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Munafa ebook

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Read Ebook: Numa Roumestan by Daudet Alphonse De Kay Charles Translator

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Ebook has 1482 lines and 99753 words, and 30 pages

Et la porte livra passage ? un gros corps envelopp? d'une robe de chambre dans laquelle il grelottait, et surmont? d'une t?te ahurie coiff?e d'un foulard moins cramoisi que son teint.

C'?tait M. Mareuil.

Il s'effa?a pour laisser passer son ami tout en grommelant:

--En voil? une heure!... Je ne sais pas s'il y a encore du feu.... Tu dois ?tre gel?.... Qu'est-ce qui t'arrive?

Et il conduisit tout en parlant son ami vers sa chambre ? coucher o? il esp?rait que le feu ne serait pas encore ?teint.

De Br?court ne parlait pas, n'expliquait rien ... mais de temps en temps des soupirs profonds s'?chappaient de sa poitrine.

Et quand il fut arriv? dans la chambre, sous la lueur de la lampe que Mareuil avait allum?e ? la h?te, il apparut si livide, si boulevers?, avec une telle apparence de souffrance sur la face, que son ami s'?cria, tout ?mu:

--Est-ce que tu es malade?

--Non.

--Qu'as-tu alors?

--Je suis mort.

--Mort?

--Mort au moral ... mort au physique ... an?anti ... Je vais ... je viens ... je me meus.... J'ai l'air de vivre ... mais je ne vis pas.... Mon coeur est mort ... tout est mort!...

Et il se laissa tomber, accabl?, sur un canap?.

Mareuil le consid?rait avec un ahurissement qu'il ne cherchait pas ? dissimuler, un ahurissement o? se m?lait aussi quelque piti?, car il ?tait bon.

--Il demanda:

--Qu'est-ce qui t'arrive?

--Tout est fini....

--Quoi?

--Mon mariage....

--Rompu?... Avec mademoiselle de Fr?milly?

Incapable de formuler une parole, de Br?court inclina la t?te avec un tel air d'accablement qu'on voyait bien que tout ressort en effet ?tait bris? en lui.

Mareuil s'?cria:

--En voil? une nouvelle! Puis il dit:

--Et vous vous aimiez?

--Et nous nous aimons toujours ... comme des fous ... moi, du moins.... Elle, je ne sais plus.... Ah! mon pauvre ami!

Et Br?court porta la main ? son front, comme s'il avait craint qu'il n'?clat?t.

Mareuil ne parlait plus.

Il le contemplait ... plein maintenant d'une piti? sinc?re, et aussi un peu surpris qu'un amour bris? p?t produire chez un homme comme Br?court ... un homme qu'il croyait fort, un peu blas?, une telle douleur.

Br?court reprit:

--Je l'aimais tant!... Je l'aime tant encore!... Je l'aimerai tant toujours!... car il ne sortira pas de moi, cet amour. Il ne sortira pas de mon coeur, de mon sang, de ma chair ... de tout moi!... Il est plus attach? ? mon corps que l'?me elle-m?me.... C'?tait mon souffle, ma vie! Et maintenant qu'il n'est plus, je n'ai plus qu'? mourir. Mais comment mourir?... J'ai song? au suicide ... avant de venir ici. Je me suis arr?t? sur un pont ? regarder l'eau, et si je ne me suis pas pr?cipit? ... c'est qu'un reste d'espoir m'est entr? au coeur ... un reste d'espoir qui s'est ?vanoui depuis ... que je n'ai plus et qui ne reviendra jamais.... Non, elle est perdue pour moi ... perdue pour toujours.... J'ai entendu ce soir des paroles inexorables, et je l'aime, je l'aime ? en mourir!

Il s'interrompit et se mit ? sangloter.

Mareuil n'osait pas l'interroger.

Il ne devinait pas ce qui ?tait arriv? et il aurait voulu le savoir.

Il murmura pour dire quelque chose:

--Elle ne t'aime plus?

Il eut un geste d'ignorance.

--Je ne sais pas....

--Mais vous ?tiez fianc?s?...

--Je devais l'?pouser dans un mois.

--Dans un mois?

--Oui, tout ?tait d?cid?, conclu, arrang?, ? la Madeleine, devant Paris tout entier, qui e?t ?t? jaloux de mon bonheur, qui l'e?t envi?; qui n'e?t pas ?t? jaloux, qui n'e?t pas envi? l'homme qui avait le bonheur supr?me, le bonheur surhumain, surnaturel, d'?tre l'?poux de Laurence? Tu la connais, toi, tu sais comme elle est belle! Tu sais que jamais peut-?tre mortelle aussi radieuse, aussi parfaite, aussi rayonnante, faite de tant de lumi?re et de r?ve, n'a foul? encore le sol boueux de cette terre fl?trie. Tu l'as admir?e souvent.

--Oui, fit Mareuil, elle est tr?s belle.

--Tr?s belle! Et aussi bonne que belle, l'?me aussi lumineuse que son corps de soleil. C'est-?-dire que je ne vis vraiment, que je ne comprends la vie que depuis que je l'aime, et depuis que je m'en croyais aim?!

--Il y a longtemps que vous vous connaissez?

--Deux ans bient?t.

--Deux ans!

--Je l'avais aper?ue un soir, dans un salon.... C'?tait la premi?re fois, ai-je su depuis, qu'elle venait dans le monde. Jusque-l?, le couvent avait abrit? toutes ses perfections. Elle ?tait venue avec sa grand'm?re. Je ne connaissais ni sa grand'm?re ni elle. Je ne pus donc pas lui parler. Mais je ne cessai pas, toute la soir?e, de r?der autour d'elle. Je ne pouvais pas d?tacher d'elle mes yeux extasi?s. J'appris qui elle ?tait, qu'elle se nommait Laurence de Fr?milly, la derni?re descendante d'une grande race. Elle avait dans les yeux, sur les traits, la distinction, la gr?ce des femmes de sa famille dont quelques-unes avaient fait envie ? des rois. Et, d?s ce soir-l?, je me dis qu'il serait bien heureux celui qui, un jour, attirerait sur lui ses regards ... qui serait choisi par elle. Je n'osais pas penser ? ce que serait le bonheur d'en ?tre aim?. Mais jamais, au grand jamais, l'id?e ne me vint que je pouvais ?tre cet homme. Je me sentais si loin d'elle ... si loin de cette puret?, de cette grandeur, par l'indignit? de ma vie! Tu sais quelle vie j'ai men?e, livr?e ? toutes les dissipations, ? toutes les d?bauches, la vie des jeunes gens riches d'aujourd'hui, joueurs, amis du plaisir.

--Comme moi, dit Mareuil.

--Comme nous tous. Tu n'es ni meilleur ni plus mauvais qu'aucun de nous.... Et je ne songeais pas, tu le penses bien, au mariage ... au mariage avec personne ... moins encore avec elle, qui, je le supposais bien, ne voudrait jamais de moi, n'?tait pas faite pour moi.... Et je songeais ? ne plus la revoir, ? l'oublier.... L'oublier! Etait-ce possible?... Quand je fus rentr? chez moi, ?loign? d'elle, elle ?tait plus pr?sente ? mon esprit ... plus entr?e en moi, pour ainsi dire, que lorsque je l'avais sous mes yeux. Je ne pouvais pas d?tacher d'elle ma pens?e ... chasser de devant mes yeux l'?blouissante vision qui y ?tait rest?e ... et sur laquelle seule, maintenant, ils s'ouvraient. Tout mon ?tre ?tait poss?d? par elle, d?j? ... et ne devait plus se reprendre.... As-tu aim?, Mareuil?

--Jamais comme ?a, dit le jeune homme, qui sourit.

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