Read Ebook: Angelinette by Doff Neel
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 1119 lines and 40394 words, and 23 pagesencore pour la l?cher. Ils clam?rent alors longuement, la t?te lev?e, la gueule ouverte, sans un mouvement. Elle tournait vers lui une figure de supplici?e et clamait comme une agonisante. Les fauves y r?pondirent encore, que le palais en trembla. Puis ils se lev?rent. Elle alla dans l'autre cage et se roula, les yeux encore mourants; lui s'accroupit dans l'ouverture de la trappe, la regardant; tout doucement ses yeux se ferm?rent et il s'endormit. --Ils ne faisaient pas de chichis, fit H?l?ne. --Et cela n'avait rien de cochon, ajouta Angelinette. --Oh! des b?tes! fit une femme. --Et puis? --Puis nous sommes all?es regarder les singes. Devant la grande cage, il y avait deux dames et un monsieur. Les dames ?taient des Fran?aises, l'une dit: < --Et puis? --Nous avons fait encore le tour du jardin. Eh bien, on dit que les loups ne se mangent pas entre eux, mais les ours s'?tent tr?s bien le pain de la bouche. Il y a de nouveau des ours, de beaux ours jeunes, mais pas grands comme les anciens. Un monsieur jetait des morceaux de pain dans la cage. L'ours qui ?tait devant les barreaux trouvait sans doute que cela lui revenait, car il sautait sur son camarade chaque fois qu'il s'?tait empar? d'un morceau de pain, et le mordait pour le lui reprendre, de fa?on que l'autre n'osait plus approcher et g?missait piteusement quand un morceau roulait dans la cage. < Une vieille femme de service entra pr?cipitamment. --Est-ce que Mike n'est pas ici? --Non. Qu'y a-t-il? --Ce sont trois messieurs; l'un d'eux veut absolument avoir la n?gresse. Elle n'est pas l?, mais il insiste. Il dit aux autres: < --Un po?te, sans doute, qui veut noter ses sensations, fit Cl?mence, et ?a ? cette heure-ci! --L'un d'eux est d'ici; les deux autres sont des Fran?ais. Celui qui veut la n?gresse est un gringalet peu rago?tant. --Ah! voil? Mike qui passe, fit-elle. Janeke l'a trouv?e. Et elles regard?rent toutes par la fen?tre une grande n?gresse homasse accompagn?e d'un gamin de douze ans, qui, ? grandes enjamb?es, se h?tait vers la maison o? le client l'attendait. --Quelle id?e avez-vous donc de dire sans n?cessit? des cochonneries? Pouah, ?a m'?coeure. Et Angelinette sortit. A la rue, elle vit une petite fille jaune et sale, avec un enfant sur les bras, qui su?ait goul?ment ses doigts en pleurant. --Eh bien, Neleke, tu en as encore une figure d'affam?e. Faim? --Oui, madame Angelinette, et Keeske aussi a faim. --Il a encore une fois tout bu? --Oui, tout bu, et personne ne veut plus nous faire cr?dit d'un pain. --Allons, viens. Elle lui acheta deux pains et un morceau de lard, et deux couques aux corinthes ? manger tout de suite, pour la petite et pour Keeske. --Quand je serai grande, madame Angelinette, pourrai-je venir habiter avec vous? --Oui, tu le pourras. T?che de grandir vite ou tous les petits seront crev?s de faim. Et elle se h?ta vers son bouge, o? l'orchestrion boucanait d?j?. Depuis quelques jours, en d?pit du patron qui lui faisait grise mine, le beau Dolf venait, apr?s la coiffure, tourner autour d'Angelinette. Elle se tenait ? distance, un sourire narquois autour de la bouche. Enfin il arriva ? la happer dans la rue, un matin qu'elle allait chez la vieille H?l?ne. --Voyons, tu vois bien que c'est ? toi que j'en ai. Tu me peines, une belle cr?ature comme toi ?tre dans cette bo?te! Tu devrais ?tre de la haute. Tu as tout ce qu'il faut. Si tu veux, on se mettrait ensemble. J'ai du cr?dit: je te procurerais un trousseau et des nippes chic. Tu irais dans les restaurants hupp?s et, je t'en r?ponds, tu ferais fortune. --Et il faudrait travailler pour le petit homme, n'est-ce pas? fit-elle en lui riant au nez. Et elle entra chez H?l?ne, laissant le beau Dolf tout d?confit sur le trottoir. --Tu lui as donn? son compte, ? celui-l?? Tu fais bien. Il suce le sang ? celles qui se laissent engluer. Il les fait travailler jusqu'? extinction, puis les plante l? couvertes de dettes. Avec ?a, il n'a qu'? siffler et toutes accourent, mais toutes ne font pas son affaire. Toi tout de m?me, tu m'?pates et je te suis avec curiosit?. Tu as donc un caillou ? la place du coeur? --Coeur! coeur! il s'agit bien de cela. Je me sens finie. Je me coucherais nuit et jour et n'arriverais cependant pas ? dormir. Ah! que je voudrais dormir seule dans un lit bien frais! Il ?tait entr? un soir avec plusieurs bateliers attir?s par le boucan endiabl? de l'orchestrion. Les autres avaient empoign? une fille et s'?taient mis ? tournoyer. Lui, tout de suite, s'?tait trouv? pris de timidit? devant Angelinette, et sa r?serve s'?tait accentu?e lorsqu'il l'eut vue frissonner devant le verre d'alcool. Et, quand il remarqua les cercles bistr?s qui s'agrandissaient autour des yeux, il fut pris de piti?. --Si vous pr?f?rez boire autre chose, du lait bien chaud, par exemple? Voulez-vous que je le demande pour moi? J'ai une petite soeur qui n'est pas forte et ne dig?re, comme boisson, que du lait bien chaud: alors je connais ces petits oiseaux-l?. --Si vous le pr?f?rez, nous resterons ici dans ce coin et je d?penserai assez pour que le patron soit content. Bien qu'il f?t tr?s jeune, elle comprit qu'il connaissait les habitudes de leurs ?tablissements et le lui dit. --Oh! nous autres bateliers, nous vivons dans les ports. Ils caus?rent. Il ?tait batelier, encore chez ses parents; leur ligne ?tait Anvers-Rotterdam. Il ?tait Hollandais, Frison. S'il ?tait venu dans le quartier, c'est que son fr?re avait besoin d'aller en ribote, et qu'alors ce gar?on si calme perdait la t?te et cherchait noise ? tout le monde: c'?tait pour cela qu'il l'accompagnait toujours. Quant ? lui, Wannes, il pr?f?rait rester sur leur barque et jouer de la fl?te. Angelinette souriait ? l'entendre si communicatif; elle observait ses mani?res douces, ?coutait sa voix persuasive, puis elle le regardait encore. Quel grand diable, quel bon regard, et comme cette forte touffe de cheveux cendr?s et ondul?s retombait gentiment sur sa tempe! Il avait un large pantalon et un ample veston, avec, en dessous, un tricot de laine bleue ?chancr? tr?s bas, et, quand il se mouvait, elle apercevait dans l'entreb?illement du tricot, au del? de la gorge h?l?e, un peu de chair blanche et tendre; mais l'id?e de l'embrasser l? ne lui vint pas. Un homme ?g? ?tait entr?, visiblement un bourgeois de la ville; il s'?tait assis dans un coin et avait ?chang? un regard avec Angelinette. Les camarades du batelier qui, un ? un, avaient disparu avec une femme, maintenant revenaient et s'asseyaient, devenus tranquilles et parlant bas. Quand ils furent tous l?, ils se lev?rent. Wannes quitta ? regret. Angelinette souriait et, d?s qu'il fut dehors, alla s'asseoir ? c?t? du vieux client. Ils disparurent bient?t; on leur monta du champagne et ? souper. Le patron ?tait satisfait. Wannes avait fait plus de d?penses que s'il ?tait mont? avec Angelinette, et maintenant le vieux client... Cette Angelinette, quelle ch?vre ? lait! Wannes revint le lendemain soir seul: Angelinette ?tait accapar?e. Il revint encore souvent, mais apr?s la coiffure, avant que les clients ne donnassent. Jamais il ne la tutoya, ni ne se d?partit de sa r?serve. --Angelinette, lui dit-il, un apr?s midi, en tenant sa main dans la sienne, ne voudriez-vous pas partir d'ici? J'ai de quoi, vous seriez contente. Nous avons cinq barques; chacune est dirig?e par un de nous et nous faisons de grosses affaires, par ce temps de prix ?lev?s. Angelinette fut ?vasive. Elle aimait bien ce grand gar?on doux et respectueux, qui ne cherchait jamais qu'? ?tre assis ? c?t? d'elle et ? lui faire boire du lait chaud; mais si leurs rapports devaient changer, elle savait qu'alors il lui deviendrait ? charge comme les autres. --Je ne quitterai jamais ma grand'm?re, fit-elle un jour, en r?ponse ? ses instances. Il ne revint pas pendant une semaine; puis, en accentuant sa r?serve, il lui demanda si elle ne voulait pas devenir sa femme; il dit qu'il recevrait une barque de ses parents, qu'ils quitteraient la ligne d'Anvers et iraient en Frise: la ligne Harlingen-Amsterdam ?tait bonne. Il ajouta qu'il ferait bien c?der les siens devant son obstination et que, s'ils ne c?daient pas, il avait de s?rieux bras pour la besogne et trouverait partout ? gagner leur pain. Quand il eut parl?, elle leva les yeux vers lui, puis les abaissa aussit?t. Add to tbrJar First Page Next Page |
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