Read Ebook: La roue by Faure Lie
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 551 lines and 42665 words, and 12 pagesRelease date: November 18, 2023 Original publication: Paris: Georges Cr?s, 1919 ?LIE FAURE LA ROUE < Sagesse des Nations. ?DITIONS GEORGES CR?S ET Cie 116, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS 5, RAMISTRASSE, ZURICH DU M?ME AUTEUR Velazquez 1 vol. Formes et Forces 1 vol. Eug?ne Carri?re 1 vol. Histoire de l'art 1. L'art antique 1 vol. 2. L'art m?di?val 1 vol. 3. L'art renaissant 1 vol. Les Constructeurs 1 vol. La Conqu?te 1 vol. La Sainte Face 1 vol. POUR PARAITRE Histoire de l'art 4. L'art moderne 1 vol. Napol?on 1 vol. L'Esprit des Formes 1 vol. Dialogues sur le grand chemin 1 vol. IL A ?T? TIR? DE CET OUVRAGE 30 exemplaires sur papier v?lin de Rives num?rot?s de 1 ? 25 et de 26 ? 30. Copyright by G. Cr?s et Cie, 1919. Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation r?serv?s pour tous pays. A CHARLES PEQUIN Peintre LA ROUE DIALOGUE SUR LE GRAND CHEMIN D'o? venaient-ils? O? allaient-ils? Peut-?tre n'en savaient-ils rien l'un et l'autre. Depuis un moment d?j?, ils cheminaient c?te ? c?te, sans s'?tre encore parl?. L'un ?tait un long homme maigre, grisonnant d?j?, avec des os saillants, des traits creus?s, la taille droite, un regard triste et un grand pas r?gulier et majestueux. L'autre petit, replet, des yeux pliss?s, un cr?ne chauve, une figure de magot. Celui-l? propre et net, sous la poussi?re de la route, ? travers qui luisaient des boutons d'uniforme et quelques galons d'or p?li. Celui-ci tout huileux de taches, avec un habit mal coup?. --Je suis pharmacien, dit enfin le petit homme. --Et moi soldat, dit l'homme long. --Avez-vous fait la guerre? interrogea le pharmacien. --Oui, r?pondit le soldat. Et cela d'un ton mort, sans que remu?t son visage. --Je vous envie. L'homme qui n'a pas fait la guerre n'a pas v?cu... Il y eut un silence prolong?. Le pharmacien ?tait timide. Il n'e?t pas dit cette phrase audacieuse si l'autre n'e?t ?t? soldat. On ne s'entendait gu?re sur son compte dans le pays d'o? il venait. On le disait patriote parce qu'il ne ha?ssait pas ce pays. On le disait internationaliste parce qu'il ne ha?ssait pas tout ce qui n'?tait pas ce pays. On le jugeait immoral parce qu'il demandait parfois qu'on lui d?fin?t le droit. Anticl?rical parce qu'il n'allait pas ? la messe. Cl?rical parce qu'il ne passait jamais devant la cath?drale de l'endroit sans ?tudier longuement les sculptures du porche et les verri?res de la nef, que les d?vots ne voyaient pas. Parce qu'il n'avait pas de principes, illogique ou pur logicien, selon l'interlocuteur. Id?aliste, d?s qu'il interpr?tait les faits. R?aliste, d?s qu'il s'en prenait aux id?es. Sceptique, parce que sa foi n'?tait pas accessible aux autres. Mystique, parce qu'assez souvent il pronon?ait le nom de Dieu. Insexu?, parce qu'il cachait sous une pudeur invincible une force amoureuse immense. Sans passions, parce qu'il n'?tait ni buveur, ni fumeur, ni inverti, ni morphinomane. Sage, parce qu'il ?tait fou. Et fou, parce qu'il ?tait sage. --Je hais la guerre, r?pondit enfin le soldat. Il avait gard? sa voix morne. Mais elle ?tait tr?s fortement articul?e, et bien qu'il n'y e?t pas un mot plus accentu? ni plus pr?cipit? que l'autre, ils sortaient d'entre ses dents jointes avec une ?nergie tranquille, comme un rang anonyme d'hommes allant au combat. Il ?tait d'un bloc, lui, et sans myst?re. On savait tout ce qu'il pensait, m?me quand il ne parlait pas. Il n'avait que des id?es simples et les suivait jusqu'au bout. --Je hais la guerre. Un jour viendra, qui est proche, o? personne n'en voudra plus. --C'est un point de vue, dit le pharmacien. Certains jours, je me dis qu'il est ridicule de croire qu'il n'y aura plus de guerre. D'autres jours, je me dis qu'il est ridicule de croire qu'il y en aura toujours. Car enfin, c'est vrai, la guerre est horrible. Mais l'est-elle plus que la vie? --Le jour, dit le soldat, o? tous les hommes et toutes les femmes qui sont auront connu la guerre, fait la guerre, souffert de la guerre, la guerre aura v?cu. --Ainsi soit-il, dit le pharmacien. Mais apr?s les hommes et les femmes qui sont, d'autres seront. Je n'ai point votre facult? d'arr?ter la vie en marche, de lui interdire pour toujours un proc?d? qui pourra lui servir. Voyez-vous, la vie cr?e sans cesse, rompt les ?quilibres anciens, d?borde la raison qui la canalise un si?cle... Qu'est-ce que la guerre? Un moyen de recr?er un ?quilibre rompu, ou d'en ?tablir un nouveau. Peut-?tre en trouvera-t-on d'autres. Mais ce n'est pas s?r. Car, si l'un des habitants de la maison est plus fort que ceux qui l'entourent, et sent ou croit sentir qu'il va p?rir avec eux parce que les autres d?lib?rent au lieu de soutenir le toit qui va tomber, est-il tellement ? bl?mer s'il assomme le plus ent?t? ? l'emp?cher d'agir? Apr?s tout, quand on ne sait plus, c'est une solution la guerre. Et parfois, une solution, il en faut... --Tueriez-vous? dit le soldat. --Non, dit le pharmacien. --Alors, vous d?l?guez les autres ? ce travail? --Le hasard a voulu que ce ne f?t pas ma besogne. Et voil? tout. Sans ?a, j'aurais fait comme vous, qui ne voulez pas tuer, et tuez. J'aurais tu?. Mais je crois bien que je n'en aurais rien su. On ne tue pas, ? la guerre. On lib?re une vie latente qui remue au fond des entrailles de l'organisme universel. L'individu n'est qu'un phagocyte ? la guerre. --Il est vrai, dit le soldat. J'ai tu? et n'en ?prouve aucun remords. L'action guerri?re est inconsciente. Elle est condamn?e par cela. --Par cela elle est justifi?e, comme l'amour. On ne cr?e que dans l'inconscient. Une seconde, le soldat parut sortir de la fausse impassibilit? des hommes fiers dont le coeur s'entoure de pierre, comme pour les pr?server des salissures du dehors. Il avait peut-?tre aim?, mais il ne voulait pas le dire. Et il parut souffrir. Et comme le pharmacien reprenait: --Croyez-vous que la guerre, que vous voulez tuer pour les souffrances qu'elle cause, en d?cha?ne plus que l'amour? --Moins, dit-il, mais on les voit mieux. D'ailleurs--sa parole h?sita pour la premi?re et la derni?re fois--je n'ai pas souffert de l'amour... --Si fait moi, dit le pharmacien, qui rougit un peu, et la paume de la main sur la bouche, toussa deux coups. Il est vrai que moi, je ne me bats pas. --Dans la guerre on tue, dit l'autre. C'est fort rare dans l'amour. Et prenez garde. On tue, dans la guerre, sans avoir envie de tuer. Tandis que dans l'amour on a envie de tuer, et on ne tue pas. --Reste ? savoir, dit le magot, si ce n'est pas l'amour qui provoque la guerre, ce formidable instinct qui pousse l'un au vice, l'autre ? la conqu?te, le troisi?me au renoncement et tous trois ? la trag?die. Qui sait si on ne tue pas, dans la guerre, pour se d?tendre les nerfs de ne pas tuer dans l'amour? Et si ce n'est pas parce qu'on tue sans haine qu'on a l'impression de ne pas tuer? Je le r?p?te: < la guerre, on ne tue pas.>> --Soit, mais on ne cr?e pas. --On cr?e. --Allons donc! Dites-moi ce qui na?t de ces boucheries? Autrefois, peut-?tre, quand les hommes n'avaient pas d'autres moyens de se conna?tre? Mais c'est fini. Ces moyens, ils les ont forg?s. Ils repoussent l'inconscient. Malgr? tout l'esprit monte, et la solidarit?. La guerre sociale seule est possible encore, car les hommes sauront pourquoi ils se battront. --Pas plus que nous. Pour des pr?textes. Plus je crois ? la puissance de la foi et moins je crois ? la valeur des pr?textes de la foi. Les hommes ne savent pas ce qui na?t des r?volutions. Ni des guerres. Croyez-vous donc que ceux dont vous parliez aient aper?u la f?condit? de leurs guerres? C'est vous qui la voyez, apr?s des si?cles. Ce qui na?t de la boucherie? Je r?pondrai mille ans plus tard. La guerre jette dans l'avenir un tourbillon d'?nergies inconnues. Son utilit?? laissez-moi rire. Condamnez-vous le feu parce que vous n'arrivez pas ? y allumer votre chandelle? la mer, le jour o? elle est trop grosse pour que vous y preniez votre bain? Les hommes veulent quelque chose. Et ce n'est pas tout ? fait ?a qui vient. Ils exigent de l'utile. Ils exigent de l'imm?diat. Ils n'ont pas souvent l'un et l'autre. L'accouchement, sans doute, est utile ? la sage-femme, ce n'est pourtant pas pour elle que se fait l'accouchement. Un enfant vient, quelque chose de neuf para?t. On ne peut pas dire autre chose. Avez-vous des enfants, Monsieur? --Non. --Quand votre femme sera grosse, saurez-vous qui sera l'enfant? et si vous voulez un gar?on et qu'elle vous donne une fille, la pr?tendrez-vous st?rile pour cela? Et si l'enfant, au lieu d'?tre J?sus, est C?sar, ou l'inverse, trouverez-vous qu'il est manqu?? d'ailleurs, saurez-vous s'il est J?sus, ou C?sar? Vous serez mort avant. Le soldat, un moment, s'arr?ta sur la route, croisa les bras, pencha le front. Add to tbrJar First Page Next Page |
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