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Munafa ebook

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Read Ebook: Le sentiment religieux by Bois Henri

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Ebook has 26 lines and 12189 words, and 1 pages

?voquant certaines images, qu'on peut modifier la partie affective de son ?tre. Historiquement, on peut dire que le progr?s du sentiment est li? ? celui de l'intelligence; et que le sentiment, d'abord en quelque sorte homog?ne, vague et confus, n'acquiert d'individualit?, d'existence diff?renci?e, ne se sp?cialise que gr?ce ? l'id?e et re?oit de l'id?e ses nuances, ses teintes d?licates, ses d?veloppements divers. Bien plus, dans l'?tat actuel du Christianisme, il y a incontestablement des id?es qui sont pour l'individu ant?rieures ? toute exp?rience chr?tienne de sa part, et qui, bien loin de d?river de son exp?rience individuelle, la conditionnent et la provoquent. Jamais, si on ne lui avait parl? d'abord clairement ou obscur?ment de l'?vangile, un chr?tien ne tirerait de son exp?rience religieuse l'id?e de l'existence de J?sus-Christ, des proph?ties r?alis?es en sa personne, de la mort et de la r?surrection corporelle de l'homme-Dieu. C'est qu'aussi bien, sans des connaissances de ce genre--nous n'avons nulle intention d'en dresser ici la liste,--sans certaines connaissances d?taill?es ou fragmentaires, pures ou m?l?es d'erreur, peu importe, l'exp?rience religieuse elle-m?me de cet individu ne se serait jamais produite. Cet homme se convertit: qu'est-ce ? dire, sinon que la v?rit? chr?tienne devient pour lui un principe d'unification intime, p?n?tre et colore peu ? peu de sa nuance tout le contenu de sa vie? Au lieu qu'elle ?tait jadis en lui st?rile, froide et morte, aujourd'hui il la pratique int?rieurement, et la v?rit? devient ainsi une habitude de son moi tout entier, une habitude informatrice qui influe sur chacun de ses actes, une force qui met en jeu et multiplie toutes ses ?nergies. D?sormais il vit ses id?es. Et vivre une id?e, c'est la nourrir, la renouveler sans cesse par l'accession d'autres id?es; c'est la p?trir par la r?flexion en vue de lui assurer une efficacit? durable, de la rendre praticable, de l'adapter ? la r?alit? et d'adapter la r?alit? ? elle, c'est mettre en elle toute son ?me, c'est voir l'univers entier ? travers elle, c'est y verser tous les flots de sa vie int?rieure, c'est y croire sans interruptions ni limites au lieu de lui r?server des moments et des domaines, c'est la prendre comme levier du progr?s spirituel; vivre une id?e, c'est la convertir en sa propre substance, l'int?grer ? son moi, l'organiser avec l'ensemble de sa vie. Qui mesurera la puissance incalculable de l'id?e?

De m?me le gradu? d'Oxford, dont M. Leuba a publi? et dont M. Frommel a traduit l'autobiographie, ne cache pas le r?le important jou? dans sa conversion par des textes bibliques, des paroles... des id?es.

Il y a donc, entre l'intelligence et le sentiment, d'incessantes relations mutuelles. Si on nous demande l?-dessus: de ces deux termes, en est-il un qui doive ?tre consid?r? comme principal? L'intelligence est-elle le pouvoir r?gulateur et souverain auquel il faille tout subordonner? Est-elle fond?e ? r?clamer qu'on lui reconnaisse une primaut? de juridiction parmi les manifestations diverses de la vie consciente? Doit-elle gouverner dans l'homme? Nous r?pondrons sans h?siter: l'intelligence est une lumi?re qui nous guide et non une force qui se suffit, c'est un auxiliaire et non un chef.

Mais si l'intelligence doit ?tre maintenue, elle ne doit pas dominer. Ce serait tomber dans l'intellectualisme que de lui laisser prendre le premier rang.--L'intellectualisme! je n'ignore pas qu'on a us? et abus? du terme pour fl?trir les objets divers de d?sapprobations plus ou moins l?gitimes. L'intellectualisme est devenu comme une sorte de monstre, qui, au fur et ? mesure des besoins de la pol?mique, et pour la commodit? du discours, se grossit de toutes les erreurs, de tous les pr?jug?s, de toutes les contradictions qu'il est possible ? un auteur ing?nieux de d?couvrir chez ceux qui ne pensent pas comme lui. Puisqu'il est entendu que le mot intellectualisme doit ?tre pris en un sens p?joratif, d?clarons du moins et proclamons bien haut que ce n'est pas ?tre intellectualiste que de croire ? l'influence des id?es sur les sentiments, et de se pr?occuper de la doctrine, c'est-?-dire, apr?s tout, de la v?rit?. Ce n'est pas ?tre intellectualiste que de se refuser ? tout absorber dans l'?motion, tout, y compris la raison elle-m?me. Ce n'est pas ?tre intellectualiste que de se refuser ? ramener la loi morale au sentiment pur. L'intellectualisme v?ritable et damnable, c'est celui qui consiste ? attacher tant d'importance ? la doctrine, oeuvre de l'intelligence, qu'on la lui accorde presque toute, que de moyen on la transforme en but, et qu'on en vient ? mesurer au degr? de l'orthodoxie la valeur morale et religieuse des autres et de soi-m?me.--Il y a deux voies, semble-t-il, par o? l'intellectualisme peut se glisser dans une ?me religieuse: la voie eccl?siastique, et la voie scientifique. D'une part, un homme d'?glise qui croit ? l'influence des doctrines sur la pi?t? et qui se tient, de ce chef, pour oblig? de les d?fendre contre ceux qui les attaquent, peut se laisser ais?ment aller par r?action ? d?passer son propre point de vue, ? exag?rer le r?le et la valeur des dogmes, et m?me il peut s'habituer si bien ? pr?ner les id?es, que la vie lui glisse entre les doigts sans qu'il s'en doute et qu'il ne retienne que la doctrine. Apr?s s'?tre attach? ? la doctrine pour la vie, on s'attache ? la doctrine pour la doctrine, de m?me, suivant une comparaison emprunt?e ? Stuart Mill, que l'avare, apr?s avoir aim? l'argent pour les jouissances qu'il procure, finit par aimer l'argent pour l'argent. D'autre part, un savant chr?tien--Scherer n'en a-t-il pas fourni ? l'?glise et au monde une illustre et triste d?monstration?--peut d?buter par mettre au premier plan le sentiment en pratique et en th?orie. Mais voici, ? force de r?fl?chir, d'?tudier, d'analyser, de sp?culer, il contracte comme une hypertrophie de l'intelligence, ? laquelle court le risque de correspondre bient?t une atrophie sym?trique du sentiment; car on dirait parfois que notre ?tre psychique ne dispose que d'une quantit? limit?e de force mentale, et que lorsque cette force se porte en abondance sur un point, il faille qu'elle manque ailleurs. Alors le groupe des sentiments religieux se dissout comme par morceaux, la sph?re affective se r?tr?cit de plus en plus; on continue quelque temps encore ? mettre l'?motion au premier plan en th?orie, tandis qu'elle a d?j? baiss? dans la vie. Et peu ? peu la th?orie s'?branle pour suivre et rejoindre la pratique, la dissolution mena?ante est l?; finalement on perd tout, la doctrine comme la vie!

M. Murisier a divis? en deux groupes les maladies du sentiment religieux: 1? maladies caus?es par l'hypertrophie de l'?l?ment individuel de l'?motion religieuse; 2? maladies caus?es par l'hypertrophie de l'?l?ment social de l'?motion religieuse.--D'une mani?re analogue, on pourrait dire que l'intellectualisme, qui consiste dans l'atrophie de l'?motion religieuse tout enti?re par rapport ? l'intelligence, peut avoir une double origine: 1? une origine individuelle ; 2? une origine sociale .

Si l'on veut des exemples particuliers, un bon type d'intellectualiste peut ?tre fourni par Bayle, dont les conversions religieuses successives ont ?t? de simples changements d'opinions, fond?s sur des argumentations rationnelles et parfaitement ?trang?res ? sa vie morale. <<1669, le mardi 19 mars, chang? de religion; le lendemain, repris l'?tude de la logique.>> C'est avec cette froideur que Bayle note sa conversion au catholicisme dans son journal. Il n'y avait, para?t-il, en cet ?v?nement, rien qui p?t l'?mouvoir: ce n'?tait que la conclusion d'un raisonnement.--Parlant de son ?tat avant sa conversion v?ritable, Wesley ?crit: <>--Lorsque l'abb? Miel quitta Rome, l'?me assombrie par tout ce qu'il y avait vu en fait de morale et de pi?t?, un r?v?rend p?re auquel il faisait part de son d?senchantement ne chercha pas ? nier ni m?me ? att?nuer la v?rit? des constatations de Miel. <> <> s'?cria Miel. Et le r?v?rend P?re de r?pondre: <> Dans la pens?e de ce digne homme la foi, la foi seule, et quelle foi! une croyance superstitieuse et formaliste tenait lieu de toutes vertus, de tout bien, de toute vraie ?motion religieuse.--Dans une conversation avec Ami Bost, un missionnaire anglais orthodoxe, bien salari?, se moquait un jour de la pauvre paie des pasteurs lib?raux de Gen?ve: <>

Eh bien! messieurs, le chr?tien doit savoir se garder de cet intellectualisme qui se contente de saisir une poussi?re d'id?es mortes, qui coupe l'id?e de ses communications avec le r?el pour en faire un petit monde clos isol? au sein de la vie. Il doit se rendre compte que par elles-m?mes les doctrines ne sont que des abstractions; et que pour les vivifier, pour leur donner une signification r?elle et les rendre capables de mordre sur les ?mes, il faut des exp?riences de l'ordre affectif, des donn?es concr?tes. Il doit se rendre compte que le fond de l'?tre humain, c'est l'app?tit au sens de Spinoza, c'est le sentir et non le penser. Il doit se rendre compte que la doctrine n'a de sens que par la qualit? d'?me qu'elle r?v?le ou produit, il doit se rendre compte enfin qu'il ne faut voir la valeur des v?rit?s th?ologiques que dans la puissance de vie qu'elles renferment, dans le mouvement et l'impulsion qu'elles communiquent ? l'?me qui les re?oit, dans le dynamisme psychique dont elles sont le v?hicule, dans l'attitude intime, et pour ainsi dire, les gestes int?rieurs qu'elles provoquent chez le chr?tien qui les pense jusqu'au fond et les rattache aux sources primordiales et intarissables de sa vie cach?e.

Si telles sont, si telles doivent ?tre les relations du sentiment religieux avec l'intelligence, comment r?soudrons-nous le second des deux probl?mes que nous avons soulev?s: celui des rapports du sentiment religieux avec la volont??

Apr?s la tristesse, la joie. Reprenez les r?cits de conversions et de r?veils que nous venons de feuilleter, et relisez les t?moignages enthousiastes et d?bordants de ceux qui tout ? l'heure se lamentaient. Quels changements dans leurs traits! Un sourire calme et plein d'une douce s?r?nit? a remplac? l'expression de d?couragement. Le fardeau a disparu. L'inqui?tude s'est ?vanouie. Savez-vous qu'il leur semble voir J?sus ? leur droite, oui, J?sus leur souriant d'un sourire plein d'amour? A cette vue, leur ?me se remplit d'une joie ineffable et triomphante. Celui-ci, sur son lit de mort, s'?crie: <> Cet autre se met ? parcourir sa chambre comme ravi en extase: il a entrevu les splendeurs de l'?ternit? bienheureuse. Jamais spectacle plus magnifique ne s'est offert aux regards d'un mortel. Il court ? la fen?tre appelant de tous ses voeux le jour, afin d'aller dire ? tous comment il a trouv? son Sauveur. Bient?t l'aurore ?tincelante para?t et la lumi?re du dehors vient faire f?te ? la lumi?re du dedans. Jamais, non, jamais, les oiseaux n'avaient fait retentir les airs de chants si suaves et si m?lodieux! Jamais la nature enti?re n'avait paru si radieuse, si parfum?e! Les pr?s, les champs, les fleurs ont rev?tu une beaut? inconnue. La nature elle-m?me est comme n?e de nouveau.

Si j'ai choisi mes exemples dans les r?cits de r?veils, c'est que la tristesse et la joie y sont plus accessibles ? l'observation et s'y montrent ? nous comme dans un relief grossi. Mais quel est le chr?tien, qui n'ait jamais constat? autour de lui et senti en lui-m?me au moins quelque chose de ces fortes et p?n?trantes ?motions?

Il est d'ailleurs parfaitement certain que ces ?motions varient soit d'intensit?, soit de nature, avec les temps et les milieux. En ce qui concerne m?me les <> proprement dits, elles paraissent n'?tre pas tout ? fait exactement identiques dans ceux de Finney ou de Wesley, par exemple, et dans ceux de Moody...

Et n?anmoins l'?me humaine est si complexe, les ressorts d?licats qui font mouvoir cette ?tonnante machine sont si faciles ? fausser, qu'on ne saurait ?riger en signe certain ou en condition n?cessaire du d?but et de la continuation de la vie chr?tienne les ?tats p?nibles ou agr?ables de la sensibilit?.

Et ce n'est pas seulement au moment de la conversion que cette absence ou cette atrophie de la sensibilit? religieuse peut se produire. Tel chr?tien qui jouit ? peine de sa foi, en est poss?d?: il y donne sa vie. Ami Bost, dans ses m?moires, avoue, ? maintes et maintes reprises, la privation de joie spirituelle, l'absence de tout amour sensible pour Dieu, le d?faut de jouissance dans sa vie chr?tienne. <>

Oui, le penchant aux pleurs, m?me appliqu? aux ?motions religieuses, peut nous faire illusion sur la qualit? de notre ?me. A force de poursuivre les douleurs ou les plaisirs de la pi?t?, on court le danger de finir par donner tant d'importance au signe, qu'on lui en accorde plus qu'? la chose signifi?e, et qu'on en fasse au lieu du r?sultat, le but, au lieu d'une condition ?ventuelle et relative, une condition essentielle et absolue.

Rien n'est plus funeste ? la pi?t? que cette pr?occupation constante de ce que l'on sent, traduisez du plaisir ou de la douleur qu'on ?prouve. Parce qu'on ne les ?prouve pas comme on pense qu'on devrait les ?prouver, on estime qu'on n'est pas chr?tien, qu'on n'est pas converti, ou bien que l'on ne fait aucun progr?s dans la vie chr?tienne, que l'on va m?me en reculant. Parce que l'on n'a pas ressenti, en c?l?brant la Sainte-C?ne, ce qu'on pensait qu'il fallait ressentir, on se demande si l'on ne s'est pas rendu coupable d'une communion indigne. Parce que l'on ne se sent pas int?rieurement pouss? ? prier, on s'abstient de fl?chir les genoux. On se replie constamment sur soi-m?me pour faire l'anatomie de son coeur, on observe avec anxi?t? les mouvements qui s'y produisent, on s'efforce de fixer les impressions fugitives. Parfois on r?ussit ? provoquer superficiellement ces agitations de la sensibilit?, et alors, elles ne prouvent et ne produisent rien. Plus souvent on ?choue ? les faire na?tre, et alors on attend passivement qu'elles veuillent bien survenir, que Dieu les suscite en nous, et on ne se met pas r?solument et ?nergiquement ? l'oeuvre pour agir et pour vivre.

De la volont? ? l'inclination, de l'inclination ? la jouissance, telle est la formule de l'?volution religieuse chez Pascal. Mais la volont? ne se borne pas ? cr?er ou ? fortifier la tendance religieuse en face des autres tendances; elle est appel?e ? exercer son influence sur la tendance religieuse elle-m?me qui n'est pas simple, pour assurer son harmonie et son d?veloppement normal, pour maintenir en particulier la proportion entre les tendances religieuses individualistes et les tendances religieuses sociales. M. Murisier a fort bien montr? que dans la pi?t? normale, le sentiment religieux comprend un ?l?ment individuel et un ?l?ment social indivisiblement unis. Mais dans les maladies, les perversions, les d?viations du sentiment religieux, cette synth?se se brise, d'un c?t? par l'exag?ration du sentiment religieux individuel qui conduit au complet d?tachement de l'extase, de l'autre par l'exag?ration du sentiment religieux social qui conduit au fanatisme, ? l'exclusivisme, au pros?lytisme. Eh bien! souvenons-nous ici de la distinction que nous avons ?tablie entre la tendance et le plaisir. Qu'est-ce ? dire? il y en a chez qui les tendances individuelles plus d?velopp?es procurent par leur satisfaction plus de plaisir, d'autres chez qui ce sont les tendances sociales qui l'emportent et qui, par leur satisfaction, procurent une jouissance plus grande. Supposez que nous prenions le plaisir religieux pour principe recteur, que toute notre ambition se r?duise ? dissiper les moindres malaises et ? <>, nous prolongerons dans le sens o? notre inclination nous pousse. Et il nous arrivera ce que M. Murisier a si justement d?crit: le temp?rament ultra-individuel tombera dans un mysticisme malsain, conduisant par l'extase ? l'an?antissement; le temp?rament ultra-social tombera dans une ext?riorisation superficielle o? sa vie int?rieure finira par dispara?tre; et la ruine se trouvera au bout de cette voie, comme de la pr?c?dente. S'il s'agit de trouver non pas un palliatif, un anesth?sique, qui att?nue pour un temps la souffrance, ou m?me la supprime, mais pour acc?l?rer la dissolution, s'il s'agit de trouver un vrai rem?de qui rende la sant?, cette sant? qui est, comme l'estime avec raison M. Murisier, l'union harmonique de l'individuel et du social, il faudra tenir aux malades le langage suivant: Vous, vous vous sentez troubl?, d?rout? par le contact avec le milieu social; gardez-vous de vous r?fugier dans le recueillement, de vous enfuir dans la solitude, vous pourriez y trouver un soulagement passager, mais vous courriez le risque d'accro?tre votre mal et de tomber ? br?ve ?ch?ance dans les derni?res phases du mysticisme extatique, l'an?antissement du moi. Sans abandonner, bien entendu, la culture de votre vie individuelle, employez votre volont? ? rechercher le contact social au lieu de vous y d?rober.--Vous, au contraire, vous vous sentez troubl?, d?rout? par l'isolement, par le t?te ? t?te avec vous-m?me; gardez-vous de vous absorber et de vous ext?rioriser dans les relations sociales; vous pourriez y trouver un soulagement passager, mais vous courriez le risque d'accro?tre votre mal et de tomber ? br?ve ?ch?ance dans les derni?res phases du fanatisme. Sans abandonner, bien entendu, la culture des relations sociales, employez votre volont? ? rechercher le recueillement au lieu de le fuir.

Si le sentiment religieux est un sentiment qui se d?ploie dans des relations personnelles entre l'homme et une divinit? con?ue comme personnelle, il en d?coule imm?diatement que, comme le sentiment social, l'?motion religieuse n'est pas une ?motion simple, mais un ensemble d'?motions. Et de m?me que l'on dit non pas le sentiment social, mais les sentiments sociaux, de m?me on devrait dire non pas le sentiment religieux, mais les sentiments religieux. La seconde d?finition propos?e par Schleiermacher pour le sentiment religieux est insuffisante et ?troite. La pi?t? est bien autre chose encore qu'un instinct de d?pendance; il y a en elle des ?l?ments non seulement de crainte, mais de reconnaissance, d'esp?rance, de joie, d'amour. Et M. Tarde a raison d'affirmer que le sentiment religieux, <>.--Si le sentiment religieux est une ?motion complexe et multiple, la proportion de ses ?l?ments diff?rents est loin de demeurer constante. Et y a correspondance ?troite entre la qualit? et la quantit? de l'?motion et la conception que l'homme se fait de la divinit? et des rapports qu'il est possible, d?sirable, obligatoire d'entretenir avec elle. Et l'association ?troite du sentiment religieux avec des notions et des sentiments moraux infiniment vari?s, le contraignent ? se nuancer de mille teintes nouvelles, dont chacune est propre ? un temps, ? un pays, ? une dogmatique, ? une liturgie, ? un code et ? un c?r?monial particuliers.

M. Ribot estime que le sentiment religieux est un sentiment binaire form? par la combinaison d'?l?ments d?pressifs et d'?l?ments expansifs . Le sentiment religieux a d?but? chronologiquement par la peur ? laquelle se m?lait un amour embryonnaire. L'?volution morale a consist? dans le d?veloppement de l'amour et sa pr?dominance sur la crainte. Avec la r?gression du sentiment religieux, l'amour diminue et l'?l?ment de la crainte devient exclusif: le sentiment religieux revient ainsi ? la peur, sa forme primitive dans l'?volution.--Il y aurait lieu de voir si le d?veloppement de l'?l?ment de l'amour ne peut pas produire une hypertrophie ou une alt?ration de cet ?l?ment.

Je vous le demande, n'est-il pas manifeste ici qu'envisag?e froidement, impartialement, la religion se d?montre au psychologue comme la puissance supr?me de sant? et de vie? Et nous avons la joie de pouvoir conclure une fois de plus que si la psychologie religieuse peut soulever telles ou telles difficult?s, elle n'en est pas moins destin?e ? ?tre ? sa fa?on, elle aussi, un p?dagogue conduisant ? Christ, ?????????? ??? ???????. A la bien prendre, et sans sortir le moins du monde de son cadre, ni se d?partir de la rigueur de ses m?thodes, la psychologie religieuse se transforme ? chaque instant d'elle-m?me en une apolog?tique vivante et persuasive de la foi au Christ!

La psychologie religieuse, nous avons ?t? insensiblement conduit ? l'indiquer, est une science qui non seulement renseigne sur la sant? et la maladie religieuses, mais encore sur l'hygi?ne gr?ce ? laquelle on peut conserver la sant? et sur les rem?des par lesquels on peut combattre la maladie. Des quelques r?flexions si incompl?tes, je le sens, que je viens de pr?senter, d?coulent ? cet ?gard d'importantes et de nombreuses le?ons. Permettez-moi, Messieurs les ?tudiants, en m'adressant sp?cialement ? vous, d'en d?gager, pour finir, quelques-unes:

Dans cette Facult? de th?ologie, ce sont naturellement les p?rils de l'intelligence que vous avez d'abord ? redouter, si vous ?tes ce que vous devez ?tre, j'entends de bons ?tudiants.

Les p?rils de l'intelligence, sous la forme des objections qui se dressent devant tout homme religieux qui veut penser sa vie et vivre sa pens?e, au milieu de la m?l?e des discussions et des syst?mes.

Les p?rils de l'intelligence ensuite et surtout sous la forme plus subtile de l'intelligence qui s'?tend, d?borde et court le risque par son expansion disproportionn?e d'?touffer la vie int?rieure.

Pour vous pr?server de ces divers p?rils, pour r?ussir ? conserver la fra?cheur et l'intensit? de l'?motion religieuse, nous ne vous conseillerons pas de vous r?fugier dans l'ignorance, de faire aussi peu de th?ologie que possible, juste assez pour les examens, de choisir un sujet de th?se qui ne touche ? aucune question vitale, et de vous absorber dans l'activit? pratique, ? moins encore que ce ne soit dans l'inactivit?... Vous ?tes ici, Messieurs, pour regarder en face et le monde et les hommes et vous-m?mes et Dieu. Ouvrez plut?t, ouvrez tout grand vos esprits et vos coeurs, sans crainte de la v?rit?. La crainte de la v?rit?, c'est d?j? du scepticisme, c'est au fond de l'incr?dulit?!

Voulez-vous que je vous le dise? la religion chr?tienne poss?de assez de souplesse pour s'arranger fort bien des v?rit?s acquises de la science. Elle ne sera jamais en peine pour se d?fendre contre la science r?elle ou se modifier de mani?re ? r?pondre ? ses l?gitimes exigences. De m?me que la science peut bien d?truire certaines conceptions que les hommes se sont faites et se font sur la nature et l'histoire de l'individu humain et des soci?t?s humaines, mais ne saurait supprimer l'individu ni la race, de m?me elle peut bien amener les hommes religieux ? modifier leurs id?es sur les rapports historiques de l'homme et de Dieu, elle ne saurait supprimer ni Dieu, ni l'homme ni leurs rapports. Il est s?r que dans un individu tout affaiblissement intellectuel court le risque d'entra?ner la disparition des ?tats affectifs correspondants. Mais ce qui menace le plus gravement et peut-?tre le plus fr?quemment la religion dans une ?me, c'est l'affaiblissement, je ne dis pas de la jouissance religieuse, je dis du sentiment affectif profond.

Qui est suffisant pour ces choses? demandait saint Paul... Mais sous sa plume, cette interrogation n'avait rien de pessimiste ni de d?courag?. Qui est suffisant pour ces choses, pensait-il, sinon nous, les ap?tres du Christ, p?n?tr?s de sa gr?ce et d?bordants de son Esprit? Vous de m?me, Messieurs les ?tudiants, si le besoin de ce qu'Adolphe Monod r?clamait pour sa conversion, si le besoin d'une <>, si le besoin d'un attrait surnaturel pour monter ? la hauteur de l'id?al d'un ap?tre se fait irr?sistiblement sentir ? votre sinc?rit?, allez implorer Celui qui peut et qui veut b?nir. Et vous percevrez aussit?t la r?ponse qui ne fait jamais d?faut ? celui qui prie: <>

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