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Munafa ebook

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Read Ebook: Panouille by Sandre Thierry

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Ebook has 945 lines and 26042 words, and 19 pages

--Quatre jours...

--?a lui en fera huit par le colonel, Calorgne. Vous ne croyez pas que ce soit suffisant? Franchement? Entre nous?

--Surtout qu'il n'a jamais eu de punition grave, mon capitaine, comme vous disiez.

--Comme vous dites, Calorgne. Rappelez-moi les fourriers, voulez-vous?

Le lendemain, la 5e batterie ne parlait plus de Panouille.

Un lit avait ?t? inoccup? dans la chambre, mais un lit inoccup? ne se remarque pas dans une chambre de caserne: l'homme est de garde, ou permissionnaire, ou ? la salle de police, et il reviendra le lendemain occuper son lit. Et Panouille, au surplus, n'?tait pas de ces soldats dont la pr?sence s'impose ? l'attention de leurs camarades. Il ?tait absent, on savait que le capitaine, bon fieu comme ? son ordinaire, n'avait pas charg? le motif de Panouille; Panouille s'en tirait avec quelques jours de prison.

Le gros ?v?nement de la veille s'?tait r?duit ? un incident de chambr?e. Et tout le monde, sans doute, ?tait content.

Rechin, voisin de lit de Panouille, Rechin seul pensait encore au gros ?v?nement de la veille. Habitu?, par principe plut?t que par exp?rience, ? compter tous les officiers et tous les sous-officiers, du g?n?ral au mar?chal des logis,--le mar?chal des logis Faituel except?,--pour autant de brutes ? galons, il se sentait maussade. La matin?e lui parut ?ternelle. D?sign? de corv?e au parc pour le nettoyage des pi?ces, il avait apport? ? sa t?che plus de nonchalance que jamais. En vain pourtant s'effor?ait-il de travailler le plus lentement possible, afin de se donner l'illusion que le temps coulerait plus vite: il b?illait, et, ? neuf heures, s'?criait d?j?, d'une voix p?teuse:

--Vivement la soupe! Je la cr?ve.

--Ah! fit Rechin.

--Tu parles!

--Donne vite.

Et, son journal enfoui dans la poche de son pantalon de treillis, il courut s'enfermer au fond de la cour.

Des titres, en caract?res ?normes ?tal?s sur la largeur de deux colonnes, en bonne place, en premi?re page, annon?aient:

LE CAPITALISME AUX ABOIS

UN CRIME A LA CASERNE

Un officier l'ignorait pourtant, ou du moins l'ignorait sous la forme o? les autres la connaissaient: c'?tait le capitaine Joussert, qui signait les paperasses du rapport quotidien. Le lieutenant Calorgne ne s'?tait pas encore pr?sent? au bureau, et les fourriers travaillaient autour du capitaine, lequel ne signait rien sans avoir exig? les explications d'usage.

Mais le capitaine Joussert n'ignora plus longtemps ce qui troublait la vie monotone du quartier. Un planton lui apporta une enveloppe cachet?e.

--De la part du colonel, mon capitaine.

Le capitaine lut.

--Tout de suite? Bien, j'y vais.

--Et vous trouvez que ce n'est pas grave? Vous trouvez qu'il n'y a pas lieu de s'?mouvoir?

Le colonel n'avait plus sa voix amicale de la veille. Mais le capitaine Joussert n'en paraissait pas ?mu.

--Pourquoi serais-je ?mu, mon colonel? r?pliqua-t-il. Tout, dans le r?cit de ce journal, sent le mensonge et la provocation. Qui pensez-vous qui s'en ?meuve?

--Qui? Vous ?tes jeune, capitaine Joussert, tr?s jeune. Oui, je sais que vous avez gagn? la croix sur le champ de bataille, et que vous avez ?t? bless? deux fois, je sais, et que votre audace a sauv? la division sur la Vesle. Mais la guerre est finie, vous me le disiez vous-m?me hier, non sans amertume.

--Moi, mon colonel!

--Mettons: sans amertume; mais la guerre est finie, et l'audace, en temps de paix, ou la bravoure, comme il vous plaira, n'est pas une vertu que l'on requiert de vous. L'arm?e en temps de paix...

--Mon colonel!

Le colonel rougit subitement. Droit devant lui, au garde ? vous, le capitaine Joussert venait de claquer des talons en les joignant, et les ?perons avaient cliquet?. Le colonel voulut se ressaisir.

--Demandez ? votre commandant, Joussert!

Le chef d'escadron, qui fumait pr?s de la fen?tre, et qui n'avait presque rien dit depuis le d?but de l'entretien, leva les mains ? hauteur de la poitrine, pour signifier qu'il d?sirait laisser au colonel la responsabilit? de tout. Il avait vu, le matin m?me, dans les papiers du rapport, la punition inflig?e ? Panouille par le capitaine Joussert. Elle ne l'avait pas arr?t?. Il la transmettait sans augmentation au colonel, lorsque le colonel l'avait fait appeler. Le colonel ?tait hors de lui, et, tout en pla?ant sous les yeux du chef d'escadron ?tonn? les deux journaux en cause, il avait fait appeler le capitaine Joussert. Un peu vex? qu'on n'e?t pas daign? prendre son avis, le chef d'escadron boudait, ?coutait, et ne disait rien.

Mais le colonel s'?tait ressaisi.

--Vous parlez de mensonges, Joussert, et ce sont des mensonges, soit. Emp?cherez-vous les gens d'y croire?

--Veuillez observer, mon colonel, que l'une de ces feuilles pr?tend que le canonnier Panouille fut port? en prison au milieu d'une escorte de fusils. Ce d?tail seul ne peut tromper personne, car personne n'ignore que les artilleurs n'ont pas de fusils.

--Oh! fusils ou mousquetons, pour le public, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Ne jouons pas sur les mots, je vous prie. Le public croira... Et nous n'avons pas le droit de d?mentir. D'ailleurs, si ce journal ment, il ne ment qu'en partie: on vous r?pondra qu'il n'y a pas de fum?e sans feu. Et tout retombera sur nous, car enfin vous avez puni votre canonnier et vous avez transform? le motif de la punition.

Le colonel cherchait sur sa table la feuille de situation de la 5e batterie.

--Mon colonel, r?pliqua, toujours calme, le capitaine Joussert, le r?glement n'interdit pas la mansu?tude aux officiers.

--Sans doute, mais vos quatre jours de prison m'obligent de les porter ? huit. Huit jours de prison? Cela non plus ne peut tromper personne, et l'on jugera que nous avons eu peur de la v?rit?.

--Peur, mon colonel? Ayez l'obligeance de me rendre ma situation: je vous adresserai une plainte en conseil de guerre.

--Vous ?tes fou?

--Mon colonel, je suis tr?s jeune, mais je d?fends ? quiconque de douter de ma conscience. Avant de punir le canonnier Panouille, qui ?tait coupable, mais auquel je reconnaissais, moi, l'excuse des circonstances att?nuantes, j'ai r?fl?chi. Il m?rite quatre jours de prison inflig?s par moi, huit par vous, mon colonel. Ce n'est pas un journal d'exploiteurs du peuple qui changera rien ? ma d?cision.

--Je vous prie de ne pas faire ici de politique, capitaine.

--Je ne fais pas de politique. Ces journaux sont ? la solde de l'?tranger.

--Raison de plus pour ne pas leur donner d'armes contre nous. Mais, encore un coup, laissez ce chapitre. C'est moi qui vous conseillais de r?fl?chir davantage.

--J'ai r?fl?chi.

--Bien. Mais vous n'aviez pas pr?vu les cons?quences de cette affaire.

--Je n'ai pas ? les pr?voir.

--C'est votre dernier mot?

--Oui, mon colonel, je ne diminuerai pas la punition que j'ai port?e.

--A votre aise. Je n'oublierai pas que vous avez refus? de nous aider ? ?touffer un scandale qui rejaillira sur toute l'arm?e. Nous n'avions pas besoin de scandale en ce moment.

Le colonel cong?diait le capitaine Joussert.

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