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Munafa ebook

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Words: 64198 in 28 pages

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ands ont quitt? le march? sous les arbres, et les ?talages des fripiers, o? luisent encore au milieu du drap noir et des habits, le velours jaune, les broderies rousses et la soie. Il ne reste plus que quelques femmes qui, le porte-monnaie ? la main, h?sitent entre le d?sir de l'emplette et la d?pense. Les fripiers ploient leur marchandise, en recherchant les plis anciens. Un ou deux paysans attard?s causent avec des marchands, comme eux v?tus ? la paysanne. Dans un coin, une fillette essaie un tablier bord? de bleu; et rieuse, elle cambre le corps en arri?re, pour voir l'effet de l'?toffe sur sa robe... Un grand matelot, maigre et roux, qui semble une statue de cuivre, plant? dans un rayon de soleil, cause lentement avec deux Bigoudens, au coin de la rue Pen-ar-Happ; un vent l?ger, un souffle d?licieux agite un moment les rubans de velours sur les chapeaux de feutre noir, au grain fris? de peluche; et l'un des hommes, se d?couvrant, ?ponge du mouchoir son cr?ne chauve, rouge et ruisselant de sueur en gouttelettes ?gales, comme celles de la ros?e, le matin, sur les pavots... Ils parlent sans se h?ter, comme pour mieux se sentir perdre le temps. Le matelot, entre ses doigts disjoints, tient un gros, un vieux porte-monnaie, dont le cuir vert est fendill? d'?cailles, gonfl? de pi?ces et de sous... L?-bas, entre les deux places au soleil, la rue ?troite semble un canal bleu entre deux disques d'or...

Et voici qu'au bout de l'all?e, non loin de la Communaut? des Religieuses Augustines, arr?t?e et parlant ? un marin, je vois une jeune fille merveilleuse. Je la contemple, frapp? d'admiration. Elle pouvait avoir vingt-deux ans. Elle ?tait grande et svelte m?me sous le costume de Pont-l'Abb?, qui alourdit toute taille; et m?me sous la coiffe bigoud?ne, la forme de son visage restait d'un pur ovale. Elle laissait voir de ses cheveux, dont les boucles longues ?taient de la couleur du filin roux, quand il brille au soleil. Elle avait de longues mains blanches et des l?vres en arc, de ce pourpre d?licat et br?lant qui est propre aux oeillets.

Qu'elle ?tait belle dans sa souple jeunesse... Mais l'air de ce visage en ?tait la merveille: on ne sait quoi de chaste et de voluptueux ensemble, de grave, de paisible et de s?ducteur, comme si une ?me enfantine et courtisane s'?panouissait ? la m?me heure dans la fleur de ce corps. Qu'elle ?tait belle, et plus que tout, de sembler si inconsciente. En v?rit?, une beaut? seigneuriale: la gr?ce de celle qui est s?re de toujours s?duire, et qui n'a jamais trouv? un homme qu'elle ne l'ait soumis et charm?. Elle me rappelait la fauve et tranquille V?nitienne, que Titien montre dans sa chambre et que Carpaccio prom?ne dans les f?tes. Elle souriait ? peine, indiff?rente. Le noble ?tre, plein de vie, de rythme et d'harmonie, sans une r?flexion, sans une ombre... Je ne me lassai pas de l'admirer, capable de tout avec la m?me tranquillit? douce et le m?me sourire, capable m?me de passion, et pourtant de ne jamais servir qu'au d?sir.

UNE HUTTE

Chemin de Ker-Loc'h... 20 octobre.

On remarquait cette hutte pour son air sombre, quoi qu'il y en ait bien d'autres plus mis?rables. Elle ?tait coll?e au sentier qui va vers la dune, comme une verrue sur une joue; elle semblait tomber d'un c?t?, suivant la pente. Une seule fen?tre, si c'en est une qu'une lucarne moins grande qu'un carreau de vitre, et bouch?e tant bien que mal, derri?re trois barreaux de fer, avec des chiffons et des pierres. La maison ne s'?tendait pas sur plus de quatre ou cinq pas de long; on ?tait frapp? d'y toujours entendre un bruit de voix, d'en voir sortir nombre de gens, et, tant qu'avait dur? l'?t?, de trouver r?unie sur le seuil une compagnie nombreuse. L? dedans vivaient en effet deux familles, dont l'une a d? ?tre d?poss?d?e, depuis, par la mort: le p?re infirme, et la fille ?puis?e par la phtisie.

Cet homme avait eu un peu de bien; mais un accident l'avait rendu ? demi paralytique. D?s lors, il s'?tait couch?, comme ils font si souvent, d'un air qui accepte la mort, qui semble l'attendre, et qui se r?signe ? vivre ou ? mourir, peu importe, dans une enti?re soumission ? la fatalit?. Il avait v?cu, il avait bu, pour consoler son oisivet?; il avait eu des dettes, et ne pouvait pas les payer. Il restait sur le grabat, indiff?rent aux jours, et peut-?tre sans regrets.

Cependant, sa fille avait grandi. On l'avait mise en condition. Dans la grande ville o? ils l'avaient men?e, ses ma?tres avaient veill? sur elle. On lui avait appris le m?nage et la propret?. Quand elle revint, pour l'?t?, avec ses dames sur le bord de la mer, elle jouait ? la dame elle-m?me: elle connut les jouissances de la vanit?, et le plaisir d'humilier les petites filles, ses compagnes. Elle portait un chapeau; et le dimanche, se rendant ? la messe, elle mettait des gants.

Puis, trois ou quatre ans plus tard, comme elle en avait dix-huit ou dix-neuf, tout d'un coup elle quitta sa protectrice. Jamais elle n'en put donner la raison; elle paraissait l'ignorer elle-m?me. Aux questions elle r?pondait: > et quoi qu'on lui p?t dire, elle revint au pays. Elle trouva son p?re impotent, et plus mis?rable qu'il n'avait jamais ?t?. Un des cr?anciers, r?duit lui-m?me ? l'extr?mit?, s'?tait install? avec toute sa famille dans la maison de l'infirme forc? d'y consentir, et n'ayant pas un autre moyen de s'acquitter. Une chambre longue de cinq pas, dont un homme, mont? sur une chaise, touchait le plafond, h?bergea dix ou douze personnes.

Quand la jeune fille fut de retour, elle d?pouilla tout ce qu'elle avait appris, et une ? une toutes ses bonnes habitudes, comme on quitte un v?tement de voyage;--et, comme on reprend son habit de tous les jours, elle rentra dans ses moeurs de villageoise d?nu?e de tout. Plus de soins; plus de bains; plus d'eau m?me, sinon ? de rares intervalles; au lieu de porter des gants, quand ses bas furent trou?s, elle n'en mit plus. Loin de se parfumer, elle oublia l'usage de l'eau claire. Elle parut languir: elle ?tait rentr?e au pays, se disant malade: en peu de temps, il fut av?r? qu'elle avait la poitrine atteinte. Elle toussait; elle rendait du sang; elle restait comme morte en de longues d?faillances. Elle semblait s'en soucier ? peine, non plus que de la hideuse mis?re o? elle ?tait tomb?e aux c?t?s de son p?re infirme. Quelqu'un, qui la secourait, ne voyait jamais chez elle la moindre expression de plaisir: elle y paraissait insensible. A quoi r?vait-elle, placide, et le visage encore assez plein?--Mais, sans doute, elle ne r?vait ? rien: elle demeurait sur son lit, et n'en descendait plus. Tout lui ?tait indiff?rent; et peut-?tre elle-m?me. Les Bretons ont souvent ce tour oriental d'esprit: ils font ? la fortune, bonne ou mauvaise, le m?me visage qu'un arbre dans la terre fait au temps.

On avait tendu une esp?ce de loque entre le coin de la salle o? le p?re et la fille vivaient couch?s, et celui o? se tenait l'autre famille, p?re, m?re et sept enfants, huit peut-?tre. Ce soir, apr?s une journ?e pluvieuse et ti?de, j'ai vu par la porte ouverte pouiller le taudis. Ils n'ont pas tous un lit: plusieurs couchent sur des couettes en balle d'avoine; point de draps, ni de couvertures. Il vient de cette chambre une odeur infecte de sueur, de linges souill?s, d'enfants crasseux et de lait aigri. Dans un coin, de la paille, des pommes de terre en tas, et une grande po?le mince ? faire les cr?pes... Chaque fois, l? dedans, que quelqu'un quitte sa place et se meut dans l'air chaud de la pi?ce,--un souffle d'?table en sort, charg? d'un relent de saumure et de transpiration. Pos?s de travers sur le plancher de terre battue, sont-ce des meubles, ces rares morceaux de bois noir, vernis de crasse? Est-ce un morceau de lard qui pend sous l'?tre, ou un haillon?

Sur sa couche, la jeune fille, ? demi assise, tousse s?chement. Elle n'a pas la force de parler aux trois petits enfants qui l'entourent, et qui sont assis dans son lit avec elle: car les enfants de ses voisins, de ses h?tes forc?s, passent le temps dans le lit de cette phtisique qui crache, presque mourante, et qui les caresse...


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