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Munafa ebook

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Read Ebook: L'affaire Larcier by Bernard Tristan

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Ebook has 471 lines and 27835 words, and 10 pages

TRISTAN BERNARD

L'affaire

Larcier

ROMAN

PARIS ERNEST FLAMMARION, ?DITEUR 26, Rue Racine, 26

L'affaire Larcier

DU M?ME AUTEUR

M?MOIRES D'UN JEUNE HOMME RANG?, roman. UN MARI PACIFIQUE, roman. DEUX AMATEURS DE FEMMES, roman. SECRETS D'?TAT, roman. NICOLAS BERG?RE, roman. MATHILDE ET SES MITAINES, roman.

VOUS M'EN DIREZ TANT! . CONTES DE PANTRUCHE ET D'AILLEURS. SOUS TOUTES R?SERVES. AMANTS ET VOLEURS. CITOYENS, ANIMAUX, PH?NOM?NES. LES VEILL?ES DU CHAUFFEUR. SUR LES GRANDS CHEMINS. SOUVENIRS ?PARS D'UN CAVALIER. TH?ATRE COMPLET .

TRISTAN BERNARD

L'affaire

Larcier

ROMAN

PARIS ERNEST FLAMMARION, ?DITEUR 26, RUE RACINE, 26

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction r?serv?s pour tous les pays.

Droits de traduction et de reproduction r?serv?s pour tous les pays Copyright 1907, by TRISTAN BERNARD.

L'affaire Larcier

Nous ?tions, Larcier et moi, sous-officiers aux dragons ? Nancy. Je terminais mon service, et Larcier, qui voulait faire sa carri?re militaire, ?tait sur le point de rengager. Nous avions pass? mar?chaux des logis de tr?s bonne heure, et pourtant, dans notre r?giment, ce n'?tait pas facile, car il y avait beaucoup de rengag?s; mais il en ?tait parti plusieurs d'un seul coup et nous en avions profit?.

Nous n'?tions pas tr?s li?s avec les autres sous-officiers, qui ?taient d'une tout autre g?n?ration, je veux dire qu'ils avaient deux ou trois ans de plus que nous, mais ces trois ans ?taient trois ann?es de service. C'?tait consid?rable.

Quelques-uns d'entre eux ne nous aimaient pas, et avaient fini par nous rendre antipathiques ? tous les autres. Cette hostilit? qui nous entourait ?tait d'autant plus dangereuse qu'elle ne nous pr?occupait pas et que nous ne faisions rien pour l'att?nuer. Larcier et moi, nous nous suffisions l'un ? l'autre, et nous leur montrions trop clairement que nous n'avions besoin de personne. Comme tous ces sous-officiers n'avaient pas grand chose ? faire, quand les classes ?taient termin?es, et comme peu d'entre eux se pr?paraient ? Saumur, la haine v?ritable qu'ils nous vouaient ?tait devenue pour eux une esp?ce de passe-temps, auquel ils eussent difficilement renonc?.

Larcier ?tait du pays, c'est-?-dire que sa famille habitait ? dix lieues de l?. Il m'emmena un jour chez lui, et je fis la connaissance de sa m?re et de ses deux jeunes fr?res. Son p?re avait ?t? professeur au lyc?e de Nancy; il ?tait mort d'une fi?vre c?r?brale, en leur laissant une petite fortune que g?rait un de leurs cousins, un vieux monsieur qui avait ?t? notaire dans les Vosges, et qui habitait maintenant ? Toul, dans un faubourg.

A sa majorit?, Robert Larcier n'avait pas r?clam? son compte de tutelle; il lui semblait pr?f?rable d'ajourner ces formalit?s jusqu'? l'?poque de son r?engagement. Il continuait ? recevoir du vieux monsieur les sommes n?cessaires ? sa modeste vie de sous-officier.

Une rencontre que nous f?mes dans notre garnison changea assez subitement les conditions de notre existence.

Parmi les r?servistes, arriv?rent quelques sous-officiers, dont un de mes camarades de lyc?e. C'?tait le fils d'un gros marchand de chevaux de Paris, un gar?on tr?s bon vivant et qui ne demandait qu'? <> joyeusement sa p?riode d'exercice. Il avait pris une chambre dans le meilleur h?tel, et tous les soirs il nous r?unissait ? cinq ou six. On buvait, on jouait au baccara. Il y avait l? d'autres jeunes gens de Paris: le fils d'un agent de change, un journaliste, un marchand de bronze... Tous ces jeunes gens avaient de l'argent sur eux et ?taient passablement joueurs.

Moi, que le jeu a toujours effray?, je restais un peu ? l'?cart. De temps en temps, je hasardais une pi?ce de cent sous, que je perdais, et j'en avais des remords cuisants.

Le malheureux Larcier, par contre, avait un vrai temp?rament de joueur. Il perdit un soir plus de cinq cents francs. Comme il ?tait un peu en avance avec son parent, il n'osa pas les lui demander; il n'osa pas non plus les demander ? sa m?re. Heureusement que je pus les lui pr?ter. Mes parents, qui habitaient Chalon-sur-Sa?ne, m'envoy?rent cette somme par mandat.

L'histoire fut propag?e avec une certaine perfidie par un sous-officier de l'active, ? qui un r?serviste l'avait racont?e. Le capitaine de Halban, qui commandait notre escadron, fit venir Larcier au bureau et l'attrapa dans les grands prix, ? la satisfaction sournoise du chef Audibert, qui d?testait particuli?rement Larcier. Celui-ci fut tr?s affect? de ces remontrances, qui firent na?tre en lui un sentiment de r?volte. D'ordinaire, c'?tait un gar?on soumis. Mais il faut croire que sa perte au jeu l'avait aigri. Il parla du capitaine avec une vive irritation, et, pour la premi?re fois, s'exasp?ra de l'attitude des sous-officiers, qui, jusque-l?, l'avait laiss? si indiff?rent.

A la fin, il se dit: <>

Le soir, nous tra?nions dans les rues de la ville. Comme je ne lui proposais pas de retourner ? l'h?tel o? ?tait install? mon ami de Paris, il se d?cida ? me dire hypocritement:

--Ce n'est peut-?tre pas gentil de ne pas aller les revoir, sous pr?texte que j'ai perdu.

Je c?dai, par faiblesse. Nous arriv?mes dans la chambre des r?servistes. Le baccara ?tait d?j? commenc?. Il les regarda d'un air d?gag?.

On lui demanda pourquoi il ne jouait pas. Il r?pondit avec une franchise un peu forc?e qu'il avait d?j? beaucoup trop perdu, qu'il n'avait pas les moyens de jouer ce jeu-l?.

--D'ailleurs, ajouta-t-il, je n'ai pas sur moi de quoi payer. M?me si je fais une diff?rence peu importante, de mille ou deux mille francs, je ne pourrai pas la r?gler dans les vingt-quatre heures, car il me faudra plus d'un jour pour les obtenir de mon vieux parent... J'aime mieux, dit-il encore, mais sans grande conviction, ne pas me mettre tous ces soucis en t?te.

On insista:

--Vous n'aurez pas besoin de nous payer tout de suite, nous sommes ici pour une p?riode de vingt-huit jours, encore trois semaines ? tirer... Vous voyez que nous sommes de revue!

Il me prit ? part, et me dit:

--Ecoute, Ferrat. Je vais jouer simplement pour rattraper les cinq cents francs que tu m'as pr?t?s...

--Mon vieux, je t'en supplie! Ces cinq cents francs, je n'en ai pas besoin. Tu me les rendras dans un an ou deux ans... Je ne veux pas que tu te remettes ? jouer ? cause de moi. Tu vas t'enfoncer davantage!...

--Mais non, vieux, j'ai eu une d?veine inou?e hier soir, je ne l'aurai pas ce soir... Ce n'est pas possible... Je suis en veine, je sens que je suis en veine... J'ai l'impression que je vais gagner tout ce que je voudrai...

Il n'y avait qu'? le laisser faire... C'?tait fini... Cette passion l'avait repris. Il n'?couterait plus aucune remontrance.

Il s'assit ? la table de jeu, et, quand nous rentr?mes au quartier, ? trois heures du matin, il avait perdu pr?s de cinq mille francs...

Nous marchions en silence dans la cour du quartier. Il ne pouvait se d?cider ? monter dans sa chambre.

--Tu penses bien, me dit-il, que je ne veux pas profiter du d?lai que ces gens-l? m'ont accord?; d'autant que, lorsque nous avons eu fini de jouer, ils ne m'ont pas r?p?t? ce qu'ils m'avaient dit avant le jeu: que j'avais le temps de les payer, que nous ?tions entre camarades... Ce ne sont pas de mauvais gar?ons, ajouta-t-il, mais je sens bien qu'ils n'ont pas voulu, en me disant de ne pas me presser, risquer de retarder la rentr?e de leur argent... Oh! j'ai senti cela!...

C'?tait aussi mon avis. J'aurais voulu qu'au moment o? l'on s'?tait quitt?, l'un des gagnants d?t ? ce malheureux Larcier quelques paroles bienveillantes, mais tous semblaient avoir les l?vres viss?es.

Pour ne pas l'affoler, je lui cachai mon impression, je lui dis au contraire qu'ils m'avaient paru, ? moi, bien d?sireux de ne lui causer aucun d?sagr?ment...

--Non, non, r?p?ta-t-il, je ne peux pas les faire attendre. Il est quatre heures; je vais t?cher de dormir quelques heures, puis j'irai trouver le vieux, aujourd'hui m?me, ? Toul. Il faudra bien qu'il me donne de l'argent. L'important pour moi, c'est que maman ne soit au courant de rien. ?a lui ferait trop de peine...

--Alors, tu vas demander une permission pour aller ? Toul?

--Non, je ne demanderai pas de permission. Il faudrait donner des explications au capiston, lui dire pourquoi je vais l?-bas, lui faire ma confession. Apr?s l'algarade de l'autre jour, je ne veux pas... Et je n'ai pas la t?te ? trouver une blague...

Je ne le reconnaissais plus. Il parlait comme un homme d?sorbit?. Le jeu l'avait compl?tement chang?. C'?tait auparavant un gar?on si r?gulier, si ordonn? et si strict sur les questions de discipline! Un ?tre ardent qui vivait en lui, sans qu'il s'en dout?t, ?tait sorti soudain... Jusqu'? sa mani?re de parler s'?tait modifi?e. Il ?tait plus d?cid? qu'avant, plus obstin?...

Quelle impression douloureuse de voir se transformer ainsi, d'une fa?on impr?vue, un homme que l'on aime d'amiti?, que l'on croit si bien conna?tre! Nos id?es, nos sentiments en sont brusqu?s...

J'allai le conduire ? la gare vers trois heures; le matin il y avait eu une revue, et il n'avait pas pu quitter le quartier. Il arriverait ? Toul pour d?ner. En somme, avec la complaisance de l'adjudant de semaine, il pouvait tr?s bien ne rentrer que le lendemain matin, vers onze heures, pour le dressage des chevaux. D'ici l?, certainement personne ne demanderait apr?s lui. Si l'officier de semaine le cherchait pour le pansage du soir ou pour celui du lendemain matin, on en serait quitte pour inventer quelque histoire; qu'il avait ?t? souffrant et qu'il ?tait mont? dans sa chambre... Quand un sous-officier invoque une excuse de ce genre, on ne lui fait pas l'injure de ne pas le croire et l'on n'exige pas qu'il aille ? la visite du m?decin.

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