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Munafa ebook

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Read Ebook: Un pari de milliardaires et autres nouvelles by Twain Mark Ga L Fran Ois De Translator

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Ebook has 887 lines and 42898 words, and 18 pages

--Ne puis-je pas voir alors un membre de leur famille? c'est urgent!

--Toute leur famille est, je crois, partie avant eux pour l'Egypte et les Indes.

--Mon gar?on, c'est impossible! Ils seront certainement de retour avant la nuit. Vous leur direz que je suis venu, mais que je reviendrai pour tout arranger; surtout qu'ils ne s'inqui?tent pas.

--Je le leur dirai s'ils reviennent, mais je ne les attends pas. Ils m'ont d'ailleurs pr?venu que vous seriez ici dans une heure pour les demander, et m'ont charg? de vous dire que tout allait bien, qu'ils reviendraient au moment voulu et attendraient votre visite.

Apr?s cela je n'avais plus qu'? m'en aller. Quelle ?nigme que tout cela! Il y avait de quoi en perdre la t?te. Ils ont dit qu'ils seraient l? au moment voulu! Que veulent-ils dire par l?? Peut-?tre leur lettre me l'expliquera-t-elle; c'est vrai, j'ai oubli? de la lire.

Je la sortis de ma poche et lus ce qui suit:

Vous m'avez l'air d'un homme honn?te et intelligent; vous ?tes certainement un ?tranger d?nu? de ressources. Vous trouverez inclus une certaine somme. Je vous la pr?te pour un mois, sans int?r?t. Revenez ici apr?s trente jours. J'ai engag? un pari ? votre sujet. Si je le gagne, je vous procurerai la plus belle position qu'il sera en mon pouvoir de vous donner; il suffira pour cela que vous sachiez vous acquitter de vos fonctions.

Cette lettre ne portait ni signature, ni adresse, ni date. C'?tait pour moi une ?nigme ind?chiffrable; je n'y voyais que du bleu. Je n'avais pas la moindre id?e de la tournure que prendrait cette plaisanterie, et me demandais si on me voulait du bien ou du mal. Je m'?cartai dans un parc voisin et m'assis sur un banc pour m?diter sur ma situation.

Apr?s une heure de r?flexion, je n'?tais pas plus avanc? qu'avant.

Au fond, que me voulaient ces deux messieurs? Du bien ou du mal? Impossible de le deviner. Ils s'amusaient certainement ? mes d?pens, dans un but d?termin?. J'admets, mais comment percer leurs desseins? Et ce pari engag? sur mon dos! Myst?re, comme tout le reste! Si je demande ? la banque d'Angleterre de porter ce billet au cr?dit de la personne ? laquelle il appartient, la banque le fera certainement, car elle conna?t le possesseur de ce billet; mais elle ne manquera pas de me demander par quel hasard je d?tiens ce billet; si je dis la v?rit?, on m'enfermera ? l'asile des fous; si je raconte une blague quelconque, on me bouclera en prison. De toute fa?on, que j'essaie d'encaisser ce billet ou d'emprunter de l'argent en l'exhibant, le r?sultat sera le m?me: me voil? bel et bien condamn? ? trimbaler ce d?p?t g?nant jusqu'au retour de ces deux individus et cela, que je le veuille ou non! Ma fortune passag?re ne me sera d'aucune utilit?, pas plus qu'une poign?e de cendres; je veillerai sur ce tr?sor et le couverai des yeux en mendiant p?niblement ma vie.

Impossible pour moi de me d?barrasser de cet argent; aucun honn?te homme ne voudrait l'accepter pour me tirer de ce mauvais pas.

Mes deux individus ne risquent rien: car, en admettant que je perde ou d?truise leur billet de banque, ils peuvent imm?diatement en arr?ter le paiement, et la Banque leur facilitera la chose. En attendant, je vais passer un mois odieux, sans le moindre profit pour moi, ? moins que je ne r?ussisse ? lui faire gagner son pari et que je ne m?rite la belle situation qu'il a fait miroiter ? mes yeux. Comme je voudrais que cela m'arriv?t! Des gens de cette esp?ce-l? doivent tenir la clef des positions les plus enviables!

En r?fl?chissant bien ? cette situation, je finis cependant par b?tir des ch?teaux en Espagne. Sans aucun doute, on me donnerait la forte somme; je commencerais ? <> le mois prochain et, apr?s cela, tout irait bien pour moi. Pour le moment j'en ?tais r?duit ? errer dans les rues.

La vue d'un magasin de tailleur me sugg?ra l'id?e d'?changer mes haillons contre un complet pr?sentable.

Je ne le pouvais pas, puisque je ne poss?dais qu'un million de livres sterling. J'en mourais d'envie, mais j'eus le courage de passer mon chemin sans m'arr?ter; la tentation me ramena sur mes pas; je passai et repassai devant le magasin peut-?tre bien plus de six fois. N'y tenant plus, j'entrai et demandai s'ils avaient ? vendre un v?tement d'occasion. Le commis auquel j'avais parl? ne me r?pondit pas et me fit signe de m'adresser au rayon voisin; l?, on m'envoya un peu plus loin, toujours d'un signe de t?te et sans m'adresser la parole.

Ce dernier commis me dit enfin:--Je suis ? vous dans un instant. Quand il eut termin? ce qu'il ?tait en train de faire, il m'emmena au fond du magasin, s'arr?ta devant un tas de v?tements de rebut, choisit le moins mauvais et me le donna ? essayer: il ne m'allait pas; mais comme il me paraissait ? peu pr?s neuf, je me d?cidai et arr?tai mon choix. Au moment de prendre mon complet, je demandai timidement ? l'employ?:

--Verriez-vous un inconv?nient ? n'?tre pay? que dans quelques jours? Je n'ai pas de monnaie sur moi.

Le commis me r?pondit en prenant un air plut?t sarcastique:

--Vous n'avez pas d'argent; je m'en doutais bien; les clients comme vous n'ont pas l'habitude de porter sur eux de fortes sommes.

Piqu? au vif, je repris:

--Mon brave ami, vous ne devriez pas juger les ?trangers sur les v?tements qu'ils portent; je peux parfaitement vous payer ce complet. Je voulais seulement vous ?viter la peine de me faire de la monnaie sur un gros billet.

Il changea de figure sensiblement, et me dit d'un air narquois:

--Je me permettrai de vous faire observer qu'il ne vous appartient pas de nous supposer incapables de changer votre billet de banque. Nous sommes parfaitement en mesure de le faire.

Je lui tendis le billet en disant:--C'est pour le mieux, veuillez donc m'excuser.

Il re?ut l'argent avec un sourire, un de ces sourires larges et b?ants qui fendent la bouche jusqu'aux oreilles et vous font imm?diatement penser aux rides cercl?es que vous avez remarqu?es ? la surface de l'eau lorsque vous jetez de grosses pierres dans un ?tang.

Au moment o? il examina le billet, ce sourire se figea sur sa figure et il p?lit imm?diatement; on e?t dit qu'un de ces torrents de lave qu'on rencontre sur les flancs du V?suve venait de se solidifier sur son visage. Je n'avais jamais vu un homme aussi compl?tement p?trifi?: il demeurait stupide et immobile, en extase devant ce billet.

Le patron du magasin s'approcha pour voir ce qui arrivait, et dit:

--Eh bien, qu'est-ce qu'il y a? Qu'est-ce qui vous embarrasse!

--Rien, r?pondis-je; j'attends tout simplement ma monnaie.

--Voyons, d?p?chez-vous, Tod; finissez-en et donnez-lui sa monnaie.

--C'est facile ? dire, reprit Tod, regardez donc le billet qu'il me pr?sente.

Le patron du magasin examina le billet, siffla entre ses dents, les yeux ?carquill?s, et se dirigea vers la pile des vieux v?tements; il se mit ? les tripoter en les rangeant et en se parlant ? lui-m?me d'un air tr?s agit?:

--Oser vendre une telle d?froque ? un archi-millionnaire! Tod est fou ? lier, ma parole! Il n'en fait jamais d'autres. Il me fait perdre ma meilleure client?le, car il est incapable d'attirer le public, ? plus forte raison un millionnaire. Je vais essayer de r?parer sa b?vue. Je vous en prie, Monsieur, d?barrassez-vous de ce complet et jetez-le vite loin de vous. Faites-moi l'honneur d'essayer cette chemise et ce v?tement. C'est tout ? fait ce qu'il vous faut: un riche complet, ?toffe parfaite, de bon go?t, coupe ? la derni?re mode. Ce v?tement m'avait ?t? command? par un prince--vous le connaissez sans doute--son Altesse S?r?nissime le Hospodar d'Halifax. Il me l'a laiss? pour compte et s'est command? un complet de deuil, car sa m?re venait de mourir. Mais peu importe; tenez, le pantalon vous va ? ravir; le gilet de m?me; quant au veston, c'est tout bonnement une merveille. L'ensemble est parfait; voyez vous-m?me, Monsieur, si on peut r?ver un plus charmant complet?

Je me d?clarai satisfait.

--C'est entendu, Monsieur, vous prenez ce complet comme pis-aller, si je puis m'exprimer ainsi; mais vous allez voir ce que je vous livrerai sur commande. Permettez-moi de prendre vos mesures. Tod! de l'encre, une plume et le carnet. Inscrivez: longueur de la jambe 32; entrejambe 26... etc.

Avant que j'aie pu placer un mot, il avait pris toutes mes mesures et commandait pour moi des v?tements de c?r?monie, complets du matin, vestons d'appartement, des chemises, bref un trousseau complet.

Je finis pourtant par lui dire:

--Attendre ind?finiment! Vous plaisantez, Monsieur! Mais j'attendrai, s'il le faut, ?ternellement! Tod, rassemblez tout ceci et envoyez-la sans perdre une seconde ? l'adresse de monsieur qui voudra bien vous indiquer o? il demeure. Ne craignez pas de faire attendre les autres clients qui viennent d'entrer et mettez-vous exclusivement aux ordres de monsieur.

--Je suis en train de d?m?nager, r?pondis-je; aussi vais-je vous donner ma nouvelle adresse.

--Parfaitement, Monsieur, comme il vous plaira. Voici la sortie. Au revoir, Monsieur, au revoir!

Comme bien vous le pensez, je tirai parti de la situation et continuai ? acheter tout ce qui me manquait en essayant de changer mon billet. Au bout d'une semaine j'?tais ?quip? ? neuf, tr?s ?l?gamment, et j'avais pris pension dans un h?tel somptueux de Hanovre Square. J'y prenais mes repas du soir, mais pour le d?jeuner j'?tais rest? fid?le ? l'humble gargote de Harris, o? j'avais mang? mon premier d?jeuner sur pr?sentation du fameux billet d'un million de livres.

J'?tais devenu le <> du restaurant et lui valais une vogue immense: comme une tra?n?e de poudre le bruit s'?tait r?pandu que l'individu qui trimbalait un million de livres dans son gilet ?tait le pensionnaire assidu de la gargote; cela suffit pour transformer cette pauvre guinguette, qui faisait p?niblement ses frais au jour le jour, en un restaurant o? les pensionnaires affluaient.

Harris m'en sut tant de gr? qu'il persuada ? ses clients de me pr?ter de l'argent; tous s'empress?rent si bien que je re?us des sommes consid?rables et pus mener la vie ? grandes guides.

J'avais pourtant peur de finir par un beau crac, car, engag? comme je l'?tais, il fallait pouvoir traverser le torrent des difficult?s ou se noyer irr?vocablement. Il n'y a rien de tel que le danger d'un d?sastre imminent pour donner aux choses et aux situations les plus grotesques un caract?re s?rieux et sobre qui va m?me parfois jusqu'au tragique. La nuit, dans l'obscurit?, je n'envisageais gu?re que le c?t? tragique de ma position; j'en avais des cauchemars, je g?missais, m'agitais et ne pouvais dormir. Mais, au grand jour, mes id?es s'?gayaient et je me promenais d'un pas alerte, gris? en quelque sorte par mon bonheur si impr?vu.

C'?tait d'ailleurs bien naturel, car je me sentais maintenant en passe de devenir une des notori?t?s de la m?tropole et mon succ?s commen?ait ? me tourner la t?te.

Vous imaginez-vous l'affolement que j'?prouvai? Moi, pauvre diable auquel personne ne faisait attention hier, je devenais subitement le point de mire universel; impossible de dire un mot sans qu'il f?t r?p?t? de bouche en bouche; impossible de remuer une jambe sans entendre autour de moi: <> Pendant mes repas, on me regardait comme une b?te curieuse; ? l'Op?ra, mille lorgnettes ?taient braqu?es sur ma loge. Bref, je nageais litt?ralement au milieu de la gloire et cela du matin au soir.

Malgr? tout, je n'avais pas compl?tement renonc? ? mes vieux v?tements, et, de temps ? autre, je sortais dans mon piteux accoutrement des premiers jours faire des emplettes et encourir les rebuffades des marchands. Je me payais alors le plaisir d'estomaquer mon monde avec mon billet d'un million.

Mais cela ne dura pas, car les journaux illustr?s me croqu?rent si fid?lement qu'il me fut impossible de sortir sans ?tre reconnu et suivi par la foule; d?s que je tentais de faire le moindre achat, on m'offrait ? cr?dit le magasin tout entier avant m?me que j'aie eu le temps d'exhiber mon billet.

Sur ces entrefaites, je trouvai convenable d'aller remplir mes devoirs de bon patriote en me pr?sentant au ministre d'Am?rique. Il me fit un accueil des plus chaleureux, me reprocha de n'?tre pas venu le voir plut?t, ajoutant tr?s aimablement que la meilleure fa?on de r?parer mon oubli ?tait de venir d?ner chez lui le soir m?me, il avait pr?cis?ment une grande r?union et me pria avec insistance de prendre la place d'un de ses invit?s indispos? au dernier moment. J'acceptai, et nous engage?mes la conversation; je lui rappelai que mon p?re et lui avaient ?t? camarades d'?cole dans leur enfance, qu'ils s'?taient ensuite retrouv?s ? l'Universit? de Jale et avaient conserv? des relations intimes jusqu'? la mort de mon p?re.

En souvenir de cette amiti?, il me dit que sa maison m'?tait grande ouverte et que je lui ferais plaisir en venant toutes les fois que je pourrais.

Au fond j'?tais ravi de cette bonne hospitalit?, car la protection du ministre pouvait m'?tre d'un grand secours le jour o? le vent tournerait et o? le <> se produirait contre moi.

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