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Munafa ebook

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Read Ebook: Sac au dos à travers l'Espagne by France Hector

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Ebook has 1076 lines and 79158 words, and 22 pages

Release date: August 27, 2023

Original publication: Paris: Charpentier, 1888

SAC AU DOS A TRAVERS L'ESPAGNE

PAR HECTOR FRANCE

PARIS G. CHARPENTIER ET Cie, ?DITEURS 11, RUE DE GRENELLE, 11

DU M?ME AUTEUR

Le Roman du cur? 1 vol. L'Homme qui tue 2 vol. L'Amour au Pays bleu 1 vol. Le P?ch? de soeur Cun?gonde 1 vol. Marie Queue-de-Vache 1 vol.

CHEZ G. CHARPENTIER & Cie:

Les Va-nu-pieds de Londres 1 vol. Les Nuits de Londres 1 vol. Sous le burnous 1 vol. L'Arm?e de John Bull 1 vol.

Sous presse:

Les Anglais peints par eux-m?mes 1 vol.

En pr?paration:

La Fille du Christ 1 vol.

A HENRI DE LA MARTINI?RE

MON COMPAGNON DE ROUTE A TRAVERS L'ESPAGNE

H. F.

SAC AU DOS

A TRAVERS L'ESPAGNE

ENTR?E EN ESPAGNE

<> Je partage l'avis de Jean-Jacques, ? condition toutefois que l'?tape ne soit pas trop longue, ni le sac trop lourd. Le plus mince bagage semble augmenter de poids en raison des heures de marche. Je m'en suis vite aper?u, et d'?tape en ?tape j'ai diminu? le mien, si bien qu'il ?tait ? peu pr?s r?duit ? z?ro quand j'atteignis Malaga. C'est par l? que j'aurais d? commencer.

D?s Irun, j'entrai en campagne, et secouant l'engourdissement d'une nuit en wagon, je frappai le sol d'un pied l?ger. Certes, si la meilleure mani?re de voyager est celle cit?e plus haut, la derni?re et la plus abominable est bien le chemin de fer pour les gens pas press?s. Parcourir un pays en wagon, c'est se condamner ? ne rien voir, et cependant combien ne parcourent l'?tranger que de cette fa?on et ? leur retour racontent leurs impressions et ?crivent un livre sur les moeurs et coutumes d'un pays entrevu ? travers un nuage de fum?e par une porti?re de voiture roulant ? la vitesse de 60 kilom?tres ? l'heure.

D?s Irun, on sent l'Espagne. De coquets petits gendarmes, coiff?s de minuscules bicornes que borde ?conomiquement une tresse de laine blanche, et ?paulett?s de macarons blancs, vous en font tout de suite apercevoir. Ils n'ont ni le prestige ni la majest? des n?tres et ressemblent un peu, moins le brillant, aux gardes fran?aises d'op?ra-comique. Mis?re et vanit?, l'Espagne enti?re; ils portent tous faux col et manchettes amidonn?s. La gare d'Irun en est remplie, comme du reste toutes les stations d'Espagne; deux ou trois brigades montent dans chaque train pour le prot?ger. Le temps est loin, chez nous, o? l'on attaquait les diligences; ici, ce n'est pas seulement les diligences que l'on attaque encore, mais les trains de voyageurs. C'est un des rares reflets de couleur locale qui restent ? l'Espagne, et je serais d?sol? qu'il dispar?t.

Les gendarmes, assure-t-on d'ailleurs, sont l? pour la forme. En cas d'offensive, ils se h?tent de d?charger leur fusil en l'air et de crier aux assaillants: <> Aussi, dans ces attaques de train, jamais ne vit-on gendarme bless?.

Apr?s et m?me avant ce singulier gendarme, un autre trait caract?ristique fait sentir l'Espagne, et celui-l? des plus piquants. J'en fus poursuivi d'Irun ? Grenade, de Malaga ? S?ville, de Cadix ? Alg?ciras, et il ne cessa de m'empoisonner que devant les uniformes rouges des factionnaires de Gibraltar.

<>

Ce n'est pas une odeur de pauvret? qui vous poursuit de l'autre c?t? des Pyr?n?es. La mis?re n'y est pas hideuse comme au Royaume-Uni. Elle s'?panouit gaiement dans ses haillons roussis, et chauffe paresseusement ses plaies au soleil. Elle est cynique et quelque peu gouailleuse; tr?s philosophe, elle sait se contenter de peu. Elle d?jeune d'un oignon et soupe d'une poign?e de pois chiches; l'eau du puits voisin fournit sa boisson.

Les mis?res du Nord sont plus exigeantes. Il leur faut pain et lard, pouding, bi?re forte, th?. Cela repr?sente au moins deux schellings par jour. Le Castillan se contente de deux sous.

Eh! l'on peut bien lui reprocher ses tares, au vieux pays des rois Maures; il a, pour les couvrir, assez de magnificences.

Ici la montagne sauvage et d?serte, les grands rochers ? pic, les villages accroch?s sur l'ab?me, o? en dix ans l'on compte la venue d'un ?tranger, la plaine s?ch?e o? l'on marche des journ?es sans rencontrer d'ombre, les vieux couvents en ruine avec leurs tours et leurs bastions, les auberges rares, le confort inconnu, les hommes rudes et les femmes jolies. <> A chaque pas, hors des villes comme dans les villes, au nord comme au sud, on rencontre des coins de Mauritanie.

A la sortie d'Irun, laissant ? notre droite Fontarabie qui semble surgir du milieu des flots, nous nous engageons dans la montagne, sourds aux appels du conducteur et du cocher d'une patache attel?e de quatre mules et qui nous crient ? tue-t?te pour mieux nous faire comprendre:

<

--Merci, nous allons ? pied.

Et ils riaient d'un air incr?dule. La distance n'est pourtant pas bien longue: une vingtaine de kilom?tres; mais on est au commencement d'ao?t et les Espagnols ne craignent rien tant que la marche et la chaleur. C'est le d?faut des races latines; elles comprennent peu les voyages p?destres. Cela me rappelle ces villageois qui, voyant des gens de la ville faire apr?s d?ner leur digestion en arpentant la route, se demandaient stup?faits ce que ces bourgeois avaient ainsi ? marcher pour n'aller nulle part, tandis qu'ils pouvaient rester tranquillement chez eux, se chauffer les mollets, faire un cent de piquet ou lire la gazette!

Par le sentier raboteux nous traversons un merveilleux paysage, v?g?tation tropicale, fouillis de fleurs et de verdure qui se d?tache harmonieusement sur le fond indigo des Pyr?n?es. Les maisons tr?s rares, diss?min?es ?? et l?, ont l'aspect pauvre et d?labr?, un des cachets caract?ristiques des fermes et des villages espagnols.

Un balcon au premier ?tage, ou une galerie de bois ext?rieure d'o? pendent des guirlandes d'oignons, d'ails, de piments; des murs en ruine o? s?chent des hardes, jupes jaunes ou rouges. Des petits gar?ons et des petites filles habill?s d'une chemisette qui ne descend gu?re plus bas que le nombril, accourent pour voir passer les deux voyageurs.

Je jette deux sous ? une fillette qui loin de les ramasser se r?fugie pr?s de sa m?re: <> dit fi?rement celle-ci.

Nous voici loin de l'Angleterre, de l'Italie surtout o? ? l'entr?e de chaque village, le voyageur est assailli par des nu?es de petits guenillards. Partout, dans le Guipuzcoa, j'ai trouv? la m?me dignit?.

Nous traversons le col de Jainhurqueta, laissant ? notre droite le Jasquibel avec ses sommets rev?tus de bruy?re, qui, du cap du Figuier, plonge ses flancs ravin?s dans la mer, jusqu'? la merveilleuse baie des Passages.

Ces p?t?s de montagnes de la Biscaye et de la Navarre forment un amoncellement de cha?nons h?riss?s de cr?tes, de rochers granitiques et calcaires, coup?s de gorges et de vallons au fond desquels bondissent des torrents qu'entretiennent de continuelles pluies.

H?tres, pommiers, ch?taigniers, ch?nes percent en touffes ?paisses les fissures des parois basaltiques au milieu de toute la flore rupellaire, et ?? et l?, aux pentes des monts, dans des guirlandes de vigne, s'?parpillent les blanches fermes.

Parfois un grand rocher aux tons de rouille surplombe la route; il semble ne s'accrocher ? la montagne que par de fragiles crampons de lierre et l'on se demande s'il ne va pas glisser tout ? coup au moindre tremblement du sol, emportant avec un bruit de tonnerre au fond du pr?cipice o? murmure un torrent caillouteux, avec un morceau de la montagne, route et voyageurs.

On se croirait dans les gorges de l'Atlas et l'on s'attend ? voir surgir des t?tes de Berb?res derri?re les broussailles.

J'ai parl? de voyageurs; ils ne sont pas nombreux. Nous seuls, sac au dos, la Martini?re et moi, arpentons la route, et dans toute notre travers?e des Espagnes, nous avons rencontr? en trois fois six voyageurs p?destres et de fort mauvaise mine dont trois nous ont demand? l'aum?ne; je dois ajouter que c'?taient des compatriotes. Non, rien sur la route. De temps ? autre deux gendarmes arr?t?s devant une gorge ou au coin d'un bois. Ils attendent la diligence. Quand elle arrive, ils se postent de chaque c?t? du chemin, arme au pied, et font mine de la fouiller d'un oeil scrutateur. En grande tenue comme pour la parade. Parfois encore un char m?rovingien charg? de grands f?ts de vin des Castilles passe lentement avec un bruit strident et aigu fait par l'essieu tournant des roues pleines; ou c'est un ?ne efflanqu? crevant sous un faix trop lourd et que chasse devant lui un petit dr?le f?roce, arm? d'une trique, ou bien encore une mule mont?e par un cavalier qui la frappe ? bras raccourcis.

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C'est une sorte de vitriol allemand ayant la sp?cialit? de donner ? l'eau une teinte d'orgeat et vendu au d?tail dix ou douze sous le litre. Je me rappelais en avoir bu ? Paris dans un caf? du boulevard sous le nom d'absinthe blanche ? raison de 75 centimes le verre.

Ici, dans le Guipuzcoa, comme au fond de la Sierra Morena, o? les communications avec Berlin sont cependant plus difficiles que pour les industriels du voisinage de Montmartre, on ne le fait jamais payer plus d'un sou.

Apr?s plusieurs questions rest?es sans r?ponse, occup?e qu'elle est ? essuyer le marmot teigneux, la maugrabine se d?cide ? nous dire qu'? moins d'une demi-heure, en haut de la c?te, nous pourrons trouver ? manger.

Une petite fille d'une douzaine d'ann?es, visiblement enceinte, est assise sur le pas de la porte.

Elle se pr?pare aux devoirs de sa maternit? prochaine en mouchant une soeur cadette qu'elle tient nue sur ses genoux.

Je les ai rencontr?s aussi h?ves, aussi maigres, affam?s, anguleux, h?riss?s, au Palatio de Urvaza comme au col de Piqueras, dans la Sierra Morena comme dans les rues d?sertes de Tol?de, o? tout ? coup en surgissaient deux ou trois effar?s et fantasques, uniques fant?mes de la rue morte en plein midi, spectres de la peur, de la d?tresse et de la faim.

All?ch?s par cette ripaille, des poules ?tiques envahissent la salle, et plus effront?es que les chats, sautent jusqu'? nos mains pour nous voler les bouch?es.

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