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Munafa ebook

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Read Ebook: Les veillées du chauffeur by Bernard Tristan

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Ebook has 1117 lines and 62220 words, and 23 pages

Les

Veill?es du Chauffeur

DU M?ME AUTEUR

TH?ATRE

Librairie OLLENDORFF Librairie TH??TRALE Librairie CALMANN-L?VY .

TRISTAN BERNARD

Les Veill?es du Chauffeur

CONTES, ESSAIS, R?CITS DE VOYAGES

TROISI?ME ?DITION

PARIS

Published January 1909. Privilege of copywright in the United States reserved, under the act approved 3 march 1905, by M. Tristan Bernard, and Library P. Ollendorff.

IL A ?T? TIR? ? PART

A ?DOUARD VUILLARD

LES

VEILL?ES DU CHAUFFEUR

GUIDE PRATIQUE

DE L'INVIT? EN AUTOMOBILE

--Faites-vous beaucoup d'automobile?

--Beaucoup. J'adore ?a.

--Quelle voiture avez-vous?

--... Je n'en ai pas pour le moment. J'en fais avec des amis.

Le type de l'automobiliste qui <> est de plus en plus r?pandu. Cette fa?on d'<> est tr?s en faveur. Elle a d'abord l'avantage de supprimer certains frais, tels que l'achat d'une 16-chevaux, son entretien et les appointements du m?canicien. Les ?conomies r?alis?es sur ce chapitre permettent d'?tre plus large sur d'autres articles, tels que le cache-poussi?re, les lunettes et les gants.

L? s'arr?te la liste des fournitures--d'une ?l?gance impeccable--qui doivent ?tre apport?es par l'invit?. Les couvertures sont ? la charge du ma?tre du bord et il serait indiscret de notre part d'en apporter une, car nous semblerions ainsi mettre en doute la vigilance hospitali?re de notre mobile amphitryon.

Les d?jeuners, d?ners et en g?n?ral toutes les collations un peu substantielles sont ?galement ? la charge du propri?taire de la voiture; c'est du moins l'avis de plusieurs invit?s de mes coll?gues que j'ai consult?s sur ce point. En revanche, ils pensaient que l'invit? doit offrir les consommations l?g?res, l'ap?ritif, voire le caf?, s'il ne figure pas d?j? sur l'addition du repas. Il lui est permis aussi d'acheter quelques cartes postales illustr?es et d'en faire hommage ? son compagnon.

Il est de bon ton pour un invit? de faire preuve d'une certaine bienveillance pour appr?cier le fonctionnement du moteur et la vitesse de la machine. Cette affirmation: <> ne doit jamais ?tre accueillie que par la r?ponse: <>

Il est de mauvais go?t ? ce moment de tirer un chronom?tre de sa poche. Il est reconnu que les chronom?tres, dans les appr?ciations de vitesse qu'ils pr?tendent nous fournir, sont d'une mod?ration tout ? fait inexacte.

Si le ma?tre de la voiture vous demande avec un air d'indiff?rence mal jou?: <> r?pondez: <>, m?me site chauffeur a l'habitude de freiner d?s qu'il aper?oit une poule.

Si votre voiture est d?pass?e par une autre voiture, dites: <>

Il vaut mieux ? mon avis se refuser toute comp?tence en ce qui concerne les r?parations, et particuli?rement celle des pneumatiques.

Il est d'autres recommandations qui sont inutiles ? faire, parce que l'invit? les suivra d'instinct. C'est ? propos du r?cit du voyage et des heures de d?part et d'arriv?e. Si l'on quitte Rouen ? trois heures moins un quart pour arriver ? Paris ? sept heures et demie, il tombe dans le sens que les fractions doivent ?tre n?glig?es, et que l'on a quitt? Rouen ? trois heures pour arriver ? sept heures ? Paris.

De m?me, la dur?e des pannes doit varier selon les cas. La m?me panne qui n'aurait dur? qu'un quart d'heure, si l'habilet? du m?canicien est en question, aura dur? cinquante-cinq minutes, s'il s'agit d'?tablir une bonne moyenne de marche.

C'est en suivant ces recommandations et certaines autres, que son instinct lui dictera, que l'invit? prolongera sa carri?re d'invit? et pourra attendre, pour se procurer une voiture ? lui, que les constructeurs aient trouv? <> qu'il esp?re depuis quelques ann?es d?j?.

LE M?CANICIEN

C'?tait jadis la nourrice qui troublait, par son omnipotence, les paisibles int?rieurs bourgeois. Aujourd'hui c'est le m?canicien qui prend place parmi les tyrans des familles. La sollicitude inqui?te avec laquelle on parle ? une nourrice, pour ne pas lui g?ter son lait, n'est pas sans ressembler ? la d?f?rence timide qu'on a pour ce dieu familier, le m?canicien.

A vrai dire, chez le chauffeur vraiment <>, qui conduit lui-m?me sa voiture, qui en conna?t bien les organes, le m?canicien employ? perd beaucoup de son importance. Il n'est plus qu'une sorte de nourrice s?che, facile ? remplacer. Mais quand le ma?tre de la maison n'a, du v?ritable automobiliste, que la pelisse et les lunettes, le m?canicien est seul ? pouvoir, dans les moments difficiles, interroger le myst?rieux moteur, comme les entrailles d'une b?te sacr?e. Alors il devient, dans les vill?giatures, le personnage important de la tribu. C'est lui qui r?gle l'emploi du temps, qui d?cide que l'on pourra sortir et quelle sera la dur?e des promenades. Certains mots fatidiques, <>, <>, sont dits par lui avec autorit? au ma?tre du logis, souverain de nom, qui les r?p?te ? ses h?tes en hochant gravement la t?te.

Quant ? l'invit?, c'est tr?s difficilement qu'il peut arriver ? entrer en communication directe avec le m?canicien. La petite condescendance que le m?canicien laisse voir ? celui qui l'emploie et qui le paie dispara?t compl?tement quand il se trouve en pr?sence du craintif invit?. Celui-ci fait des efforts prudents pour lui adresser la parole. Il tournaille, avec l'air de rien, autour de la voiture, que nettoie ce jeune m?canicien inaccessible, qui r?pond g?n?ralement ? des pr?noms extraordinaires, tels qu'Anselme et Donatien. Quelquefois, l'invit? risque le tout pour le tout et prononce une interrogation timide: <> ou bien: <>--Il est tout fier de savoir dire <>.--Le m?canicien se borne ? donner un chiffre tout sec. S'il est d'une humeur exceptionnelle, il parle... Alors, quelle ?motion! L'invit? donnera des signes de l'int?r?t le plus vif, les yeux brillants, la bouche avide. Il ?coutera, avec la m?me attention, les choses qu'il sait d?j? et celles qu'il ne comprendra jamais...

Le fait d'avoir parl? au m?canicien donne ? l'invit? une sup?riorit? ?norme sur ses cong?n?res et m?me sur le ma?tre du logis. Ce dernier trahit sa jalousie par maintes vexations. Si l'invit? favori est assis, ? la promenade, ? la place de devant, on lui reproche d'avoir dit quelques mots au conducteur et risqu? ainsi les pires catastrophes.

Il est, pour un invit? plac? sur le si?ge de devant, une fortune des plus rares, c'est de recevoir des mains m?mes du m?canicien une trompe d?tach?e des flancs de l'automobile. On le charge de presser lui-m?me le caoutchouc aux endroits dangereux de la route. J'ai assist? une fois ? la joie profonde d'un conseiller ? la Cour d'appel, de cinquante-cinq ans, ? qui l'on avait donn? cette mission de confiance. Quelle satisfaction quand il apercevait, tr?s loin sur la route plate et d?serte, le point noir d'une carriole ou d'un chemineau! Alors commen?ait la fanfare. La poire ne reprenait son haleine que pour la perdre ? nouveau dans un mugissement sonore. Et si, comprim?e trop vite, elle faisait un couac incongru, on sentait que le conseiller ? la Cour en ?prouvait de la honte.

Mais c'est surtout au moment des pannes que s'atteste la puissance quasi divine du m?canicien. La voiture s'arr?te... Il descend. Personne n'ose rien demander. Est-ce une station insignifiante? Est-ce un accident grave? Le m?canicien a le visage impassible et les l?vres ferm?es. On ne sait pas si l'on doit descendre de la voiture. Sans mot dire, il retire sa pelisse et met une veste de toile bleue. Alors on comprend que ce sera peut-?tre long. On quitte la voiture en silence et l'on va assez loin sur la route pour s'entretenir de ce myst?re, pendant que le ma?tre apr?s Dieu, allong? sur le dos, la t?te et le torse cach?s par l'automobile, semble ?tre allait? par quelque b?te monstrueuse.

Ce n'est qu'apr?s un temps tr?s long que le propri?taire de la voiture ou un invit? bien en cour est d?l?gu? aux renseignements. Et quand la panne est s?rieuse, quand on a d? partir ? pied au prochain village, quand on a trouv? un moyen de ramener l'automobile chez le forgeron, quand les voyageurs se sont rapatri?s par des combinaisons de carriole et de chemins de fer, il ne reste plus qu'? attendre au logis le retour du m?canicien prodigue. Il restera absent un jour, deux jours, une semaine. On n'?prouve aucun soulagement ? ?tre priv? de ce despote. On le craint, mais on a besoin de sa domination. Et puis, on ne peut plus sortir. On a licenci? les chevaux! Quel mis?rable petit morceau de route peut-on couvrir avec de pauvres jambes humaines! La maison, priv?e d'automobile, s?par?e du monde, ressemble ? une ville assi?g?e...

UN AMATEUR D'AUTOMOBILE

C'?tait il y a huit ou dix ans--je ne suis pas assez ferr? sur l'histoire de l'automobile pour vous fixer exactement la date--enfin, c'?tait ? l'?poque des premi?res automobiles. Je me souviens que mon ami Hilaire m'avait annonc?, avec une certaine solennit?, qu'il allait avoir une <>, comme on disait alors, et que cette machine ferait quarante kilom?tres ? l'heure. En moins de six heures, elle le conduirait ? la mer. Il n'irait plus ? la mer autrement.

Je le rencontrai quelques mois apr?s dans le train de Trouville.

--Eh bien, tu n'as pas ta machine?

--Quelle machine?

--Celle qu'on devait te livrer au printemps...

Il me fit non de la t?te, les yeux souriants, l'air entendu...

--Il faut attendre, me dit-il... Ils ne sont pas pr?ts...

Puis, se penchant ? mon oreille, comme pour me r?v?ler un secret d'Etat:

--Si tu as trois jours ? toi au mois de septembre, je te ferai signe. Et je t'emm?nerai sur les routes de la Loire. Tu verras ce que c'est qu'une automobile...

Son visage prit un air presque grave. Il me dit entre ses dents: L'Am?rique...>>

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