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Read Ebook: La Russie en 1839 Volume I by Custine Astolphe Marquis De
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 801 lines and 69509 words, and 17 pagesLA RUSSIE EN 1839 PAR LE MARQUIS DE CUSTINE < TOME PREMIER AVANT-PROPOS. Comparer les divers modes d'existence des nations de la terre, ?tudier la mani?re de penser et de sentir des peuples qui l'habitent, appr?cier les rapports que Dieu a mis entre leur histoire, leurs moeurs et leur physionomie; voyager en un mot: c'est un in?puisable aliment fourni ? ma curiosit?, un ?ternel moyen d'activit? ? ma pens?e; m'emp?cher de parcourir le monde, c'e?t ?t? me traiter comme un savant ? qui l'on d?roberait la clef de sa biblioth?que. Mais si la curiosit? m'emporte, un attachement qui tient des affections de famille me ram?ne. Je fais alors le r?sum? de mes observations, et je choisis parmi mon butin les id?es qu'il me para?t le plus utile de r?pandre. Pendant mon s?jour en Russie, comme pendant toutes mes autres courses, deux pens?es, ou plut?t deux sentiments n'ont cess? de dominer mon coeur: l'amour de la France qui me rend s?v?re dans les jugements que je porte sur les ?trangers et sur les Fran?ais eux-m?mes, car nulle affection passionn?e n'est indulgente; et l'amour de l'humanit?. Trouver le point d'?quilibre entre ces deux termes de nos affections ici-bas, la patrie et le genre humain, c'est la vocation de toute ?me ?lev?e. La religion seule peut r?soudre un tel probl?me, je ne me flatte pas d'avoir atteint ce but; mais je puis et je dois dire que je n'ai jamais cess? d'y tendre de tous mes efforts, sans ?gard aux variations de la mode. Avec mes id?es religieuses, j'ai travers? une g?n?ration indiff?rente, et maintenant je vois, non sans une douce surprise, ces m?mes id?es pr?occuper les jeunes esprits de la g?n?ration nouvelle. Je ne suis pas de ceux qui regardent le christianisme comme un voile sacr? que la raison, dans ses progr?s infinis, devait d?chirer un jour. La religion est voil?e, mais le voile n'est pas la religion; si le christianisme s'enveloppe de symboles, ce n'est pas parce que la v?rit? est obscure, c'est parce qu'elle est trop ?clatante, et que l'oeil est faible: que si la vue se fortifie, il atteindra toujours plus loin; mais rien ne sera chang? au fond des choses; les nuages ne sont pas sur les objets, ils sont sur nous. Hors du christianisme, les hommes restent dans l'isolement, ou s'ils s'unissent, c'est pour former des soci?t?s politiques, c'est-?-dire pour faire la guerre ? d'autres hommes. Le christianisme seul a trouv? le secret de l'association pacifique et libre, parce que seul il a montr? la libert? o? elle est. Le christianisme r?git et r?gira toujours plus ?troitement la terre par l'application toujours plus exacte de sa divine morale aux transactions humaines. Jusqu'ici le monde chr?tien a ?t? plus occup? du c?t? mystique de la religion que de son c?t? politique: une nouvelle ?re commence pour le christianisme; peut-?tre nos neveux verront-ils l'?vangile servir de hase ? l'ordre public. Mais il y aurait impi?t? ? croire que ce f?t l? l'unique but du divin l?gislateur; ce n'est que son moyen... La lumi?re surnaturelle ne peut ?tre acquise au genre humain que par l'union des ?mes en dehors et au-dessus de tous les gouvernements temporels: soci?t? spirituelle, soci?t? sans limites: tel est l'espoir, tel est l'avenir du monde. J'entends dire que ce but sera d?sormais atteint sans le secours de notre religion; que le christianisme b?ti sur un fondement ruineux, le p?ch? originel, a fait son temps; et que, pour accomplir sa v?ritable vocation m?connue jusqu'? ce jour, l'homme n'a besoin que d'ob?ir aux lois de la nature. Les ambitieux d'un ordre sup?rieur qui r?chauffent ces vieilles doctrines par leur ?loquence, toujours nouvelle, sont forc?s d'ajouter, pour ?tre cons?quents, que le bien et le mal n'existent que dans la pens?e humaine: et que l'homme qui cr?a ces fant?mes est libre de les an?antir. Les preuves, soi-disant neuves qu'ils me donnent, ne me satisfont pas; mais fussent-elles plus claires que le jour, qu'y aurait-il de chang? en moi?... Qu'il soit d?chu par le p?ch?, ou qu'il soit ? la place o? la nature l'a voulu mettre, l'homme est un soldat enr?l? malgr? lui d?s sa naissance, et qui ne se d?gage qu'? la mort; et m?me alors, le chr?tien croyant ne fait que changer de liens. Prisonnier de Dieu, le travail, l'effort, telle est sa loi et sa vie; la l?chet? lui para?t un suicide, le doute est son supplice, la victoire son esp?rance, la foi son repos, l'ob?issance sa gloire. Tel est l'homme de tous les temps et de tous les pays; mais tel est surtout l'homme civilis? par la religion de J?sus-Christ. Le bien et le mal sont des inventions humaines, dites-vous? Mais si l'homme engendre par sa nature de si obstin?s fant?mes, qui donc le sauvera de lui-m?me? et comment ?chappera-t-il ? cette maligne puissance de cr?ation int?rieure, de mensonge, si vous voulez, qui est et demeure en lui, malgr? lui, et malgr? vous depuis le commencement du monde? Tant que vous ne mettrez pas la paix de votre conscience ? la place des agitations de la mienne, vous n'aurez rien fait pour moi... La paix!... Non, si hardi que vous soyez, vous n'oseriez vous l'attribuer!!!... Et cependant,... notez ce point, la paix, c'est le droit, c'est le devoir de la cr?ature dou?e de raison, car sans la paix, elle tombe au-dessous de la brute; mais, ? myst?re! myst?re pour tous, myst?re pour vous comme pour moi, ce but, nous ne l'atteindrons jamais de nous-m?mes: car, quoi que vous en disiez, la nature enti?re ne suffit pas pour donner la paix ? une ?me. Ainsi, quand vous m'auriez forc? ? tomber avec vous d'accord de toutes vos audacieuses assertions, vous n'auriez fait que me fournir de nouvelles preuves de la n?cessit? d'un m?decin des ?mes, d'un R?dempteur pour rem?dier aux in?vitables hallucinations d'une cr?ature si perverse qu'elle enfante incessamment, in?vitablement en elle-m?me la lutte et la contradiction, et que de sa nature elle fuit le repos dont elle ne peut se passer, r?pandant au nom de la paix la guerre autour d'elle, avec l'illusion, le d?sordre et le malheur. Or, la n?cessit? du R?dempteur une fois reconnue, vous me pardonnerez si j'aime mieux m'adresser ? J?sus-Christ qu'? vous!!... Ici nous touchons ? la racine du mal! Il faut que l'orgueil de l'esprit s'abaisse, et que la raison reconnaisse son insuffisance. La source du raisonnement tarie, celle du sentiment coule ? flots; l'?me redevient puissante d?s qu'elle avoue son impuissance; elle ne commande plus, elle prie, et l'homme avance vers son but en tombant ? genoux. Mais quand tous seront abattus, quand tous baiseront la poussi?re, qui restera debout sur la terre? quel pouvoir subsistera sur les cendres du monde?... Ce qui subsistera, c'est un pontife dans une ?glise... Si cette ?glise, fille du Christ et m?re du christianisme, a vu la r?volte sortir de son sein, la faute en fut ? ses pr?tres: car ses pr?tres ?taient des hommes. Mais elle retrouvera son unit?, parce que ces hommes tout caducs qu'ils sont n'en sont pas moins les successeurs directs des ap?tres, ordonn?s d'?ge en ?ge par des ?v?ques qui re?urent eux-m?mes d'?v?que en ?v?que sous l'imposition des mains, en remontant jusqu'? saint Pierre et J?sus-Christ, l'infusion de l'Esprit saint avec l'autorit? n?cessaire pour communiquer cette gr?ce au monde r?g?n?r?. Supposez... tout n'est-il pas possible ? Dieu... Supposez que le genre humain veuille devenir s?rieusement chr?tien, ira-t-il redemander le christianisme ? un livre? non, il le demandera ? des hommes qui lui expliqueront ce livre. Il faut donc toujours une autorit?, m?me aux pr?dicateurs d'ind?pendance, et celle qu'on choisit arbitrairement ne vaut pas celle qu'on trouve ?tablie depuis dix-huit si?cles. Croyez-vous que l'Empereur de Russie soit un meilleur chef visible de l'?glise que l'?v?que de Rome? Les Russes devraient le croire; mais le croient-ils? Croyez-vous qu'ils le croient? Telle est pourtant la v?rit? religieuse qu'ils pr?chent aujourd'hui aux Polonais! Vous piquerez-vous de cons?quence, et rejetterez-vous opini?trement toute autre autorit? que celle de la raison individuelle? vous perp?tuez la guerre parce que le gouvernement de la raison nourrit l'orgueil, et que l'orgueil engendre la division. Ah! les chr?tiens ne savent pas de quel tr?sor ils se sont volontairement priv?s le jour o? ils avis?rent qu'on pourrait avoir des ?glises nationales!... Si toutes les ?glises du monde ?taient devenues nationales, c'est-?-dire protestantes ou schismatiques, il n'y aurait plus aujourd'hui de christianisme: il n'y aurait que des syst?mes de th?ologie soumis ? la politique humaine qui les modifierait ? son gr?, selon les circonstances et selon les localit?s. Je me r?sume: je suis chr?tien, parce que les destin?es de l'homme ne s'accomplissent pas sur la terre: je suis catholique, parce que hors de l'?glise catholique, le christianisme s'alt?re et p?rit. Apr?s avoir parcouru la plus grande partie du monde civilis?, apr?s m'?tre appliqu? de toutes mes forces pendant ces diverses courses ? d?couvrir quelques-uns des ressorts cach?s dont le jeu fait la vie des Empires; voici, selon mes observations attentives, l'avenir que nous pouvons pr?sager au monde. Du point de vue humain: l'universelle dispersion des esprits par le m?pris de la seule autorit? l?gitime en mati?re de foi: c'est-?-dire l'abolition du christianisme, non comme syst?me de morale et de philosophie, mais comme religion... et ce point suff?t ? la force de mon argument. Du point de vue surnaturel: le triomphe du christianisme par la r?union de toutes les ?glises dans l'?glise m?re, dans cette ?glise ?branl?e, mais indestructible, et dont chaque si?cle ?largit les portes pour y faire rentrer tout ce qui en est sorti. Il faut que l'univers redevienne pa?en ou catholique: pa?en d'un paganisme plus ou moins raffin?, avec la nature pour temple, les sens pour ministre du culte, et la raison pour idole; ou catholique avec des pr?tres, dont un certain nombre au moins mette sinc?rement en pratique, avant de le pr?cher, le pr?cepte de leur ma?tre: < Voil? le dilemme dont l'esprit humain ne sortira plus. Hors de l?, il n'y a d'un c?t? que fourbe, de l'autre qu'illusion. Ce r?sultat m'est apparu depuis que je pense; cependant les id?es du si?cle ?taient si loin de mes id?es, que je manquais non de foi, mais de hardiesse; j'?prouvais toute l'impuissance de l'isolement; je n'ai cess? n?anmoins de protester de toutes mes forces en faveur de ma croyance. Mais aujourd'hui qu'elle est devenue populaire dans une partie de la chr?tient?, aujourd'hui que les grands int?r?ts qui agitent le monde sont ceux qui m'ont toujours fait battre le coeur, aujourd'hui enfin que l'avenir, l'avenir prochain de l'Europe est gros du probl?me dont je n'ai cess? de chercher la solution dans mon obscurit?; je reconnais que j'ai ma place en ce monde, je me sens appuy?, si ce n'est dans mon pays encore ?pris de cette philosophie de destruction, philosophie ?troite, arri?r?e qui retient une grande partie de la France actuelle hors de la m?l?e des grands int?r?ts humains: au moins dans l'Europe chr?tienne. C'est cet appui qui m'a autoris? ? d?finir plus nettement mes id?es dans plusieurs parties de cet ouvrage, et ? en tirer les derni?res cons?quences. Partout o? j'ai pos? le pied sur la terre, depuis Maroc jusqu'aux fronti?res de la Sib?rie, j'ai senti couver le feu des guerres religieuses; non plus peut-?tre, nous devons l'esp?rer, de la guerre ? main arm?e, la moins d?cisive de toutes, mais de la guerre des id?es... Dieu seul sait le secret des ?v?nements, mais tout homme qui observe et qui r?fl?chit peut pr?voir quelques-unes des questions qui seront r?solues par l'avenir: ces questions sont toutes religieuses. De l'attitude que la France saura prendre dans le monde comme puissance catholique d?pendra son influence politique. ? mesure que les esprits r?volutionnaires s'?loignent d'elle, les coeurs catholiques s'en rapprochent. En ceci, la force des choses domine tellement les hommes, qu'un Roi, souverainement tol?rant, et un ministre protestant sont devenus dans le monde entier les d?fenseurs les plus z?l?s du catholicisme, uniquement parce qu'ils sont Fran?ais. Tels furent les constants objets de mes m?ditations et de ma sollicitude pendant le long p?lerinage dont on va lire le r?cit, r?cit vari? comme la vie errante du voyageur, mais o? perce toujours l'amour de la patrie combin? avec des id?es plus g?n?rales. Toutefois, ? combien de controverses ne sont-elles pas sujettes ces id?es qui agitent aujourd'hui le monde, longtemps engourdi dans une civilisation trop mat?rielle? Reconna?tre la divinit? de J?sus-Christ, c'est beaucoup sans doute, c'est plus que ne font la plupart des protestants; n?anmoins ce n'est pas encore ?tre enfant? au christianisme. Les pa?ens ne voulaient-ils pas ?lever des temples ? celui qui ?tait venu pour d?molir leurs temples?... Lorsqu'ils proposaient aux ap?tres de mettre J?sus-Christ au nombre de leurs dieux, ?taient-ils chr?tiens pour cela? Un chr?tien est un membre de l'?glise de J?sus-Christ. Or, cette ?glise exclusive est une; elle a son chef visible, et elle s'enquiert de la foi de chaque homme autant que de ses actes, parce qu'elle gouverne par l'esprit. Il peut exister, il existe sans doute un grand nombre d'esprits, las de se laisser pousser ? tous vents de doctrines, et qui se r?fugient ? l'abri du sanctuaire contre la tourmente des id?es du si?cle; on peut donner ? ces nouveaux convertis le nom de n?ocatholiques; mais on ne saurait parler de n?ocatholicisme sans m?conna?tre l'essence m?me de la religion, car ce mot implique contradiction. Rien de moins ambigu que notre foi; ce n'est pas un syst?me de philosophie dont chacun peut prendre ou rejeter ce qu'il lui pla?t. On est catholique tout ? fait, ou on ne l'est pas du tout; on ne saurait l'?tre ? moiti?, ni d'une mani?re nouvelle. Un n?ocatholicisme serait une secte d?guis?e qui abjurerait bient?t l'erreur pour rentrer dans le sein de l'?glise, sous peine de se voir condamn?e par celle-ci, pr?occup?e qu'elle est ? juste titre de la n?cessit? de conserver la puret? de la foi, bien plus que de l'ambition de grossir en apparence le nombre douteux de ses ?quivoques enfants. Quand le monde adoptera le christianisme sinc?rement, il saura bien le prendre o? il est. L'essentiel, c'est que le d?p?t sacr? reste pur d'alliage. N?anmoins l'?glise catholique peut se r?former quant aux moeurs, ? la discipline du clerg?, et m?me quant ? la doctrine, sur les points qui ne touchent pas au fondement de la foi; que dis-je? son histoire, sa vie n'est qu'une r?forme perp?tuelle; mais cette r?forme l?gitime et non interrompue, ne saurait s'op?rer que sous la direction de l'autorit? eccl?siastique et selon les lois canoniques. Plus j'ai parcouru le monde, plus j'ai observ? les races diverses et les divers ?tats, et plus je me suis convaincu que la v?rit? est immuable: elle fut d?fendue avec barbarie par des hommes barbares dans des si?cles barbares; elle sera d?fendue avec plus d'humanit? dans l'avenir; mais sa puret? ne saurait ?tre alt?r?e ni par le prisme de l'erreur, dont ses adversaires sont ?blouis, ni par les crimes de ses champions. Le spectacle de l'avilissement o? peut tomber le sacerdoce dans un pays o? l'?glise ne rel?ve que de l'?tat, ferait reculer tout protestant cons?quent. Une ?glise nationale, un clerg? national: ces mots ne devraient jamais s'allier; l'?glise est par essence sup?rieure ? toute soci?t? humaine; quitter l'?glise universelle pour entrer dans une ?glise politique quelconque, c'est donc plus qu'errer dans la foi, c'est renier la foi, c'est retomber du ciel sur la terre. Cependant combien d'hommes honn?tes, d'hommes excellents, ? l'origine du protestantisme, ont cru purifier leur croyance en adoptant les nouvelles doctrines, et n'ont fait que se r?tr?cir l'esprit!... Depuis lors l'indiff?rence glorifi?e et masqu?e sous le beau nom de tol?rance, a perp?tu? l'erreur... Ce qui fait de la Russie l'?tat le plus curieux du monde ? observer aujourd'hui, c'est qu'on y trouve en pr?sence l'extr?me barbarie favoris?e par l'asservissement de l'?glise et l'extr?me civilisation import?e des pays ?trangers par un gouvernement ?clectique. Pour savoir comment le repos ou du moins l'immobilit? peut na?tre du choc d'?l?ments si divers, il faut suivre le voyageur jusque dans le coeur de ce singulier pays. Le proc?d? que j'emploie pour peindre les lieux et pour d?finir les caract?res me para?t, sinon le plus favorable ? l'?crivain, du moins le plus rassurant pour le lecteur, que je force ? me suivre, et que je rends lui-m?me juge du d?veloppement des id?es sugg?r?es au voyageur. J'arrive dans un pays nouveau sans autres pr?ventions que celles dont nul homme ne peut se d?fendre: celles que nous donne l'?tude consciencieuse de son histoire. J'examine les objets, j'observe les faits et les personnes en permettant ing?nument ? l'exp?rience journali?re de modifier mes opinions. Peu d'id?es exclusives en politique me g?nent dans ce travail spontan? o? la religion seule est ma r?gle immuable; encore cette r?gle peut-elle ?tre rejet?e par le lecteur sans que le r?cit des faits et les cons?quences morales qui en d?coulent soient entra?n?s dans la r?probation que j'encours et que je veux encourir aux yeux des incr?dules. On pourra m'accuser d'avoir des pr?jug?s, on ne me reprochera jamais de d?guiser sciemment la v?rit?. Quand je d?cris ce que j'ai vu, je suis sur les lieux; quand je raconte ce que j'ai entendu, c'est le soir m?me que je note mes souvenirs du jour. Ainsi, les conversations de l'Empereur, reproduites mot ? mot dans mes lettres, ne peuvent manquer d'un genre d'int?r?t: celui de l'exactitude. Elles serviront, je l'esp?re, ? faire bien conna?tre ce prince si diversement jug? parmi nous et dans le reste de l'Europe. Les lettres qu'on va lire ne furent pas toutes destin?es au public, plusieurs parmi les premi?res ?taient de pures confidences; fatigu? d'?crire, mais non de voyager, je comptais cette fois observer sans m?thode, et garder mes descriptions pour mes amis; on verra, dans le cours de l'ouvrage, les raisons qui m'ont d?cid? ? tout imprimer. La principale, c'est que j'ai senti chaque jour mes id?es se modifier par l'examen auquel je soumettais une soci?t? absolument nouvelle pour moi. Il me semblait qu'en disant la v?rit? sur la Russie, je ferais une chose neuve et hardie: jusqu'? pr?sent la peur et l'int?r?t ont dict? des ?loges exag?r?s; la haine a fait publier des calomnies: je ne crains ni l'un ni l'autre ?cueil. J'allais en Russie pour y chercher des arguments contre le gouvernement repr?sentatif, j'en reviens partisan des constitutions. Le gouvernement mixte n'est pas le plus favorable ? l'action; mais dans leur vieillesse, les peuples ont moins besoin d'agir; ce gouvernement est celui qui aide le plus ? la production, et qui procure aux hommes le plus de bien-?tre et de richesses; il est surtout celui qui donne le plus d'activit? ? la pens?e dans la sph?re des id?es pratiques: enfin il rend le citoyen ind?pendant, non par l'?l?vation des sentiments, mais par l'action des lois: certes, voil? de grandes compensations ? de grands d?savantages. Add to tbrJar First Page Next Page |
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