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Munafa ebook

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Read Ebook: Panouille by Sandre Thierry

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Ebook has 945 lines and 26042 words, and 19 pages

il y a des volontaires. On s'en ressent pas pour leur guerre du Sud-Alg?rien.

--Il para?t que, chez les biffins, le colonel a fait un grand discours de propagande dans la cour du quartier. Mais ?a n'a presque pas rendu. Chez nous, avec cette histoire de ton Panouille et le raffut que le parti peut faire autour, faut esp?rer que ?a ne rendra pas non plus beaucoup. Mais dis donc, comment qu'il est, ton Panouille? Il est intelligent?

--?a, mon vieux, non. Pour tout dire, une vraie gourde, un ballot pur jus. Et vaut mieux pas insister de ce c?t?.

--C'est emb?tant. Et il n'est pas avec nous, naturellement?

--Oh! tu sais, il ne conna?t pas tr?s bien le parti. Je te dis, il ne conna?t pas grand'chose ? rien.

--C'est emb?tant. Il est vrai que le refus d'un imb?cile peut ?tre d'un meilleur exemple.

--A toi j'aime mieux te le dire: non. J'ai essay?, mais c'est tout juste s'il peut lire un petit bout d'article. Apr?s, il d?clare que ?a le fatigue et que c'est pas fait pour lui.

--Alors, ce journal d'hier?

Rechin sourit finement.

--Nous sommes voisins de lit, avoua-t-il. A l'heure qu'il est, il ne sait peut-?tre pas qu'on a trouv? ?a dans son paquetage.

--Je comprends. Tu es un homme utile. Il faudrait un homme comme toi dans chaque batterie.

--Je vois d'ici la t?te du colonel.

--Bon, ?a suffit. J'ai assez vu la tienne. D?canille en vitesse, que j'?crive mes lettres avant la reprise. J'ai ? peine le temps, et il y a un type qui part pour Paname ce soir ? 6 heures.

--Rendez-vous ? ta carr?e?

--A six et demie. Mais pas d'imprudence, hein!

--Sois tranquille.

--Et merci.

--Tu veux rire!

Les deux camarades se serr?rent la main, et le mar?chal des logis poussa dehors le canonnier.

Le capitaine Joussert, commandant la 5e batterie, n'?tait ni aussi pr?tentieux que l'affirmait une fois par jour ? sa femme le lieutenant Calorgne, ni aussi entier que l'imaginait son colonel. Devant ses sup?rieurs, il gardait un air d'ind?pendance qui ne plaisait pas ? tous, et qu'il avait rapport? de la guerre, o? souvent il avait d? prendre des d?cisions contraires aux ordres de ses chefs. Devant ses subordonn?s, il ?tait presque toujours plein d'indulgence et de bonhomie: il savait de quel d?vouement, de quel courage, de quelle patience s'?taient montr?s ses hommes pendant la guerre; et si, la guerre finie, il ne commandait plus qu'? des hommes dont il n'avait qu'? pr?parer l'instruction en vue d'une guerre future, que tout le monde en France et lui-m?me esp?raient ? jamais impossible, il songeait, lui, avec quelques autres, que l'impossible parfois se r?alise et il pr?parait, non sans une infinie compassion, en vue de cette future guerre impossible, les jeunes soldats que l'administration lui confiait. Le capitaine Joussert, officier n? de la guerre et form? par elle, car il avait ? peine vingt ans le 2 ao?t 1914, ?tait officier comme certains sont pr?tres. C'est pourquoi, bien que sans morgue, il tol?rait difficilement les pr?jug?s et les scrupules de son lieutenant, le lieutenant Calorgne, serviteur z?l?, mais serviteur trop z?l?.

Qu'on ne s'y trompe pas: le colonel aimait ? taquiner le capitaine Joussert, en l'appelant, avec une pointe d'ironie, disciple de Maurras; mais, si de jeunes officiers fran?ais ne cachent pas leur d?sir ardent d'?tre les officiers d'un pays o? l'ordre ne soit pas constamment menac? et dont le sort ne soit pas ? la merci d'une clique politique jouant, pour son profit, des hasards du suffrage universel, le capitaine Joussert, t?te de math?maticien et coeur prompt ? s'?mouvoir, r?vait avec plus de calme, sinon plus d'amour, d'une France grande, forte, respect?e, et par l? m?me inattaquable. Jeune lui aussi, il observait curieusement les jeunes recrues qu'il avait ? instruire. Il cherchait en eux les traces du destin mis?rable de leurs p?res et de leurs fr?res a?n?s, et quelle ?me leur avait forg?e le temps de guerre o? d'enfants ils devenaient hommes, et de quel avenir ils r?vaient, eux, pour leur pays sauv? du d?sastre. T?te de logicien et coeur pitoyable, le capitaine Joussert ne se r?solvait ? punir qu'? la derni?re extr?mit?.

--Punir! disait-il. Punir, quand demain ils se feront tuer sans broncher!

Un tel capitaine, on l'admettra, ne pouvait pas accepter les yeux ferm?s l'affaire Panouille. Il connaissait Panouille pour un canonnier qui tenait avec soin son attelage et qui ne s'?tait jamais fait remarquer.

--Un de ces hommes qui nous arrivaient du d?p?t, se disait-il, ravitaillaient de nuit la batterie en position, et, quinze jours plus tard, ?taient pulv?ris?s sur leur cheval par un 105, sans que le capitaine e?t vu, m?me une seule fois, ? la lumi?re du soleil, leur bonne figure tranquille et r?sign?e.

Le capitaine Joussert avait d?cid? qu'il interrogerait Panouille, l'apr?s-midi, en pr?sence du lieutenant.

--Vous ne parlerez, Calorgne, que lorsque je vous prierai de parler. Cet homme est un simple. Ne l'intimidons pas, si nous voulons qu'il s'explique.

--Il n'?tait pas si timide, ce matin, mon capitaine.

--Je sais, Calorgne, attendons.

Amen? au bureau par le brigadier de semaine et laiss? en face du capitaine et du lieutenant, les deux fourriers ayant ?t? renvoy?s, Panouille fut timide comme le capitaine l'avait pr?vu.

--Panouille, fit le capitaine, vous n'avez pas eu jusqu'ici de punition grave. Vous ?tes bient?t lib?rable. Comment avez-vous pu vous oublier, ce matin, jusqu'?...

--J'ai pas frapp? mon lieutenant, coupa Panouille.

--Pas si vite! fit le capitaine. Nous n'en sommes pas encore au lieutenant. Proc?dons par ordre.

Le lieutenant lan?a:

--Il a commenc? par insulter le brigadier. Il lui a dit...

Et il r?p?ta le mot que Panouille avait dit.

--Je vous en prie, Calorgne!

Le lieutenant se tint coi.

Non sans peine, le capitaine Joussert parvint ? remonter aux causes de l'incident malheureux. Non sans peine, car Panouille, affirmant tout ? coup qu'il n'avait pas frapp? le lieutenant, embrouillait le fil de l'histoire. Non sans peine, car, pudique et secret comme la plupart des simples, Panouille sembla longtemps vouloir refuser de prononcer le nom de Marguerite.

--Mais parle donc! lui ordonna presque rudement le capitaine, qui le tutoya, comme il tutoyait au front quelques-uns de ses canonniers. Parle donc! Tu ne sens donc pas que c'est le principal que tu caches?

--Ma religion est faite, conclut-il. Qu'on le reconduise en prison, Calorgne, voulez-vous?

Panouille inquiet, salua. Avant de sortir, il dit au lieutenant:

--Je vous jure, mon lieutenant, je vous ai pas frapp?.

Mais le lieutenant n'avait pas pr?tendu que Panouille l'e?t frapp?.

--Qu'en pensez-vous, Calorgne? demanda le capitaine, t?te ? t?te.

--Mon capitaine...

Il n'osait pas.

--Mon capitaine, je m'en rapporte enti?rement ? votre d?cision.

--Je pense, Calorgne, que, si nous appliquons le r?glement dans toute sa rigueur, nous commettrons une mauvaise action. Tenez-vous ? ce que cet homme fasse du rabiot et n'aille pas ?pouser la pauvre fille qui a besoin de lui?

--Il est certain, mon capitaine...

--Il m?rite pourtant une punition. Je n'entends pas l'absoudre. Mais il a droit aux circonstances att?nuantes. Je suis d'avis de lui infliger quatre jours de prison, avec un motif adouci.

--Quatre jours...

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