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Munafa ebook

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Read Ebook: La faune des plateaux by Bernard Tristan

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Ebook has 648 lines and 23979 words, and 13 pages

Release date: November 22, 2023

Original publication: Paris: Flammarion, 1923

Credits: Laurent Vogel )

TRISTAN BERNARD

La faune des plateaux

PARIS ERNEST FLAMMARION, ?DITEUR 20, RUE RACINE, 20

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction r?serv?s pour tous les pays.

Il a ?t? tir? de cet ouvrage: quinze exemplaires sur papier de Hollande num?rot?s de 1 ? 15

et vingt exemplaires sur papier verg? pur fil Lafuma num?rot?s de 16 ? 35

DU M?ME AUTEUR

Chez le m?me ?diteur:

Chez d'autres ?diteurs:

VOUS M'EN DIREZ TANT! nouvelles . CONTES DE PANTRUCHE ET D'AILLEURS, nouvelles. M?MOIRES D'UN JEUNE HOMME RANG?, roman. UN MARI PACIFIQUE, roman. SOUS TOUTES R?SERVES, nouvelles. DEUX AMATEURS DE FEMMES, roman. SECRETS D'?TAT, roman. NICOLAS BERG?RE, roman. MATHILDE ET SES MITAINES, roman.

Essais et nouvelles:

AMANTS ET VOLEURS. CITOYENS, ANIMAUX, PH?NOM?NES. LES VEILL?ES DU CHAUFFEUR. SUR LES GRANDS CHEMINS. SOUVENIRS ?PARS D'UN ANCIEN CAVALIER.

TH?ATRE COMPLET .

Pi?ces ?dit?es s?par?ment:

Droits de traduction et de reproduction r?serv?s pour tous les pays.

Copyright 1923, by ERNEST FLAMMARION.

Une vari?t? d'auteur

Le directeur est ? l'avant-sc?ne. Il a pos? une chaise contre la rampe. A c?t? de lui, un homme tient le manuscrit et, sto?que sous mille invectives, souffle leur r?le aux acteurs. C'est un personnage aux cheveux boucl?s, de vingt-cinq ? soixante-dix ans, et dont on ne sait s'il est un noble ruin? ou un prol?taire non enrichi.

La r?p?tition est commenc?e depuis une heure pour le quart. A deux heures et demie arrive un homme pesant, ? qui le directeur tend une main distraite, sans le regarder, et qui prend place ?galement ? l'avant-sc?ne sur une chaise avanc?e ? la h?te par le deuxi?me r?gisseur. L'auteur--car c'est lui--a pris un air migraineux pour excuser son retard. Mais personne ne lui demande d'explication, cet incident n'ayant rien d'exceptionnel.

Il met un pince-nez pour suivre attentivement la r?p?tition, darde un regard per?ant sur les protagonistes, mais n'?coute pas un mot de ce qu'ils disent et se demande anxieusement quel pr?texte de th?rapeutique il va trouver pour s'en aller ? quatre heures...

Non pas qu'il se d?sint?resse du sort de la pi?ce que l'on r?p?te. Mais il sait qu'il y a encore trois semaines de r?p?titions, c'est-?-dire une ?ternit?.

Il se l?ve et dit au directeur ? voix basse:

<> Le directeur lui fait un signe d'acquiescement qui ne veut rien dire, et attirant son attention sur la sc?ne que l'on r?p?te: <>

L'auteur r?fl?chit sans penser ? rien, puis d?clare: <

<<--Il faudrait l'arranger tout de suite, dit le despotique directeur. Autrement, ils ne l'apprendront pas...

<<--Je ne peux pas improviser un texte. Ce n'est pas du travail s?rieux...>>

Sur l'ordre du directeur, on installe l'?crivain dans le bureau de la r?gie.

<>, dit-il avec autorit? au r?gisseur. Il sait que toutes les plumes du th??tre sont r?tives. Mais ce jour-l?, c'est un fait expr?s, on lui donne une plume excellente.

<>

On ferme la porte, mais elle est vitr?e, et il faut changer un peu la position du fauteuil, de fa?on ? tourner le dos ? la vitre. Ainsi, la t?te inclin?e sur la poitrine par l'engourdissement d'une digestion un peu lourde donnera aux indiscrets du couloir l'impression d'une attitude m?ditative.

D'autres fois, l'auteur all?guera qu'il veut ?couter la pi?ce de la salle, et il s'installera, pour m?diter, au fond d'une baignoire obscure.

En somme, c'est un travailleur s?rieux, qui ne veut travailler qu'? t?te repos?e. Mais il n'est pas s?r que, dans le th??tre, on ait cette opinion de lui. N'y a-t-il pas un peu d'ironie dans le respect que l'on t?moigne ? son labeur? Aurait-on l'irr?v?rence de le soup?onner de paresse? Ces gens-l? ne le comprennent pas. C'est un artiste libre, et qui ne veut travailler qu'? ses heures. Ces heures sont-elles fr?quentes? Voil? qui ne vous regarde pas.

Un num?ro bien agr?able

La g?n?rale n'aura lieu que le mois prochain, et ce n'est pas encore le moment du coup de feu. Il n'y a donc personne sur le plateau ? une heure vingt, bien que la r?p?tition soit ? une heure pour le quart...

Si, tout de m?me, il y a quelqu'un, qui est l? depuis dix minutes.

C'est l'auteur, qui s'abrite dans l'ombre. Il ne veut pas avoir l'air d'?tre arriv? trop t?t. Il n'ose pas s'emporter contre les retardataires. Il masque son ?nervement sous une politesse douloureuse.

Enfin, voici un accessoiriste. L'auteur a quelque chose ? lui dire. Il a des observations pr?tes pour tout le monde...

--Vous ?tes-vous procur? le calepin pour le deux?... Il faut que Saint-Gaston joue avec d?s maintenant, afin de l'avoir bien dans la main...

Mais d?j? il s'est pr?cipit? vers une vieille personne qui semble aveugle et qui t?tonne pour trouver sa chaise. C'est la souffleuse, une femme distingu?e, dont on aimerait avoir l'avis sur les pi?ces qu'elle souffle. Or, elle n'en parle jamais...

--Madame, lui dit l'auteur, pensez bien ? envoyer ? Jenny le <> du premier acte. Hier, elle l'a attendu. Et ?a loupe le mouvement...

... Ah! le chef machiniste!

... Dites donc, Grosguillaume, le d?cor du deux que vous nous avez pr?sent? hier, est-ce qu'il n'est pas un peu dur ? ?quiper? Vous savez qu'il me faut des entr'actes de dix minutes, pas plus. Autrement tout fiche le camp!

Mais voici qu'Il appara?t sur le plateau, Lui, le Directeur, le Patron, le Capitaine, le Ma?tre avant Dieu...

L'auteur lui parle de la date. Si le directeur est press? et veut passer le plus t?t possible, l'auteur dit en g?missant que la pi?ce est difficile et qu'il faut avoir le texte bien dans la bouche une bonne semaine avant la premi?re... Si le directeur a le temps d'attendre et d?clare qu'il ne passera pas avant trois semaines, c'est ? l'auteur d'?tre impatient, pour mille raisons: il faudrait passer pour le Salon de l'A?ro... la pi?ce ne doit pas ?tre r?p?t?e trop longtemps, afin que les interpr?tes ne s'en fatiguent pas et gardent leur fra?cheur d'impression...

Ce n'est pas que l'auteur ait l'esprit de contradiction... Mais il est inquiet... Il suffit qu'on l'engage dans un parti tr?s net pour qu'il en craigne les cons?quences. Alors il fait contrepoids de toutes ses forces en faveur du parti contraire, jusqu'au moment o? l'on se range ? son avis: il n'en faut pas plus pour le faire passer dans l'autre camp.

Apr?s avoir conseill? au jeune premier, ? la r?p?tition de la veille, d'insister sur un sourire ironique, il se dit tout ? coup que cette indication peut ?tre dangereuse et il essaie maintenant de ramener son interpr?te ? plus de na?vet?... Hier, il a dit ? l'ing?nue qu'elle pleurait trop. Maintenant, il craint qu'elle ne soit un peu s?che.

Le secr?taire du th??tre traverse le fond de la sc?ne. Ce n'est pas encore le moment de faire le service de g?n?rale. Mais l'auteur lui rappelle pour la septi?me fois qu'il lui faudra deux avant-sc?nes... Et puis cette recommandation qu'il oubliait pour les notes de publicit?...

Tout ce qu'il fait l?, ce n'est pas pour emb?ter le monde. Mais il a beaucoup de soucis et veut les faire partager ? son prochain. Et puis, vraiment, on est ? la veille d'un grand ?v?nement qui doit r?volutionner le globe, la premi?re de son oeuvre! Il ne peut supporter que l'on soit calme... Car s'il est doux de ne pas s'en faire quand tout s'agite autour de vous, il est r?voltant de voir des gens qui ne s'en font pas, autour de votre ?me agit?e...

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