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Munafa ebook

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Read Ebook: Œuvres complètes de Guy de Maupassant - volume 22 by Maupassant Guy De

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Ebook has 2457 lines and 78596 words, and 50 pages

Au lecteur

Cette version num?ris?e reproduit dans son int?gralit? la version originale.

La ponctuation a pu faire l'objet de quelques corrections mineures.

L'orthographe a ?t? conserv?e. Seuls quelques mots ont ?t? modifi?s. La liste des modifications se trouve ? la fin du texte.

OEUVRES COMPL?TES

GUY DE MAUPASSANT

LA PR?SENTE ?DITION DES OEUVRES COMPL?TES DE GUY DE MAUPASSANT A ?T? TIR?E PAR L'IMPRIMERIE NATIONALE EN VERTU D'UNE AUTORISATION DE M. LE GARDE DES SCEAUX EN DATE DU 30 JANVIER 1902.

IL A ?T? TIR? ? PART

OEUVRES COMPL?TES

GUY DE MAUPASSANT

FORT COMME LA MORT

PARIS LOUIS CONARD, LIBRAIRE-?DITEUR 17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17

FORT

COMME LA MORT.

PREMI?RE PARTIE.

LE jour tombait dans le vaste atelier par la baie ouverte du plafond. C'?tait un grand carr? de lumi?re ?clatante et bleue, un trou clair sur un infini lointain d'azur, o? passaient, rapides, des vols d'oiseaux.

Mais ? peine entr?e dans la haute pi?ce s?v?re et drap?e, la clart? joyeuse du ciel s'att?nuait, devenait douce, s'endormait sur les ?toffes, allait mourir dans les porti?res, ?clairait ? peine les coins sombres o?, seuls, les cadres d'or s'allumaient comme des feux. La paix et le sommeil semblaient emprisonn?s l? dedans, la paix des maisons d'artistes o? l'?me humaine a travaill?. En ces murs que la pens?e habite, o? la pens?e s'agite, s'?puise en des efforts violents, il semble que tout soit las, accabl?, d?s qu'elle s'apaise. Tout semble mort apr?s ces crises de vie; et tout repose, les meubles, les ?toffes, les grands personnages inachev?s sur les toiles, comme si le logis entier avait souffert de la fatigue du ma?tre, avait pein? avec lui, prenant part, tous les jours, ? sa lutte recommenc?e. Une vague odeur engourdissante de peinture, de t?r?benthine et de tabac flottait, capt?e par les tapis et les si?ges; et aucun autre bruit ne troublait le lourd silence que les cris vifs et courts des hirondelles qui passaient sur le ch?ssis ouvert, et la longue rumeur confuse de Paris ? peine entendue par-dessus les toits. Rien ne remuait que la mont?e intermittente d'un petit nuage de fum?e bleue s'?levant vers le plafond ? chaque bouff?e de cigarette qu'Olivier Bertin, allong? sur son divan, soufflait lentement entre ses l?vres.

Le regard perdu dans le ciel lointain, il cherchait le sujet d'un nouveau tableau. Qu'allait-il faire? Il n'en savait rien encore. Ce n'?tait point d'ailleurs un artiste r?solu et s?r de lui, mais un inquiet dont l'inspiration ind?cise h?sitait sans cesse entre toutes les manifestations de l'art. Riche, illustre, ayant conquis tous les honneurs, il demeurait, vers la fin de sa vie, l'homme qui ne sait pas encore au juste vers quel id?al il a march?. Il avait ?t? prix de Rome, d?fenseur des traditions, ?vocateur, apr?s tant d'autres, des grandes sc?nes de l'histoire; puis, modernisant ses tendances, il avait peint des hommes vivants avec des souvenirs classiques. Intelligent, enthousiaste, travailleur tenace au r?ve changeant, ?pris de son art qu'il connaissait ? merveille, il avait acquis, gr?ce ? la finesse de son esprit, des qualit?s d'ex?cution remarquables et une grande souplesse de talent n?e en partie de ses h?sitations et de ses tentatives dans tous les genres. Peut-?tre aussi l'engouement brusque du monde pour ses oeuvres ?l?gantes, distingu?es et correctes, avait-il influenc? sa nature en l'emp?chant d'?tre ce qu'il serait normalement devenu. Depuis le triomphe du d?but, le d?sir de plaire toujours le troublait sans qu'il s'en rend?t compte, modifiait secr?tement sa voie, att?nuait ses convictions. Ce d?sir de plaire, d'ailleurs, apparaissait chez lui sous toutes les formes et avait contribu? beaucoup ? sa gloire.

La fortune l'avait conduit ainsi jusqu'aux approches de la vieillesse, en le choyant et le caressant.

Donc, sous l'influence de la belle journ?e qu'il sentait ?panouie au dehors, il cherchait un sujet po?tique. Un peu engourdi d'ailleurs par sa cigarette et son d?jeuner, il r?vassait, le regard en l'air, esquissant dans l'azur des figures rapides, des femmes gracieuses dans une all?e du bois ou sur le trottoir d'une rue, des amoureux au bord de l'eau, toutes les fantaisies galantes o? se complaisait sa pens?e. Les images changeantes se dessinaient au ciel, vagues et mobiles dans l'hallucination color?e de son oeil; et les hirondelles qui rayaient l'espace d'un vol incessant de fl?ches lanc?es semblaient vouloir les effacer en les biffant comme des traits de plume.

Il ne trouvait rien! Toutes les figures entrevues ressemblaient ? quelque chose qu'il avait fait d?j?, toutes les femmes apparues ?taient les filles ou les soeurs de celles qu'avait enfant?es son caprice d'artiste; et la crainte encore confuse, dont il ?tait obs?d? depuis un an, d'?tre vid?, d'avoir fait le tour de ses sujets, d'avoir tari son inspiration, se pr?cisait devant cette revue de son oeuvre, devant cette impuissance ? r?ver du nouveau, ? d?couvrir de l'inconnu.

Il se leva mollement pour chercher dans ses cartons parmi ses projets d?laiss?s s'il ne trouverait point quelque chose qui ?veillerait une id?e en lui.

Tout en soufflant sa fum?e, il se mit ? feuilleter les esquisses, les croquis, les dessins qu'il gardait enferm?s en une grande armoire ancienne; puis, vite d?go?t? de ces vaines recherches, l'esprit meurtri par une courbature, il rejeta sa cigarette, siffla un air qui courait les rues et, se baissant, ramassa sous une chaise un pesant halt?re qui tra?nait.

Ayant relev? de l'autre main une draperie voilant la glace, qui lui servait ? contr?ler la justesse des poses, ? v?rifier les perspectives, ? mettre ? l'?preuve la v?rit?, et s'?tant plac? juste en face, il jongla en se regardant.

Il avait ?t? c?l?bre dans les ateliers pour sa force, puis dans le monde pour sa beaut?. L'?ge, maintenant, pesait sur lui, l'alourdissait. Grand, les ?paules larges, la poitrine pleine, il avait pris du ventre comme un ancien lutteur, bien qu'il continu?t ? faire des armes tous les jours et ? monter ? cheval avec assiduit?. La t?te ?tait rest?e remarquable, aussi belle qu'autrefois, bien que diff?rente. Les cheveux blancs, drus et courts, avivaient son oeil noir sous d'?pais sourcils gris. Sa moustache forte, une moustache de vieux soldat, ?tait demeur?e presque brune et donnait ? sa figure un rare caract?re d'?nergie et de fiert?.

Debout devant la glace, les talons unis, le corps droit, il faisait d?crire aux deux boules de fonte tous les mouvements ordonn?s, au bout de son bras musculeux, dont il suivait d'un regard complaisant l'effort tranquille et puissant.

Mais soudain, au fond du miroir o? se refl?tait l'atelier tout entier, il vit remuer une porti?re, puis une t?te de femme parut, rien qu'une t?te qui regardait. Une voix, derri?re lui, demanda:

--On est ici?

Il r?pondit:--Pr?sent--en se retournant. Puis jetant son halt?re sur le tapis, il courut vers la porte avec une souplesse un peu forc?e.

Une femme entrait, en toilette claire. Quand ils se furent serr? la main:

--Vous vous exerciez, dit-elle.

--Oui, dit-il, je faisais le paon, et je me suis laiss? surprendre.

Elle rit et reprit:

--La loge de votre concierge ?tait vide, et, comme je vous sais toujours seul ? cette heure-ci, je suis entr?e sans me faire annoncer.

Il la regardait.

--Bigre! comme vous ?tes belle. Quel chic!

--Oui, j'ai une robe neuve. La trouvez-vous jolie?

--Charmante, d'une grande harmonie. Ah! on peut dire qu'aujourd'hui on a le sentiment des nuances.

Il tournait autour d'elle, tapotait l'?toffe, modifiait du bout des doigts l'ordonnance des plis, en homme qui sait la toilette comme un couturier, ayant employ?, durant toute sa vie, sa pens?e d'artiste et ses muscles d'athl?te ? raconter, avec la barbe mince des pinceaux, les modes changeantes et d?licates, ? r?v?ler la gr?ce f?minine enferm?e et captive en des armures de velours et de soie ou sous la neige des dentelles.

Il finit par d?clarer:

--C'est tr?s r?ussi. ?a vous va tr?s bien.

Elle se laissait admirer, contente d'?tre jolie et de lui plaire.

Plus toute jeune, mais encore belle, pas tr?s grande, un peu forte, mais fra?che avec cet ?clat qui donne ? la chair de quarante ans une saveur de maturit?, elle avait l'air d'une de ces roses qui s'?panouissent ind?finiment jusqu'? ce que, trop fleuries, elles tombent en une heure.

Elle gardait sous ses cheveux blonds la gr?ce alerte et jeune de ces Parisiennes qui ne vieillissent pas, qui portent en elles une force surprenante de vie, une provision in?puisable de r?sistance, et qui, pendant vingt ans, restent pareilles, indestructibles et triomphantes, soigneuses avant tout de leur corps et ?conomes de leur sant?.

Elle leva son voile et murmura:

--Eh bien, on ne m'embrasse pas?

--J'ai fum?, dit-il.

Elle fit:--Pouah.--Puis tendant ses l?vres:--Tant pis.

Et leurs bouches se rencontr?rent.

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