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Munafa ebook

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Read Ebook: Voyage en Espagne du Chevalier Saint-Gervais (1 de 2) by Lantier Etienne Fran Ois De

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Ebook has 456 lines and 102477 words, and 10 pages

Produced by: Ram?n Pajares Box.

NOTE DE TRANSCRIPTION

-- Le m?me, sur papier v?lin, 30 fr.; par la Poste, 35 fr.

VOYAGE EN ESPAGNE

DU CHEVALIER SAINT-GERVAIS, OFFICIER FRAN?AIS,

ET LES DIVERS ?V?NEMENTS DE SON VOYAGE;

PAR M. DE LANTIER, Ancien Chevalier de Saint-Louis.

AVEC DE JOLIES PLANCHES GRAV?ES EN TAILLE-DOUCE, ET LE PORTRAIT DE L'AUTEUR.

TOME PREMIER.

A MADAME D'...

C'est ? l'ame sensible, ? l'aimable enjo?ment, Aux gr?ces, ? l'esprit que j'offre ce Voyage; Si j'osais vous nommer en vous le d?diant, Votre nom suffirait pour embellir l'ouvrage.

AVANT-PROPOS DE L'?DITEUR.

Quoi! encore un voyage en Espagne! va s'?crier ici un censeur malin ou plaisant; il nous en vient de tout c?t?, on ne sait auxquels entendre! -- Eh! messieurs, pourquoi ces clameurs? Bl?mez-vous dans un festin l'abondance des mets? Au contraire, ils r?jouissent vos yeux, r?veillent votre app?tit, et vous choisissez ceux qui flattent votre go?t. Pline l'ancien a dit que l'on peut toujours retirer quelque profit du plus mauvais ouvrage. D'ailleurs, les auteurs des voyages diff?rent beaucoup entr'eux: comme les historiens, ils ?crivent avec leurs passions, leurs pr?jug?s de religion, d'?tat et de patrie: le comte de Boulainvilliers pr?tendait que les j?suites ne pouvaient ?crire l'histoire: les calvinistes jamais ne parleront avec impartialit? de L?on X et de Calvin: un pr?tre romain a fait un Dieu du pape Alexandre VI, t?moin ce distique:

Caesare magna fuit, nunc Roma est maxima: Sextus Regnat Alexander; ille Vir, iste Deus.

De plus, les motifs des voyageurs dans leurs courses sont bien loin d'?tre les m?mes: les uns voyagent pour compulser de vieux manuscrits, visiter des biblioth?ques; d'autres vont admirer des tableaux, des statues, d'anciens monumens, s'extasient ? l'aspect d'un vase antique, d'une colonne debout, d'un chapiteau bris?; celui-ci ?tudie la g?ologie, la statistique, le commerce d'un pays; le peintre, l'amateur cherchent des sites pittoresques et romantiques; d'autres, enfin, courent la poste pour voir des villes, des rues, des ?difices, avoir de bonnes fortunes et changer de place: heureusement ces derniers n'?crivent pas. Les philosophes, les sages de la Gr?ce all?rent jadis en ?gypte, dans les Indes, pour observer les moeurs, les usages, enlever les fruits de la science, et les importer dans leur patrie, comme depuis on a import? les cerises, les vers ? soie et les oranges.

Une inculpation tr?s-grave, dont M. de Saint-Gervais aura de la peine ? se justifier, c'est de s'?tre un peu aid?, dans son Voyage, des ?crivains qui l'ont pr?c?d?, sans les nommer au bas de ses pages: mais la personne respectable de qui je tiens le manuscrit, m'a assur? que l'intention du chevalier ?tait de les citer avec leurs noms et pr?noms, ? sa seconde ?dition, s'il en obtient les honneurs.

Je finis. Le p?re temporel des capucins a dit qu'il ne faut pas ennuyer les gens que l'on aime: si cet ouvrage est marqu? du sceau de l'approbation des ath?n?es de l'empire, si les belles dames me lisent avec autant de plaisir et d'ardeur qu'elles lisent un roman nouveau et sentimental,

Sublimi feriam sidera vertice...

VOYAGE EN ESPAGNE.

Personne n'est exempt, dit Montaigne, de dire des fadaises: pourquoi n'en dirai-je pas comme un autre? On aime ? parler de soi; et ceux qui censurent le plus am?rement les ?crivains ? ce sujet, priv?s du talent d'?crire, occupent sans cesse les soci?t?s de leurs principes, de leurs actions, de leurs d?fauts m?me: car, les avouer, c'est toujours parler de soi. S?n?que mourant disait ? ses amis, je vous laisse une image de ma vie et de mes moeurs. J. J. Rousseau ne s'est pas ?nonc? si explicitement; mais c'?tait le but de ses m?moires. Montaigne s'entretient volontiers de lui-m?me avec ses lecteurs, et dit: <> Mais la diff?rence qu'il y a entre lui et Rousseau, c'est que ce dernier parle de lui par orgueil, et l'autre par bonhomie.

Et moi aussi j'ai fait un livre: d'abord pour remplir mes loisirs, ensuite pour m'occuper de moi. Si j'avance que je ne songeais pas ? me faire imprimer, Duclos me dira que je me trompe moi-m?me. Quoi qu'il en soit, je vais conter ce que j'ai vu, ou cru voir, dans la plus belle contr?e de l'Hesp?rie, et les petits accidents de mon voyage; heureux si je puis, en amusant mon lecteur, lui apprendre quelque chose, et si les belles dames me lisent avec le m?me int?r?t, la m?me avidit? qu'elles d?vorent un roman moral et br?lant d'amour!

Avant d'entrer en Espagne, je crois devoir une l?g?re notice de moi-m?me et de ma famille; je dois faire conna?tre le motif de mon voyage: on s'int?resse bien plus ? un visage connu, qu'? celui que l'on voit pour la premi?re fois.

Je suis n? dans le Vivarais, le 1er octobre 1739, d'une famille noble, qui conserve de p?re en fils le portrait de l'un de nos a?eux, capitaine au service d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre, auquel il fit cette belle r?ponse. Ce roi, faible et ind?cis, s?duit par les caresses de la cour et effray? de ses menaces, cong?dia son arm?e, en lui disant: <> Cette r?ponse est ?crite au bas de son portrait, qui est dans la salle ? manger, vis-?-vis de celui de ma grand'm?re, ni?ce de Duplessis Mornai, le pape des protestants. D?s ma naissance je fus nomm? le chevalier de Saint-Gervais; c'?tait le nom des cadets de ma maison, comme les cadets de l'ancienne maison de France s'appelaient d'Artois ou d'Anjou. A la sollicitation de ma famille, je tais le nom de mes p?res; elle pr?tend que ce nom ne doit briller que sur les registres de la guerre ou dans l'histoire. Malgr? la mort de mon fr?re a?n?, j'ai toujours gard? le nom de Saint-Gervais. Ce fr?re, mort ? l'?ge de quatorze ans, serait devenu un philosophe dans le go?t de Caton ou de Nicole; car il ne riait jamais, d?daignait les jeux de l'enfance, lisait continuellement les sermons de Calvin, les oeuvres d'Abbadie, qu'il pr?f?rait aux ?l?gies de Tibulle et aux ?p?tres d'Horace.

Mon p?re, apr?s avoir fait toutes les campagnes de la guerre de 1740, abdiqua sa lieutenance colonelle, et vint dans sa terre cultiver ses laitues ? l'instar de Diocl?tien et de Candide; il se retira avec une modique pension, un rhumatisme et un bras de moins. Il refusa constamment la croix de Saint-Louis qu'on lui offrit en l'exemptant du serment de catholicit?. La duchesse de ..., femme du ministre de la guerre, chez lequel il d?nait, lui dit: <>

Mon p?re me donna, ? l'?ge de sept ans, pour pr?cepteur un abb? de Dijon, qui m'apprenait le latin qu'il savait un peu, et les math?matiques qu'il ignorait enti?rement. Mais ce Mentor tonsur? s'?tant avis? de donner des le?ons d'histoire naturelle ? la femme de chambre de ma m?re, fut banni des ?tats de mon p?re, comme autrefois Ovide avait ?t? exil? de Rome, pour avoir trop aim? la fille d'Auguste.

A l'?ge de dix ans, mon p?re m'envoya finir mes ?ludes ? Toulouse, chez les p?res j?suites. Je fis de tels progr?s, qu'? la fin de mon troisi?me lustre je remportai les trois prix de po?sie, d'amplification et de version. Mon r?gent fut si ?tonn? de la cumulation de mes triomphes, qu'il promit en moi un successeur ? Racine et ? Voltaire; ainsi Sylla d?couvrit dans le jeune C?sar le germe d'un grand homme, mais le j?suite n'a pas si bien devin?. Dans la s?ance publique o? je fus couronn?, le capitoul m'embrassa, les dames lou?rent ? l'envi la pr?cocit? de mes talents, surtout les charmes de ma figure. Je ne sais ce qui chatouilla le plus mon amour-propre, ou l'?loge de mon esprit, ou celui de ma figure; cependant ma triple couronne me donna une id?e fort avantageuse de mon m?rite naissant: une croix, un prix, peu de chose tourne la t?te d'un enfant, ainsi que celle de la plupart des hommes; mais mon enivrement n'a pas dur? long-temps: ayant lu, trois ou quatre ans apr?s, la Ph?dre de Racine et la Henriade de Voltaire, je fis comme les lima?ons, je repliai mes cornes et rentrai dans ma coquille.

Ma rh?torique finie, mon p?re me mit en pension chez un ma?tre de math?matiques. Du Parnasse au temple de l'Amour il n'y a qu'un pas: je vis dans un bal une demoiselle de mon ?ge, belle comme V?nus, comme Psych?, ou comme Flore; je ne savais pr?cis?ment ? laquelle de ces trois d?esses elle ressemblait, car dans mes vers elle ?tait tant?t l'une, tant?t l'autre, suivant le besoin de la rime, ou la mani?re dont j'?tais affect?. Or, cette jeune beaut? alluma dans mon coeur les premi?res ?tincelles du feu d'amour; mais quel feu! quelle ivresse! quel enchantement! Je passais la moiti? du jour dans la rue, pour la voir quelques instants ? sa fen?tre; et, quand elle l'ouvrait, c'?tait l'Aurore ouvrant les portes du ciel. Je la suivais de loin ? la promenade; les dimanches, les jours de f?te, j'entendais, le plus pr?s d'elle qu'il m'?tait possible, grand'messe, v?pres et sermons.

Je ne lui parlais pas, mais j'?tais aupr?s d'elle.

Les longues heures de ces c?r?monies se changeaient en minutes. Je n'?tais plus dans une ?glise sombre et enfum?e, mais au troisi?me ciel, comme saint Paul dans ses extases. Cette belle Ad?la?de ne marchait que sous les ailes de sa m?re. Au d?faut de la parole, mes jeux lui r?v?laient les secrets de mon ame. Dans mes ravissements, je ne voyais plus rien sur la terre digne de mon affection. La gloire, la fortune, le bonheur, tout ?tait aupr?s d'Ad?la?de. Sans elle, tout ?tait vanit? et n?ant: un amant de seize ans est un grand philosophe. Enfin, la t?te ?gar?e, le coeur enflamm?, j'?crivis ? mon p?re pour lui demander la main de mademoiselle Ad?la?de, lui protestant que ma f?licit?, mon existence ?taient attach?es ? ce mariage; que d'ailleurs mademoiselle Ad?la?de D..., fille d'un conseiller au parlement, joignait ? la figure la plus s?duisante, le caract?re le plus heureux, l'esprit le plus aimable et toutes les vertus de son sexe. Je ne doutais pas que ce portrait si brillant et si vrai n'enchant?t et ne d?cid?t mon p?re. Grands Dieux, avec quelle impatience j'attendis sa r?ponse! La voici:

<>

Quelle lettre! quel coup de foudre! que de larmes je versai en accusant le sort et la tyrannie des parents! Je ne pouvais me r?soudre ? ce d?part. M'?loigner d'Ad?la?de, c'?tait me s?parer de mon ame; mais mon professeur, qui avait re?u des ordres de mon p?re, m'arr?ta une place dans une voiture, et m'annon?a que je partirais le surlendemain pour le ch?teau ou la gentilhommi?re paternelle. Je lui demandai huit jours de d?lai; mais l'ame d'un g?om?tre est peut-?tre aussi insensible aux soupirs de l'amour qu'aux chants de Linus et d'Orph?e. Celui-ci n'eut piti? ni de mes pleurs ni de la plus belle passion da monde. Pour comble d'infortune, ma ch?re Ad?la?de ?tait ? la campagne, et je ne pouvais lui faire mes adieux; mais l'amour, comme les torrents, renverse tous les obstacles. D?guis? en paysan, je pars de grand matin; je fais cinq lieues d'un pas rapide, je rode autour du ch?teau, je trouve la porte du jardin ouverte, j'entre; malheureusement deux cerb?res jettent, ? mon aspect, des hurlements ?pouvantables; je voulais les assommer, mais ils ne se laissaient pas approcher. Enfin, lass? de leurs aboiements, craignant d'?tre surpris, j'adresse un dernier regard au plus beau, au plus fortun? des ch?teaux, et je m'enfuis sans avoir vu l'astre qui l'?clairait. J'arrivai ? la ville accabl? de fatigue, de faim et de douleur; triste d?nouement d'une passion si tendre.

Je partis de Toulouse le coeur navr?, les yeux remplis de larmes. Je cherchai quelque consolation dans le sein des muses; je composai une ?l?gie touchante. Je l'ai oubli?e, ainsi que mon amour: tout finit.

Arriv? chez mon p?re, il me dit, sans me parler de mon projet d'hymen: <>

<> Ensuite, en m'embrassant, il ajouta: <> Ce beau mouvement fit briller sur son visage les rayons de la joie.

Bient?t la campagne s'ouvrit, et je fis toutes celles de la guerre de sept ans, sous Richelieu, Broglio, Soubise et le prince de Clermont. Je fus bless? d'un coup de sabre ? la joue ? la bataille de Crevelt, perdue en 1758 par le prince de Clermont. Le duc de Gisors ?tait accouru ? franc ?trier de Paris, pour s'y faire tuer ? la t?te des carabiniers. Il fut regrett? de toute l'arm?e et de tout Paris. Pour moi je combattis comme un Achille; mais je ne trouvai pas un Hom?re pour c?l?brer mes exploits et ma gloire. Pas un journal ne parla de ma blessure; mais mon p?re m'?crivit qu'il fesait beaucoup plus de cas de ma cicatrice que des stigmates de saint Fran?ois d'Assise. La cour r?para le silence des journaux et m'accorda une gratification de 200 livres. Le prince de Clermont fut moins heureux; car le lendemain de l'affaire, les officiers g?n?raux le destitu?rent, et envoy?rent ? la cour le proc?s-verbal de cette destitution. La cour abandonna sa cr?ature, et une ?pigramme contre ce prince consola la nation de la perte de cette bataille.

Je fus encore gri?vement bless? ? la cuisse au combat de Joursberg, o? le jeune prince de Cond? se signala, et repoussa le prince h?r?ditaire de Brunswick. Je restai trois mois ? l'h?pital; un seul sans doute aurait suffi pour ma gu?rison, si les chirurgiens n'avaient pas eu une si grande quantit? de jambes, de bras, de cuisses ? amputer ou ? raccommoder. Mon p?re, ? la nouvelle de cette seconde blessure, m'?crivit: <>

Enfin la Paix, fille du Ciel, pr?cipita aux enfers la Discorde et le D?mon de la gloire, et les enfants de Mars vinrent se reposer ? l'ombre de leurs lauriers. Notre r?giment, r?duit au tiers, et ce tiers couvert de blessures et d'habits sales et d?chir?s, fut envoy? en garnison ? Metz, ensuite ? Bordeaux. J'obtins un cong? d'un an pour aller aux eaux de Barr?ge achever la cure de ma claudication.

Je me rendis d'abord chez mon p?re, qui baisa ma cicatrice du visage, en m'appelant son cher balafr?, malgr? son aversion pour le fameux Guise honor? de cette ?pith?te. Boiteux et balafr?, ces deux grands titres de gloire m'attir?rent les regards et l'admiration de tous les habitans de mon village; ajoutez ? cela que j'?tais capitaine ? l'?ge de vingt-trois ans.

Apr?s quelque s?jour dans ma famille, je partis pour Barr?ge. A Toulouse je demandai des nouvelles de ma ch?re Ad?la?de; j'appris qu'elle ?tait la femme d'un magistrat et m?re de trois enfants, qu'elle avait nourris d'apr?s le commandement de Jean-Jacques. Je ne fus pas tent? de faire le petit P?ris, et de ravir H?l?ne ? son ?poux le conseiller, auquel je pardonnai volontiers son bonheur et ma disgr?ce.

Le seul roi dont le peuple ait gard? la m?moire,

je visitai avec un respect religieux, comme si j'entrais dans un temple, le ch?teau, la chambre dans laquelle ce bon roi ?tait n?. Les vieux meubles, les portraits de famille, tout ?tait dans le m?me ordre comme s'il devait revenir. Je croyais voir ce bon prince et respirer le m?me air qu'il avait respir?. <> Au sortir du ch?teau, j'allai me promener sur les montagnes que gravissait ce h?ros naissant avec de jeunes paysans de son ?ge, v?tu comme eux, souvent comme eux nu-pieds et t?te nue, et mangeant du pain et du fromage. <>

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