarquablement sym?triques que chez son a?n?e, ces traits la rendaient plus jolie et plus piquante. Quand elle redressait la t?te, ses yeux ?tincelaient, au milieu d'une d?tresse si grande, d'une animation qui inspirait des appr?hensions, car son regard disait que les malheurs dont elle ?tait assi?g?e parlaient un langage ?trange ? son esprit inexp?riment?. Une ombre d'expression semblable nuan?ait parfois l'air de sa soeur, quoique cette ombre f?t si affaiblie par l'?clat d'une beaut? sup?rieure qu'elle ?tait ? peine perceptible. Bien que tr?s-l?g?res, ces teintes soulevaient n?anmoins de terribles inqui?tudes dans le coeur de la pauvre m?re, par, lorsqu'elle arr?tait les yeux sur ses filles bien-aim?es, elle secouait douloureusement la t?te, soupirait, pleurait et pressait convulsivement le nourrisson contre son coeur, comme si une affliction nouvelle s'?tait empar?e d'elle, et comme si les mots qu'elle aurait voulu prononcer s'?taient enfuis de ses l?vres. --O ma m?re! c'est bien dur, c'est bien dur! s'?cria tout ? coup la fille a?n?e en pressant f?brilement sa t?te entre ses mains. Nous ne pouvons, cependant, mourir de faim; mais que faire? Elle se leva et commen?a de se promener dans la chambre en serrant toujours sa t?te avec ses mains et paraissant plong?e dans un ab?me de r?flexions. Sa m?re la suivait incessamment des yeux; mais elle avait le coeur trop gonfl? de ses propres chagrins pour la pouvoir consoler par des paroles. --Ma m?re, ma m?re! reprit la jeune fille s'arr?tant et plongeant ses regards dans ceux de la pauvre femme, nous sommes bien infortun?es! Voyez! peut-il y avoir un pire destin? Point d'ouvrage, il n'y en a pas dans tout le pays. Mon p?re a tout essay?. Mark aussi, et nous-m?mes avons essay? mille fois, mais inutilement: il n'y a rien, rien! Faut-il donc que nous mourions ainsi de faim, dites, ma m?re? --Eh bien, moi je ne mourrai pas! fit la plus jeune, frappant ses genoux de ses poings ferm?s. Je ne sais pas ce qu'avait mon p?re de s'arr?ter dans un pays aussi pauvre que celui-ci, tandis qu'il aurait eu tant d'ouvrage dans les ?tats-Unis, s'il y ?tait all? quand il le pouvait. Non, ?a ne peut pas durer comme ?a. J'aimerais mieux mourir la premi?re. La malheureuse m?re portait ses regards de l'une ? l'autre de ses filles d'un air effray?, comme si elle lisait dans leur agitation et leur langage quelque chose de plus ?pouvantable que toute la mis?re qui les entourait. --Non, non, Madeleine, Ellen, ?a n'en viendra pas l?. Un peu de patience, je vous prie; nous devons tous avoir un peu de patience, dit-elle tendrement. Add to tbrJar First Page Next Page |
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