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Munafa ebook

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Read Ebook: The Taylor-Trotwood Magazine Vol. IV No. 4 January 1907 by Various Moore John Trotwood Editor Taylor Robt L Robert Love Editor

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Ebook has 1393 lines and 58116 words, and 28 pages

--Alors, docteur, pourquoi ne vous ?tes-vous pas mari?, vous?

--Moi? Parce que j'avais une passion....

--La science?

--Parfaitement.

--Vous n'y croyez pas! dit le jeune homme.

Fargeas haussait les ?paules.

--Il y a tant d'imb?ciles qui croient tout savoir sans avoir rien appris. On n'a pas trop de tout une existence de travail pour arriver ? se convaincre qu'on ne sait rien! Et puis, quoi? je n'ai pas trouv? la femme qui... la femme....

--Ah! je vous y prends! Vous cherchiez l'amour!

--Ou l'int?r?t!...

--Vous, l'int?r?t?... Jamais de la vie!

Le marquis de Solis, pendant ce bavardage l?ger, regardait, sans les voir, les p?cheuses d'?quilles, rapportant de la mer, leur pelle ? la main, ces longs poissons d'argent ? t?te de brochet, qui cachent leur t?te dans le sable, et les p?cheurs de crevettes, rentrant, leur filet sur l'?paule, tandis que d'autres revenaient, se suivant, leurs paniers ? l'?paule, comme une longue et lente th?orie de travailleurs.

Il regardait, mais sa pens?e ?tait ailleurs. Tout ce qui se disait l?, pr?s de lui, semblait r?veiller en lui des souvenirs, des sensations endormies, galvaniser des douleurs mortes, et son visage fin, un peu triste, maigre et p?li, avec un front l?g?rement d?garni, et une barbe noire en pointe, ce visage de soldat pensif, prenait doucement une expression de r?verie triste.

A cette songerie m?me, le marquis parut s'arracher pour demander au docteur:

--Vous ?tes donc d'avis qu'il y a toujours pour l'homme une femme id?ale, faite pour lui et qui pr?sente l'incarnation m?me, la r?alisation de son r?ve?

--Et je suis d'avis que pour tout homme il y en a m?me plusieurs, r?pondit gaiement Fargeas.

--Bon. Mais pour les femmes? dit Berni?re.

--Oh! pour les femmes! Demandez ? Emilienne Delannoy.... Demandez m?me ? mistress Montgomery, qui est une honn?te femme et qui a pourtant d?j? chang?... d'id?al!...

--Mme Montgomery?

Et Berni?re semblait attendre du docteur Fargeas une explication.

--Comment, docteur, la belle Mme Montgomery a... chang?... comme cela?

--Oh! l?galement! Divorc?e, la belle Mme Montgomery; mais, mon cher Berni?re, aussi honn?te que peut l'?tre une femme....

--Qui n'aime pas son mari.

--Pourquoi Mme Montgomery n'aimerait-elle pas son mari?

--Parce qu'il n'a rien de... de l'id?al, parbleu!

--?a d?pend. On ne sait pas, fit gravement le m?decin.

--Eh bien! si M. Montgomery, qui est courtaud et pataud, est l'id?al de Mme Montgomery, qui, en effet, est admirablement belle, belle ? sculpter, ? chanter, ? peindre, tant pis pour nous, qui n'avons plus qu'? nous d?sesp?rer.

--Ou ? nous consoler avec Emilienne Delannoy, Fanny Richard ou Marianne d'Hozier. Les d?bits de consolation ne manquent pas. C'est comme les d?bits d'alcool, ?a pullule.

--Et, demanda M. de Solis, cette belle Mme Montgomery, c'est?...

--Une admirable et capiteuse cr?ature! r?pondit Berni?re. Am?ricaine, comme toutes les femmes qui fournissent des ?pith?tes de parfumeurs aux chroniques. Et, depuis la saison, mettant Trouville en r?volution... en ?bullition, si vous voulez!... Il n'y a sur le turf de la beaut?--vous voyez que je suis moderniste--de comparable ? elle que la tr?s belle miss Arabella Dickson! Ah! qui est incomparable, celle-l?!>>.... A l'heure du bain de miss Arabella, on fr?te des barques ? Deauville pour aller regarder ses bras et lorgner sa nuque. Les voitures font prime ? ce moment psychologique-l?! C'est tr?s beau, d'ailleurs. ?a m?rite d'?tre vu!

--Et cette Mlle Dickson? demanda encore Solis.

--La fille d'un colonel. Tr?s bel homme. N'ayant pas l'air de badiner. Un Yankee. Un Mohican. Un type. Il para?t qu'il a jou? du revolver, ? la t?te de quelques cow-boys, contre les Indiens.... Comme Buffalo-Bill.... Je l'ai rencontr?, l'autre jour, devant les petits chevaux au Casino. On faisait cercle autour du trio Dickson, car il y a une m?re. Tr?s belle aussi. Ils sont tous tr?s beaux, ces Dickson. D'ailleurs--et Berni?re s'?talait avec une nonchalance affect?e dans son tonneau d'osier--toute cette race am?ricaine humilie effroyablement nos d?cadences. Nous avons l'air d'an?mi?s, comme dit le docteur, ? c?t? de ces colosses en pierre de taille. Voyez M. Norton!

--Norton? fit M. de Solis.

Le nom, brusquement, lui faisait retourner la t?te, et il interrogeait Berni?re pour savoir de quel Norton son cousin pouvait bien parler.

Richard Norton! Ce nom, ?videmment, r?veillait chez le marquis tout un monde de souvenirs. Il l'avait autrefois bien connu, ce Norton, ? New-York, et il le retrouvait ? pr?sent sur cette plage normande, apr?s quelle s?paration et quelles traverses!

--Il est ici, Norton?...

--L?-bas, dit Fargeas. Son habitation est cette grande maison normande, une des derni?res vers les Roches Noires. On la voit d'ici.

Le marquis regardait non plus vers la mer maintenant, mais du c?t? de cette longue ligne de constructions diverses, ?l?gantes ou bizarres, qui, comme des yeux avides de lumi?re et d'air, ouvrent leur fen?tres sur la mer.

--L?-bas.... Voyez-vous?... Un vrai palais, cette villa!... M. Norton y a entass? encore des raret?s ? profusion.... Ce serait un mus?e ? Paris! A Trouville, c'est une v?ritable curiosit?.... Mais rien n'est assez luxueux et choisi, aux yeux de M. Norton, pour sa femme qu'il adore, et qui est bien, du reste, la cr?ature la plus exquise que je connaisse!

Le docteur ne remarquait point l'expression de vague tristesse qui passait rapidement sur le visage de M. de Solis. Le marquis avait eu, au nom de Mme Norton, un tressaillement l?ger, une contraction passag?re qui n'e?t pas ?videmment ?chapp? ? Fargeas. Mais le m?decin, les yeux mi-clos, regardait en ce moment le paysage comme ? travers ses cils, pour juger de la qualit? de la lumi?re.

Le docteur connaissait d'autant mieux l'Am?ricaine qu'il la soignait, Mme Norton souffrant d'une maladie qu'on croyait, ? New-York, ind?termin?e--une n?vrose, la fameuse, l'in?vitable n?vrose moderne--mais que le ma?tre fran?ais devinait bien vite: le germe d'une affection cardiaque, une angoisse ressemblant ? l'angine de poitrine. Au total, un pseudonyme de la tristesse. La mort de son p?re, qu'elle adorait, avait atteint profond?ment la jeune femme, et, pour l'arracher ? une sorte de m?lancolie constante, ? un chagrin qui persistait sous le sourire m?me de la mondaine, Richard Norton avait amen? Mme Norton en France.

--Alors, triste, Mme Norton? demandait M. de Solis.

--Oui. Et r?sign?e!

--Et adorable! ajouta M. de Berni?re. Des cheveux ?tonnants! Ch?tain clair, couleur bronze, et des yeux!... Tenez, la mer a de ces reflets-l?, regardez bien!

--Seulement, dit le docteur Fargeas, cette po?tique et d?licieuse cr?ature a, dans la travers?e, failli payer cher la consultation qu'on venait me demander. Le vent, les rafales, la d?pression barom?trique, amenaient chez elle comme un arr?t dans le battement du coeur, comme une pause de la vie. Ph?nom?nes fugitifs, du reste, et qui dispara?tront radicalement avec du repos!

Puis, apr?s avoir questionn?, il semblait que M. de Solis cherch?t ? ne plus parler de l'Am?ricaine. Il restait l?, le regard accroch? ? la grande maison normande, l?-bas, et il parlait d'autre chose, de ses voyages, de cet Annam ou du Tonkin dont il revenait.

--Mme de Solis a d? ?tre bien heureuse de vous revoir? dit le docteur.

--Ma m?re!... Pauvre ch?re femme! Je me suis presque reproch? de l'avoir quitt?e tant elle a eu de joie ? me retrouver! Que je vous sais gr?, mon cher docteur, de me l'avoir rendue!

Le docteur, regardant sa montre, n'allait point tarder ? en faire autant, et Berni?re se trouvait seul, dans son tonneau, fumant un cigare, qu'en sa qualit? de pessimiste il exigeait d?licieux, comme toutes choses, car il citait Schopenhau?r et pratiquait Epicure.

Fin observateur, du reste, l'esp?ce de trouble de M. de Solis ne lui avait pas tout ? fait ?chapp?, et il se demandait pourquoi le marquis lui faussait si vivement compagnie. Solis ne lui avait point parl? de cette lettre. Ils devaient monter ? cheval ensemble, tout ? l'heure. Comment le marquis l'oubliait-il?

Alors, l'insistance de Solis ? s'informer de la sant? de Mme Norton, l'?vident int?r?t que prenait le marquis ? ce que le docteur lui disait de l'Am?ricaine, donnaient ? Berni?re de fugitives id?es de roman ?bauch?, d'une intrigue possible.

--Tiens, tiens, tiens! Ce bon Solis!

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