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Munafa ebook

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Read Ebook: Maïténa by Nabonne Bernard

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Ebook has 1142 lines and 37026 words, and 23 pages

"LE BEAU NAVIRE"

BERNARD NABONNE

MA?T?NA

ROMAN

PARIS LES ?DITIONS G. CR?S ET Cie 11, RUE DE S?VRES

DU M?ME AUTEUR

La Butte aux Cailles, roman.

EN PR?PARATION:

Ma Grenellienne, roman. Histoires de danseuses.

IL A ?T? TIR? DE CET OUVRAGE:

Dix exemplaires sur Hollande Van Gelder Zonen, dont quatre hors commerce, num?rot?s de 1 ? 6 et de 7 ? 10.

Trente exemplaires sur v?lin pur fil Lafuma, dont cinq hors commerce, num?rot?s de 11 ? 35 et de 36 ? 40.

Trois cents exemplaires sur alfa bouffant, tous hors commerce, num?rot?s de 41 ? 340, r?serv?s ? la Critique, aux Amis de l'Auteur et des ?diteurs.

Cinq cents exemplaires sur v?lin teint? par fil du Marais, constituant l'?dition originale, et num?rot?s de 341 ? 840.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation r?serv?s pour tous pays.

Copyright by <>, 1927.

Aou nouste H?nric ?ncou? aquesto h?mno.

B. N.

MA?T?NA

Un accusateur qui a de telles r?v?lations ? faire ne devrait-il pas ?tre plus empress??

LORD BYRON.

Le goujat ?tait sorti en tra?nant ses sabots pour aller dormir dans l'?table. Sous le haut chambranle de sa cuisine, Ma?t?na Ot?guy, la figure ?gay?e par le feu, la jupe relev?e sur la chair grasse et muscl?e de ses jambes que la chaleur marbrait de veinules rouges, s'amusait ? faire griller des ch?taignes. Elle les mangeait br?lantes, sans ?loigner sa figure de la flamme, de ses petites dents polies, les l?vres haut retrouss?es.

Le silence convenait au vide de son esprit. Rythm?s, le bruit de la pendule et la respiration d'un enfant qui dormait dans la pi?ce ? c?t? flottaient tr?s doux. L'?clatement des ch?taignes gonfl?es de feu ?taient les seuls ?panchements de joie de cette solitude r?confortante.

Cependant, Ma?t?na, dont l'oreille ?tait exerc?e aux mouvements de la campagne qui ?tait au nord et du village qui ?tait au sud de la ferme, se redressa. La boue du chemin clapotait de plus en plus distinctement: deux sabots s'approchaient de fa?on lente et r?guli?re. Le vent qui soufflait dur par intermittences noya, quelques secondes, ce bruit dans ses insultes contre la qui?tude des arbres. Lorsque Ma?t?na put entendre de nouveau, on frappait ? la porte.

Un vieillard aux reins ploy?s entra d'un coup avec une vivacit? singuli?re. Il laissa un moment ses doigts gourds sur le loquet, puis les leva jusqu'au bord de son b?ret pour saluer. Ce b?ret, pos? sur le cr?ne ? plat comme un c?pe, garni largement de crasse au centre pareil ? une tonsure, verdi ? ses bords, semblait l'aur?ole et le cadre du visage ras? au nez et aux l?vres minces. Ses yeux ?taient verts comme un feuillage tout nouveau qui sort de sa paupi?re hivernale. Celle-ci, pliss?e soigneusement pour une longue ironie, descendait tr?s loin sur la figure.

Quoique ?tonn?e de cette visite ? pareille heure, Ma?t?na Ot?guy ne bougea pas de sa chaise, et recouvrit avec lenteur ses jambes nues pour bien indiquer ? son vieux voisin qu'elle trouvait sa venue toute naturelle.

--Bonsoir, Ourtic!

--Adieu, Ma?!

Ils se turent. Et il alla s'asseoir sous la chemin?e en face d'elle.

Le silence est un ?tat dans lequel se complaisent longuement les b?arnais. S'il n'?tend pas aussi bien que la parole l'influence de la personnalit?, il ne la dilapide point; il la concentre et la consolide. Et puis se taire n'est pas seulement r?ver, c'est surtout l'art de ne pas penser.

Le silence ?tait plus complexe qu'avant l'entr?e d'Ourtic. Le rythme de la pendule, la respiration de l'enfant qui dormait derri?re la cloison, attendaient quelque chose de la rencontre de ce vieillard lointain et m?prisant, et de cette jeune femme plantureuse, gonfl?e d'avenir.

--Vous devriez venir plus souvent ? la veill?e, dit-elle enfin. On mangerait ensemble quelques ch?taignes en buvant du picpoult.

--En somme, tu poss?des une belle situation tranquille, fit le visiteur sur la cadence ?nergique et lente de la conversation. Je sais bien que tu es vaillante et que tu ne manques pas d'ordre. Mais, tout de m?me, tu as de la chance! Si ce n'avait ?t? ton malheur...

Il affala brusquement son nez sur son menton; et il saisit des deux mains la pomme d'un chen?t avec un grand air d'accablement.

--Il y a dix ans, aujourd'hui! finit-il. C'est un anniversaire.

Elle secoua ses ?paules avec humeur.

--Vous auriez mieux fait de rester chez vous, Ourtic, que de venir me raconter ?a!

Cependant, elle ne voyait plus le vieillard qui relevait sa t?te ironique en la branlant doucement.

Elle se repr?sentait d?j? le jeune homme au front bas, au regard timide, qui vint un jour demander sa main. Il avait du bien. Ses soixante journaux de terre ?taient cit?s parmi les plus fertiles du pays. Sa maison, aux confins du village, vieille, mais r?cemment raval?e et raffermie par des contreforts, abritait depuis trois g?n?rations deux paires de boeufs. Voil? des chiffres qu'on sait au loin.

Quant ? Ma?t?na, elle ?tait pauvre. Son p?re, un ?migrant basque, appartenait ? la derni?re classe des ouvriers des champs. Il vivait en loyer.--Elle ne pouvait repousser un fianc? pareil.

Malgr? cette n?cessit? de lui accorder sa main, elle l'aima tout de suite. Au d?but de leur mariage, ils ne coururent pas les foires et les march?s comme c'est la coutume en B?arn; elle avait trop de travail: il lui fallait nourrir les hommes et les animaux, nettoyer la maison qui ne l'avait pas ?t? depuis la mort de la vieille. Mais, le soir, lorsque tout le monde ?tait rentr?, ils sortaient, eux; ils suivaient la route enlac?s l'un ? l'autre sans que personne les v?t, car la pudeur des sentiments est la seule qui soit ? l'aise en face de la nature.

Ils se taisaient. Ils ne savaient quoi se dire. La terre dure et facile, b?ante et pleine d'espoirs, parlait pour eux. L'odeur chaude des prairies les enivrait d'enthousiasme; le chant du vent dans les arbres ?tait juste assez m?lancolique pour que leur bonheur ressort?t; et, lorsqu'ils voyaient des vignes sym?triquement plant?es ? flanc de coteaux, labour?es avec pr?dilection, soigneusement attach?es contre de hauts tuteurs, ils croyaient admirer l'image id?ale de la vie.

Un soir, enfin, comme l'ondulation des collines ?tait plus voluptueuse, la terre plus molle, comme la campagne tout enti?re avait l'air d'une alc?ve parfum?e, un nuage tira sa draperie devant la lune et Ma?t?na se donna ? son mari.

Virgile Pr?bosc ?tait timide. Il n'avait pas connu de femme avant sa femme. Il fallait la collusion du printemps et de son d?sir pour qu'il renon??t ? leur innocence.

Cet acte les bouleversa tellement que leur lune de miel cessa au moment o? elle aurait d? naturellement commencer. Penser ?tait pour eux une chose redoutable; et ils pensaient trop ? cette r?v?lation pour oser lui donner une suite. Ils ?taient habitu?s ? ce que la nature f?t arriver, germer, les choses en leur temps, sans que la volont? de l'homme y e?t une part; et ils attendaient qu'elle d?termin?t chez eux un nouvel enthousiasme.

Quelques jours apr?s, comme Virgile Pr?bosc rentrait du travail, il trouva sur le seuil Ma?t?na toute souriante qui l'appelait. Cela l'?tonna d'autant plus que, depuis la fameuse nuit, elle ?vitait de le regarder.

--Je suis enceinte.

Et, son ancienne timidit? ayant compl?tement disparu, ce fut elle qui, avec de grands ?clats de rire, le prit par la main et l'attira jusqu'? sa chambre. A partir de cet instant, ils furent r?ellement mari et femme.

Ils v?curent ainsi cinq ou six mois dont le souvenir br?lait encore le coeur de la jeune femme. Elle niait ?nergiquement un axiome trouv? dans un almanach et suivant lequel le bonheur n'a pas d'histoire. La moindre promenade avait eu une importance prodigieuse. Et la derni?re en avait eu une ?pouvantable. Ils devaient la faire s?par?ment.

Cette p?riode rendait sans valeur toute sa vie ant?rieure, et voil? la cons?quence habituelle du bonheur. Ensuite, le temps s'?coula avec une rapidit? qui passait son imagination. Elle restait stup?faite de ce que lui apprenait le vieux--qu'il y e?t dix ans.--Dix ans qu'un maquignon du village avait ramen? sur sa carriole le corps sale et exsangue de son mari.

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