Read Ebook: Le supplice de Phèdre by Deberly Henri
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 833 lines and 57470 words, and 17 pagesHENRI DEBERLY LE SUPPLICE DE PH?DRE ROMAN PARIS Librairie Gallimard ?DITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRAN?AISE 3, rue de Grenelle DU M?ME AUTEUR PO?SIE L'Arc-en-Ciel. Grains d'ambre et d'or. ROMANS L'Impudente. Prosper et Broudilfagne. L'Ennemi des siens. Pancloche. EN PR?PARATION Un Homme et un autre, roman. Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation r?serv?s pour tous les pays y compris la Russie. Copyright by librairie Gallimard, 1926. --Marc, fit d'une voix paisible H?l?ne Sor?, va chercher ? l'h?tel vos costumes de bain qui doivent ?tre secs ? pr?sent. Le serre-t?te de ta soeur est sous son peignoir... Et prends-moi donc, si tu la trouves, mon ?charpe grise! Son beau-fils partit en courant. Quelques secondes, pench?e ? droite, le visage tendu, elle suivit des yeux ses jambes minces dans leur galop irr?gulier ? travers les dunes. --Quelle ardeur! pensa-t-elle. Comme il ob?it! C'?tait toujours pour la jeune femme un tr?s vif plaisir que de constater cette souplesse. La mer ?tait basse et fort calme. Son clapotis venait mouiller les barques ?chou?es que l'on voyait serr?es ? droite, pr?s d'un promontoire, assez loin du fond m?me de la petite anse o?, sur le sable, ?taient assis des groupes de baigneurs. A gauche, en nappe, tout luisants d'algues et couverts d'enfants, de longs rochers plats s'?tendaient. Au del?, commen?ait une l?g?re falaise, couronn?e de plantes et d'arbustes, dont les bastions se succ?daient, de plus en plus hauts, jusqu'en un point marqu? d'?normes blocs o? le rivage accident? de la rade de Brest reprenait brusquement son vrai caract?re. --Marie-Th?r?se! appela H?l?ne par deux fois. Une petite fille, brune et cambr?e, d'environ sept ans, qui ?difiait tant bien que mal sa partie d'un fort, tourna la t?te au second cri, parut h?siter, puis accourut en bondissant et tra?nant sa pelle. --C'est l'heure de ton bain, ma ch?rie! Tu vas t?cher de te conduire raisonnablement et de ne pas hurler comme avant-hier o? les gens de l'h?tel te montraient au doigt, lui dit H?l?ne en appuyant sur sa fr?le ?paule pour la faire asseoir ? ses pieds. Je te pr?viens qu'il t'en cuirait, reprit-elle plus bas, si tu te donnais en spectacle! Marc arriva presque aussit?t, portant les costumes. Ses cheveux d?rang?s pendaient en longues m?ches qu'il rejeta d'un tour de cou sur son occiput. --Mais tu n'as pas le sens commun! Mais tu es en nage! fit d'une voix grondeuse la jeune femme en se levant pour appuyer sa main sans une bague sur la joue br?lante du gar?on. Je vais d?shabiller Marie-Th?r?se. Reste ici, tu viendras quand je t'appellerai. Je ne veux pas que tu te baignes dans cet ?tat-l?! Cinq minutes s'?coul?rent. Le gar?on r?vait. Il s'?tait mis ? l'abandon sur la chaise pliante que le d?part de sa belle-m?re avait rendue libre et, distraitement, regardait fuir des cascades de sable par les commissures de ses doigts. H?l?ne sortit de la cabine, pr?c?dant sa fille, et fit signe ? Marc d'y entrer. Comme elle venait de se rasseoir, l'enfant aupr?s d'elle: --Tiens, vous voil?! fit-elle, polie, sans nul empressement, en recevant sur son ?paule une main maigre et brune dont l'index, une seconde, en lissa la chair, pr?s de la bretelle du corsage. Elle est donc termin?e, cette c?r?monie! --Oui, et vraiment je vous assure que c'?tait tr?s bien! Le commandant secoua la t?te, embrassa sa fille et s'?tendit ? m?me le sol avec pr?caution, apr?s avoir consolid?, d'un geste habituel, ses vastes lunettes ? verres jaunes. --Oh! je n'en doute pas! dit H?l?ne. Vous, d?s l'instant qu'il est question de pompes religieuses, on vous voit toujours satisfait! Son mari n?gligea cette observation. --Mais quel besoin aviez-vous donc reprit-elle soudain, d'aller au bapt?me de cette barque? --C'?tait ma place, ma ch?re petite! dit le commandant, avec ce rien de p?remptoire, cet accent trop digne qu'emploient les hommes d'un certain ?ge envers leurs amours, sans s'aviser qu'il indispose et blesse les jeunes femmes. Tout le monde sait ici que je suis marin. En m'abstenant de prendre part ? cette petite f?te, j'aurais eu l'air de d?daigner d'honn?tes et braves gens... --Ainsi donc, fit H?l?ne la barque est b?nie! Est-ce vrai demanda-t-elle d'une voix moqueuse, que la marraine brise ? l'avant une fiole de champagne en m?me temps que le pr?tre ?nonne ses pri?res? Est-ce le champagne, insista-t-elle, ou les oremus qui sont cens?s, dans la temp?te, garder du naufrage? --Vos plaisanteries manquent d'?-propos! dit Michel Sor?. Il s'agit l? d'une vieille coutume des plus respectables, notamment ? l'?poque que nous traversons. Sur un sujet comme celui-ci, que j'estime s?rieux, je n'aime pas vous entendre exprimer des vues d'une aussi criante l?g?ret?. J'ai beau savoir que ce d?sordre est surtout verbal, il me cause toujours du chagrin. --Allons, de gr?ce, mon bon Michel, ne vous f?chez pas! fit la jeune femme, d'un air enjou?, en prenant son livre et touchant ? l'?paule son aust?re mari. Il y a d'ailleurs pis qu'un bapt?me de barque. La solennelle b?n?diction d'une meute, par exemple. L?, convenez que votre ?glise pousse au ridicule le respect qu'elle porte ? l'argent! --Il se peut! dit Michel. Moi, je n'en sais rien... Mais, sapristi! o? puisez-vous de pareilles id?es? Marc apparut dans un peignoir ? ramages vert vif dont le choix d?notait une extr?me recherche. Aussit?t, n?gligeant la conversation qu'elle soutenait malicieusement depuis cinq minutes: --Tu vas plonger Marie-Th?r?se, lui dit sa belle-m?re, et je veux, tu entends, qu'elle se trempe la t?te! Quand ses grimaces auront pris fin, tu pourras nager. Elle se leva pour assister au bain des enfants et le commandant la suivit. Devant eux, sur la rade qui ?blouissait, quatre navires de guerre obscurs, semblables, se profilant en file indienne, gagnaient la haute mer. H?l?ne ?tait grande, les jambes longues, le buste plein, les bras charnus, les mains blanches et belles, le cou bien fait, quoiqu'un peu fort, les ?paules tr?s larges. Ses cheveux ?taient noirs et son teint rose. Sa t?te, petite, avec des joues assez rondes du haut, pr?sentait cette noblesse que donne un nez droit prolongeant sans cassure la descente du front. Les yeux ?taient de couleur glauque, l?g?rement obliques et surmont?s d'?pais sourcils d'une si juste courbe qu'on l'aurait crue faite au pinceau. Leurs regards annon?aient une r?solution que d?mentais une petite bouche grasse et cramoisie, rendue mutine par les fossettes, toujours accus?es, que creusait pr?s d'elle chaque sourire. Mais le menton, sans complaisance, musculeux, aigu, renfor?ait ? ce point l'expression des yeux qu'en derni?re analyse la physionomie, avec des traits et des contours d'une beaut? charmante, surprenait par son air d'opini?tret?. Le mari de cette femme d'une allure si noble aurait pu passer pour son p?re. A la veille de marcher sur quarante-neuf ans, alors qu'H?l?ne en avait trente depuis quelques mois et, sans fards, sans appr?ts, en portait vingt-cinq, s'il conservait dans la tournure une certaine jeunesse due ? la maigreur de son corps, ? l'abstinence de tout exc?s, ? une vie salubre, il s'en fallait que f?t dot? du m?me privil?ge son long visage, assur?ment d'une grande distinction, mais ravag?, parchemin?, d?j? d'un vieillard. Des yeux tr?s doux, en m?me temps froids et d'une fixit? ombrageuse, dont les paupi?res faisaient penser ? celles d'un reptile, flanquaient un nez cadav?rique, taill? en bec d'aigle, qui retombait douloureusement sur une bouche am?re. Le front haut, resserr?, sans animation, rejoignait un cr?ne d?garni et, de l'ensemble, il ?manait cet air de vertu qu'on pourrait baptiser le comique des tristes. Entre le m?r Michel Sor? et sa tr?s jeune femme, si tout n'?tait pas dissemblance, c'?tait peut-?tre ? la fa?on dont ils ?taient mis qu'un p?n?trant observateur l'aurait soup?onn?. Une ?l?gance m?ticuleuse, chez l'un comme chez l'autre, excluait toute parure, tout enjolivement, toute audace dont la mode e?t ?t? flatt?e par un sacrifice au bon go?t. Le veston de Michel, le costume d'H?l?ne, tous deux d'?toffes l?g?res et sombres, avaient ces longues lignes o? se lit mieux l'art d'un tailleur ou d'une couturi?re qu'aux ajustements compliqu?s. Par ce d?tail se r?v?lait dans leurs caract?res un ?gal m?pris du gracieux, au b?n?fice de qualit?s moins brillantes peut-?tre, autrement solides et durables. Les peignoirs des enfants formaient un tas clair. Marie-Th?r?se eut une r?volte en entrant dans l'eau et jeta sur sa m?re, qui la surveillait, un regard tout empreint d'une poignante d?tresse. Mais, sans doute, la menace qui pesait sur elle lui donna-t-elle ? r?fl?chir aux suites d'un ?clat, car la d?fense qu'elle esquissait fut des plus r?duites et elle se laissa immerger. H?l?ne et son mari, coude contre coude, se mirent ? marcher sur le sable du grand pas lent et m?thodique qu'ils affectionnaient, mais sans ?changer une parole. Le commandant baissait la t?te et semblait soucieux. Soudain, se tournant vers sa femme: --Oui, fit-il, reprenant la conversation au point pr?cis o?, brusquement, cinq minutes plus t?t, elle avait ?t? suspendue, quand j'entends r?sonner de vos paradoxes, je me demande o? vous puisez de pareilles id?es! --M'en avez-vous donc connu d'autres? Les aurais-je prises en quatre mois? demanda H?l?ne. --Assur?ment, non! dit Michel. Mais, ? chacun de mes voyages, ou elles m'?tonnent plus, ou je les d?plore davantage. --Vraiment? Vous ?tes certain? Pour quelle raison? Le marin d?ploya un geste ?vasif. --Elles sont si loin de celles du monde dont nous sommes issus! Elles s'apparentent si ?troitement ? celles de milieux que vous n'aimez gu?re fr?quenter! --On peut penser avec sagesse, r?partit H?l?ne, sans avoir toujours les mains propres. Add to tbrJar First Page Next Page |
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