Read Ebook: Chercheurs de sources by Melegari Dora
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 432 lines and 53806 words, and 9 pagesDemandons-nous quels sont les meilleurs moments de nos journ?es et les heures dont notre m?moire garde l'imp?rissable souvenir? Nous citerons celles que notre imagination a ?clair?es. Qu'est l'amour lui-m?me, si l'imagination ne l'embellit pas, ne le rel?ve pas, ne le dore pas? Une fonction impos?e par le g?nie de l'esp?ce et que beaucoup d'?tres assimilent presque aux plaisirs de la table. Tandis qu'aid? par l'imagination, l'amour est la plus grande douceur des ?mes, la clart? lumineuse des vies, l'enchanteur qui change les r?alit?s grises en visions radieuses. Mais, dira-t-on, pourquoi transfigurer ainsi l'amour, puisque, fatalement il doit s'?vanouir, se changer en cendres au go?t amer? Plus et mieux l'on aime, plus on souffre, et le but de la vie est de ne pas souffrir... Erreur, lamentable erreur! Le go?t des cendres sera plus ?coeurant et amer si les sens et le coeur n'ont jamais connu les voiles d'or. Non seulement l'amour aura cess? d'exister, mais son souvenir aura perdu tout prestige et tout charme. Au contraire, ce qui a ?t?, ne f?t-ce qu'un jour seulement, ?clair? par l'imagination, continue ? illuminer l'existence, malgr? les douleurs, les abandons, les chutes... De m?me, pour que l'amiti? ne reste pas terne et grise, l'imagination est indispensable autant que le soleil ? la croissance et ? la coloration des fleurs. Pas d'enthousiasme non plus sans imagination, pour les personnes ou pour les causes, puisque l'un proc?de directement de l'autre! L'enthousiasme procure ? l'?me une dilatation d?licieuse: l'esprit s'y ?largit et s'y repose. Et cependant on lui fait une guerre acharn?e. Que de gens se plaisent ? jeter des seaux d'eau froide sur nos admirations! Un petit sourire m?prisant et sup?rieur erre sur leurs l?vres, et ce sourire impressionne la jeunesse; elle en a peur, elle se sent diminu?e par ces regards ironiques, qui arrivent m?me parfois ? lui faire renier ses dieux. Plus tard, dans la vie, lorsqu'on s'est rendu compte de la valeur r?elle des choses, la situation se renverse; l'on rend avec usure le sourire m?prisant et l'on plaint les malheureux d?pourvus d'imagination, qui n'ont jamais connu l'enthousiasme et ses saintes erreurs. Ce sont de pauvres, de tr?s pauvres gens! Il faudrait se borner ? les plaindre, s'ils n'avaient pas le tort de d?concerter les jeunes esprits. J'ai connu une femme qui a us? plusieurs ann?es de sa vie dans le p?nible effort qu'elle faisait pour ressembler aux autres, pour devenir comme tout le monde, pour ?touffer le don divin qu'elle avait re?u. Heureusement pour elle, ses tentatives furent vaines, mais cependant certains manques d'?lan qu'elle d?plora plus tard et qui la firent souffrir, ?taient la cons?quence du m?pris pour l'imagination qui, dans sa jeunesse, r?gnait en ma?tre sur l'opinion publique. Diminuer, ?touffer, tuer l'imagination dans une cr?ature humaine, c'est tarir en elle, on ne saurait assez le r?p?ter, les sources des joies les plus pures, des joies objectives, de celles que donnent la nature et l'art. Le devoir des chercheurs de sources est donc de d?couvrir cette pr?cieuse facult?, de l'?veiller, de la faire jaillir et d'apprendre ? l'homme ? tirer d'elle toutes les richesses et les forces qu'elle tient en r?serve. Les ?tres priv?s d'imagination ne peuvent faire de bons ?ducateurs: il faudrait les ?carter de l'enseignement, et, en tous cas, ne jamais leur confier la direction d'une ?ducation compl?te. Tout au plus pourrait-on leur permettre certaines branches sp?ciales qu'ils enseigneraient suffisamment et m?diocrement. Jamais ils ne parviendront ? faire de bons p?dagogues dans la haute acception du mot. Je dis qu'ils enseigneront m?diocrement, car m?me dans les sciences exactes, telles que la chimie, l'histoire naturelle et la botanique, l'imagination est une aide puissante. Dans les sciences historiques son r?le est d'une importance capitale. Un ma?tre, d?pourvu d'imagination enseignera l'histoire sans lui donner de relief et ne saura pas faire saisir ? l'enfant les grands ensembles qui se fixent dans la m?moire. L'enfant, de son c?t?, ?tudiant sans int?r?t, ne pourra se passionner pour les personnages h?ro?ques ou coupables qui se meuvent ? travers les ?v?nements qu'on lui raconte avec froideur. Par cons?quent, il ne les comprendra pas, car c'est par l'imagination que l'intelligence enfantine arrive ? saisir les grands mouvements de l'histoire. Il en est de m?me pour la po?sie, la litt?rature, l'art... Rien, en somme, dans le savoir humain, ne peut se passer de l'imagination. Elle facilite tout; c'est la grande source des connaissances, des d?couvertes, des h?ro?smes, et quand elle n'est pas un don naturel, il faudrait pouvoir la faire na?tre artificiellement. Ceux qui se pr?occupent, ? bon droit, de l'avenir des g?n?rations nouvelles, devraient s'entendre pour remettre l'imagination en honneur et la soustraire ? l'injuste d?dain sous lequel les g?n?rations utilitaires avaient essay? de l'?craser. Mais il ne s'agit pas simplement de lui jeter la bride sur le cou: ce serait aller au-devant des pires dangers. Si l'on d?veloppe cette facult? merveilleuse, ce n'est pas pour la laisser sans aliments. Le travail intellectuel et moral de ceux qui, sous une forme ou l'autre, ont charge d'?mes, en sera consid?rablement augment?. Il faut emp?cher avant tout que l'imagination devienne subjective, et beaucoup de discernement est n?cessaire pour parer ? ce grave p?ril. Non seulement les ?ducateurs ont besoin de science et de conscience, ils doivent poss?der encore des ?mes vivantes et communicatives, des intelligences ouvertes, capables de tracer des routes et d'indiquer les sommets. ?videmment dans son essence l'imagination est toujours subjective; en me servant de ce terme un peu impropre, je veux indiquer les imaginations qui ne poss?dent ni puissance d'observation, ni la vision des choses ext?rieures. Plus tard, et avec d'habiles pr?cautions, les chercheurs de sources devront s'occuper de la sensibilit? de l'enfant, car elle est aussi n?cessaire que l'imagination, ? son d?veloppement int?gral. Qui enrichit sa sensibilit?, enrichit son intelligence, dit avec raison Maeterlinck. Au si?cle dernier, par r?action contre les th?ories de Rousseau, on a essay? de l'extirper, elle aussi, en cultivant avant tout dans les ?mes les sentiments utilitaires. La m?diocrit? morale d'une bonne partie de nos contemporains suffit ? montrer combien cette noble entreprise a r?ussi. Combien d'individus l'on rencontre--aujourd'hui surtout, ils pullulent--qui ne s'occupent jamais que de l'utilit? pratique des choses. A leurs yeux, le tableau et le livre n'ont de valeur qu'en raison de ce qu'ils ont rapport?; la d?couverte scientifique, en raison de ses r?sultats d'argent; l'amiti?, en raison des portes qu'elle ouvre, et ainsi de suite! Tr?s probablement, ces personnes ?taient n?es avec une sensibilit? m?diocre qui n'a pas r?sist? au syst?me d'?touffement auquel on l'a soumise. Il n'en reste plus trace, et m?me la sensibilit? d'autrui excite leur d?dain. Les sensibles le devinent, le comprennent, et ont la faiblesse de rougir de ce dont ils devraient se glorifier, donnant ainsi raison, par leur attitude piteuse, ? ces arrogants d?tracteurs des v?ritables lettres de noblesse de l'homme. Quand donc les gens qui ont du coeur et de l'altruisme arriveront-ils ? m?priser ouvertement ceux dont les facult?s affectueuses sont concentr?es sur eux-m?mes? Malheureusement, ce jour n'est pas proche, car le manque de courage est aujourd'hui, un des traits caract?ristiques, des ?tres sensibles et bons. Il faudrait apprendre ? l'enfant que les gens sans coeur sont des pauvres qu'il faut d'abord plaindre et ensuite d?daigner, comme des non valeurs. Tout cela, bien entendu, dans la mesure o? le d?dain est permis ? ceux qui voient, dans tous les hommes, des fr?res, dont ils ne peuvent se d?sint?resser compl?tement. En parlant de sensibilit?, je n'entends point cette sensiblerie ridicule ni ce faux sentimentalisme qui font le malheur et l'ennui de tant de familles, et sont les vers rongeurs de l'amour et de l'amiti?, mais bien cette puissance d'affection qui est la source des joies humaines et la meilleure consolation que la vie accorde aux hommes. Ce que j'ai dit pour l'imagination est ?galement vrai pour la sensibilit?. Si elle devient subjective, il vaudrait mieux l'?touffer; pour ?tre la source fra?che et pure o? nous nous d?salt?rons, et o? les autres se d?salt?rent ? leur tour, il faut qu'elle ne garde pas toutes ses eaux pour elle-m?me. Apprendre ? l'enfant qu'il doit aimer objectivement les gens et les choses, c'est avoir fait jaillir une source de son coeur, c'est lui avoir ouvert, pour l'avenir, des perspectives de bonheur toujours r?alisable et des facult?s d'?largissement spirituel. Voir la note , page 14. Le mysticisme moderne, l'?tat d'?me le plus exquis et le plus ?lev? que l'homme puisse conna?tre ne saurait na?tre et se d?velopper chez les cr?atures d?pourvues d'imagination et de sensibilit?. Je ne dis pas qu'il faille ?lever les enfants dans l'id?e d'en faire des mystiques, ce serait les conduire et nous conduire ? des d?convenues certaines. Pour conna?tre cet ?tat sp?cial, il ne suffit pas d'?tre un < Or, je le demande ? la conscience de ceux qui ont des fils et des filles ? ?lever, cette pr?occupation les hante-t-elle beaucoup? Ils vont au plus press?: il faut, d'abord, apprendre aux enfants ce qu'il est indispensable de savoir, pour ne pas faire une trop piteuse figure dans les rapports sociaux. Puis, dans les familles o? le travail est une n?cessit?, il y a les examens ? passer, les carri?res ? choisir pour les fils, les mariages ? combiner pour les filles. Atteindre l'? peu pr?s est d?j? difficile; comment viser aux sommets? En effet, la tension d'esprit serait trop consid?rable, ? moins que le besoin et le d?sir de chercher les sources ne soit devenu, chez les parents et les ?ducateurs, partie int?grale d'eux-m?mes, une de ces r?gles de conscience auxquelles on ob?it sans effort et qui ne causent presque plus de fatigue. Certes, l'homme ne peut se mettre ? la place de Dieu, et il est forc? de faire, chaque jour, un acte de foi pour ranimer son courage et ne pas se laisser abattre par les soucis que lui donne l'avenir de ceux qu'il aime. Il doit aussi s'en remettre, en grande partie, ? la Providence ou au Destin, en ce qui concerne la formation de leurs caract?res. Cependant un effort est toujours demand? ? l'homme, m?me lorsque Dieu para?t intervenir miraculeusement en sa faveur. Ainsi, lorsque J?sus ressuscita Lazare, il aurait pu, d'un geste lointain et majestueux, soulever la lourde dalle qui fermait la grotte o? reposait le fr?re de Marthe et de Marie. Mais il exigea que l'effort humain e?t sa part dans le miracle, et il ordonna aux assistants de d?placer la pierre du s?pulcre. Les exemples de ce genre pourraient se multiplier ? l'infini, et nos exp?riences personnelles confirment, elles aussi, l'existence de cette loi: Dieu veut que nous soyons ses coop?rateurs! On n'obtient rien sans peine, et dans les plus merveilleuses histoires de succ?s humain, une part d'effort personnel est toujours demand?e. Comment pourrions-nous nous y soustraire dans l'?ducation des ?tres que la nature ou la confiance d'autrui a remis entre nos mains? L'in?galit? existe partout dans la nature: les caract?res, les tendances, les facult?s sont diverses et, sauf quelques principes fondamentaux, il faudrait ?lever chaque enfant de fa?on diff?rente. Cela n'est pas possible; mais les ?ducateurs sont semblables ? des musiciens qui, charg?s d'accorder et de faire vibrer des instruments, devraient ?couter avec attention les sons qui en sortent pour ?tre capables d'insister, suivant les cas, sur telle ou telle note; ils enrichiraient ainsi, pour chaque ?tre, la source des plaisirs par le d?veloppement des go?ts. Les go?ts! Quelle immense ressource ils sont dans la vie! D?s qu'un go?t se manifeste chez un enfant, il faudrait emp?cher qu'il ne se dess?che et p?risse avant d'avoir donn? ses fruits. C'est une plante pr?cieuse que l'on devrait arroser avec sollicitude, soutenir et greffer... Les gens qui ont des go?ts ne s'ennuient jamais. Or, une bonne partie des tristesses de la vie sont caus?es par l'ennui qui ronge tant d'existences. Ceux qui ont appris ? regarder et savent voir, ne connaissent jamais la monotonie des longues journ?es mornes. Ils trouvent partout des sources d'int?r?t, d'observation, de comparaison: les gens qui sont en contact avec les forces myst?rieuses de la nature, pour lesquels le vent a une voix, les eaux un secret, les bois un myst?re, le ciel des promesses, le soleil des enchantements, qui les tirent de leur petit Moi, pour leur faire presque toucher l'infini, ces gens-l? ne s'ennuient jamais, car leur vie est toute impr?gn?e de po?sie. Il existe des ?coles en Angleterre, dont le programme consiste ? apprendre aux enfants ? regarder. Ils doivent consid?rer une carotte pendant deux ans de suite. Apr?s quoi, ils sont capables de la d?crire et de la dessiner avec une parfaite exactitude. Les po?tes? Combien ce mot s'applique mal souvent! J'en connais de profonds qui n'ont jamais ?crit un vers ou cherch? une rime, mais qui ont dans les profondeurs cach?es de leur ?me des sources secr?tes de po?sie intarissable; ils en mettent dans leurs sentiments, leurs sensations, leurs pens?es; ils n'ont pas l'avarice des po?tes de profession, qui gardent jalousement leurs inspirations, de peur d'en perdre quelque chose au profit d'un autre; ils sont larges, g?n?reux et font librement part de ce tr?sor ? ceux qui vivent dans leur rayonnement. Cette source de po?sie int?rieure pourrait ?tre d?velopp?e par l'?ducation. Elle est, du reste, le r?sultat naturel de l'imagination et de la sensibilit?. Ces deux sources vives de chaleur et de lumi?re donnent aussi naissance ? un autre ph?nom?ne moral: l'h?ro?sme! ?videmment, des existences enti?res peuvent s'?couler, sans que la possibilit? d'accomplir un acte h?ro?que s'y pr?sente jamais: il s'agit donc moins de pr?parer l'enfant ? des actions glorieuses que de lui en faire savourer la beaut?. Du reste, si l'occasion d'acqu?rir publiquement le titre de h?ros se rencontre rarement, celle d'?tre un h?ros obscur se trouve ? chaque pas. Tous les renoncements joyeusement accept?s sont une forme d'h?ro?sme; tous les actes ignor?s de courage moral, dont l'existence de certains ?tres est remplie, en sont une ?galement. Si l'on avait ?touff? en ceux-ci le germe de l'imagination et de la sensibilit?, ils n'auraient ?t?, sans doute, que des utilitaristes m?diocres et tristes. D?velopper chez l'enfant le go?t du beau, sous toutes les formes, est aussi l'un des devoirs des chercheurs de sources. Lui apprendre ? discerner et ? savourer la beaut?, c'est le pr?parer ? des joies inconnues du vulgaire et que la m?chancet? humaine ne pourra lui ravir jamais. Si l'on disait aux m?res: < A la sensibilit?, ? l'imagination, au go?t de l'h?ro?sme, il est indispensable d'ajouter un ?l?ment qui est le correctif de ces dons pr?cieux et les emp?che de mettre le d?sordre dans les esprits et dans les vies. Je veux parler de l'esprit de m?thode. Malheureusement il est rare de voir les imaginatifs et les sensitifs en reconna?tre suffisamment l'utilit? et la valeur; d'un autre c?t? les intelligences m?thodiques p?chent presque toujours par une aridit? d?solante. Il faudrait unir ces extr?mes pour former l'homme complet. La m?thode simplifie toute chose, dans l'ordre mat?riel comme dans l'ordre intellectuel. Elle est indispensable ? l'organisation des vies larges ou modestes, et l? o? elle manque, la s?r?nit? et le calme, sont absents. Or, sans s?r?nit? et sans calme, il est difficile d'arriver au succ?s, surtout ? une ?poque < Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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