Read Ebook: The Eagle's eye by Cooper Courtney Ryley Flynn William J William James
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 1491 lines and 75489 words, and 30 pagesBIBLIOTH?QUE CONTEMPORAINE PIERRE LOTI L'ACAD?MIE FRAN?AISE LE CH?TEAU DE LA BELLE-AU-BOIS-DORMANT C-L PARIS CALMANN-L?VY, ?DITEURS 3, RUE AUBER, 3 E. GREVIN--IMPRIMERIE DE LAGNY AVANT-PROPOS Ceci est un bien petit livre, et sans doute je n'aurais pas d? le publier; il ne semblera tol?rable qu'? mes amis, connus ou inconnus. Que les lecteurs indiff?rents me le pardonnent, d'autant plus que ce sera le dernier peut-?tre.... LA MAISON DES A?EULES Avril 1899. Combien est singulier et difficilement explicable le charme gard? par des lieux qu'on a connus ? peine, au d?but lointain de la vie, ?tant tout petit enfant,--mais o? les anc?tres, depuis des ?poques impr?cises, avaient v?cu et s'?taient succ?d?! La maison dont je vais parler,--la maison < Ensuite, nous nous ?tions peu ? peu d?shabitu?s d'aller dans l'?le,--o?, d'ailleurs, les derni?res de nos vieilles tantes ?taient mortes,--et je n'avais plus revu l'antique demeure. Mais je ne l'avais point oubli?e, et il restait d?cid? au fond de moi-m?me que je la rach?terais un jour, quand le pasteur, qui l'habitait depuis si longtemps, y aurait achev? son existence d'ap?tre. Tout arrive ? la longue: depuis une semaine, j'ai sign? l'acte qui me rend possesseur de ce lieu ancestral. Et aujourd'hui, pour le revoir apr?s plus de trente ann?es, je pars de Rochefort avec mon fils, un matin pluvieux d'avril. Mon fils n'y est jamais venu, lui, dans l'?le; depuis quelques jours ? peine il a commenc? d'en entendre parler,--et, cependant, sous je ne sais quelles influences ataviques, sa petite imagination de dix ans s'est ?trangement tendue vers ce pays et cette demeure o? je vais le conduire. La pluie tombe incessante d'un ciel noir. Nous roulons d'abord en chemin de fer dans les plaines d'Aunis, dont les grands horizons monotones confinent ? l'Oc?an. Arriv?s ensuite au port o? l'on s'embarque, sous une ond?e plus furieuse, nous courons nous enfermer, sans rien voir, dans la cabine d'un bateau. Et, la courte travers?e accomplie, nous remettons pied ? terre, devant des remparts gris: c'est le Ch?teau, la premi?re ville d'Oleron. Mais il pleut si fort que cela finit par noyer toute pens?e, toute ?motion de retour; les choses de l'?le me semblent ?trang?res et quelconques. On attelle pour nous une carriole, o? nous montons ? la h?te, sous le d?cevant arrosage,--et, en une heure maintenant, nous arriverons ? Saint-Pierre, l'autre petite ville qui est l?-bas loin des plages, sur les terres du centre, et o? g?t m?lancoliquement la vieille maison familiale.... < Mon fils a d?sir? emmener son domestique et il a aussi recrut? en route un de ses grands amis, qu'il a connu nagu?re matelot, planton ? mon service, et qui est maintenant p?cheur sur cette c?te. Nous sommes donc quatre ? pr?sent, pour ce p?lerinage. Il pleut toujours, il pleut ? verse, et, dans cette voiture ferm?e, on voit ? peine la campagne qui fuit, tout embrouill?e d'eau; aussi bien pourrait-on se croire n'importe o?. Mais voici pourtant que le sentiment d'?tre < Maintenant mon fils, ? chaque maison du chemin, me demande si celle-ci <>, si elle est nouvelle ou si je la reconnais. Cette enfance, qui me para?t, ? moi, si proche encore et pour ainsi dire pr?sente, lui fait, ? lui, ?videmment, l'effet d'?tre d?j? tr?s recul?e dans le pass?, comme me semblait, ? son ?ge, l'enfance de mon p?re ou de ma m?re. Dans la monotonie de la route, de la voiture ferm?e et de la pluie, mon esprit, par instants, se rendort; j'oublie o? nous allons et o? nous sommes. Mais chaque nom de ferme ou de village, redit quand nous passons, par le matelot qui nous accompagne, chante ? mon oreille un refrain d'autrefois.... Il pleut toujours. D?j? loin, derri?re nous, le clocher de Dolus se profile sur le gris des nuages, au-dessus d'un bois. Cela, c'est un aspect de jadis, qui n'a pu changer. Jadis, au temps de l'enfance de ma m?re, ou m?me au temps plus recul? de l'enfance de mes a?eules, quand avait lieu ce va-et-vient de la famille entre Rochefort et Oleron, quand s'accomplissaient, ? la mani?re ancienne, sur des chevaux ou sur des ?nes, tous ces voyages,--qui plus tard me furent cont?s entre chien et loup, aux cr?puscules d'hiver,--jadis, ce clocher de Dolus, dans les ciels pluvieux d'alors, se dressait pareil au-dessus de ce m?me bois. D'ailleurs, Saint-Pierre n'est plus tr?s loin, et cette approche, semble-t-il, suffit pour aviver en moi des images qui s'effa?aient, fait sortir de l'ombre et repara?tre aux yeux de ma m?moire les respectables et chers visages, aujourd'hui retourn?s ? la poussi?re.... Notre voiture, plus bruyamment tout ? coup, roule sur des pav?s, dans des petites rues paisibles, d?sertes et blanches;--et c'est Saint-Pierre, o? nous venons enfin d'entrer!... Mais la banalit? de l'h?tel campagnard o? l'on nous arr?te, les d?tails ordinaires de l'arriv?e, tout cela est pour couper mon r?ve, d?s l'abord. Et je ne retrouve plus rien; j'ai seulement le coeur serr?, ? cause de ce temps sombre, je suis d??u et je m'ennuie. Cependant, par les petites rues mornes que les averses ont lav?es, rencontrant quelques bonnes femmes en coiffe et en < Je crains de ne plus m'y reconna?tre, apr?s tant d'ann?es, et je questionne une jeune fille qui nous regardait passer. --Ah! la maison du d?funt pasteur! me r?pond-elle. Tout droit, monsieur, et, apr?s le tournant l?-bas, vous la trouverez ? votre gauche. Un calme un peu angoissant ?mane aujourd'hui pour moi de cette petite ville, assombrie de nuages marins. Derri?re des vitres, ?a et l?, d'honn?tes figures nous observent, avec une curiosit? discr?te. Et cela m'oppresse de sentir partout alentour des existences born?es et encloses--auxquelles devaient ressembler beaucoup, avec seulement un peu d'apparat et de grandeur patriarcale, les existences des mes anc?tres d'ici. Mon fils, qui me suit entre ses deux amis, a fini pour un temps d?jouer avec eux et ne dit plus rien, les yeux tr?s ouverts, l'imagination tr?s inqui?t?e de ce qu'il va voir. La pluie a cess?, mais le vent d'ouest souffle avec violence; le ciel reste lourd et obscur, exag?rant la blancheur des pav?s, la blancheur de la chaux sur les vieilles murailles. Les clefs, je les trouverai, m'a-t-on dit, chez une certaine vieille V?ronique, laquelle fut servante du d?funt pasteur, et s'est plac?e ? pr?sent dans une maison vis-?-vis de la mienne. Je frappe donc au logis d'en face,--et une porte s'ouvre: mon Dieu, mais c'est l? pr?cis?ment que s'?taient retir?es mes vieilles tantes!... Moi, qui n'y avais pas fait attention du dehors!... C'est l? que j'?tais venu pour la derni?re fois, en vacances de P?ques, s?journer chez elles, quand j'avais l'?ge de mon fils.... Je reconnais cette cour, ce petit jardin, comme si hier ? peine je les avais quitt?s. Et ces vieilles tantes, cousines de ma m?re, je les revois si bien toutes les trois, dans leurs pareilles robes de soie noire, dont l'usure d?cente ?tait perceptible ? mes yeux d'enfant!... Leurs attitudes et leurs yeux disaient que d'?tranges malheurs s'?taient appesantis sur elles; on les sentait tr?s pauvres,--malgr? d'anciennes jolies choses, des bagues, des ?ventails, des porcelaines de Chine, conserv?es encore dans leurs armoires. Et j'avais pass? chez elles huit jours de m?lancoliques et solitaires vacances, en un mois de mars d?j? fort lointain, sous des nu?es basses comme celles de cette heure, tandis que soufflait un continuel grand vent d'?quinoxe.... V?ronique, coiff?e ? la mode de Saint-Pierre,--le toquet blanc laissant para?tre deux bandeaux bien lisses sur le front et un petit rouleau de cheveux bien net sur la nuque,--est une bonne vieille, tr?s brune, suivant le type de l'?le, avec un calme visage et un profil de m?daille. Elle devine aussit?t qui je dois ?tre, et s'en va chercher son trousseau de clefs. Mon fils, entre ses deux amis, attend impatiemment, au seuil de la maison muette, o? il va p?n?trer comme dans un ch?teau de la Belle-au-Bois-Dormant. Et moi, avec des sentiments autres, plus complexes, plus graves, avec une sorte de crainte religieuse, j'attends aussi que s'ouvre le portail v?n?rable. La clef ne veut pas tourner. Le vent souffle en rafales chaudes. La maison, obstin?ment ferm?e, prend sous le ciel noir la blancheur des vieux logis arabes. Et, tandis que se prolonge notre attente, je regarde au bout de cette petite rue vide, tout de suite finie, tout de suite ouverte sur la campagne sans arbres, je regarde et je reconnais le d?ploiement de ces champs et de ces marais plats, tout cet horizon de quasi-d?sert qui, en cet endroit, figurant comme fond de ce quartier mort, me gla?ait l'?me pendant mes s?jours d'enfant chez les tantes de l'?le.... Elle tourne enfin, la clef, et V?ronique pousse devant nous la lourde porte. Oh! comment dire l'?motion de voir r?appara?tre, sous ces nuages de deuil, cette cour silencieuse des anc?tres!... Devant la fa?ade int?rieure aux auvents ferm?s, ce vieux perron, ces vieilles dalles verdies, tout cela envahi par la mousse et les herbes!... Je ne pr?voyais pas ces aspects de cimeti?re. Et voici que j'ai le sentiment de p?n?trer chez les morts, chez les a?eules mortes. Nulle part autant qu'ici et ? cette heure le pass? ne m'avait envelopp? de son linceul. Des fant?mes,--mais des fant?mes d?bonnaires et discrets, qui ne feraient aucune peur,--doivent revenir se promener dans cette cour, lorsque le soir tombe: les a?eules en robe noire.... D'ailleurs, rien de chang?, sans doute, depuis l'?poque o? elles vivaient ici. Sur les murailles, sur le perron, sur la margelle du puits, sur les dalles, une m?me usure s?culaire atteste la longue dur?e ant?rieure de ces choses. Non, rien de chang? nulle part. Il manque seulement un amandier l?-bas, qui avait plus de cent ans et qui a d? mourir de vieillesse; ? la place o? je me rappelais l'avoir connu, son tronc large se voit encore, sci? pr?s des racines. D'autres arbres, ? bout de s?ve, ont pris une certaine parure fra?che, par la gr?ce de l'avril une fois de plus revenu. Un grenadier est enti?rement rouge de ses pousses nouvelles. Mais surtout l'herbe verte, l'herbe a foisonn? d'une fa?on ?trange, depuis deux ann?es ? peine que personne n'habite plus ici; entre les pav?s, des fleurs sauvages ont pris place, et de hautes avoines folles qui aujourd'hui se courbent et se froissent, tourment?es par le vent d'ouest. Et vraiment cette herbe donne ? la cour des aspects d'enclos fun?raire. Il fait noir, dans la maison close. V?ronique, ? mesure que nous avan?ons, ouvre les contrevents un ? un, et de la lumi?re p?n?tre par degr?s dans cette ombre: une lumi?re grise que diminuent les branches des arbres et les nu?es du ciel. On n'a pas enlev? encore, du salon sur la rue, le mobilier du pasteur d?funt. Mais c'est un mobilier qui n'est gu?re moderne et qui ne d?tonne pas dans ce lieu, car il est d'une simplicit? aust?re--et la sombre figure de Calvin, encadr?e ? la muraille, t?moigne que les habitants, ici, n'ont point cess? d'?tre des huguenots. La silencieuse demeure n'a pas ?t? plus modifi?e au dedans qu'au dehors. Les d?tails m?mes sont rest?s intacts. Et, en montant ? l'?tage sup?rieur, j'ai la fantaisie d'ouvrir certain placard de l'escalier, qui, dans les histoires d'enfance de mes a?eules, jouait souvent un r?le: sur ses ?tag?res, se tenaient des pots remplis de < De l'autre c?t? de la cour envahie d'herbes, c'est le quartier des domestiques, plus d?labr?, plus fruste, et une chambre o?, les jours de pluie, venaient s'amuser les enfants du temps pass?. Le long de la cour, des b?timents, plus d?jet?s sous des couches de chaux, ?taient des greniers pour les r?coltes, des chais pour le vin, des pressoirs pour les vendanges. Ils disent la coutume patriarcale des anc?tres, qui vivaient du produit de leurs terres et du sel de leurs marais. Ensuite, apr?s un portail vert, le jardin. L?, c'est un enchantement pour mon fils, qui n'avait pas pr?vu tant de fleurs, une telle m?l?e d'arbustes fleuris. Sous le ciel toujours noir, mena?ant d'averses prochaines, on dirait une sorte de bocage, qui s'en va tout en longueur, bien clos pour plus de tristesse, entre de hauts murs gris tapiss?s de vignes. Les plantes y sont presque retourn?es ? l'?tat de sauvagerie; mais cependant les buis des bordures, si grands qu'ils soient devenus, donnent encore ? l'ensemble son caract?re jardin, jardin d'autrefois, ? l'abandon. Toutes sortes de vieilles fleurs de France, de ces fleurs qui se perp?tuent sans ?tre cultiv?es, tulipes, an?mones, narcisses, jacinthes et lis, sont ?panouies ? profusion, foisonnant jusque dans les sentiers. Les lilas sont des gerbes violettes ou blanches; les poiriers, les p?chers, d'?normes bouquets blancs ou roses. Il est en harmonie avec la maison, ce jardin--et celui de la Belle-au-Bois-Dormant devait un peu lui ressembler, refleurissant ainsi tout seul, au renouveau, sous l'arrosage des nu?es d'avril. Et enfin, par un autre portail, o? une date: 1721, est inscrite, nous arrivons ? un petit bois qui continue notre domaine et qui finit dans la campagne,--dans cette campagne de l'?le, d?nud?e et plate, battue par les grands vents d'ouest, et cern?e, ? l'horizon extr?me, par la ligne enveloppante de la mer.... Chez des gens du voisinage, que je n'avais pas vus depuis mon enfance, j'ai deux ou trois visites ? faire, puisque me voici redevenu quelqu'un du pays: je laisse donc mon fils, avec son domestique et son matelot, dans le vieux jardin qui l'enchante, leur donnant mission ? tous trois de fourrager parmi les branches et les fleurs mouill?es pour composer une gerbe que nous porterons demain au cimeti?re de Rochefort, ? la tombe des a?eules--afin qu'il soit pour elle, le premier bouquet cueilli par nous sur leur terre aujourd'hui rachet?e. Donc, j'ouvre moi-m?me la porte des a?eules, et, dans la cour,--qui me fait ? nouveau son accueil d?sol?, avec ses tapis de mousse, son herbe fun?bre, son air de v?tust? et de mort,--j'aper?ois mon fils, assis entre ses deux amis sur les marches du perron et tenant la gerbe qu'il a fini de cueillir, une gerbe de lilas et de tulipes, toute ruisselante de pluie ti?de. Son ravissement n'a pas faibli; il me fait promettre que je la remeublerai comme autre fois, cette demeure, qu'il y passera ses vacances prochaines et que m?me nous reviendrons nous y fixer. Je lui dis oui, comme on dit aux enfants, surtout lorsqu'il s'agit de l'avenir ?loign?. Mais, en r?alit?, qu'en ferons-nous bien, de cette maison? R?sider ici, f?t-ce m?me en passant, r?sider au milieu de cette ?le, redevenir quelqu'un de cette petite ville morne, voir chaque matin ? mon r?veil ce jardin-cimeti?re, non je ne pourrais plus!... A moins que ce ne soit plus tard dans la suite des ann?es, si, quelque part en Orient, je ne tombe pas au bord d'un chemin.... Oui, plus tard, qui sait, rentrer ici pour le d?clin de ma vie, puis dormir dans ce vieux sol o? gisent des ossements d'anc?tres.... Et qu'on inscrive alors sur ma pierre ce verset de l'Ecriture: < A c?t? de mon fils, sur les marches du seuil, je m'assieds pour songer, dans ce silence, au milieu d?c?s herbes. Jamais avec autant d'effroi je n'avais entrevu l'ab?me, le d?finitif ab?me ouvert entre ceux qui vivaient ici et l'homme que je suis devenu. Eux ?taient les sages et les calmes, et ma destin?e, au contraire, fut de courir ? tous les mirages, de sacrifier ? tous les dieux, de traverser tous les pand?moniums et de conna?tre toutes les fournaises.... Add to tbrJar First Page Next Page |
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