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Munafa ebook

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Read Ebook: On reading in relation to literature by Hearn Lafcadio

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Ebook has 509 lines and 28764 words, and 11 pages

Nodier, que l'on croyait si facile ? la plainte, avait au contraire cach? jusqu'au dernier moment ses souffrances ? sa famille.

Lorsqu'il d?couvrit la blessure, on reconnut que la blessure ?tait mortelle.

Nodier ?tait non seulement chr?tien, mais bon et vrai catholique. C'?tait ? Marie qu'il avait fait promettre de lui envoyer chercher un pr?tre lorsque l'heure serait venue. L'heure ?tait venue, Marie envoya chercher le cur? de Saint-Paul.

Nodier se confessa. Pauvre Nodier! il devait y avoir bien des p?ch?s dans sa vie, mais il n'y avait certes pas une faute.

La confession achev?e, toute la famille entra.

Nodier ?tait dans une alc?ve sombre, d'o? il ?tendait les bras sur sa femme, sur sa fille et sur ses petits-enfants.

Derri?re la famille ?taient les domestiques.

Derri?re les domestiques, la biblioth?que, c'est-?-dire ces amis qui ne changent jamais, les livres.

Le cur? dit ? haute voix les pri?res auxquelles Nodier r?pondit aussi ? haute voix, en homme familier avec la liturgie chr?tienne. Puis, les pri?res finies, il embrassa tout le monde, rassura chacun sur son ?tat, affirma qu'il se sentait encore de la vie pour un jour ou deux, surtout si on le laissait dormir pendant quelques heures.

On laissa Nodier seul, et il dormit cinq heures.

Le 26 janvier au soir, c'est-?-dire la veille de sa mort, la fi?vre augmenta et produisit un peu de d?lire; vers minuit, il ne reconnaissait personne, sa bouche pronon?a des paroles sans suite, dans lesquelles on distingua les noms de Tacite et de F?nelon.

Vers deux heures, la mort commen?ait de frapper ? la porte: Nodier fut secou? par une crise violente, sa fille ?tait pench?e sur son chevet et lui tendait une tasse pleine d'une potion calmante; il ouvrit les yeux, regarda Marie et la reconnut ? ses larmes; alors il prit la tasse de ses mains et but avec avidit? le breuvage qu'elle contenait.

--Tu as trouv? cela bon? demanda Marie.

--Oh oui! mon enfant, comme tout ce qui vient de toi.

Et la pauvre Marie laissa tomber sa t?te sur le chevet du lit, couvrant de ses cheveux le front humide du mourant.

--Oh! si tu restais ainsi, murmura Nodier, je ne mourrais jamais. La mort frappait toujours.

Les extr?mit?s commen?aient ? se refroidir; mais, au fur et ? mesure que la vie remontait, elle se concentrait au cerveau et faisait ? Nodier un esprit plus lucide qu'il ne l'avait jamais eu.

Alors il b?nit sa femme et ses enfants, puis il demanda le quanti?me du mois.

--Le 27 janvier, dit madame Nodier.

--Vous n'oublierez pas cette date, n'est-ce pas, mes amis? dit Nodier. Puis, se tournant vers la fen?tre:

--Je voudrais bien voir encore une fois le jour, fit-il avec un soupir. Puis il s'assoupit. Puis son souffle devint intermittent.

Puis enfin, au moment o? le premier rayon du jour frappa les vitres il rouvrit les yeux, fit du regard un signe d'adieu et expira.

Avec Nodier tout mourut ? l'Arsenal, joie, vie et lumi?re; ce fut un deuil qui nous prit tous; chacun perdait une portion de lui-m?me en perdant Nodier.

Moi, pour mon compte, je ne sais comment dire cela, mais j'ai quelque chose de mort en moi depuis que Nodier est mort.

Ce quelque chose ne vit que lorsque je parle de Nodier.

Voil? pourquoi j'en parle si souvent.

Maintenant, l'histoire qu'on a lue, c'est celle que Nodier m'a racont?e.

La famille d'Hoffmann.

Au nombre de ces ravissantes cit?s qui s'?parpillent au bord du Rhin, comme les grains d'un chapelet dont le fleuve serait le fil, il faut compter Mannheim, la seconde capitale du grand-duch? de Bade, Mannheim, la seconde r?sidence du grand-duc.

Aujourd'hui que les bateaux ? vapeur qui montent et descendent le Rhin passent ? Mannheim, aujourd'hui qu'un chemin de fer conduit ? Mannheim, aujourd'hui que Mannheim, au milieu du p?tillement de la fusillade, a secou?, les cheveux ?pars et la robe teinte de sang, l'?tendard de la r?bellion contre son grand-duc, je ne sais plus ce qu'est Mannheim; mais, ? l'?poque o? commence cette histoire, c'est-?-dire il y a bient?t cinquante-six ans, je vais vous dire ce qu'elle ?tait.

C'?tait la ville allemande par excellence, calme et politique ? la fois, un peu triste, ou plut?t un peu r?veuse: c'?tait la ville des romans d'Auguste Lafontaine et des po?mes de Goethe, d'Henriette Belmann et de Werther.

En effet, il ne s'agit que de jeter un coup d'oeil sur Mannheim pour juger ? l'instant, en voyant ses maisons honn?tement align?es, sa division en quatre quartiers, ses rues larges et belles o? pointe l'herbe, sa fontaine mythologique, sa promenade ombrag?e d'un double rang d'acacias qui la traverse d'un bout ? l'autre; pour juger, dis-je, combien la vie serait douce et facile dans un semblable paradis, si parfois les passions amoureuses ou politiques n'y venaient mettre un pistolet ? la main de Werther ou un poignard ? la main de Sand.

Il y a surtout une place qui a un caract?re tout particulier, c'est celle o? s'?l?vent ? la fois l'?glise et le th??tre.

?glise et th??tre ont d? ?tre b?tis en m?me temps, probablement par le m?me architecte; probablement encore vers le milieu de l'autre si?cle, quand les caprices d'une favorite influaient sur l'art ? ce point que tout un c?t? de l'art prenait son nom, depuis l'?glise jusqu'? la petite maison, depuis la statue de bronze de dix coud?es jusqu'? la figurine en porcelaine de Saxe.

L'?glise et le th??tre de Mannheim sont donc dans le style Pompadour.

L'?glise a deux niches ext?rieures: dans l'une de ces deux niches est une Minerve, et dans l'autre est une H?b?.

La porte du th??tre est surmont?e de deux sphinx. Ces deux sphinx repr?sentent, l'un la Com?die, l'autre la Trag?die.

Le premier de ces deux sphinx tient sous sa patte un masque, le second un poignard. Tous deux sont coiff?s en racine droite avec un chignon poudr? ce qui ajoute merveilleusement ? leur caract?re ?gyptien.

Au reste, toute la place, maisons contourn?es, arbres fris?s, murailles festonn?es, est dans le m?me caract?re, et forme un ensemble des plus r?jouissants.

Eh bien! C'est dans une chambre situ?e au premier ?tage d'une maison dont les fen?tres donnent de biais sur le portail de l'?glise des J?suites, que nous allons conduire nos lecteurs, en leur faisant seulement observer que nous les rajeunissons de plus d'un demi-si?cle, et que nous en sommes, comme mill?sime, ? l'an de gr?ce ou de disgr?ce 1793, et comme quanti?me au dimanche 10 du mois de mai. Tout est donc en train de fleurir: les algues au bord du fleuve, les marguerites dans la prairie, l'aub?pine dans les haies, la rose dans les jardins, l'amour dans les coeurs.

Maintenant ajoutons ceci: c'est qu'un des coeurs qui battaient le plus violemment dans la ville de Mannheim et dans les environs ?tait celui du jeune homme qui habitait cette petite chambre dont nous venons de parler, et dont les fen?tres donnaient de biais sur le portail de l'?glise des J?suites.

Chambre et jeune homme m?ritent chacun une description particuli?re.

La chambre, ? coup s?r, ?tait celle d'un esprit capricieux et pittoresque tout ensemble, car elle avait ? la fois l'aspect d'un atelier, d'un magasin de musique et d'un cabinet de travail.

Il y avait une palette, des pinceaux et un chevalet, et sur ce chevalet une esquisse commenc?e.

Il y avait une guitare, une viole d'amour et un piano, et sur ce piano une sonate ouverte.

Il y avait une plume, de l'encre et du papier, et sur ce papier un commencement de ballade griffonn?.

Puis, le long des murailles, des arcs, des fl?ches, des arbal?tes du quinzi?me, des instruments de musique du dix-septi?me, des bahuts de tous les temps, des pots ? boire de toutes les formes, des aigui?res de toutes les esp?ces, enfin des colliers de verre, des ?ventails de plumes, des l?zards empaill?s, des fleurs s?ches, tout un monde enfin; mais tout un monde ne valant pas vingt cinq thalers de bon argent.

Celui qui habitait cette chambre ?tait-il un peintre, un musicien ou un po?te? Nous l'ignorons.

Mais, ? coup s?r, c'?tait un fumeur; car, au milieu de toutes ces collections, la collection la plus compl?te, la plus en vue, la collection occupant la place d'honneur et s'?panouissant au soleil au-dessus d'un vieux canap?, ? la port?e de la main, ?tait une collection de pipes.

Mais, quel qu'il f?t, po?te, musicien, peintre ou fumeur, pour le moment, il ne fumait, ni ne peignait, ni ne notait, ni ne composait.

Non, il regardait.

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