Use Dark Theme
bell notificationshomepageloginedit profile

Munafa ebook

Munafa ebook

Read Ebook: Monsieur Barbe-Bleue... et Madame by Mille Pierre

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 420 lines and 22253 words, and 9 pages

--J... fit-il.

Mme de Toussuges ne le laissa pas continuer. Puisque sans doute il n'avait pas entendu, il fallait lui ?pargner la peine d'une r?plique difficile. Elle eut des phrases abondantes.

--Les manoeuvres sont dures, dit-elle, mais on affirme qu'elles ont fait le plus grand honneur ? vos hommes et ? leurs chefs. Le pays est accident?, il est rude aux cavaliers, coup? de haies et de murs en pierres s?ches. Mais l'hospitalit? des habitants devait, elle en ?tait certaine, diminuer dans une large mesure la fatigue des troupes. Belle r?gion, d'ailleurs, fertile et peupl?e.

--Je... dit le colonel, ?tourdi.

Mais elle poursuivait, admirant elle-m?me le flux ais? de son ?loquence:

--Ce ch?teau ?tait bien modeste. Cependant son plan, d? ? l'architecte Carpentier, restait harmonieux. Il avait ?t? construit, vers 1740, pour un arri?re-grand-oncle de M. de Toussuges. Plus tard, on avait transform? les pelouses et les boulingrins en jardin anglais. Mais qu'?tait cette petite habitation d'un pauvre gentilhomme, ? c?t? du ch?teau de Sercey, rachet? maintenant par Foucart, malheureusement, Foucart, un marchand de souliers!

--Fouc... essaya de placer le colonel.

--Oui, Foucart. Je crois que votre g?n?ral loge chez lui... Quel regret pour moi, vraiment, de ne pas vous avoir ? d?ner!

Le m?me soir, le lieutenant Birot d?na chez la ch?telaine de Toussuges. Elle lui dit bonnement:

--Vous m'aviez bien avertie que votre colonel ?tait sourd. Mais vous avez oubli? de me pr?venir qu'il est b?gue. Le malheureux! Je le plains vraiment: il ne peut m?me pas finir un mot.

Le lieutenant jeta sur Mme de Toussuges un regard empreint d'une respectueuse stupeur. Mais, voyant ? son air qu'elle ne plaisantait nullement, il n'y comprit plus rien du tout. C'est pourquoi, sagement, il acquies?a, d'un signe.

RH?A

--Vous croyez que les b?tes ont une ?me, n'est-ce pas? demanda Mme Jeaume ? Lestrange.

--Moi, dit-il, non!

--Tiens, fit-elle, c'est singulier, j'aurais cru...

Il sourit l?g?rement et interrogea:

--C'est une id?e que vous aviez, je vois... je vois. Dites un peu pourquoi?

--Eh bien, r?fl?chit-elle, c'est parce que... parce que je me suis aper?ue que vous traitiez les b?tes comme des personnes: comme si elles avaient des sentiments qu'il ne faut pas froisser, enfin. Comprenez-vous?

<>

--Et ces nuances dont vous parlez, jusqu'o? vont-elles? demanda Mme Jeaume.

--Il est impossible de le savoir, et c'est bien cela qui cause mon int?r?t. Le probl?me est si grave! Il est presque angoissant. Les b?tes sont muettes? Oui, mais dans une certaine mesure seulement. Et, d'ailleurs, refuserez-vous le nom de fr?re ? un homme dont les l?vres sont scell?es? Elles n'ont pas notre moralit?? Mais elles ont leur moralit? plus proche souvent de la n?tre que celle des sauvages d'Australie, qui ne savent pas que l'amour est pour quelque chose dans la g?n?ration, et s'imaginent que les femmes deviennent grosses parce que l'esprit d'un mort est entr? en elles. Et les animaux ont des passions, des vices, des vertus, des d?sirs, des remords, de l'h?ro?sme et de l'?go?sme. Ils ?prouvent tous les maux de l'amour et de la jalousie. Alors?

--De la jalousie? dit Mme Jeaume.

--Oui, et avec tous ses raffinements, avec tous ses retours. J'ai eu une chienne d'Ulm, une fois... Mais une femme vous racontera cela mieux que moi.

Et il se tourna vers Mme Lestrange, qui rougit:

--Allons, Th?r?se, dit-il, je vous ai tant aim?e de m'avoir cont? l'aventure.

--Eh bien, dit Mme Lestrange, cela remonte ? nos premiers jours de mariage. Quand nous rev?nmes de notre voyage de noce, le premier ?tre qui m'accueillit, d?s que nous e?mes franchi la porte du ch?teau de Sercey, ce fut une chienne d'Ulm, grande comme une lionne, et qui me sembla plus f?roce. Mais dans le premier moment, elle ne parut faire aucune attention ? moi. Je la vois encore, subitement dress?e, gigantesque, plus haute que mon mari, lui appuyant sur les deux ?paules des pattes formidables, et poussant une esp?ce de plainte joyeuse, de chant sombre qui roulait dans sa gorge et se d?chirait ? ses crocs. Et je ne sais pourquoi j'?prouvai alors une sorte d'envie et de tristesse am?re. Je me disais: <> Ne riez pas; une femme qui aime souhaite, devant celui qu'elle aime, tous les genres de beaut?.

<

<

<<--Emm?ne-l?, emm?ne-l? o? tu voudras, mais je ne veux pas coucher sous le m?me toit que cette b?te!

<

<<--Elle s'habituera! dit mon mari.

<

<

<>. Il y en a dans tous les m?nages, et il y en aura toujours. L'essentiel est seulement qu'elles ne laissent pas de traces durables. Mais ce soir-l?, nous nous quitt?mes f?ch?s. Ce sont encore des choses qui arrivent. Je d?nai seule, apr?s le d?part de mon mari, avec le sentiment qu'on m'avait fait une injustice, et que je ne la supporterais pas. Je donnai l'ordre de faire atteler, et de pr?parer une toilette de soir?e. Rh?a, qui avait assist? aux amertumes de notre d?bat, me consid?rait avec des yeux observateurs et, si je puis dire, une angoisse attentive. A ma grande surprise, elle m'apporta la grosse boule de bois avec laquelle elle jouait d'habitude, et j'assistai alors ? un extraordinaire d?ploiement d'adresse, de force et d'agilit?. Cette ?norme b?te me donnait, je ne trouve pas d'autre mot, une repr?sentation, elle faisait pour moi tous les tours qu'elle avait jusqu'ici r?serv?s ? son ma?tre, elle peuplait de son agitation la salle ? manger solitaire: et quand j'essayai moi-m?me de lui enseigner d'autres mouvements, elle suivait mes ordres, ou elle s'effor?ait ? les comprendre, avec une docilit? qui m'?merveilla. Cependant je gagnai ma chambre. Elle m'y accompagna, ce que je ne lui avais jamais vu faire. Et alors, alors... je ne sais pas bien ce qui se passa en moi: ce fut comme si je me trouvais en pr?sence d'une amie qui pouvait subitement me d?sapprouver, et j'avais peur aussi de ce monstre inquiet. Mon irritation d'ailleurs s'?tait us?e, je me sentais sans force.

<<--Coiffez-moi pour la nuit, dis-je ? la femme de chambre, et dites qu'on d?telle. Je vais me coucher.

<

<<--Laissez-la, lui dis-je, elle me tiendra compagnie.

<

<<--Il n'y a personne, tout va bien. Tu peux dormir.

Et je songeais avec terreur, je vous assure: <>

<

<

<

<<--Rh?a a profit? d'un jour o? je n'?tais pas l? pour s'installer dans notre chambre, dit-il. Elle le d?sirait depuis longtemps. Maintenant le pli est pris, si je la laisse faire...

<>

--Est-ce que vous ne croyez pas, interrogea Mme Jeaume, un peu fr?missante, que l'?me de certaines personnes... de personnes mortes... revit dans les b?tes.

--C'est une id?e qui m'a poursuivie tant que cette chienne a v?cu, dit Mme Lestrange. Mais mon mari ne veut pas l'admettre. Vous l'avez entendu, il croit que personne n'a d'?me...

LA CHOULETTE

De loin, les sacs de pommes de terre, ? demi remplis, avaient l'air de ridicules nains gris, tout contrefaits, et les r?colteuses, pench?es vers le sol, une houe au manche court dans les deux mains, la t?te presque entre les jambes, la croupe en l'air dans des cottes terreuses, ne d?passaient pas leur niveau: pas plus que les enfants qui, derri?re elles, ramassaient les tubercules, pour les jeter dans ces sacs. Seul, ma?t' Br?tin restait debout au centre du champ boulevers?. Ce n'?tait point qu'il boud?t l'ouvrage, mais une longue exp?rience lui avait appris que, plut?t que de mettre la main ? la p?te, il vaut mieux garder l'oeil ouvert, du haut de sa taille, sur toutes les mains pench?es vers la gl?be: elles ont t?t fait de vous escamoter un d?calitre.

C'est comme ?a qu'il vit que la Choulette, depuis cinq bonnes minutes, n'en fichait plus une secousse. Appuy?e sur le manche de son outil, elle essayait de se redresser, sournoisement, et faisait la bouche de quelqu'un qui a mal au coeur. Ma?t' Br?tin lui cria:

--Dis donc, toi, c'est-il qu' tu aimerais mieux t' mett' sur l' dos? T'as plus d'habitude!

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Back to top Use Dark Theme