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Munafa ebook

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Words: 65748 in 31 pages

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Le matin suivant, Nicole eut un de ces r?veils d?licieux, o? la joie s'engouffre dans le coeur comme la clart? dans les prunelles, sans qu'on sache d'o? ni comment.

Il faisait jour, et elle se sentait tr?s heureuse. Voil? tout ce qu'elle sut pour un instant. Puis la nuance de sa vie se pr?cisa. Elle reconnut, devant les grands stores de toile, lumineux du soleil ext?rieur, les rideaux ?triqu?s--damas rouge et guipure--de l'h?tel o? ils s?journaient, ? Anvers. A l'extr?mit? d'un paravent d?ploy?, d?passait le pied d'un second lit, qui ?tait celui de Toquette. Durant ce voyage, Mme Hardibert n'avait pas voulu laisser dormir isol?ment la fillette dont elle d?tenait la garde. Et quant ? maintenir ouverte une porte de communication sur la chambre qu'elle aurait occup?e avec son mari, sa d?licatesse s'y opposait. Elle pr?f?rait se s?parer momentan?ment de Raoul.

S'avouait-elle que cette esp?ce de vacance dans l'intimit? conjugale,--la premi?re depuis plus de cinq ans,--n'allait pas sans un confus bien-?tre de sa personnalit? d?tendue? L'?me absorbante de Raoul, avec sa force volontaire et concentr?e, oppressait toujours un peu la sienne, m?me dans les instants o? toute force plie et se dissout en une extase tendre. Mais, pr?cis?ment, ne serait-ce pas le mot de qui conviendrait le moins ici, pour d?finir ce qui, sans ce mot pourtant, n'est que brutalement d?finissable, ce qui, sans le contenu de ce mot, sans son tr?sor de d?votions et de mignardises, devient vite pour une femme le devoir, en attendant que ce soit la corv?e? Raoul pouvait t?moigner de l'empressement, de l'ardeur, de l'admiration, mais non de la tendresse. Ses expansions d'homme ?pris,--car il l'?tait, plus qu'il ne se f?t souci? de s'en rendre compte ou de l'exprimer,--se traduisaient par des paroles enfantines ou aimablement railleuses, comme en une condescendance pour des fa?ons de sentir inf?rieures, l?g?rement humiliantes.

Rapidement, d'ailleurs, il se reprenait. Et rien, dans le camarade autoritaire substitu? sans transition ? l'amoureux, ne rappelait ensuite des ?motions, qu'il consid?rait sans doute comme des d?faillances. Cette pudeur qui exile la passion en un domaine ? part, volontairement ignor?, de la vie, pour instinctive qu'elle soit chez certaines natures, semble ? d'autres le contraire m?me de la pudeur. Car la sensualit? n'?chappe ? la bassesse qu'en fusionnant, pour ainsi dire, avec les aspirations nobles de l'?tre. Et la femme ressent d'autant mieux la blessure d'une distinction tellement cat?gorique, que, plus elle vaut moralement, moins elle est capable de partager une ivresse qui n'aurait pas sa premi?re source dans le coeur.

D'un tel malentendu, situ? en des r?gions o? la pens?e de Nicole se f?t crue coupable de descendre, la jeune femme eut peut-?tre quelque pressentiment, durant ce voyage de Belgique. L'exquise douceur go?t?e ? l'ind?pendance de ses r?ves, dans ses fl?neries sur l'oreiller frais, aux approches et au sortir du sommeil, alors qu'aucune sollicitation plus ou moins imp?rieuse, aucun monologue de science ou d'affaires, ne l'emp?chait de vagabonder de projets en souvenirs, lui restitua l'?lasticit? int?rieure de son adolescence. Les perspectives de sa vie reprirent un peu du vague et de la mobilit? qui les rendaient si fantasmagoriques, jadis, devant l'essor de ses premiers espoirs. Le d?paysement ajoutait ? ce renouveau. Au hasard des promenades, par les chemins impr?vus, par les rues aux fa?ades ?trang?res, devant les architectures aussi finement tourment?es que des ?mes, dans la calme splendeur des mus?es, les flots d'une existence plus abondante montaient en elle jusqu'? lui faire battre violemment le coeur. Et, tout de suite, ces facult?s inconnues, qui lui r?v?laient en elle d'autres elles-m?mes, s'orientaient en aspirations, en d?sirs. Aspirations vers quoi? D?sirs de quoi?... Elle n'en savait rien. Nicole Hardibert ignorait ce myst?re de notre nature, qui change toute impression haute et rare en expansion ardente--voeu secret de volupt? morale ou physique chez la plupart, besoin de cr?er chez l'artiste, chez tous, malaise de l'?tre fini qui vient de concevoir l'infini et doit renoncer ? le saisir.

Mais voici que, ce matin, quand elle s'?veilla, l'esp?ce d'attente confuse o? elle vivait depuis quelques jours, aboutissait ? une r?alisation inexplicable. Pour de tout petits incidents de voyage, elle ?prouvait ce que nous avons tous ?prouv? sans plus de cause et sans vouloir plus qu'elle-m?me d?m?ler notre ?nigme int?rieure: une pl?nitude singuli?re, une harmonie d?licieuse entre la perp?tuelle inqui?tude du dedans et les multiples influences du dehors. Ce n'est pas le bonheur. D'o? viendrait-il? Rien n'a chang?, ou du moins nous ne distinguons nul changement dans les circonstances. Et pourtant la joie ?mane des choses m?mes qui, la veille, nous semblaient le plus vides de joie.

Doucement, Nicole sauta du lit, et proc?da ? sa toilette, avant d'?veiller sa petite compagne. Devant la glace, les cheveux d?faits, elle se sourit, heureuse de se trouver si charmante.

Coquette... Mme Hardibert l'?tait comme toutes les femmes, et d'ailleurs moins que la plupart. Mais le sentiment avec lequel, ? cette minute, elle observait la nacre dor?e de son teint, la richesse de ses beaux cheveux noirs, la suavit? merveilleuse de ses yeux, d'une nuance insaisissable, mais d'une lumi?re si pure, n'?tait pas de la coquetterie. C'?tait une all?gresse plus ample, moins mesquine, plus dangereuse peut-?tre. Et aussi de la curiosit?. Nicole se regardait d'un autre point de vue que d'habitude, d'une autre distance. La distance des quelques ann?es qui, de jeune fille, l'avait faite la jeune femme qu'elle ?tait ? pr?sent. Comment r?aliser un changement survenu jour ? jour, sans qu'elle s'en rend?t compte?... ?tait-elle mieux qu'autrefois? Un mot de celui qu'en elle-m?me elle appelait toujours lui revint:

Elle se h?ta de s'habiller.

Cette journ?e ? Bruges passa comme un ?clair.

Il y eut, pour Ogier, pour Nicole, quelque d?boire ? leur galopade h?tive par les rues o? tra?ne la lenteur de pas discrets, le long des canaux que ride ? peine l'indolence des cygnes, et dans les sanctuaires pleins du sommeil des si?cles. Ce n'est pas que, malgr? les pr?visions de S?r?nis, la claire journ?e de juin dissip?t l'ensorcellement de m?lancolie o? s'immobilise la nostalgique cit?. On se la figure plut?t sous la fine trame argent?e de la pluie, dans l'atmosph?re toujours charg?e d'eau de ces humides Flandres. Mais une torpeur plus saisissante peut-?tre l'engourdissait, ?cras?e d'une lourde lumi?re, ?rigeant sur un ciel durci de chaleur les profils barbares de ses rudes basiliques, les clochetons effil?s de son H?tel de Ville, la couronne en dentelle de son Beffroi.

En face de celui-ci, de l'autre c?t? de la Grand'Place, les trois voyageurs d?jeun?rent dans une tranquille petite brasserie, dont ils pr?f?r?rent la couleur locale ? une salle ? manger d'h?tel. Et ce fut peut-?tre durant l'arr?t forc? du repas, assis contre le vitrage ouvert, dans le silence de cette place vide, au fond de laquelle la tour d?mesur?e s'?lance des Halles trapues, bastionn?es et cr?nel?es comme un ch?teau-fort, qu'ils se sentirent le plus profond?ment pris par le charme de Bruges.


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