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Munafa ebook

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Read Ebook: Œuvres complètes de Guy de Maupassant volume 23 by Maupassant Guy De

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Ebook has 1582 lines and 41926 words, and 32 pages

Au lecteur

Cette version num?ris?e reproduit dans son int?gralit? la version originale.

La ponctuation a pu faire l'objet de quelques corrections mineures.

L'orthographe a ?t? conserv?e. Seuls quelques mots ont ?t? modifi?s. La liste des modifications se trouve ? la fin du texte.

OEUVRES COMPL?TES

GUY DE MAUPASSANT

LA PR?SENTE ?DITION DES OEUVRES COMPL?TES DE GUY DE MAUPASSANT A ?T? TIR?E PAR L'IMPRIMERIE NATIONALE EN VERTU D'UNE AUTORISATION DE M. LE GARDE DES SCEAUX EN DATE DU 30 JANVIER 1902.

IL A ?T? TIR? DE CETTE ?DITION 100 EXEMPLAIRES SUR PAPIER DE LUXE SAVOIR:

OEUVRES COMPL?TES DE GUY DE MAUPASSANT

LA MAIN GAUCHE

L'ENDORMEUSE MADAME HERMET

PARIS LOUIS CONARD, LIBRAIRE-?DITEUR 17, BOULEVARD DE LA MADELEINE, 17

ALLOUMA.

UN de mes amis m'avait dit: Si tu passes par hasard aux environs de Bordj-Ebbaba, pendant ton voyage en Alg?rie, va donc voir mon ancien camarade Auballe, qui est colon l?-bas.

J'avais oubli? le nom d'Auballe et le nom d'Ebbaba, et je ne songeais gu?re ? ce colon, quand j'arrivai chez lui, par pur hasard.

Depuis un mois je r?dais ? pied par toute cette r?gion magnifique qui s'?tend d'Alger ? Cherchell, Orl?ansville et Tiaret. Elle est en m?me temps bois?e et nue, grande et intime. On rencontre, entre deux monts, des for?ts de pins profondes en des vall?es ?troites o? roulent des torrents en hiver. Des arbres ?normes tomb?s sur le ravin servent de pont aux Arabes, et aussi aux lianes qui s'enroulent aux troncs morts et les parent d'une vie nouvelle. Il y a des creux, en des plis inconnus de montagne, d'une beaut? terrifiante, et des bords de ruisselets, plats et couverts de lauriers-roses, d'une inimaginable gr?ce.

Mais ce qui m'a laiss? au coeur les plus chers souvenirs en cette excursion, ce sont les marches de l'apr?s-midi le long des chemins un peu bois?s sur ces ondulations des c?tes d'o? l'on domine un immense pays onduleux et roux depuis la mer bleu?tre jusqu'? la cha?ne de l'Ouarsenis qui porte sur ses fa?tes la for?t de c?dres de Teniet-el-Haad.

Ce jour-l? je m'?garai. Je venais de gravir un sommet, d'o? j'avais aper?u, au-dessus d'une s?rie de collines, la longue plaine de la Mitidja, puis par derri?re, sur la cr?te d'une autre cha?ne, dans un lointain presque invisible, l'?trange monument qu'on nomme le Tombeau de la Chr?tienne, s?pulture d'une famille de rois de Mauritanie, dit-on. Je redescendais, allant vers le Sud, d?couvrant devant moi jusqu'aux cimes dress?es sur le ciel clair, au seuil du d?sert, une contr?e bossel?e, soulev?e et fauve, fauve comme si toutes ces collines ?taient recouvertes de peaux de lion cousues ensemble. Quelquefois, au milieu d'elles, une bosse plus haute se dressait, pointue et jaune, pareille au dos broussailleux d'un chameau.

J'allais ? pas rapides, l?ger comme on l'est en suivant les sentiers tortueux sur les pentes d'une montagne. Rien ne p?se, en ces courses alertes dans l'air vif des hauteurs, rien ne p?se, ni le corps, ni le coeur, ni les pens?es, ni m?me les soucis. Je n'avais plus rien en moi, ce jour-l?, de tout ce qui ?crase et torture notre vie, rien que la joie de cette descente. Au loin, j'apercevais des campements arabes, tentes brunes, pointues, accroch?es au sol comme les coquilles de mer sur les rochers, ou bien des gourbis, huttes de branches d'o? sortait une fum?e grise. Des formes blanches, hommes ou femmes, erraient autour ? pas lents; et les clochettes des troupeaux tintaient vaguement dans l'air du soir.

Les arbousiers sur ma route se penchaient, ?trangement charg?s de leurs fruits de pourpre qu'ils r?pandaient dans le chemin. Ils avaient l'air d'arbres martyrs d'o? coulait une sueur sanglante, car au bout de chaque branchette pendait une graine rouge comme une goutte de sang.

Le sol, autour d'eux, ?tait couvert de cette pluie suppliciale, et le pied ?crasant les arbouses laissait par terre des traces de meurtre. Parfois, d'un bond, en passant, je cueillais les plus m?res pour les manger.

Tous les vallons ? pr?sent se remplissaient d'une vapeur blonde qui s'?levait lentement comme la bu?e des flancs d'un boeuf; et sur la cha?ne des monts qui fermaient l'horizon, ? la fronti?re du Sahara, flamboyait un ciel de Missel. De longues tra?n?es d'or alternaient avec des tra?n?es de sang--encore du sang! du sang et de l'or, toute l'histoire humaine--et parfois entre elles s'ouvrait une trou?e mince sur un azur verd?tre, infiniment lointain comme le r?ve.

Oh! que j'?tais loin, que j'?tais loin de toutes les choses et de toutes les gens dont on s'occupe autour des boulevards, loin de moi-m?me aussi, devenu une sorte d'?tre errant, sans conscience et sans pens?e, un oeil qui passe, qui voit, qui aime voir, loin encore de ma route ? laquelle je ne songeais plus, car aux approches de la nuit je m'aper?us que j'?tais perdu.

L'ombre tombait sur la terre comme une averse de t?n?bres, et je ne d?couvrais rien devant moi que la montagne ? perte de vue. Des tentes apparurent dans un vallon, j'y descendis et j'essayai de faire comprendre au premier Arabe rencontr? la direction que je cherchais.

M'a-t-il devin?? je l'ignore; mais il me r?pondit longtemps, et moi je ne compris rien. J'allais, par d?sespoir, me d?cider ? passer la nuit, roul? dans un tapis, aupr?s du campement, quand je crus reconna?tre, parmi les mots bizarres qui sortaient de sa bouche, celui de Bordj-Ebbaba.

Je r?p?tai:

--Bordj-Ebbaba.

--Oui, oui.

Et je lui montrai deux francs, une fortune. Il se mit ? marcher, je le suivis. Oh! je suivis longtemps, dans la nuit profonde, ce fant?me p?le qui courait pieds nus devant moi par les sentiers pierreux o? je tr?buchais sans cesse.

Soudain une lumi?re brilla. Nous arrivions devant la porte d'une maison blanche, sorte de fortin aux murs droits et sans fen?tres ext?rieures. Je frappai, des chiens hurl?rent au dedans. Une voix fran?aise demanda: <>

Je r?pondis:

--Est-ce ici que demeure M. Auballe?

--Oui.

On m'ouvrit, j'?tais en face de M. Auballe lui-m?me, un grand gar?on blond, en savates, pipe ? la bouche, avec l'air d'un hercule bon enfant.

Je me nommai; il tendit ses deux mains en disant: <>

Un quart d'heure plus tard je d?nais avidement en face de mon h?te qui continuait ? fumer.

Je savais son histoire. Apr?s avoir mang? beaucoup d'argent avec les femmes, il avait plac? son reste en terres alg?riennes, et plant? des vignes.

Les vignes marchaient bien; il ?tait heureux, et il avait en effet l'air calme d'un homme satisfait. Je ne pouvais comprendre comment ce Parisien, ce f?teur, avait pu s'accoutumer ? cette vie monotone, dans cette solitude, et je l'interrogeai.

--Depuis combien de temps ?tes-vous ici?

--Depuis neuf ans.

--Et vous n'avez pas d'atroces tristesses?

--Non, on se fait ? ce pays, et puis on finit par l'aimer. Vous ne sauriez croire comme il prend les gens par un tas de petits instincts animaux que nous ignorons en nous. Nous nous y attachons d'abord par nos organes ? qui il donne des satisfactions secr?tes que nous ne raisonnons pas. L'air et le climat font la conqu?te de notre chair, malgr? nous, et la lumi?re gaie dont il est inond? tient l'esprit clair et content, ? peu de frais. Elle entre en nous ? flots, sans cesse, par les yeux, et on dirait vraiment qu'elle lave tous les coins sombres de l'?me.

--Mais les femmes?

--Ah!... ?a manque un peu!

--Un peu seulement?

--Mon Dieu, oui... un peu. Car on trouve toujours, m?me dans les tribus, des indig?nes complaisants qui pensent aux nuits du Roumi.

Il se tourna vers l'Arabe qui me servait, un grand gar?on brun dont l'oeil noir luisait sous le turban, et il lui dit:

--Va-t'en, Mohammed, je t'appellerai quand j'aurai besoin de toi.

Puis, ? moi:

--Il comprend le fran?ais et je vais vous conter une histoire o? il joue un grand r?le.

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