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Munafa ebook

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Read Ebook: Le duel by Kouprine Alexandre Mongault Henri Translator

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Ebook has 1727 lines and 85444 words, and 35 pages

ALEXANDRE KOUPRINE

LE DUEL

ROMAN TRADUIT DU RUSSE PAR HENRI MONGAULT

Avec une Postface ?crite sp?cialement pour cette ?dition et une Pr?face du Traducteur

ORN? D'UN PORTRAIT DE L'AUTEUR

Traduction int?grale et autoris?e

?DITIONS BOSSARD 43, RUE MADAME, 43 PARIS 1922

PR?FACE

Mais M. Kouprine ne pouvait plus r?sister aux appels tentateurs du d?mon litt?raire, dont il ?tait, depuis longtemps, poss?d?. D?s 1889, en effet, encore ?l?ve de l'?cole Militaire, il avait fait para?tre dans un journal illustr? de Moscou sa premi?re nouvelle, ce qui lui valut une punition disciplinaire, pour n'avoir pas demand? ? ses chefs l'autorisation de la publier. Il a racont? l'aventure avec beaucoup d'humour . Cependant, ? sa sortie du r?giment, il ne s'adonna pas tout d'abord exclusivement aux lettres; mais, dou? d'un talent profond?ment r?aliste, il voulut conna?tre l'immense Russie avant de la d?crire. Il se jeta dans le tourbillon de la vie et, pendant quelques ann?es, exer?a maintes professions. Plut?t par curiosit? que par besoin, il fut successivement journaliste, correcteur d'imprimerie, instituteur, choriste, acteur, g?om?tre, agriculteur, etc... Ces divers avatars ont laiss? des traces dans ses ouvrages, o? passent, extraordinairement vivants, une multitude de types que cette existence mouvement?e lui permit d'?tudier. Son oeuvre plonge ses racines jusqu'au tuf m?me de la vie.

Depuis lors, M. Kouprine devint un des ?crivains les plus lus et les plus aim?s du public russe et ses oeuvres furent traduites dans toutes les langues de l'Europe.

Kouprine adore les enfants, pour qui il a ?crit des contes ravissants , les b?tes, qu'il a ?tudi?es avec la m?me profondeur psychologique que leurs fr?res humains , la chasse, dont il nous donne de savoureuses descriptions , la nature, qu'il d?peint dans toute son oeuvre avec une chaude richesse de tons. Il se pla?t ? s?journer ? la campagne, avec ses chiens, parmi les fleurs, et pr?f?re qu'on le complimente de ses succ?s d'horticulteur que de ses triomphes d'?crivain. Bon vivant, joyeux convive, il sait rire, don bien rare chez ses compatriotes; et c'est pourquoi certaines de ses nouvelles sont si franchement amusantes.

Depuis quelque temps, M. Kouprine se sent attir? vers la nouvelle scientifique , et ?crit en ce moment un roman sur les d?buts de l'aviation. L'occultisme l'a m?me tent?, et dans l'une de ses derni?res oeuvres , il s'est essay? ? montrer combien appara?t ind?cise la limite qui s?pare le r?ve de la r?alit?.

Un premier spicil?ge de ces nouvelles para?tra incessamment aux ?ditions Bossard.

Acuit? de l'observation, ing?niosit? de l'imagination, science de la composition, amour profond de la nature, haute conception de l'art, piti? simple et sans affectation, humour, franche gaiet?, telles sont les qualit?s dominantes, gr?ce auxquelles M. Kouprine est si parfaitement accessible au public fran?ais. Enfin bien qu'il ne se d?parte jamais d'un strict objectivisme, une cordialit? particuli?re, charmante, prenante, donne le ton ? toute son oeuvre. Peut-?tre appara?tra-t-elle ? travers les imperfections de la traduction.

H. M.

L'exercice du soir de la 6e compagnie tirait ? sa fin; les officiers subalternes regardaient leurs montres de plus en plus fr?quemment et avec une impatience croissante. La compagnie s'initiait ? la pratique du service de place. Les soldats ?taient diss?min?s sur tout le terrain d'exercices: le long des peupliers bordant la route, ? c?t? des appareils de gymnastique, devant les portes de l'?cole r?gimentaire, aupr?s des chevalets de pointage. Ils ?taient suppos?s de faction devant une poudri?re, devant le drapeau, devant un corps de garde, aupr?s de la caisse du r?giment. Les caporaux de pose circulaient entre ces pseudo-postes et pla?aient les sentinelles; on faisait la rel?ve de la garde; les sous-officiers inspectaient les postes et s'assuraient si leurs hommes connaissaient bien la consigne, en cherchant, tant?t ? prendre par ruse le fusil aux sentinelles, tant?t ? les obliger ? quitter leur faction, tant?t ? leur remettre en garde un objet quelconque, g?n?ralement leur propre casquette. Les anciens soldats, qui connaissaient mieux cette casuistique fac?tieuse, r?pondaient, dans ces diff?rents cas, sur un ton des plus r?barbatifs: <> Mais les jeunes soldats s'embrouillaient. Ils ne savaient pas encore discerner les plaisanteries, les exemples, des v?ritables exigences du service, et ils passaient d'un extr?me ? l'autre.

--Khliebnikov! diable de maladroit, criait le petit caporal Chapovalenko, alerte et rondelet,--et le timbre de sa voix indiquait qu'il souffrait, en sa qualit? de grad?, de la maladresse de son subordonn?,--combien de fois t'ai-je dit ce que tu avais ? faire, imb?cile! De qui sont les ordres que tu viens d'ex?cuter? Est-ce de celui que tu as arr?t?? Que le diable te... R?ponds, pourquoi as-tu ?t? mis en faction?

Au troisi?me peloton il se produisit un incident s?rieux. Le jeune soldat Moukhamedjinov, un Tatare, qui comprenait et parlait ? peine le russe, ?tait absolument d?concert? par les fac?ties de ses chefs--le r?el et l'imaginaire. Il entra soudain en fureur, croisa la ba?onnette et r?pondait ? toutes les exhortations et ? tous les ordres ces seuls mots p?remptoires:

--Je vous embroche.

--Arr?te, imb?cile..., t?chait de lui faire entendre raison le sous-officier Bobylev. Tu sais bien qui je suis? Je suis ton chef de poste; par cons?quent...

--Je vous embroche! cria le Tatare d'un air effar? et m?chant, les yeux inject?s de sang et mena?ant nerveusement de sa ba?onnette quiconque l'approchait. Autour de lui avaient form? le cercle un certain nombre de soldats enchant?s de cet incident comique qui leur permettait de se reposer une minute pendant leur fastidieux exercice.

Le commandant de la compagnie, capitaine Sliva, alla se rendre compte de ce qui se passait. Tandis qu'il gagnait d'un pas nonchalant, courb? et tra?nant les jambes, l'autre extr?mit? du terrain d'exercices, les officiers subalternes se r?unissaient pour bavarder et fumer. Ils ?taient trois: le lieutenant Vietkine, gar?on de trente-trois ans, chauve, portant moustache, bon vivant, beau parleur, gai chanteur et franc ivrogne; le sous-lieutenant Romachov, qui n'avait pas deux ans de pr?sence au r?giment, et le sous-enseigne Lbov, svelte et p?tulant gamin aux yeux malicieux, caressants et b?tas, avec un ?ternel sourire sur des l?vres ?paisses et na?ves, et qui semblait tout farci de vieilles anecdotes de garnison.

--Quelle cochonnerie! dit Vietkine, en jetant un coup d'oeil sur sa montre en maillechort dont il referma rageusement le couvercle. Pourquoi diable retient-il la compagnie si longtemps? Idiot!

--Mais si vous lui expliquiez cela ? lui-m?me, Pavel Pavlytch? conseilla Lbov d'un air fut?.

--Eh diable! allez le lui expliquer vous-m?me... Ce qu'il y a de certain, c'est que tout cela est inutile. Ils se d?m?nent toujours avant les inspections. Ils font du z?le. Ils agacent le soldat, le tourmentent, le font tourner en Turc, et ? l'inspection il restera plant? comme une souche. Vous connaissez cette histoire de deux commandants de compagnie qui se disputaient pour savoir lequel de deux soldats appartenant respectivement ? leurs unit?s mangerait le plus de pain. Ils choisirent deux gloutons r?put?s. L'enjeu du pari ?tait important: une centaine de roubles, je crois. L'un des deux soldats mangea sept livres de pain et en resta l?; il ne pouvait plus en avaler davantage. Le capitaine s'en prit sur-le-champ au sergent-major: <> Le sergent-major, fixant les yeux, r?pondit: <> Il en est de m?me de nos hommes... Ils r?p?tent d'une fa?on stupide, et lors de l'inspection ils resteront cois.

--Hier... hier, lorsque les exercices ?taient d?j? finis dans toutes les compagnies, je rentrais chez moi vers huit heures, il faisait compl?tement nuit. Je vis qu'? la 11e compagnie on faisait une th?orie sur les sonneries. Les hommes psalmodiaient en choeur: <> Je dis au lieutenant Androuss?vitch: <> Il me r?pondit: <>

--Tout m'emb?te! Zut! b?illa Vietkine. Tiens, quel est ce cavalier? C'est Bek, il me semble?

--Mais oui, c'est Bek-Agamalov, confirma Lbov qui avait la vue per?ante. Comme il se tient ? cheval!

--Tr?s bien, acquies?a Romachov. A mon avis il monte mieux que n'importe quel officier de cavalerie. Ho! ho! ho! son cheval se met ? danser. Bek fait des mani?res.

Sur la route passait lentement ? cheval un officier en gants blancs et en uniforme d'adjudant-major. Il montait un grand et long alezan avec une queue courte, ? l'anglaise. Le cheval s'?chauffait, secouait avec impatience son cou rassembl? par le mors et faisait de fr?quents changements de pieds.

--Pavel Pavlytch, Bek est-il vraiment Tcherkesse? demanda Romachov ? Vietkine.

--Je crois que oui. Parfois en effet on voit des Arm?niens se faire passer pour des Tcherkesses et des Lezghiens; mais Bek, il me semble, n'est pas menteur. Non, mais regardez comme il se tient ? cheval!

--Attendez, je vais l'appeler, dit Lbov.

Il se fit un porte-voix de ses mains et cria d'une voix ?touff?e pour n'?tre pas entendu du commandant de compagnie.

--Lieutenant Agamalov! Bek!

Le cavalier entendit l'appel, tira les r?nes de sa monture, s'arr?ta une seconde et regarda ? droite. Puis, faisant tourner son cheval de ce c?t? et se courbant l?g?rement sur sa selle, il sauta avec souplesse le foss? et se dirigea au petit galop vers les officiers.

Il ?tait d'une taille inf?rieure ? la moyenne, maigre, bien muscl? et tr?s vigoureux. Son visage, au front fuyant, au nez fin et busqu?, aux l?vres fortes et d?cid?es, ?tait m?le et beau et n'avait pas encore perdu la p?leur caract?ristique de l'Orient, p?leur ? la fois mate et basan?e.

--Bonjour, Bek, dit Vietkine. Devant qui paradais-tu l?-bas? Devant des demoiselles?

Bek-Agamalov serra la main ? chacun des officiers, en se penchant n?gligemment. Il sourit et ses dents blanches et serr?es parurent jeter un ?clat de lumi?re sur tout le bas de son visage et sur ses petites moustaches noires bien soign?es.

--Deux jolies petites Juives se promenaient l?-bas. Mais que m'importe! Je n'y fais pas attention.

--Nous savons que vous jouez aux dames d'une mani?re pitoyable! dit Vietkine en secouant ironiquement la t?te.

--?coutez, Messieurs,--commen?a Lbov en riant d'avance de ce qu'il allait dire. Vous savez que le g?n?ral Dokhtourov a dit des officiers d'ordonnance d'infanterie--tu entends, Bek, c'est ? toi que ce discours s'adresse--que c'?taient les plus hardis cavaliers du monde...

--Parole d'honneur! Ce ne sont pas des chevaux qu'ils ont, pr?tendait Dokhtourov, mais des guitares, des armoires, des b?tes poussives, boiteuses, borgnes, fourbues. Et pourtant, d?s qu'ils re?oivent un ordre, ils partent ? fond de train et l?chant les r?nes, abandonnant les ?triers, perdant leur casquette, franchissent au grand galop tous les obstacles, palissades, ravins ou fourr?s. Oui, ce sont d'intr?pides cavaliers!

--Qu'y a-t-il de neuf, Bek?--interrogea Vietkine.

--Ce qu'il y a de neuf? Rien, si ce n'est que je viens de voir le colonel attraper le lieutenant-colonel Lekh au mess des officiers. Il s'est emport? ? tel point contre lui qu'on l'entendait sur la place de l'?glise. Lekh ?tait ivre comme une grive; il ne pouvait dire ni papa ni maman. Il restait clou? sur place et chancelait, les mains derri?re le dos. Mais Choulgovitch rugissait: <> Et il y avait l? des domestiques.

--Bien viss?, dit Vietkine, dans un sourire mi-ironique, mi-approbatif. A la 4e compagnie, il criait, dit-on, hier: <>

De nouveau Lbov se mit soudain ? rire de ses propres pens?es.

--Encore une chose, messieurs, l'adjudant-major du ...e r?giment a eu une histoire...

--Muselez-vous, Lbov, lui d?clara s?rieusement Vietkine. Qu'est-ce qui vous prend aujourd'hui?

--Eh! esp?ce d'Asiatique! Va te promener avec ta vieille haridelle, r?torqua Lbov, en repoussant le museau du cheval.--A propos, Bek, connais-tu l'histoire de cet officier d'ordonnance du ...e r?giment qui avait achet? un cheval de cirque? Il le montait un jour de revue, la b?te se mit ? d?filer devant le commandant en chef en dansant le pas d'Espagne, tu sais: en levant les pieds et en chaloupant. Finalement elle se pr?cipita dans la compagnie de t?te: tu vois d'ici la confusion, les cris, le d?sordre. Mais le cheval ne voulait rien savoir et continuait all?grement son pas d'Espagne. Alors Dragomirov se fit un porte-voix de ses mains--tiens, comme cela--et cria: <>

--H?! b?tises!--fit Vietkine en se renfrognant. ?coute, Bek, ta nouvelle de l'exercice du sabre sur des mannequins est r?ellement une surprise pour nous. Qu'est-ce que cela signifie? Alors il ne nous restera plus le moindre loisir? D'ailleurs on nous a apport? hier ce monstre.

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