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Munafa ebook

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Read Ebook: Paraboles et diversions by Mille Pierre

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Ebook has 578 lines and 43161 words, and 12 pages

Ces r?cits outrageants faisaient horreur ? No? et ? ses fils.

--Ils mourront sans post?rit?, du moins, songeaient-ils. Et c'est bien fait.

Mais quand il eut fini, en riant, de labourer la gl?be, l'homme l'ensemen?a patiemment avec des cailloux; et quand il venait de recouvrir un sillon, sa femme l'imitait sur un sillon voisin.

--Ils sont fous! murmurait la famille du patriarche: ils s?ment des pierres!

Mais voil? que ces pierres se mirent ? frissonner dans les entrailles qui les enfermaient. Le sol se gonflait d'intumescences l?g?res; on en vit sortir des t?tes orgueilleuses et tr?s belles, puis des poitrines viriles, toutes saillantes de muscles, et d'autres merveilleusement rondes, blanches ? ravir les yeux, dont les seins fleurissaient dans l'air. Et telle fut la r?colte de Deucalion: tout un peuple n? de la Terre!

Alors No? et ses fils s'?cri?rent avec stupeur:

--Comment se fait-il que ceux-l? aussi soient favoris?s par des miracles? Ce n'est pas juste, non, ce n'est pas juste!

Et ces hommes n'?taient pas plut?t sortis du sein de la gl?be, que tout arm?s, tr?s joyeux, d?j? pleins de faim, ils se jet?rent sur les troupeaux de b?tes domestiques et sur les b?tes sauvages. Ils les massacraient avec de grands cris; allumant de larges b?chers, ils faisaient cuire, sans horreur, les sangliers et les li?vres immondes; ils mangeaient les boeufs sans les avoir saign?s ? la gorge.

--Ne voyez-vous pas, s'?cria No?, que vous prenez votre nourriture dans l'impuret?? Comment se fait-il que vous ignoriez la Loi?

--Nous ne savons ce que vous voulez dire, r?pliqu?rent-ils. Nous ne connaissons de lois que celles que nous faisons nous-m?mes. Pourtant nous r?v?rons Th?mis: car c'est par le conseil et la volont? de cette d?esse que Deucalion nous a fait na?tre. Aussi nous chercherons ? vivre selon son d?sir. Mais quant ? cette Loi dont vous parlez, c'est une r?verie de sauvages poltrons.

C'est ainsi que le d?luge eut lieu en vain. Car il ne se trouva point seulement, pour ?tre sauv?e, la famille de No?, mais aussi la race que Deucalion et Pyrrha ont fait sortir de l'?ternelle Terre, sur l'inspiration de Th?mis.

Ce sont deux sortes d'humains, et depuis ce jour jusqu'? celui o? nous vivons, ils ne sont pas encore parvenus ? s'entendre.

... Cette l?gende me fut cont?e, sous les murs indestructibles de Tyrinthe, par un berger grec qui ressemblait au sage et vigoureux Ulysse. Il avait de larges ?paules, une barbe noire fris?e, un nez droit, et dans la main, un aiguillon semblable ? un sceptre.

Le Miracle

Tous les jours, except? le samedi, le petit J?sus allait ? l'?cole. En ?t?, il n'?tait v?tu que d'une longue tunique de chanvre, sans manches, fil?e par la Vierge Marie. En hiver, quand soufflent les vents durs qui viennent du Liban, il mettait par-dessus cette esp?ce de chemise une pelisse de laine rousse et poilue, pareille ? celle que portent les bergers du pays de Gil?ad. Mais la Vierge Marie en avait bord? le bas, ainsi que l'ouverture sur la poitrine, d'une large bande taill?e dans la peau d'un chat sauvage; car d?s cette ?poque ancienne, comme aujourd'hui encore autour de Salonique ou de Brody, o? ils forment de grands peuples, les juifs aimaient la pompe des fourrures. Et Joseph se r?jouissait, dans son coeur na?f, que le fils de Dieu, que Dieu lui avait donn? ? garder, e?t l'air d'un petit rabbin.

Le petit J?sus allait ? l'?cole. Il emportait son ardoise, un morceau de craie, des tablettes de buis ou de terre-cuite, car on en faisait des deux sortes, couvertes de cire fine, un petit b?ton termin? en pointe aigu? d'un c?t?, en spatule de l'autre, pour ?crire et pour effacer sur ces tablettes, et parfois, afin d'apaiser sa soif aux jours d'?t?, une pomme-orange. On ne saura jamais assez m?diter sur ce myst?re magnifique et tendre, c'est la source in?puisable d'une joie justement divine: tout Dieu, dans son immensit?, vivait alors dans le corps d'un petit enfant. Oui, dans le corps d'un petit enfant des hommes, de l'?tre au monde le plus beau, le plus pur, le plus lumineux, le plus digne d'?tre aim?, ?tait descendue la cause de toute lumi?re et de tout amour! Le petit J?sus allait ? l'?cole... Ce n'?tait pas seulement par humilit?. Sa nature divine savait tout; mais sa nature humaine avait besoin d'apprendre ? se servir des inventions humaines: l'alphabet, le calame, les nombres. Pour sortir de l'atelier de Joseph, qui ?tait en contre-bas de la rue, il lui fallait franchir deux hautes marches en calcaire gris, o? des fossiles avaient laiss? la trace en creux de coquillages faits comme de longues vis. J?sus connaissait bien ces empreintes pour s'?tre ?merveill? ? les regarder, lui qui avait cr?? pourtant la mer, L?viathan et tous les poissons. Ses petits genoux ronds, marqu?s d'une fossette qui leur donnait presque l'air d'avoir une figure, et ses pieds roses, gravissaient l'obstacle avec un l?ger effort qui l'amusait; et debout sous la porte ?troite, cintr?e du haut, sa m?re, avec son voile bleu et ses yeux semblables ? des fleurs violettes, le regardait s'en aller. Comme il ?tait infiniment studieux et sage, il psalmodiait ses le?ons tout le long de la route, ainsi que font encore les ?coliers dans le m?me pays; et le ciel o? ?tait son p?re, au-dessus de sa t?te, le b?nissait.

Mais il y avait ? l'?cole un enfant tout ? fait noir de visage et d'?me, qui s'appelait J?rach; et il disait que son p?re ?tait de la race de Cham. Mais en v?rit? Satan s'?tait cach? sous les traits de ce petit n?gre pour tenter J?sus, sachant que c'?tait celui-l? qu'on appellerait Christ un jour prochain. Les autres enfants ne connaissaient pas ce myst?re. Ils sentaient seulement, dans le fils de Marie, quelque chose de doux et de bienfaisant, et ils l'aimaient sans savoir pourquoi, comme on aime inconsciemment un beau jour. J?rach finit par reporter sur eux une part de la haine qu'il avait contre cet enfant blond, au visage ovale et p?le, qui ?tait venu pour lui prendre la terre. C'est pourquoi il mit dans leur ?me les m?mes fureurs religieuses qui br?laient celles de leurs parents. Les uns se d?clar?rent tsadoukites et les autres hassidites. Ils se trait?rent r?ciproquement d'oeuf de tortue et de crapaud, d'excr?ment de poisson, d'impie, de voleur, ou de Romain; enfin ils jou?rent ? se ha?r: c'est un jeu horrible. Des injures, ils en vinrent aux coups, les pierres ne tard?rent pas ? voler, et bient?t on entendit un cri affreux: c'?tait Jo?l, fils du grand-pr?tre Alkimos, qui venait de rouler sur le sol, la t?te fendue par un galet tranchant. Les combattants n'avaient pas encore le coeur endurci. Tous eurent grande piti?. Ils se rapproch?rent du fils d'Alkimos, bien que cet adolescent orgueilleux et m?chant par nature n'inspir?t que peu d'affection ? la plupart. Un sang clair sortait ? gros bouillons de la blessure qui coupait un des sourcils, et laissait voir les os du cr?ne. Tous cri?rent:

--Jo?l qui va mourir, maintenant!

Jo?l, qui s'?tait relev?, s'appuya au mur. Ses genoux s'entrechoquaient et ses yeux ?taient obscurcis par le sang et par l'?pouvante; il ne savait pas ce que c'?tait que la mort, mais il la craignait formidablement. Et J?sus, qui avait regard? comme en r?ve, et sans la voir, la stupidit? de cette bataille, vint ? lui d'un air tr?s s?rieux, en h?tant ses petits pas. Toute la charit? du ciel et de la terre sortait de lui, elle inondait l'air, elle ?tait ? la fois lourde et l?g?re, pressante, irr?sistible, d?licieuse. Jo?l, qui d?passait J?sus de la t?te et des ?paules, tomba sur ses deux genoux; et le petit J?sus, lui prenant le front dans ses deux mains encore grasses et comme gonfl?es du lait de la premi?re enfance, dit seulement ? voix basse:

--O mon fr?re... O mon fr?re en mon p?re!

Or, ? peine eut-il prononc? ces paroles, qu'il n'y eut plus rien, ni blessure, ni odeur de blessure! La cicatrice m?me, et le sang qui souillait la terre avaient disparu. Les camarades de Jo?l cri?rent:

--Miracle! Miracle! J?sus a fait un miracle!

Il n'y eut que Jo?l qui ne dit rien. ?a s'?tait pass? trop vite, et il ne pouvait pas croire qu'il f?t gu?ri.

J?rach voulut pousser son avantage plus loin. Il sugg?ra donc ? ses camarades:

--J?sus peut faire des miracles, n'est-ce pas?

--Le Tr?s-Haut le lui a permis, J?rach, dit Jo?l fi?rement. Le Tr?s-Haut le lui a permis, ? cause de moi!

Ces paroles irrit?rent les autres. Ils trouv?rent injuste que Jo?l, bien connu pour ?tre un m?chant qui avait m?rit? son sort, y e?t ?chapp? par une intervention surnaturelle. Les plus petits pens?rent que J?sus aurait bien mieux fait de multiplier des g?teaux; les plus grands, qu'il aurait d? les faire encore plus grands, tr?s forts, tr?s riches, tr?s aim?s: des rois! Et la pl?be, puisque les meilleurs ne pouvaient s'entendre, ne formant pas les m?mes voeux, demeurait paresseuse, inerte et m?contente; elle avait seulement le sentiment vague qu'elle ?tait l?s?e, sans savoir pourquoi; elle ne voulait que l'?galit?, c'est-?-dire rien.

Alors J?rach-Satan souffla perfidement ? l'un de cette pl?be, qui s'appelait Ahira:

--?a ne nous sert ? rien, les miracles de J?sus, si J?sus n'en fait pas pour nous!

--Mais, r?pondit Jo?l, vous n'avez pas re?u de pierre dans l'oeil! Vous n'?tes pas malades, vous n'?tes pas boiteux, vous n'?tes pas manchots, vous n'allez pas mourir; vous n'avez besoin d'aucun miracle, vous n'avez besoin de rien!

--Si, r?pondit Ahira. Nous avons besoin de ne pas travailler!

Et tous cri?rent, illumin?s:

--C'est vrai! Nous avons besoin de ne pas travailler! Le travail, c'est la vraie douleur! C'est la mal?diction depuis le commencement du monde! Nous le savons: on nous l'enseigne! Nous le savons bien mieux: nous le sentons!

Alors Ahira dit d'une voix convaincue:

--Donc, puisque J?sus fait des miracles, il faut qu'il fasse le miracle que nos devoirs soient faits!

Et ils s'?cri?rent encore:

--Oui, c'est cela, que nos devoirs se fassent tout seuls!

J?rach se dirigea vers J?sus qui priait, et lui dit:

--Tu les entends?

--Oui, r?pondit-il tristement. Mais si pourtant j'acc?de ? leur d?sir, ils n'apprendront rien. Ils deviendront pareils aux brutes. Pareils aux sauvages qui sont l?-bas, plus loin que l'?gypte, au Midi.

--Parfaitement! acquies?a J?rach-Satan. Ce miracle sera immoral. Mais si tu ne fais pas ce miracle, ils ne croiront pas en toi. Et ils m'appartiendront.

--H?las! fit J?sus.

Puis il songea qu'il pouvait faire le miracle une fois, quitte ? ne pas recommencer; et que d'ailleurs, puisqu'il devait mourir, il n'?tait pas nuisible que quelques enfants eussent avant sa mort quelques instants de joie innocente, dans l'oisivet?.

Ce fut encore l? une des tentations de Satan, que Dieu permit.

--Quel est le devoir du jour? demanda-t-il.

--C'est sur les nombres, r?pondit Ahira, et nous n'y comprenons rien: Un chameau tire d'une noria cent oques d'eau par heure, et le bassin qui est au-dessous de la noria est rempli en trois heures. Combien faudrait-il pour remplir le bassin ? un autre chameau, qui tirerait cent-cinquante oques dans le m?me temps?

La nature divine qui ?tait dans l'Enfant-Dieu voyait tout: le pass?, le pr?sent, l'avenir. Il dit, comme s'il distinguait les chiffres sur un tableau:

--Il ne faudra que deux heures.

On entendit un long murmure d'admiration, et les plus petits se mirent ? baiser sa tunique de chanvre:

--Rabbi! ? Rabbi!

Mais Ahira cria d'une voix impatiente:

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