Read Ebook: L'Anglais mangeur d'opium Traduit de l'Anglais et augmenté par Alfred de Musset avec une notice par M. Arthur Heulhard by De Quincey Thomas Heulhard Arthur Author Of Introduction Etc Musset Alfred De Translator
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 203 lines and 33291 words, and 5 pagesMay 2, 1853. AUNT MOLLY. A REMINISCENCE OF OLD CAMBRIDGE. But to return to the cottage, from which the pretty, rural trait of its standing in its unfenced green door-yard led me away to notice the same sort of rustic beauty where the church stood. We did not stop to knock at the outside door,--for Aunt Molly was very deaf, and if we had knocked our little knuckles off she would not have heard us,--but went in, and, passing along the passage, rapped at the door of the "common room," half sitting-room, half kitchen, and were admitted. Those who saw her for the first time, whether children or grown people, were generally afraid of her; for her voice, unmodulated, of course, by the ear, was naturally harsh, strong, and high-toned; and the sort of half laugh, half growl, that she uttered when pleased, might have suggested to an imaginative child the howl of a wolf. She had very large features, and sharp, penetrating black eyes, shaded by long, gray lashes, and surmounted by thick, bushy, gray eyebrows. I think that when she was scolding the school-boys, with those eyes fiercely "glowering" at them from under the shaggy gray thatch, she must have appeared to those who in their learned page had got as far as the Furies, like a living illustration of classic lore. Her cap and the make of her dress were peculiar, and suggestive of those days before, and at the time of, the Revolution, of which she loved to speak. Tout, maintenant, ?tait pr?t pour mon escapade; dix guin?es ? ajouter ? deux qui me restaient de mon argent, me semblaient un tr?sor ? n'en jamais finir; c'est ? cet ?ge heureux, si le pouvoir de cr?er appartient ? l'homme, que l'esprit de plaisir et d'esp?rance doit le rendre infini! C'est une juste remarque du docteur Johnson , que nous ne pouvons, en conscience, faire pour la derni?re fois, sans quelque souci, une chose que nous sommes habitu?s ? faire tous les jours. Je sentis profond?ment cette v?rit?, lorsque j'en vins ? quitter un endroit que je n'aimais pas, et o? je n'avais jamais ?t? heureux. Cette citation n'est pas dans les ?ditions anglaises que nous avons eues sous les yeux. C'est sans doute Musset qui intervient. Et quoiqu'il f?t vrai que dans les derniers temps, moi qui suis n? pour aimer et ?tre heureux, je fusse devenu sombre et morose durant ma fi?vre de d?tention, cependant, d'un autre c?t?, en ma qualit? d'amateur de la science et des plaisirs de l'esprit, je ne pouvais pas avoir ?t? priv? de toute esp?ce de jouissances au milieu de ma tristesse habituelle. Je pleurai en regardant ma chaise, mon ?critoire et mes livres. Maintenant que j'?cris ceci, il y a dix-huit ans entre moi et ce souvenir; cependant, en ce moment m?me, je vois, aussi distinctement que si cela s'?tait pass? hier, les traits et l'impression du dernier objet qui eut mon dernier regard. C'?tait un portrait de la belle... qui pendait sur la chemin?e; sa bouche et ses yeux ?taient si divins, et tout son air si plein de bienveillance et de gr?ce, et en m?me temps de tranquillit? plus qu'humaine, que cent fois j'avais laiss? tomber ma plume ou mon livre pour puiser un peu de joie dans cette contemplation c?leste, comme un d?vot aux pieds de sa madone! Tandis que je regardais, quatre heures sonn?rent. Je courus au tableau, je l'embrassai, et sortis doucement... Il avait un dos grand comme la plaine de Salisbury. Il persista donc ? vouloir emporter seul le paquet fatal, tandis que je pr?tais l'oreille aux moindres craquements de la cloison. Pendant quelque temps, je l'entendis descendre d'un pied ferme et l?ger; mais, h?las! comme il franchissait le pas dangereux, il glissa, et le terrible fardeau, quittant l'?paule du porteur, continua sa route, si bien que gagnant de la force ? chaque marche, il arriva ou plut?t se lan?a avec un bruit de trente diables contre la porte de l'Archididascalus. Ma premi?re id?e fut que tout ?tait perdu; et ma seule chance de salut ?tait dans le sacrifice de mon bagage. Cependant la r?flexion me fit attendre l'issue de l'aventure. Le groom ?tait plus qu'alarm?, autant pour moi que pour lui; mais, en d?pit de sa frayeur, le contre-temps redout? avait si irr?sistiblement excit? sa gaiet? bruyante, qu'il se perdait dans un long et ?clatant t?moignage de sa joie, capable d'?veiller les sept dormeurs. Moi, en l'entendant, je ne pus m'emp?cher de l'imiter. Nous attendions dans cette posture que D... sort?t de sa chambre: car ordinairement une souris qui remuait le faisait jeter ? bas de son lit. Je ne puis comprendre ce qui l'y fit rester alors. D... avait une infirmit? qui, le tenant souvent ?veill?, rendait probablement son sommeil plus profond. Reprenant toutefois courage, le groom arriva en bas sans autre accident; je restai immobile jusqu'au moment o? je vis mon coffre en route vers la voiture. Alors < Mon intention avait ?t? d'abord de gagner le Westmorland, et deux motifs m'y portaient: l'amour que j'ai pour ce pays, puis quelques raisons particuli?res ? moi. Un accident pourtant me fit changer de direction et je tournai vers le pays de Galles. Je quittai la maison dans l'heure m?me, et cela fut tr?s malheureux pour moi, attendu que, courant d'auberge en auberge, je me fus bient?t d?barrass? du peu d'argent qui me restait; enfin je me trouvai r?duit au r?gime le plus sobre qui se puisse imaginer, c'est-?-dire ? un repas par jour; et quel repas! Cependant l'app?tit qu'? mon ?ge devaient exciter un exercice violent et l'air vif des montagnes, me causait d'?tranges douleurs, car je ne prenais qu'un peu de caf? ou de th?. Il fallut m?me bient?t m'en priver, et tout le temps que je demeurai dans le pays de Galles, je v?cus de fruits de buissons, de pommes, ou de ce que je pouvais gagner de temps en temps, lorsque je trouvais l'occasion de me rendre utile. J'?crivais quelquefois des lettres pour des fermiers qui avaient des relations ? Liverpool ou ? Londres; plus souvent des lettres d'amour pour des jeunes filles de Shrewsbury ou d'autres villes environnantes. J'?tais alors re?u avec une grande joie et trait? g?n?ralement avec hospitalit?. Une fois, surtout, pr?s du village de Llan-y-Styndw , dans une partie peu habit?e du Merionethshire, je restai trois ou quatre jours dans une maison o? des jeunes gens m'accueillirent avec tant de bienveillance, que j'en ai conserv? un souvenir ineffa?able. Cette famille consistait en quatre soeurs et trois fr?res, tous d'un ?ge raisonnable, et tous remarquables par l'?l?gance et la d?licatesse de leurs mani?res. Je ne me rappelle pas avoir jamais rencontr? tant de beaut? r?unie ? un coeur si compatissant et si bon, except? peut-?tre une ou deux fois dans le Westmorland et le Devonshire. Ils parlaient tous anglais; et c'est une chose qu'on trouve difficilement dans une famille si nombreuse, surtout dans les villages ?loign?s de la grande route. J'?crivis, ? mon entr?e chez eux, une lettre d'affaires, pour un des jeunes gens qui traitait avec un militaire anglais; et, plus en secret, deux lettres d'amour pour deux des soeurs. Ces jeunes filles ?taient plus int?ressantes qu'on ne peut dire, et tr?s aimables. Au milieu de leur confusion et de leur rougeur, tandis qu'elles me dictaient, ou plut?t qu'elles me donnaient des instructions g?n?rales, je n'eus pas besoin de beaucoup de p?n?tration pour sentir qu'elles voulaient des lettres aussi tendres que possible, sans pourtant blesser la d?licatesse de l'orgueil f?minin. Je parvins ? si bien mod?rer mes expressions, que l'un et l'autre de ces deux sentiments se trouva observ?, et elles furent si contentes de la mani?re dont j'exprimais leur pens?e, que elles s'?tonn?rent d'avoir ?t? si vite devin?es. La r?ception qu'on ?prouve de la part des femmes dans une famille, d?termine g?n?ralement celle qu'on doit attendre de la famille enti?re. J'avais rempli mes fonctions de secr?taire-interpr?te ? la satisfaction g?n?rale ; enfin, je fus press? de rester, avec une cordialit? ? laquelle je ne pus r?sister bien fort. Je couchais avec les fr?res, la seule chambre vacante ?tant dans l'appartement des jeunes femmes; mais du reste j'?tais trait? comme on ne doit pas avoir la pr?tention de l'?tre, avec une bourse aussi l?g?re que la mienne, comme si ma science e?t suffi pour me faire croire < Les parents revinrent avec des visages grognons, et < J'eus presque aussit?t, par des moyens qui sont indiff?rents au lecteur, l'occasion d'aller ? Londres. Et alors commen?a la derni?re et la plus triste p?riode de mes longues souffrances, que je pourrais appeler mon agonie. Il me fallut souffrir pendant plus de seize semaines, c'est-?-dire plus de quatre mois, la douleur physique de la faim, ? diff?rents degr?s de force; mais je crois avoir endur?, en somme, tout ce qu'un homme peut endurer sans mourir. Je n'en ferai point le d?tail fatigant pour le lecteur; car de pareilles horreurs, lorsqu'elles n'ont ?t? m?rit?es par aucun crime, ne peuvent se raconter sans exciter une piti? vive, et p?nible, pour celui qui la ressent. Il suffira de savoir que quelques petits morceaux de pain ramass?s apr?s le d?jeuner d'un homme , et cela ? de certains intervalles, faisaient toute ma nourriture. Durant la premi?re ?poque de mes souffrances , je n'avais pas d'asile et je dormais rarement sous un toit. J'attribue ? cette constante habitude d'?tre expos? ? l'air la force qui m'emp?che de succomber ? mes tourments. Plus tard cependant, lorsque le temps devint froid, et lorsque mes longues douleurs eurent commenc? ? m'affaiblir et ? me mettre dans un ?tat de langueur qui s'augmentait chaque jour, il fut certainement tr?s heureux pour moi que ce m?me homme, qui me permettait de vivre de ses restes ? d?jeuner, me donn?t pour la nuit une grande maison d?serte, dont il ?tait propri?taire: je l'appelle d?serte, car il n'y avait dedans qu'une table et quelques chaises. J'y trouvai cependant, en y entrant, un pauvre enfant tout seul, qui semblait avoir environ dix ans; mais la faim l'avait probablement aussi fatigu?; c'?tait une petite fille, et des souffrances de cette nature font para?tre les enfants beaucoup plus ?g?s qu'ils ne sont. J'appris d'elle que, depuis quelque temps, elle dormait seule dans cet endroit, et elle t?moigna une grande joie, quand elle apprit que dor?navant elle aurait un compagnon dans l'obscurit?. La maison ?tait grande; les rats, manquant aussi de nourriture, faisaient un tapage infernal dans les cloisons ?normes; et au milieu des douleurs r?elles du froid, et sans doute aussi de la faim, la pauvre enfant, d?laiss?e, semblait avoir souffert encore davantage de la frayeur. Je lui promis de la d?fendre contre tous les fant?mes ? l'avenir; mais, h?las! je ne pus lui offrir d'autre assistance. Nous ?tions couch?s par terre, avec une liasse de papiers pour oreiller et sans autre couverture qu'un grand manteau de cocher. Nous d?couvr?mes cependant, plus tard, dans un grenier, une vieille garniture de sopha et quelques vieux morceaux de toile qui servirent ? nous pr?server un peu du froid excessif. La pauvre fille se pressait contre moi pour se r?chauffer et pour se d?fendre des spectres qui lui faisaient peur. Mais quel homme ?tait le ma?tre de la maison? Lecteur, c'?tait un des exemples de ces anomalies, dans les d?partemens inf?rieurs de la l?gislation, qui... que dirai-je?... qui, par prudence ou par n?cessit?, se refusent toute esp?ce de luxe de conscience . Dans plusieurs occasions de la vie, une conscience peut encombrer, g?ner, embarrasser, plus encore qu'une femme, ou un ?quipage; et, comme le peuple dit: se d?faire de son ?quipage, je suppose que mon ami M..., s'?tait d?fait, pour un temps seulement, de sa conscience, mais dans la ferme intention de la reprendre le plus t?t qu'il pourrait. La mani?re de vivre d'un tel homme pr?senterait un ?trange tableau si je pouvais me d?cider ? amuser le lecteur ? ses d?pens; mais, dans cet assemblage bizarre de qualit?s et de d?fauts, je dois tout oublier, except? qu'il ?tait obligeant envers moi, et m?me g?n?reux, eu ?gard ? ce qu'il pouvait faire. Il est vrai qu'il ne pouvait pas faire grand'chose; cependant je jouissais de toute libert?, en commun avec les rats; et puisque Dr Johnson a dit que dans sa vie il ne s'?tait jamais trouv? qu'une fois log? ? son aise, ne dois-je pas ?tre bien heureux d'avoir eu ? ma disposition un local aussi grand que je le pouvais d?sirer? Except? la chambre de la Barbe-Bleue, que la pauvre enfant croyait habit?e par des revenants, le reste, depuis le grenier jusqu'? la cave, ?tait ? notre service; et nous posions notre tente pour la nuit o? nous le jugions ? propos. J'ai d?j? dit que cette maison ?tait tr?s vaste; elle est bien situ?e, et dans un quartier connu de Londres; plusieurs de mes lecteurs doivent, sans aucun doute, avoir pass? devant, avant de rentrer pour lire ce chapitre. Pour moi, je ne manque jamais de la visiter, lorsque mes affaires m'appellent ? Londres; environ ? dix heures, ce soir m?me, 15 ao?t 1821, jour de ma naissance, je me suis d?rang? de ma promenade de tous les jours, pour aller ? la rue d'Oxford. La maison est maintenant occup?e par une famille respectable; et, ? travers les carreaux d'une chambre ?clair?e, j'ai vu plusieurs personnes assembl?es, sans doute autour d'une table ? th?; singulier contraste avec l'obscurit?, le froid, le silence et la d?solation qu'offrait cette m?me maison dix-huit ans auparavant, lorsqu'elle n'avait pour h?tes qu'un malheureux mourant de faim et un enfant abandonn?. Cette pauvre fille n'?tait ni jolie, ni spirituelle, ni agr?able dans ses mani?res; mais, Dieu du ciel! elle n'en avait pas besoin pour ?tre aim?e de moi. La nature humaine, dans sa plus triste et sa plus humble forme, ?tait assez pour moi; et je l'aimais parce que j'?tais aussi malheureux qu'elle. Si elle vit encore ? pr?sent, elle est probablement m?re, elle a des enfants ? son tour; mais je serais incapable de la reconna?tre. Elle aurait pourtant obtenu quelque chose, j'en suis s?r; car nous conv?nmes plus tard entre nous, mais malheureusement au moment m?me o? nous f?mes s?par?s, que, dans un jour ou deux, nous irions ensemble devant un magistrat, et que je parlerais en sa faveur. Cependant il ?tait d?cid? que je ne lui rendrais pas ce faible service; et celui qu'elle m'avait rendu ?tait trop grand pour que je pusse jamais l'acquitter. Une nuit, tandis que nous marchions lentement dans la rue d'Oxford, comme je souffrais plus qu'? mon ordinaire, je la priai de venir avec moi au Soho-Square; nous y all?mes, et nous nous repos?mes sur les marches d'une maison devant laquelle je ne puis maintenant passer sans attendrissement et sans respect. Au moment o? je m'assis, je me sentis beaucoup plus mal; j'avais appuy? ma t?te dans ses mains, et tout d'un coup je tombai raide sur le pav?. Je serais mort infailliblement, si ma pauvre compagne ne m'e?t tir? de cet affreux danger. Elle poussa un cri de terreur, et disparut; un instant apr?s elle revint avec un verre de vin et un peu de pain qu'elle me donna et qui me firent un bien extr?me; et pour cela, elle avait pay? de sa bourse. Oh! que l'on s'en souvienne! lorsqu'elle-m?me, r?duite ? la plus horrible mis?re, ne savait pas si un sort pareil au mien ne l'attendait pas aussi. O ma jeune bienfaitrice! combien de fois, dans mes promenades solitaires, marchant tristement et les bras crois?s, j'ai b?ni ton souvenir! Je voudrais, comme autrefois la mal?diction paternelle poursuivait le crime, que les souhaits ardents d'un coeur accabl? de sa reconnaissance eussent aussi leur pouvoir pour t'accompagner, te poursuivre au fond d'une maison inf?me de Londres, au fond d'un tombeau, et l? te rapporter encore le cri de mon amour, de mon respect, de mon admiration pour toi! Je ne pleure pas souvent, car ou ma douleur passag?re est trop profonde pour demander des larmes, ou ma tristesse habituelle m'emp?che d'en trouver dans mes yeux. Les esprits l?gers seuls pleurent ais?ment. Mais lorsque je marche dans la rue d'Oxford et que j'entends jouer sur un orgue les airs de ce temps-l?, je pleure, et, devant un tel souvenir, je sens que le temps s'arr?te et que les ann?es s'effacent de ma vie. Peu de temps apr?s ce que je viens de raconter, un gentilhomme de la maison du roi m'aborda dans la rue Albemarle; il avait re?u ? diff?rentes occasions l'hospitalit? de ma famille. Je ne cherchai point ? me cacher; je r?pondis sinc?rement ? ses questions: et, lorsqu'il m'eut donn? sa parole d'honneur de ne pas me d?noncer ? mes tuteurs, je lui dis o? je demeurais. Le lendemain je re?us de sa part un billet de 1,000 livres. La lettre qui le renfermait arriva avec des lettres d'affaires du notaire; mais, quoique son regard voul?t dire qu'il en savait le contenu, il me la donna sans faire d'observations. Je puis maintenant expliquer ce qui m'avait amen? ? Londres et ce que j'y sollicitai depuis le jour de mon arriv?e jusqu'? celui de mon d?part. Dans une ville comme Londres, on sera ?tonn? que je n'aie pas trouv? quelque moyen d'?viter la derni?re mis?re. Deux ressources se pr?sentaient au moins: ou de chercher du secours aupr?s des amis de ma famille, ou d'employer mes talents ? gagner ma vie. Mais, d'abord, je ne craignais rien tant que de retourner sous la puissance de mes tuteurs, et je ne pouvais, de peur d'?tre r?clam? par eux, me d?couvrir m?me ? ceux qui m'auraient servi. Pour le second moyen, j'avoue que je suis aussi surpris que le lecteur de l'avoir oubli?; je savais le grec, mieux qu'il ne le faut savoir pour l'enseigner; mais j'avais besoin de conna?tre quelque respectable professeur ? qui m'adresser; et comment le faire sans me trahir encore? A dire vrai, je n'avais qu'une id?e, c'?tait d'obtenir ce que je demandais. Plusieurs de ces lettres ?taient du comte de..., qui ?tait alors mon seul ami intime; j'en avais aussi du marquis de..., son p?re, dat?es d'Eton. Le vieux gentilhomme, amateur de sciences et d'agriculture, me parlait des grands changements qu'il faisait ou qu'il m?ditait dans les terres de M... et de Sl..., ou du m?rite d'un po?te latin, ou d'un sujet qu'il me conseillait de mettre en vers. Sur la foi de ces lettres, un des juifs me proposa 2 ou 3,000 livres sterling par an, pourvu que le jeune comte, qui ?tait de mon ?ge, voul?t garantir le paiement des int?r?ts et du capital, ? l'?poque de notre majorit?. En cons?quence, huit ou neuf jours apr?s avoir re?u les 1,000 livres, je me pr?parai ? partir pour Eton. J'avais donn? environ 300 livres de mon argent ? mon usurier, qui disait que, pendant mon absence, il allait pr?parer les papiers n?cessaires au contrat. J'?tais s?r qu'il mentait; mais je ne voulais lui laisser aucun sujet de retard. J'avais donn? une moindre somme ? mon ami le notaire ; et en v?rit? je lui devais quelque chose pour le loyer de sa triste maison. J'avais employ? environ 15 shillings ? ma toilette, qui pourtant n'?tait pas brillante. Je donnai la moiti? du reste ? Anna, comptant ? mon retour partager encore avec elle ce que j'aurais gard?. Tous ces arrangements faits, ? six heures, par une sombre soir?e d'hiver, je partis avec elle; mon intention ?tait d'aller par Salt-Hill. Nous traversions un quartier de la ville qui n'existe plus; c'?tait, je crois, la rue Swallow. Ayant du temps devant moi, je marchais lentement; nous nous ass?mes au coin de la rue de Shersan. Je lui avais d?j? parl? de mes projets; je l'assurai qu'elle partagerait ma fortune, si mon sort venait ? changer. Je regardais cette promesse comme m'imposant un devoir sacr?; car je l'aimais comme ma soeur; et voyant ? quels malheurs j'avais r?sist?, j'?tais plein de joie et d'esp?rance; Anna, au contraire, se s?parant du seul ?tre qui voul?t lui servir d'ami, ?tait accabl?e de tristesse. Lorsque je lui dis adieu en l'embrassant, elle jeta ses bras autour de mon col et pleura sans dire une parole. J'esp?rais revenir dans une semaine au plus tard, et je convins avec elle que la sixi?me nuit, ? partir de celle qui commen?ait, et chaque nuit suivante, elle m'attendrait ? dix heures, au bout de la grande-rue de Rich-Field. Je pris encore d'autres mesures pour la retrouver; j'en oubliai une: elle ne m'avait jamais dit son nom de famille. Les filles d'un rang plus ?lev? s'appellent miss Douglas, miss Montague, etc.; mais, quand on est pauvre, on n'a qu'un nom: Mary, Jane, Francis, etc. Il ?tait huit heures lorsque j'entrai au caf? Glocester, et le Bristol ?tant sur le point de partir, j'y montai, et bient?t je m'endormis. Un petit incident m'apprit, ? cette occasion, qu'un homme qui n'a jamais souffert peut vivre et mourir sans se douter des travers ou de la bont? du coeur humain. Les physionomies se ressemblent si souvent qu'un observateur ordinaire remarque une esp?ce d'hommes, puis une autre esp?ce oppos?e, et rapporte ? ces deux types contraires toutes les nuances qui peuvent s'y confondre. Ils ont leur alphabet avec lequel ils veulent juger toutes les combinaisons des mots. Voici ce qui m'arriva: Pendant les quatre ou cinq premi?res lieues, en quittant la ville, je fatiguais mon voisin en tombant sur lui chaque fois que la voiture penchait de son c?t?; et, en conscience, si la route e?t ?t? moins unie et moins douce, je serais tomb? de faiblesse. Il s'en plaignit am?rement, et tout le monde s'en serait plaint; mais il exprima son m?contentement en des termes que tout le monde n'aurait pas choisis; et certes, si je l'avais quitt? ? ce moment, ou je ne me serais pas souvenu de lui du tout, ou je m'en serais souvenu comme du plus grand brutal qu'on p?t trouver. Cependant je vis que j'avais tort; je lui demandai pardon en l'assurant que ce n'?tait pas ma faute, et en m?me temps je lui dis aussi bri?vement que possible la cause de l'?tat o? je me trouvais. Le personnage changea tout ? coup; lorsque je m'?veillai un instant en passant ? Hounslow , je trouvai qu'il avait allong? le bras de mani?re ? m'emp?cher de tomber; et, pendant le reste du voyage, il me traita avec une douceur de femme; de sorte qu'? la fin, j'?tais presque couch? dans ses bras, et c'?tait d'autant plus obligeant de sa part, qu'il ne savait pas si j'allais ? Bath ou ? Bristol. Malheureusement, j'allai plus loin que je ne voulais; car mon sommeil me faisait tant de bien que je ne me r?veillai qu'au premier relai, apr?s Hounslow; je demandai o? nous ?tions; on me r?pondit ? Maidenhead, six ou sept milles, je crois, plus loin que Salt-Hill. Je descendis; mon voisin me conseilla de m'aller mettre au lit, ce que je lui promis de faire, bien qu'ayant une autre intention. Je me mis ? marcher. Il ?tait environ minuit; mais j'allais si doucement que j'entendis quatre heures sonner ? une petite maison, avant de tourner la route qui conduit de Slough ? Eton. J'?tais encore bien faible; il me vint pourtant alors une id?e qui me consola de ma pauvret?. On avait commis quelques jours auparavant un assassinat ? Hounslow. Je crois que la personne qui avait ?t? tu?e s'appelait Steele, et que c'?tait le propri?taire d'un petit bien dans le voisinage. Chaque pas que je faisais me rapprochait de la place o? le meurtre avait ?t? commis, et il me passa dans l'esprit que, si le meurtrier ?tait sorti cette nuit, nous allions nous rencontrer dans l'obscurit?: auquel cas, dis-je, si, au lieu d'?tre, comme je le suis, j'avais, comme mon ami lord... 70.000 livres de rente, quelle frayeur panique viendrait m'assaillir! Il est vrai qu'il n'?tait pas probable que lord... se trouv?t jamais dans ma position. Mais, quoi qu'on dise, la remarque n'en est pas moins vraie, qu'une grande fortune doit inspirer une terrible peur de mourir; et je suis convaincu que les trois quarts au moins de ces intr?pides aventuriers, ? qui la pauvret? permettait d'avoir du courage, si, au moment de se battre, on leur e?t annonc? qu'ils h?ritaient de 50.000 livres de rente, auraient senti leur humeur belliqueuse consid?rablement diminu?e. J'oublie mon voyage. Dans la route entre Slough et Eton, je m'endormis. Au moment o? le soleil allait se lever, je fus r?veill? par la voix d'un homme qui ?tait debout ? c?t? de moi. Je ne le connaissais pas; il avait une triste physionomie; mais il ne s'ensuit pas que ce f?t un m?chant homme; et m?me il aurait pu m?riter ce nom sans qu'il y e?t aucun danger pour un dormeur en plein champ, ? sept heures du matin, en hiver. Pourtant je suis bien aise de le d?sabuser sur ce qu'il a pu croire, s'il est au nombre de mes lecteurs. Je le regardai en face, et il s'en alla. Je ne fus pas f?ch? d'arriver ? Eton avant le jour. La nuit avait ?t? humide, mais la matin?e ?tait fra?che, et les arbres se couvraient de bruine. Je traversai Eton sans ?tre vu; je me lavai, et me rhabillai de mon mieux dans un petit caf? de Windsor; enfin il ?tait huit heures lorsque je me dirigeai vers Pote's. Sur ma route, je rencontrai un petit gar?on que je questionnai; un Etonien est toujours gentilhomme; et malgr? ma pauvre apparence, il me r?pondit poliment. Mon ami lord... ?tait parti pour l'universit? de... < Lecteur, qui me voyez tant de connaissances nobles, ne me croyez pas noble pour cela. Je suis le fils d'un bon commer?ant anglais. Lord D... ?tala devant moi un d?jeuner magnifique. Il me parut bien plus magnifique encore ? moi qui, depuis tant de jours, tant de semaines, tant de mois, ne m'?tais pas assis ? < J'expliquai ? mylord D... l'affaire qui m'amenait. C'?tait le meilleur jeune homme du monde, et le plus obligeant; il h?sita cependant, fit ses conditions, et accepta. Lord D... avait alors tout au plus dix-huit ans; mais je doute, en me rappelant quelle prudence et quel bon sens il sut m?ler ? tant de courtoisie , qu'un homme d'?tat le plus vieux et le plus accompli diplomate possible, se f?t mieux tir? d'un pas semblable. Il y a bien des gens qu'on ne pourrait aborder avec une pareille question, sans les voir prendre un visage plus s?v?re et plus chagrin que la t?te d'un Turc. Consol? par cette promesse, quoique mes esp?rances eussent ?t? en partie tromp?es, je retournai dans une voiture de Windsor ? Londres, trois jours apr?s en ?tre parti. Et voici maintenant la fin de mon histoire; les juifs ne voulurent pas des conditions de lord D... Je ne sais pas s'ils auraient consenti enfin ? cet arrangement, et s'ils retardaient seulement l'affaire pour avoir le temps d'aller aux informations; mais ils me demand?rent de grands d?lais. Le temps s'?coulait. Mon billet s'en allait par morceaux, et avant la conclusion de cette affaire, je me voyais d?j? retomb? dans ma premi?re mis?re. Tout ? coup il se fit entre moi et mes amis un raccommodement par hasard. Je quittai Londres en toute h?te pour une partie ?loign?e de l'Angleterre, et apr?s quelque temps je retournai ? l'Universit?. Cependant qu'est devenue la pauvre Anna? C'est ? elle que j'ai r?serv? la fin de mon r?cit. Ainsi que nous en ?tions convenus, je la cherchais tous les jours, et je l'attendais au coin de la rue de Rich-Field. Je parlais d'elle ? tous ceux qui pouvaient la conna?tre, et pendant les derni?res heures de mon s?jour ? Londres, j'employai tous les moyens possibles pour la d?couvrir. Je connaissais la rue o? elle logeait, mais non pas la maison; et je me rappelai enfin que les mauvais traitements d'un h?te bourru dont elle m'avait parl? avaient pu la faire partir. Elle connaissait peu de monde; presque tous, d'ailleurs, attribuaient mes recherches ? un motif qui les faisait rire et cligner de l'oeil; et d'autres, pensant qu'elle avait pu me voler quelque chose sur son compte et s'enfuir, me donnaient le moins de renseignements possibles. D?sesp?rant enfin de la trouver, je remis ? mon d?part, entre les mains de la seule personne qui p?t certainement conna?tre Anna, mon adresse dans le Comt? de..., o? demeurait alors toute ma famille. TROISI?ME PARTIE Il y a si longtemps que j'ai pris de l'opium pour la premi?re fois, que si jamais j'en ai su la date, je l'ai oubli?e; mais, comme des ?v?nements plus importants se rapportent ? ce souvenir, je puis croire, en m'en servant pour m'aider, que ce fut dans l'automne de 1804; et voici comme l'id?e m'en vint : d?s mon enfance, on m'avait accoutum? ? me baigner la t?te dans l'eau froide, au moins une fois par jour. ?tant saisi d'une rage de dents, je l'attribuai ? une interruption momentan?e de ma m?thode ordinaire; je sautai ? bas du lit, plongeai ma t?te dans un bassin rempli d'eau froide, et retournai me coucher sans essuyer mes cheveux. J'ai d?j? dit que c'?tait un dimanche dans l'apr?s-midi; et il n'y a pas sur terre un plus triste spectacle qu'un dimanche pluvieux ? Londres. Ma route, pour m'en retourner, ?tait la rue d'Oxford; et pr?s de l'immobile Panth?on , je vis la boutique d'un apothicaire. L'apothicaire, dispensateur indigne des c?lestes plaisirs, plus triste et plus stupide que ce jour pluvieux lui-m?me, avait justement ce regard d'un apothicaire mortel, un jour de dimanche; et lorsque je lui demandai mon opium, il me le donna comme l'aurait fait l'homme le plus ordinaire; bien plus, il me rendit sur mon shilling ce qui lui parut ?tre la moiti? d'une pi?ce de monnaie, qu'il prit dans un tiroir de bois. Malgr? cela, en d?pit de toutes ces preuves d'humanit?, je l'ai toujours consid?r? en moi-m?me comme l'ombre ou l'apparition divine d'un immortel apothicaire, descendu sur la terre ? mon intention. Et ce qui me confirme dans cette id?e, c'est que lorsque je revins ? Londres, je le cherchai autour de l'immobile Panth?on, et ne le trouvai pas; et pour moi, qui ne savais pas son nom , il ?tait plus croyable qu'il s'?tait ?vanoui de la rue d'Oxford dans les airs que de toute autre mani?re plus mat?rielle. Le lecteur est pourtant libre de ne le regarder, s'il le veut, que comme un apothicaire sublunaire et terrestre; pour moi, je le crois ?vanoui ou ?vapor?, tant il me r?pugne de rattacher quelque souvenir mortel ? ce moment, ? cette place, et ? cette cr?ature, qui me fit faire ma premi?re connaissance avec le c?leste pr?sent. Mais dans ces trois th?or?mes, je crois que nous avons ?puis? la mesure du savoir jusqu'? pr?sent amass? par les hommes au sujet de l'opium. Ainsi, digne docteur, comme il me para?t qu'on peut aller plus loin encore, restez derri?re, et laissez-moi vous dire ma fa?on de penser. Le dernier duc de... avait coutume de dire:--Jeudi prochain, si le ciel me pr?te vie, j'ai l'intention de me griser. C'est ainsi que je fixais toujours ? l'avance combien de fois, dans quel temps et en quel lieu je ferais une d?bauche d'opium: rarement plus d'une fois en trois semaines; car, dans ce temps-l?, je ne me serais pas hasard? ? demander un verre de laudanum chaud et sans sucre. J'en buvais, dis-je, rarement et plus souvent le mercredi et le samedi soir. Ces jours-l? Grassini chantait ? l'Op?ra, et la voix de cette actrice ?tait pour moi la chose la plus d?licieuse du monde. Je ne sais pas ce qu'on fait maintenant ? l'Op?ra, vu que je n'y ai pas mis le pied depuis sept ou huit ans; mais je sais que dans ce temps-l? on n'aurait pu trouver un meilleur endroit pour passer une soir?e. Cinq shillings vous permettaient d'entrer ? la galerie, aussi curieuse ? voir que la sc?ne; l'orchestre se distinguait par sa douce m?lodie des orchestres anglais, o? je ne puis supporter les instruments criards et l'aigreur dominante des violons. Les choeurs ?taient divins ? entendre, et lorsque Grassini paraissait dans quelque interlude sous le voile noir d'Andromaque ? la tombe d'Hector, etc., jamais Turc ne go?ta un plaisir comparable au mien. L'erreur du peuple est de croire que c'est par les oreilles qu'il communique avec l'harmonie, et qu'il re?oit l'effet d'une mani?re purement passive. Il n'en est pas ainsi; c'est par la r?action de l'?me que le plaisir est ressenti; de l? vient la diff?rence entre les sensations ?prouv?es, qui varient selon les facult?s de celui qui ?prouve. Or, maintenant l'opium, augmentant les facult?s de l'?me, augmente n?cessairement ce mode particulier d'activit? qui fait la jouissance.--Mais, me dit un ami, une succession de sons et de notes est pour moi comme une collection de caract?res arabes: je n'y attache aucune id?e; des id?es! mon bon sire! il n'en faut point attacher; laissez-vous faire. L'harmonie d'un choeur me d?ploie comme un tissu de soie tous les souvenirs de ma vie, non pas comme un ?cho, mais comme une sensation pr?sente, non pas ramass?s ? grands frais de m?moire ou tir?s dans quelque sombre abstraction, mais les faits oubli?s et les passions exalt?es, ressuscit?es, redevenues sublimes! Tout cela pour cinq shillings. Et autour de moi, outre la sc?ne et l'orchestre, j'avais pour remplir les vides de l'action la musique de la langue italienne parl?e par des femmes italiennes, et j'?coutais avec un plaisir semblable ? celui qu'?prouva Weld le voyageur en ?coutant au Canada le rire gracieux des femmes indiennes; car moins vous entendez les mots, plus l'harmonie est douce. Il ?tait donc avantageux pour moi de n'?tre qu'un pauvre apprenti, lisant peu l'italien, ne le parlant pas du tout, et ne comprenant pas les trois quarts de ce que j'?coutais. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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