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Munafa ebook

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Read Ebook: Modern literature: a novel Volume 3 (of 3) by Bisset Robert

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Ebook has 213 lines and 43380 words, and 5 pages

--Allons, Monsieur Jules, un petit tour de jardin!...

Ah oui! le Jardin!

PARTIALIT?

Au dieu de l'Esprit et de la Discipline s'oppose le Dieu de la Nature et de l'Ivresse, ? la force purifiante, la force ogiastique, au grand ?ducateur de l'homme, la grand trouble des ?mes, l'ardent imitateur des ?tres.

Edouard Schur?.

Te le rappelles-tu, ch?re ?me, ce dimanche, en Campine, il y a trois ans....

Je nous vois encore quitter la chauss?e, pour d?tourner, ? droite, derri?re une ferme, puis nous engager, ? travers la bruy?re, dans un sentier sablonneux menant ? cet ?cart de Zoersel, dont le nom seul, musique de source qui sourd, nous captivait.

Comme nous marchions, all?gres, mais taciturnes, non sans nous enliser dans les ravines, la pens?e du prosa?que v?hicule que nous venions d'abandonner persistait ? m'irriter l'esprit. Ainsi le d?boire s'attache au palais. Pens?e tr?s latente et pressentiment plut?t que sentiment. F?cheux point de d?part, tout de m?me, car, ? propos de ce tramway de malheur, je me rem?morai la r?cente indignation d'un journal tr?s ?clair? contre les brutes de la Campine. N'avais-je pas lu quelque chose dans ce genre:

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La diatribe ne me revint pas int?gralement ? l'esprit en cheminant dans les varennes hant?es par ces pseudo-vandales. Cependant, je parvenais ? en reconstituer les principales beaut?s. Je me r?p?tais ces phrases topiques et les ruminais avec un singulier d?lice. Ces voltairiennes dol?ances me rendaient encore plus ch?re l'atmosph?re de cette matin?e dominicale au coeur du fruste pays.

D'ailleurs, pour exalter mes amours jusqu'au paroxysme, il me suffit d'imaginer le pire opprobre dont la foule r?pouv?e accablerait mes ?lus!...

Si je ne te communiquai pas, ? mesure qu'elle se d?veloppait, cette m?ditation en quelque sorte ap?ritive, c'est que je craignais ? une m?prise de ta part devant l'ind?termin?, et peut-?tre ? une injustice, devant l'apparente f?rocit? de ma pens?e. Peut-?tre appr?hendai-je que, traduite en paroles, elle ne s'?vent?t comme un bouquet compliqu? et subtil. Pudeur de la tr?s intime pens?e! Peur de la voix qui trahit ce que la parole d?guise. Silence gard? non par crainte de trop bien se comprendre, mais par crainte de ne pas concerter assez....

Que de circonstances entretinrent et rehauss?rent ces ?vagations!

A mi-chemin de l'?tape une pluie chaude tomba. Trop anodine pour friper ta l?g?re toilette de bar?ge, elle suffit pour mettre en liesse la v?g?tation alt?r?e. L'odeur aromatique et p?n?trante que cette aspersion fit sortir des arbres!

Ma ferveur patriale s'en r?jouit comme d'une caresse arrach?e ? ce ciel renferm? et ? cette plaine exclusive.

Le pays m'assimilait ? ses cr?nes r?fractaires. Il me savait ?pris de longue date, de la pluie, des glorieuses pluies d'?t? de la Saint-M?dard qui, despotiquement, pourrissent les foins et avarient les moissons, mais qui flattent et satinent les feuillages et allaitent les grands arbres au choc des nu?es mamelues.

Ce dimanche faste, lourd d'accalmie, je me sentis presque d?faillir de gratitude au parfum r?veill?, au parfum vierge des s?ves. Les essences pub?res, titill?es par l'averse, s'effor?aient de pr?cipiter, ? forces d'effluves capiteux, les spasmes d'un orage lent ? venir. Chaque rideau d'arbre ?mettait son ar?me particulier. Dans ce concert, le parfum des ch?nes ?tait le plus fort; fleur viril de l'hercule des arbres. Les bouleaux expiraient des senteurs moins ?cres, moins effr?n?es. Les pins religieux et continents, trop tent?s, trahissaient leurs angoisses par des bouff?es d'encens mystique; tandis que bruy?res et gen?vriers, non moins effervescents, se livraient aux abeilles ?perdues.

Comme, par ce temps ?quivoque, pays et paysans ?taient corr?latifs! Et ce ciel verd?tre o? des quadrilles de nuages s'entra?naient pour la chevauch?e d?cisive ou s'?vitaient, avec des feintes de lutteurs qui tardent ? en venir aux mains et qui, avant le corps ? corps, amusent et exacerbent l'anxi?t? du tapis! Et, par moments, cet horizon plomb?, opaque, tout d'une teinte, travers? d'obliques ?clairs et de fallacieux coups de soleil!...

Autant d'annonciateurs des faces myst?rieuses, d?licieusement ?nigmatiques, de mes braves bagaudes campinois, de ces faux apathiques aux f?lins et inqui?tants sourires, aux poses languides aux lents regards capons!

Et, plus bas, la verdure mouill?e, en sueur, luisait comme apr?s la rixe, l'amour ou la corv?e, les roses joues pleines. Et, sourdant du sol, comme d'une croupe fumante, cette vapeur si lourde, si oppressive qu'elle ne montait pas jusqu'aux branches ragaillardies, mais n'ouatait que les broussailles!...

Qui dira jusqu'? quel point, mon aim?e, nos sensations se rapproch?rent durant ce houleux silence. Aujourd'hui, je tenterai de te confesser les miennes malgr? que je r?le et que je suffoque encore en les imaginant:

Te sentant menac?e, environn?e de d?sirs hostiles, j'aurais d? t'aimer mieux, n'est-ce pas? Eh bien, non! d'occultes rivaux, d'imminents ravisseurs m'incitaient ? je ne sais quelle f?lonie, ? quel partage de mon unique tr?sor. Je per?us des d?clarations bourrues bruissant ? tes oreilles, c'?tait comme si les plus entreprenants te soufflaient leur haleine au visage; les froissements des branches devenaient des attouchements de sylvains. Qu'importe! Je n'en ?prouvais aucune jalousie. Nous avancions. Sans m'?chauffer tu te blottissais contre moi. A l'entr?e de cette sente ? travers la ch?naye, o? les feuillages rapprochaient tellement leurs ramures qu'un char de moissons y avait accroch? au passage des ?pis et des brindilles de foin, tu t'arr?tas net comme si des bras allaient t'?treindre et t'emporter. Je vis ce mouvement mais n'y pris point garde. Je t'entra?nai en avant. Plus loin, tu frissonnas ? l'alerte d'un ?cureuil grimpant au fa?te d'un sapin. Je ris de tes transes. Depuis ce moment tu semblas te r?signer. Ce ne fut plus, jusqu'? notre arriv?e ? Zoersel, dans ton coeur comme dans le mien, qu'un doux et myst?rieux serrement, qu'une angoisse ?trangement voluptueuse.

Et ce clocher qui avait eu, tout le temps, l'air de nous conjurer!

Apr?s avoir pass? quelques t?nements de maisons, au tournant d'un dernier coin qui nous masquait la perspective, nous d?bouch?mes dans une sorte de carrefour, devant le cimeti?re, ? l'heure o? finissait la grand'messe.

Et, brusquement, de tomber sur un attroupement de jeunes blousiers, camp?s sous un tilleul centenaire pour voir d?filer leurs savoureuses paroissiennes, avant de se r?pandre dans les estaminets....

Les patauds tr?s entreprenants, ennemis jur?s de la ville et des oeuvres urbaines, les gaillards exub?rants, mais sans aucune urbanit?, les r?fractaires que nous signalaient, depuis des heures, ? la suite du cuistreux journal, le ciel bougon, la campagne haletante, la pluie trop ti?de et les s?ves exalt?es.

Mont?s en couleur, les pommettes et les oreilles aviv?es par les ablutions dominicales et le raclage chez le frater, sangl?s dans leurs bragues de drap noir bien cati; la casquette de moire rafal?e dans le cou, ou pos?e de travers en ?borgnant de la large visi?re les plus d?gingand?s de ces farauds; les sarraux bleus empes?s, fron?ant ? l'encolure et ballonnant comme une cloche; mains en poches ou bras crois?s; tous cal?s comme des lutteurs, dans la posture avantageuse et luronne du cochet du village qui se sait la cible des plus convoiteuses oeillades de sa paroisse.

La plupart n'arboraient que de naissantes moustaches ou qu'une mouche de poil follet. Il y avait dans ce rassemblement des cadets de seize ans comme des gars de trente; de grands poupards, un peu veules, blonds comme le chanvre, aux yeux d'un bleu de fa?ence, l'air timide et passif, coudoyaient des brunets muscl?s et trapus, fris?s comme des moutons, aux prunelles ardentes et velout?es. Et dans le tas de ces gaillards de complexion normale, s'insinuaient un ou deux rousseaux chafouins et gr?l?s, puis l'invariable bossu, le loustic de la bande, et enfin, le non moins fatal innocent, le myst?rieux pr?destin?, ayant pouss? ? la pluie et au vent, maltrait? ou choy? suivant la superstition dominante, tant?t objet de terreur, tant?t f?tiche bienfaisant, tenu tour ? tour pour un visit? de Dieu et pour un poss?d? du diable, battu comme pl?tre et lapid? pendant l'?pizootie ou apr?s la gr?le ou le feu; entretenu et dorlot? ? la veille des moissons, et, sous ses guenilles, plus beau, plus sain encore que les plus plastiques de ses compagnons, tellement beau que les faneuses aux champs se signent et s'enfuient lorsqu'il r?de autour d'elles, autant par crainte de polluer l'oeuvre divine que de tenter le d?mon....

Et pourtant elles ne sont pas filles ? se laisser facilement rebuter!

Mannequin?es dans leurs cottes bouffantes, fi?res de leur fichu de damas ou de laine frang?e, des coiffes ail?es ou des bonnets enrubann?s encadrent leurs visages ronds. Leurs galbes ?voquent plut?t le fruit m?rissant, un peu r?che et acidul?, que la fleur satin?e aux fragiles p?tales. Pataudes ? l'?piderme r?sistant, pr?par?es, par les morsures du soleil et les gel?es corrodantes, aux non moins ?pres baisers de leurs galants. Hanches fournies, gorges fermes et protub?rantes d?fient rudes ?treintes, accolades intempestives, inopin?s corps ? corps parmi les foins nouveaux des meules ou les foins plus suborneurs encore des granges.

D'avance leurs yeux hardis et lascifs scrutent et palpent sans vergogne les formes de leurs ?pouseurs. Femelles solides comme les m?les, aussi libres que leurs compagnons de charroi et de culture, trayeuses sans pr?jug?s; pour peu que le poursuivant temporise, elles sont capables de lui d?clarer ? br?le-sarrau leur l?gitime envie et m?me d'essayer leur coucheur avant les noces. Dam! on ne conna?t pas le divorce au village et, comme elles disent, on n'ach?te pas un boeuf pour un taureau!

Lourdes d?votes, pour se donner contenance, elles manipulent des missels graisseux imprim?s en caract?res d'ab?c?daires ? l'intention de ces liseuses ?nonnantes et leurs doigts gourds d?filent machinalement des chapelets de buis.

Il nous fallait passer, couple intrus, entre la procession des femmes et l'immobile carr? des regardants. Appari?s, nous d?r?glions la communaut?; nous manquions ? l'?difiante s?paration des jupes et des blouses.

Surpris par notre pr?sence insolite et presque d?vergond?e, on nous d?visagea, ? droite et ? gauche, d'un air torve et pantois.

Cette confrontation ne dura que quelques secondes; en me la rappelant, j'en ai froid jusqu'aux moelles; mais j'en regrette la d?licieuse angoisse et le charme pervers. Ce monde m'?tait plus affectif que sinistre.

Mass?s sur le mamelon au pied de l'arbre, affriol?s au passage de leurs pataudes, n'est-ce pas que ces laboureurs en parade d?gageaient un fluide plus imp?rieux et plus magn?tique que les grands ch?nes de tout ? l'heure?

J'augurai d'embl?e leur solidarit? dans n'importe quelle entreprise, et un terrible danger pour moi; mais surtout pour toi, trop d?sirable citadine! Sans doute, avant d'arriver jusqu'? toi, ils me passeraient sur le corps. Mais apr?s? En se d?dommageant de leur longue continence, en se d?gorgeant jusqu'au soulas, ils assouviraient du m?me coup leur haine contre la cit?.... Eh bien, sous la menace d'une catastrophe, je refusais d'abhorrer les prochains ravisseurs.

Par un ?trange d?doublement de la conscience ou par la force de l'habitude et du pr?jug?, mon allure et mes dehors r?agissaient de leur mieux contre le mental abandon de ce que je croyais poss?der de plus pr?cieux au monde. Rien ne transpira de cette pr?m?ditation. Ma conduite continua de d?mentir ma pens?e. Combien emprunt? et menteur mon air de sup?riorit? et de bravade en pr?sence de tous ces rustauds d?termin?s, gaillards du premier mouvement, butt?s dans leur fr?n?sie charnelle, qu'une impulsion, oh! un rien d'impulsion, un geste, un pas de l'un d'eux, pr?cipiterait tout d'un bloc vers l'attentat!

J'essayais de leur en vouloir et n'y parvenais pas; au fond, j'?tais presque humili? et chagrin de me sentir confondu dans leur g?n?rale r?probation des gens de la ville.

Pour tout dire, la lin de l'aventure me porterait ? supposer que je ne parvins pas ? leur donner le change sur mes sentiments, qu'ils ne furent pas dupes de ma cr?nerie, et que s'ils feignirent de se laisser prendre ? mon abord r?sistant et agressif et de s'en laisser imposer, ils lurent et sentirent combien ?troitement je tenais pour eux, combien ind?l?bile se r?v?lait notre communion.

Pour toi, comme pour n'importe quel profane, je devais avoir l'air de les tenir en respect et de les p?trifier sur place. Tu sais ? pr?sent ? quoi t'en tenir sur l'h?roisme de ton chevalier! A la v?rit?, loin de m?duser ces blousiers, le regard que j'apposais au choc de leurs prunelles, ? la fois lubrifi?es par la luxure et enflamm?es par une promesse de carnage, les flattait et les suppliait.

Quant aux paroissiennes, furieuses de voir se d?tourner ? ton profit l'attention des plantureux gar?ons, elles nous t?moign?rent peut-?tre des sentiments moins ?quivoques; leurs physionomies mafflues exprimaient une haine sans m?lange. Leurs sourires pinc?s, leurs clins d'oeil obliques luisardaient comme des braises.

Sois s?re, pauvre amie, que si mes pronostics se fussent r?alis?s, jalouses, ces Katto, safres comme des chiennes, n'auraient jamais permis ? leurs Jann rago?tants de te poss?der vivante. Aussi, tu baissas la t?te sous l'anath?me de ces prunelles!...

Ce qui m'entra?nerait d?cid?ment ? supposer que les villageois nous ?pargn?rent parce qu'ils flairaient mon faible pour eux, c'est qu'? mon simulacre de d?fi quelques-uns des blousiers r?pondirent en me tirant ironiquement leur casquette. <>

A peine les e?mes-nous d?pass?s, en leur tournant le dos, qu'ils nous gratifi?rent de quelques quolibets soulign?s par des rires ?grillards.

Aussi, tu pus croire que je les avais r?ellement mat?s....

Seule une terrienne plus effront?e que les autres, encourag?e et pouss?e par ses compagnes, se d?tacha de la file en courant, nous rejoignit, se tint en travers de notre route et avisant la brass?e de bruy?res que tu avais cueillie, nous d?cocha cette boutade plus gracieuse qu'offensive:

Et elle s'en retourna, plus interloqu?e que nous, ce qui n'emp?cha pas la galerie de l'accueillir ? son retour par des vivats et des effusions de gestes; convaincus que la pataude nous avait gratifi?s d'une de ces ?normit?s qu'engraisse et que farcit la langue flamande. Quelques grasses hu?es furent lanc?es sur nos talons par acquit de conscience.

Hors de danger, nous n'?change?mes pas un mot.

Plut?t troubl? que g?n?, sans la moindre rancune contre ces rustauds, je m'abstins de te parler de l'incident, craignant autant d'?piloguer sur leur licence, que d'avouer ma bl?mable partialit? ? leur ?gard.

Et, pour rester sinc?re, j'avouerai qu'il y eut chez moi, apr?s l'inoffensive issue de cette aventure, plus de d?convenue que de soulagement.

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