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Munafa ebook

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Read Ebook: Paraboles et diversions by Mille Pierre

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Ebook has 578 lines and 43161 words, and 12 pages

Credits: Laurent Vogel

PIERRE MILLE

Paraboles et Diversions

L'auteur et les ?diteurs d?clarent r?server tous leurs droits de reproduction et de traduction pour tous pays, y compris la Russie, la Su?de et la Norv?ge.

Ce volume a ?t? d?pos? au minist?re de l'Int?rieur en Avril 1913.

DU M?ME AUTEUR:

De Thessalie en Cr?te, . Au Congo Belge, . Sur la vaste terre, . Barnavaux et quelques femmes, id. La biche ?cras?e, id. Caillou et Lili, id. Louise et Barnavaux, id.

De cet ouvrage il a ?t? tir? ? part neuf exemplaires sur papier de Hollande, num?rot?s et paraph?s par les ?diteurs.

Paraboles

Le Premier Critique

C'est pour l'esprit humain, en m?me temps qu'une dangereuse cause d'orgueil, une grande inqui?tude que de ne pas savoir pourquoi la cr?ation s'est arr?t?e ? l'homme. Car apr?s tout il n'y avait pas de raison pour que Dieu, ayant travaill? six jours, se repos?t le septi?me. Il aurait pu tout aussi bien continuer toute une d?cade, et m?me plus longtemps encore. Il aurait pu, dans ces jours subs?quents, perfectionner nos premiers parents, leur donner des ailes, par exemple, ou leur permettre de vivre dans l'eau ? l'aide de branchies; il aurait pu les doter d'un appareil moral tel qu'ils n'eussent jamais succomb? aux ruses du d?mon; ou les faire beaucoup plus intelligents, de telle fa?on qu'ayant distingu? ces ruses, ils eussent ?t? encore plus coupables de s'y laisser prendre. Il aurait pu aussi inventer un surhomme, en laissant l'homme ? l'?tat de simple ?bauche ou d'essai, comme l'ornithorynque ou le pt?rodactyle. Mais il ne le fit point. ?tant toute raison, il devait avoir une raison, mais jusqu'? ce jour on ignorait celle-ci.

Toutefois le Pogge avait d?couvert ? Constance, ? moins que ce ne soit en Angleterre, on n'est pas bien fix? l?-dessus, un manuscrit qui pr?tendait jeter quelques lueurs sur ce probl?me. Mais comme il n'avait gu?re souci que des ouvrages de l'antiquit? classique, il n'y pr?ta aucune attention. ?gar? une seconde fois, ce manuscrit n'a ?t? retrouv? que de nos jours chez un notaire italien qui en avait d?tach? les feuillets de parchemin pour en faire des chemises de dossier; et j'avoue qu'il existe encore des doutes sur la date exacte de sa composition. Selon certains ?pigraphistes, il serait d? au Pogge lui-m?me, qui se plaisait, on le sait, ? ces supercheries litt?raires.

Quoi qu'il en soit, l'auteur admet comme point de d?part, que Satan, lorsque le Seigneur commen?a de cr?er le monde, en fut profond?ment afflig?. La plupart des p?ch?s capitaux, dont il est le p?re, mais dont il souffre cependant, l'envie, la col?re, la paresse surtout, le rong?rent avec fureur. Car non seulement il n'aimait pas que son vainqueur manifest?t sa puissance, mais encore il pr?voyait que le monde une fois cr??, il serait oblig? d'y r?pandre le mal, et que cela le fatiguerait. Son grand souci fut donc d'arr?ter Dieu, de l'arr?ter le plus vite possible. Directement, il ne pouvait rien contre lui: il fallait que la d?cision de ne plus cr?er v?nt du Cr?ateur m?me. C'est alors que Satan inventa la critique. Le genre n'en fut point, ? cette ?poque, divis? en esp?ces. La critique de Satan fut donc litt?raire, artistique et dramatique. Ou plut?t elle prit tour ? tour ces trois aspects. Toutefois, il fut ?tonn? du peu d'effet qu'elle produisit d'abord. C'est qu'il ne savait pas encore bien son m?tier.

Car lorsque le Seigneur eut s?par? la lumi?re d'avec les t?n?bres, Satan fit graver par un diable de ses cohortes, en lettres de feu ?carlates sur une tablette sulfureuse, son premier compte-rendu: <>

Mais le Cr?ateur ne s'inqui?ta point de ces observations. Il avait fait comme il voulait faire, et la franchise du d?mon ne lui fut point d?sagr?able. Il ?tendit donc sur le globe la face claire des eaux marines. Elles brillaient doucement, grises, bleues, vertes, selon leur profondeur et la couleur du ciel pur ou nu?; et voyant que cela ?tait bon, il flottait au-dessus, immense et satisfait.

Satan ?crivit, et tous les esprits du mal et du bien purent lire:

<>

Dieu ne se fatigua cependant point de cr?er. Il cr?a la diversit? magnifique des herbes et des plantes; avec le vent du soir il passa dans les feuillages, et il caressait ces fleurs n?es sans semence, dans l'air ineffablement jeune o? nulle b?te n'avait encore respir?. Satan ?crivit:

<>

Mais il fut d?concert?, car le Seigneur ne montra nulle tristesse. Il avait joie de sa cr?ation, telle qu'elle ?tait, et connaissait pourquoi il avait fait ainsi. Et quand Satan vit qu'il se disposait ? continuer, son coeur fut rempli d'une rage tr?s am?re.

--Que faut-il donc imaginer, songea-t-il avant le quatri?me matin, que faut-il donc imaginer pour qu'il se d?courage?

Le Seigneur cr?a le soleil, la lune, le manteau somptueux des ?toiles, qui la nuit tourne lentement dans le ciel. Maintenant, il y avait de la beaut? dans tout son infini, et il souriait en songeant: <>

Mais Satan sourit ? son tour, car un dessein malicieux lui ?tait apparu; et il ?crivit seulement: <>

Et Dieu fut touch?. Il eut presque envie de pardonner ? Satan, de lui laisser une meilleure place dans son univers, il faillit oublier qu'il est l'esprit qui dit toujours non, m?me quand il a l'air de dire oui. Toutefois, remettant ce projet ? plus tard, par une contraction de son ?tre immat?riel et sans bornes il cr?a les grands poissons et tous les animaux vivants qui peuplent le sein noir des ondes. Il cr?a aussi les oiseaux, il jeta des ailes parmi les arbres et les monts, et au plus haut des airs, et il criait: <> Il pensait aussi: <>

Satan ?crivit seulement: <>

Alors le Seigneur, pour la premi?re fois, eut un mouvement de stupeur et d'embarras. Un progr?s! Quel progr?s? C'?tait une autre expression de son besoin de cr?er qu'il manifestait, et elle ne signifiait rien, la parole de Satan! Pourtant il se reprit et cr?a les b?tes qui vivent sur la terre. Toutes les b?tes. Elles bondissaient, b?laient, mugissaient, rugissaient; ou bien silencieuses, s'en allaient par grandes bandes pacifiques, la t?te baiss?e sur l'herbe nourrissante.

Satan ricana, et dit encore: <>

Et Dieu fit l'homme et la femme avec leurs ?mes vivantes, et les mit dans le jardin d'?den, pr?s du pays de Havila, o? se trouvent l'or, le bdellion et l'onyx. Mais Satan r?p?ta encore:

<>

Et ? cet instant, Dieu s'?cria:

<>

C'est ainsi que Satan parvint ? arr?ter la cr?ation au sixi?me jour.

Tel est, en r?sum?, le texte de ce manuscrit curieux. Mais d?cid?ment, la latinit? en ?tant assez basse, je ne pense pas qu'on puisse l'attribuer au Pogge, savant homme et bon cic?ronien.

Comment le D?luge eut lieu en vain

No? avait l?ch? une derni?re fois la colombe; elle ?tait partie pour ne plus revenir. C'?tait en l'an six cent un de la vie du patriarche, au premier mois, le premier jour du mois; et No? enleva le toit qui couvrait l'arche, et il regarda, et voici! La face de la terre avait s?ch?. Et au second mois, le vingt-cinqui?me jour du mois, la terre pouvait porter les pas.

Alors No? sortit de l'arche, avec sa femme, ses fils, et les femmes de ses fils, et tous les animaux, et ils respir?rent l'odeur du vent, qui avait couru sur la terre humide. Or, l'herbe partout avait recommenc? de cro?tre, et ainsi l'odeur de ce vent ?tait bonne; elle enflait leurs coeurs dans leurs poitrines. Les b?tes innombrables bondissaient en poussant des cris, selon leur esp?ce, et quand le vieux No?, son couteau de pierre ? la main, passait au milieu d'elles, choisissant l'une, choisissant l'autre, et les ?gorgeant pour les holocaustes, ainsi qu'il lui avait ?t? command?, celles qu'il avait choisies se laissaient mourir, tellement ivres de grand air qu'elles ne s'apercevaient pas du coup qu'il leur portait. Leur sang coulait sur les pierres, et c'?tait un grand sacrifice. No? se disait:

Mais comme il pronon?ait ? haute voix ces paroles, il aper?ut au loin sur les eaux une embarcation qui s'avan?ait avec une rapidit? singuli?re. Son aspect l'?tonna beaucoup: elle avait un m?t, une voile, une paire de rames, un gouvernail, au lieu que l'arche ne se mouvait qu'au caprice des courants, sans que personne f?t effort pour la diriger. Mais ce n'?tait point, ? la mani?re de l'arche, une vaste maison flottante. Elle ?tait au contraire fort petite, et ne contenait qu'un homme et une femme, bien vieux en apparence, aussi vieux que No?, et qui semblaient fort paisibles.

Ils abord?rent. L'homme tira soigneusement son bateau sur la plage boueuse, en prenant toutes les pr?cautions pour qu'il p?t servir de nouveau, au lieu que l'arche ?tait demeur?e ?chou?e sur le c?t? comme une chose d?finitivement abandonn?e: cet homme avait l'air d'un vrai marin.

No? s'approchant de lui, dit sans aucune douceur:

--Pourquoi n'?tes-vous pas noy?s, vous et cette femme? C'est contraire aux r?glements. Il est hors de doute que vous devriez ?tre noy?s!

L'homme r?pliqua, ?tonn? ? son tour:

--J'allais vous faire la m?me observation: je croyais ?tre seul sur la terre... C'est tr?s ennuyeux. D'o? venez-vous?

No? indiqua l'Orient d'un geste vague, du c?t? des plaines de M?sopotamie.

--... De par l?, dit-il. Je m'appelle No?. Et vous?

L'homme tendit le bras, montrant l'horizon de l'Ouest. Il r?pondit:

--Je m'appelle Deucalion.

La premi?re id?e qui vint au patriarche et ? ses fils fut de tuer ce couple ?tranger; mais l'homme, malgr? son ?ge, avait l'air si fort, si fier et si gai, qu'ils ne l'os?rent point. No? dit ? ses fils, pour se cacher ? lui-m?me sa faiblesse et son ind?cision:

--Ces gens sont trop vieux pour avoir des enfants. Qu'importe qu'ils vivent encore quelques ann?es!

Il affecta donc de s'?carter d'un air d?daigneux, en chantant un hymne qu'il tenait de ses anc?tres. Ce po?me racontait l'origine du monde et le malheur irr?missible de l'homme, condamn? non seulement ? la mort, mais au travail, plus horrible encore que la mort, parce qu'il avait voulu conna?tre le myst?re des choses, et tout le bien, et tout le mal. Mais l'?tranger, sans inqui?tude apparente, avait pris une houe dans sa barque. Et commen?ant de labourer la gl?be pleine de germes, il chanta de son c?t? un hymne imp?tueux. D'abord, il dit la joie de vivre, le ciel clair, la beaut? des eaux, des montagnes, des plantes, qui par elles-m?mes sont divines. Ensuite il c?l?bra la gloire de son p?re Prom?th?e, qui puni par Zeus pour avoir vol?, avec la flamme, un secret assez fort pour affranchir les hommes de leur mis?re, continuait de braver le fils d'Ouranos, proclamant qu'? la fin il le vaincrait.

Ces r?cits outrageants faisaient horreur ? No? et ? ses fils.

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