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Read Ebook: Variétés Historiques et Littéraires (01/10) Recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers by Fournier Edouard Editor
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 489 lines and 51609 words, and 10 pagesLe luxe a est? de tout temps si deprav?, par devant les femmes principalement, qu'il semble qu'elles se soyent estudi? le plus ? ce subjet qu'? autre chose quelle qu'elle soit. Ceste laxive Egypsienne, Cleop?tre, ne se contentoit de porter sur soy ? plus d'un million d'or vaillant des plus belles perles que produit l'Orient, mais en un festin elle en faisoit dissoudre et manger ? plus de vingt-mille escus ? ce pauvre abus? de Marc-Antoine, ? quy ? la fin elle cousta l'honneur et la vie. Je laisse une infinit? d'histoires qui serviroient ? ce subjet, pour racompter ceste tr?s veritable, modernement arriv?e ? Anvers, ville renomm?e et principale de la Flandre. La comtesse de Hornoc, fille unique de ceste illustre maison, estoit demeur?e riche de plus de deux cent mille escus de rente; mais elle estoit fort colerique, et lorsqu'elle estoit fort en col?re, elle juroit et se donnoit au diable, et outre ce elle estoit tr?s ambitieuse et subjette au luxe, n'espargnant rien de ces moyens pour se faire paroistre la plus pompeuse de la ville d'Anvers. Au mois de decembre dernier, elle fut convoy?e en un festin qui se faisoit en l'une des principales maisons, o?, pour paroistre des plus relev?es, elle ne manquoit ? ce subjet de se faire faire des plus riches habits et des plus belles fa?ons qu'elle se pouvoit adviser, entre autres des plus belles et deslies toilles, dont la Flandre, sur toutes les provinces de l'Europe, est la mieux fournie pour se faire des rabats des mieux goderonn?s. A ces fins, elle avoit mand? querir une empeseuse de la ville pour lui en accommoder une couple, et qui fussent bien empes?s. Cette empeseuse y met toute son industrie, les luy apporte; mais, aveugl?e du luxe, elle ne les trouve point ? sa fantaisie, jurant et se donnant au diable qu'elle ne les porteroit pas. Mande querir une autre empeseuse, fit march? d'une pistole avec soy pour luy empeser un couple, ? la charge de n'y rien espargner. Ceste y fait son possible; les ayant accommod?s au mieux qu'elle avoit peu, les apporte ? ceste comtesse, laquelle, possed?e du malin esprit, ne les trouve point ? sa fantaisie. Elle se met en col?re, depitant, jurant et maugreant, jurant qu'elle se donneroit au diable avant qu'elle portast des collets et rabats de la sorte, reiterant ses paroles par plusieurs et diverses fois. Le diable, ennemy capital du genre humain, qui est tousjours aux escouttes pour pouvoir nous surprendre, s'apparut ? ceste comtesse en figure d'homme de haute stature, habill? de noir; ayant fait un tour par la salle, s'accoste de la comtesse, lui disant: Et quoy! madame, vous estes en col?re? Qu'est-ce que vous avez? Si peux y mettre rem?de, je le feray pour vous.--C'est un grand cas, dit la comtesse, que je ne puisse trouver en ceste ville une femme qui me puisse accommoder un rabat bien goderonn? ? ma fantaisie! En voil? que l'on me vient d'apporter. Puis, les jettant en terre, les foulant aux pieds, dit ces mots: Je me donne au diable corps et ?me si jamais je les porte. Et ayant profer? ces detestables mots plusieurs fois, le diable sort un rabat de dessous son manteau, luy disant: Celuy-l?, madame, ne vous agr?e-t-il point?--Ouy, dit elle, voil? bien comme je les demande. Je vous prie, mettez le moy, et je suis tout ? vous de corps et d'?me. Le diable le luy presente au col, et le luy tordit en sorte qu'elle tomba morte ? terre, au grand espouvantement de ses serviteurs. Le diable s'esvanouyt, faisant un si gros pet comme si l'on eust tir? un si grand coup de canon, et rompit toutes les verrines de la salle. Les parens de la dite comtesse, voulant cacher le faict, firent entendre qu'elle estoit morte d'un catharre qui l'avoit estrangl?e, et firent faire une bi?re et firent preparer pour faire les obs?ques, ? la grandeur comme la qualit? de telle dame portoit. Les cloches sonnent, les pr?tres viennent. Quatre veulent porter la bi?re et ne la peuvent remuer; ils sy mettent six... autant que devant; bref, toutes les forces de tant qui sont ne peuvent remuer ceste bierre, en sorte qu'ont est? contraint d'atteler des chevaux; mais pour cela elle ne peut bouger, tellement que ce que l'on vouloit cacher fut descouvert. Toute la ville en est abrev?e; le peuple y accourut. De l'avis des magistrats, on ouvre la bi?re: il ne se trouve qu'un chat noir, qui court et s'evanouyt par dedans le peuple. Voil? la fin de ceste miserable comtesse, qui a perdu et corps et ?me par son trop de luxe. Cecy doit servyr de miroir exemplaire ? tant de poupines qui ne desirent que de paroistre des mieux goderonn?es, mieux fard?es, avec des faux cheveux et dix mille fatras pour orner ce miserable corps, qui n'est ? la fin que carcasse, pourriture, pasture de vers et des plus vils animaux. Dieu leur doint la gr?ce que ceste histoire leur profite et les convie ? amender leurs fautes! Ainsi soit-il. FIN. Monsieur et fr?re, je commenceray la presente pour responce ? ce qui est contenu ? la fin de celle que j'ay receu de vous du xviij du moy pass?, et pour satisfaire ? la curiosit? que monstrez avoir d'avoir quelque lumi?re des bruits que l'on faict courir des esmotions, non pas de Valladolid , mais de Sarragoce, ville capitalle du royaume d'Arragon. Je vous diray qu'il y a environ vingt ans que le roy tenoit ? son service un nomm? Antonio Per?s, lequel il avoit faict son secretaire d'estat, et l'avoit tellement receu en sa grace, que, pour la bonne opinion qu'il avoit conceue de luy, il se reposoit d'une bonne partie de ses plus importans affaires sur sa suffisance et fidelit?, tellement qu'il estoit recherch? d'un chacun pour la grande creance que son maistre avoit en luy plus que personne de toute la court. Apr?s s'estre longuement maintenu en cest estat, n'estant pas donn? ? un chacun d'user en la bonne fortune de la prudence et moderation qui y est requise, il devint si glorieux et insupportable, qu'il se rendoit fort mal voulu des gens de bien, et, non content de ce, s'oublia de tant que de commettre beaucoup de choses desquelles Sa Majest? demeuroit offenc?e, et telles y en avoit-il qui meritoient une griefve punition, voyre de la vie. Toutesfois, le tout aver?, elle se contenta de le faire sortir de sa court et retirer en sa maison, o? il jouyssoit de ses biens, qui estoient tr?s grands, pour avoir receu beaucoup de bienfaits pendant qu'il estoit en grace, et de sa femme et enfans fort paisiblement, sans qu'il fust inquiet? en mani?re quelconque. Neantmoins, sa conduicte fut si mauvaise, et y usa de si peu de prudence, que, pour justiffier son eslongnement, il blamoit et accusoit sa dicte Majest? d'ingratitude, detractant de luy plus licentieusement qu'il n'appartient ? un subject qui avoit receu tant de biens et honneurs de son maistre, desquels il estoit descheu par ses mauvais deportemens, et aucuns adjoustent qu'il faisoit des deservices prejudiciables ? l'estat de son prince; ce qu'estant venu ? sa cognoissance, il l'envoya prendre en sa maison, le fit mener en ceste ville, mettre en une maison o? il estoit bien log?, et mis soubz la garde de quelques uns qui furent commis ? ce. On luy permit de jouyr de la presence et compagnie de sa femme, ses enfans, et de ceux qui le vouloient aller visiter, sans luy donner aucun empeschement en la jouyssance de ses biens, et ne voulans qu'il fust fait plus ample information de ses delicts, ni que l'on procedast ? l'encontre de luy criminellement, comme il avoit suffisamment de quoy, et pour luy faire perdre la vie. Il demeura long-temps en cest estat, jusques ? ce que, s'en ennuyant, il trama avec sa femme de se sauver, laquelle, saige et accorte, desireuse de complaire ? l'intention de son mary, sceut si bien entretenir ses gardes un soir qu'il fist le malade, qu'il eust moyen de se sauver en habit d'une des servantes de la dicte femme, et, estant aid? de chevaux, s'en alla d'une traicte ? dix lieux d'icy, o? il print la poste pour gaigner Sarragoce, de cela il y a peu moins de deux ans, et, y estant arriv?, se presenta ? la justice du lieu, remonstra qu'il estoit natif du pa?s d'Arragon, que l'on l'avoit detenu injustement en prison un long temps par de??, et qu'ayant trouv? moyen d'eschapper, il se mettoit entre leurs mains, les prioit de luy conserver son innocence, et ne point souffrir qu'il fust traict? contre les privil?ges desquels ont accoustum? de jouyr ceux du dict pa?s d'Arragon: ? quoy il fut receu, et par ceremonie mis en prison en la dicte ville. Les officiers de laquelle envoy?rent incontinent des deputez au roy, pour l'advertir de ce qui s'estoit pass? avec le dict Antonio Per?s, promettans, s'il avoit delinqu?, d'en faire la justice par la rigueur des loix du pays, lesquelles ne permettent qu'un gentilhomme puisse estre puny de mort ni ses biens confisquez, pour quelque crime et forfaict que ce soit. Sa Majest? les lo?a de l'avoir retenu prisonnier, mais monstra desirer qu'il fust ramen? par de??; ? quoy ils ont tousjours contredict, comme chose repugnante ? leurs dicts privil?ges: de mani?re que, pour tirer ledict Per?s de leur pouvoir et le mettre ?s mains de la justice de sa dicte Majest? au dict lieu de Sarragoce, il fut ordonn? au vice-roi de l? de le faire transporter de la prison o? il estoit en un lieu hors la ville, qui est en forme de chasteau, o? se mettent ceux qui sont accusez de l'inquisition, ce qui fut execut? au mois de juillet dernier; mais ses parens et amis firent telle clameur parmy le peuple que l'on leur vouloit oster leur libert? et privil?ges, leur remontrans le mal qui en resulteroit s'ils enduroient ce qui estoit advenu, qu'? l'instant plus de six mil hommes prindrent les armes, accoururent au logis du gouverneur, o? estans entrez de force, ils tu?rent quelques uns de ses gens et le bless?rent, de sorte que quelque temps apr?s il mourut; furent aux maisons des juges de l'inquisition, les contraignirent, les armes ? la gorge, de sortir le dict Per?s du lieu o? il avoit est? men?, et le remettre en leurs mains, et, s'imaginans que le roy, pour avec plus d'apparence le pouvoir faire mourir, vouloit qu'il fust accus? par devant les dicts juges de l'inquisition, voulurent qu'il fust examin? par eux sur toutes choses qui concernent la dicte inquisition, et le firent declarer innocent et exempt d'en estre recherch?. Depuis, au mois de septembre, sa dicte Majest?, estant mal satisfaicte de ce qui s'estoit pass?, commanda ? ceux qu'elle s?avoit luy estre obeissans, de tirer de nouveau le dict Per?s du lieu o? il estoit gard?, pour le remettre en l'autre o? auparavant elle avoit ordonn? qu'il fust conduict; ? quoy ceux auxquels ce commandement s'adressa desirans d'obeyr, et neantmoins doutans qu'il ne se peust faire seurement sans estre assistez de forces, firent mettre en armes un bon nombre d'hommes, pour, ? l'aide d'iceux, executer ce qui leur estoit ordonn?. Mais le peuple et ceux qui avoient est? autheurs de la premi?re esmotion, en ayans eu le vent, mirent ensemble cinq ou six mil hommes, vindrent avec les autres aux mains, o? il y en eust plusieurs tuez et blessez, brusl?rent le coche dans lequel on avoit deliber? de mettre le prisonnier, et de la mesme furie all?rent ? la prison, le mirent dehors, et avec luy quelques autres coupables de la vie, et leur firent fournir chevaux pour se sauver, comme ils firent, et dit-on qu'ils se sont retirez en France. Ceste audace meritoit le juste courroux d'un grand roy, qui, se faisant obeyr et respecter aux parties les plus eslongn?es de la terre, souffroit un mespris de ses subjects si pr?s de luy; neantmoins il y proceda avec tant de doulceur que, sur les remontrances qui luy en furent faictes, il dict qu'il s?avoit bien que parmy les bons il y avoit tousjours des mauvais; que l'on fist recherche de ceux qui avoient est? autheurs de ces esmotions; que l'on en fist la justice, moyennant quoy il estoit content d'oublier ce qui s'estoit pass?. Mais ceste commune, enyvr?e en ses debordemens, ne pouvant ouyr parler de la justice, disant aussi que ce qu'ils avoient faict n'avoit est? que pour maintenir leurs privil?ges, et que les loix d'Arragon ne souffriroient qu'un gentilhomme, pour quelque crime que ce fust, peut mourir par justice, se rendirent si obstinez, fermans les oreilles ? toutes les propositions, douces et aigres, mesmes retenans par force les princes, seigneurs et gentilz hommes du pays qui pour lors se trouv?rent en leur ville, disans que puisqu'il alloit en ce faict de la conservation de leurs privil?ges, il falloit qu'ils les assistassent, ayans aussi semond, non seulement les autres villes d'Arragon d'entrer avec eux en la dicte deffence, mais aussi le royaume de Valence et de la Cathalogne, qui jouyssent des mesmes droits qu'eux, lesquels toutesfois les ont abandonnez en leur mauvaise cause, que Sa Majest? a est? contraincte, pour reprimer telles insolences, de faire tourner la teste ? une arm?e de dix mil hommes de pied et deux mil cinq cens chevaux qui avoient est? levez l'est? pass? pour nostre secours, comme je peux le vous avoir cy devant escript, de ce cost? l?, ? laquelle ils se sont voulu opposer, ayans cr?? d'entre eux par force un pour leur chef , avec lequel ils all?rent en nombre de cinq ou six mil, ? trois ou quatre lie?es de la dicte ville de Sarragoce, en intention de defendre le passage d'un pont ? la dicte arm?e; mais leur dict chef, non consentant en leurs folies, faignant les mettre en ordre pour combattre, mont? sur un bon cheval, les laissa et se retira avec ceux du roy en icelle, dont estonnez, sans s?avoir ? quoy se resouldre, se retir?rent en leur ville fort troublez, o? ils furent suyvis de la dicte arm?e, laquelle, ? l'intercession des gens de bien, y est entr?e sans avoir trouv? aucune resistance, ni us? d'aucune violence ni extorsion. Voil? comment ce faict s'est pass?, avec beaucoup d'honneur et de reputation de ce bon roy, lequel tout ensemble faict cognoistre ? ses subjects sa douceur et clemence, encores qu'il tienne en la main de quoy les chastier rigoureusement. Voil? la verit? de l'histoire, que je vous prie de communiquer aux amys, et me conserver en leurs bonnes graces, comme je desire demeurer pour tousjours en la vostre. De Madrid, ce xxj de novembre 1591. Amand, ayant mis sous les armes environ quatre-vingts hommes de sa compagnie, se jugea assez fort pour executer de plein jour et au milieu des rues le pernicieux complot fait en sa maison contre ledit Bourgeois. Pour cet effet, il supposa avoir un ordre de la ville pour l'y conduire, lequel ne pouvoit estre que faux ou mandi? apr?s temps, puisque, comme il a est? remarqu? cy-devant, ledit Bourgeois avoit est? enlev? d?s les cinq heures et demie du matin, auquel temps ledit Amand ne pouvoit pas avoir obtenu un ordre de la ville en la forme et avec les circonstances qu'il l'a depuis fait paroistre. Il ne laissa de commander audit Bourgeois de le suivre, qui repondit ne le pouvoir faire, estant tout rou? et ayant le genouil cass? de coups; et il le pria de luy envoyer querir une chaise, avec offre de la payer. Une chaise! repartit Amand en luy dechargeant un soufflet, cela est bon pour les princes; mais ? toy, il te faut un tombereau. Neantmoins, quelqu'un de la bande se mit en peine pour cela, et on fist apporter une sorte de faute?il, laquelle sert ? porter ? l'Hostel-Dieu les pauvres malades. Ledit Amand envoya querir quelques paquets de mesches et de cordes, et commanda de lier ledit Bourgeois sur ledit fauteuil, ce qui fut promptement execut? par les nommez Masselin et Sayde, sergens de la compagnie, s?avoir par le millieu du corps, les bras sur les appuis du faute?il et les jambes separement sur les batons qui servent ? le porter, et cela si rudement et serr?, que les cordes en demeur?rent imprim?es en sa chair; envoya querir deux crocheteurs pour le porter, ausquels il repondit en son nom de leur salaire, duquel il les fit satisfaire le lendemain par sa femme. Cet innocent captif, sans secours et sans defense, fit paroistre une telle constance en la dur?e de tous ses tourmens, qu'il ne lascha aucune parolle capable d'offenser les frippiers ny leur capitaine, lequel, environ les dix heures et demie de la mesme matin?e, fist battre la marche, et en cest equipage, luy et Guillaume Leguay, son enseigne, chacun avec leur hausse-col et les pistolets ? la main, marchant ? la teste de la compagnie, les sergens et caporaux en leur rang, les rangs quatre ? quatre, sortirent de leur quartier de la Tonnellerie, faisant porter ledit Bourgeois au milieu de ladite compagnie, ? cost? du tambour, vinrent droit ? la rue Tire-Chappe; et, quelques uns des plus effrontez ayant dit qu'il falloit marcher et le faire passer ? la barbe du p?re, au lieu d'entrer en icelle, enfil?rent ? celle de Sainct-Honor?, entr?rent en celle des Bourdonnois, puis en celle de la Limace, o? ledit Amand, capitaine, fit faire halte et cesser le tambour, pour tenir entre eux le dernier conseil pour l'execution de leur vengeance. Apr?s, ils continu?rent leur marche en celle des Deschargeurs, o? estans, se saisirent de toutes les adven?es circonvoisines, firent plusieurs decharges de leurs fuzils, tant contre ceux qui les suivoient, dont aucuns furent atteints et blessez, qu'en haut, pour empescher de regarder aux fenestres; firent fermer les boutiques qui estoient ouvertes, et, voyant ce lieu-l? fort propre pour mettre fin ? leur pernicieux dessein, firent poser ladite chaise o? estoit ledit Bourgeois contre le meur d'une maison nouvellement bastie pr?s la rue du Plat-d'Estin. Et alors, plusieurs ayant dit qu'il estoit temps de s'en deffaire, et le capitaine dit: Main basse! firent une decharge de fuzils ? bout portant sur ledit Bourgeois, dont il fut atteint d'un coup ? l'oeil senestre qui luy arracha la vie, fit voler la cervelle par le derri?re de la teste et emplir son visage et le pav? de sang. Un charitable ecclesiastique, aumosnier de M. l'abb? de Sillery, s'estant trouv? engag? dans ceste r?e, s'effor?a, malgr? la resistance de ces meurtriers, d'approcher ledit Bourgeois pour le reconcilier et donner la benediction. La chose ainsi achev?e, le capitaine, asseur? de la mort dudit Bourgeois par celuy mesme qui avoit fait le coup, tint nouveau conseil avec les principaux de ladite compagnie pour adviser ce qu'ils feroient de ce corps mort. Apr?s le resultat, il fit recharger et remettre sa compagnie en ordre, commanda aux porteurs de reprendre ladite chaise et porter ledit deffunct, les y for?a sur leur refus, passant de la rue des Deschargeurs par celles des Mauvaises-Parolles, Thibaultod?e, Sainct-Germain, et de l? droict ? la Gr?ve, disans tousjours que c'estoit un voleur et un mazarin qui avoit voulu tuer M. de Beaufort, qu'ils le conduisoient ? l'Hostel-de-Ville, et de temps en temps faisoient des decharges de leurs fuzils sur ceux qui couroient et crioient apr?s eux ? la veu? d'un tel spectacle. D'abord, ils se saisirent du perron de la porte de l'Hostel-de-Ville pour en empescher l'entr?e aux parents et amis du deffunct. Amand et quelques uns des siens mont?rent o? Messieurs de la ville siegeoient, et, pour excuse de l'abominable crime qu'ils venoient de commettre, leur supposent que, plusieurs personnes s'estant present?es pour leur ravir ledit Bourgeois, ils avoient est? obligez de le tuer. Ainsi, cette victime innocente fut pos?e dans la cour dudit Hostel-de-Ville, qui devoit estre le lieu de franchise et l'azile des opprimez. Ce fait, Amand et ses complices se retir?rent chez eux par les rues les moins frequent?es, et n?antmoins tousjours suivis par la pluspart de ceux qui avoient veu ce sanglant et espouvantable spectacle, qui les auroient d?s lors punis tout chaudement de leur forfait, si Dieu ne les eust reservez pour en faire un chastiment et une punition exemplaire ? toute la posterit?. C'est ce que le p?re, les parens dudit deffunct et tout Paris attendent et esp?rent de sa justice et de celle de Messieurs du Parlement. M. de Boyvin-Vaurouy, rapporteur. In-8? de 32 pages. Je me suis tromp? quand j'ay creu que j'aurois du repos et tranquillit? d'esprit lors que, retir? de toutes affaires, je jouyrois de la nuict pour refuge de mes travaux: car j'y ay trouv? de l'inqui?tude, et mille visions se sont present?es qui me l'ont empesch?. Je croy qu'il est necessaire que le jour j'eusse rumin? et song? ? tout ce qui se passe de bien et de mal en mon temps, et que j'eusse desir? la reformation du mal, dont je ne pouvois venir ? bout, puis qu'en songe il m'a sembl? qu'il s'est present? ? moy le venerable juge du petit criminel, Me Nicolas, avec sa barbe assez mal peign?e et sa fraize ? l'espagnolle, empez?e de son, qui, en levant la teste avec une parole assez rude et brutine, assist? tant des procureurs de son temps, Carr?, Goguier, Mauclerc, Pamperon, Bois-Guillot, Humbelot, que infinis autres qui m'estoient incogneus, qui disoit ce qui en suit: Et quoy! est-il necessaire de revenir au monde pour reformer ce peuple insolent, lequel j'ay si bien chasti? de mon temps, ne leur ayant donn? autres viandes plus solides pour leur caresme que des amandes? Et neantmoins c'est tousjours ? recommencer. J'esp?re bien, avant que de partir de ce monde, d'y mettre tel ordre par mes jugemens, qui leur en souviendra. Je viens tenir mes grands jours pour cet effet. J'ay choisy pour mon greffier un homme assez sage et discret, quoy qu'il soit camus et impotant des deux mambres. Ce que j'en ay faict est affin qu'il tienne pied ? boulle, et que sans discontinuation il redige par escrit mes jugemens, pour estre executez par Tanchon, qui ? pr?sent n'a nul empeschement, puisque sa femme est mari?e ailleurs. Et vous, l'huissier Cornet, qui autrefois avez eu tant de vogue ? la justice de saint Ladre, et qui avez est?, par miracle ou autrement, trente-deux ans sans changer d'habit ny de chapeau, qui sert encores ? pr?sent ? Pierre Parru, cordonnier de la grosse pantoufle de saint Crespin, je vous ay choisi pour appeler les causes et faire taire les babillards, pour lesquelles appeler vous n'aurez qu'un sol de la douzaine, veu le grand nombre qui se presente ? juger, afin que le peuple ne soit point foul?. Or sus, appelez. --Carr?, avez-vous des causes? Plaidez. --Monsieur le lieutenant, j'aurois besoing de plaider pour moy le premier, afin de me faire donner le moyen d'avoir une robbe et un bonnet, car la mienne est toute deschir?e d'avoir est? attir? si souvent ? la table Roland par mes parties, aussi que j'ay perdu la pluspart de ma praticque depuis que j'ay fait le voyage de Golgotha. Donnez-moy patience que je sois en meilleur poinct, et cependant faites plaider Goguier. --Goguier! Goguier! --Monsieur le lieutenant, il est necessaire, avant que de plaider, de faire une reigle en vostre justice, et que vous ordonniez que l'audiance commencera ? quatre heures du matin, que tout le monde est ? jeun: car, pour mon regard , il nous est impossible de bien reciter ny faire entendre le faict de nos parties depuis huict heures du matin jusques ? neuf heures au soir, que nous avons l'esprit preoccup? du son des pots et du remuement des verres. --Ho, ho! par saint Lopin, si vous me faschez, je donneray licence aux parties de plaider sans vous, et feray ma justice consulaire, puisque vous coustez plus ? saouler, que le fonds du proc?s ne vaut. Sus, sus, donnez tout ? vostre ayse; chancelez comme de coustume; parlez du coq ? l'asne avec le plan: je ne veux plus vous escouter; et vous, parties, plaidez distinctement les uns apr?s les autres, sans vous confondre. --Monsieur le lieutenant, nous nous y opposons; il y a d'honnestes procureurs qui sont revenus de l'autre monde pour gaigner leur vie; ne permettez pas cela. --Qui estes-vous qui parlez? Estes-vous le turbulant Mauclerc? Plaidez, et ne vous mettez poinct en chol?re, afin de n'estre poinct suspandu de vostre charge, ny condamn? ? l'amande comme autrefois: car cela vous a faict mourir, au grand dommage de la fille du Chat. --Monsieur le lieutenant, si vous forcez mon naturel, je ne diray rien qui vaille: car il faut que je s?e en plaidant, que je crie quand ma partie adverse parle, afin que l'on ne l'entende pas, et que je face d'une meschante une bonne cause. C'est ce qui m'a faict avoir tant de pratiques en mon temps. Il est vray que je n'ay pas tant dur? au monde, mais j'ay eu grand renom. --Or, changez de naturel, si vous voulez assister aux grands jours, mitigez vostre chol?re, tandis que j'ecouteray messieurs les frippiers. L'huissier Cornet, appelez. --Messieurs les frippiers, on vous donne licence de plaider sans procureurs; aussi bien les tromperiez-vous comme vous faictes les autres. --Monsieur le lieutenant, nous avons grand subjet de plainte: nous ne gaignons plus tant que nous soulions, et la cause est qu'? force de crier apr?s les prevosts des mareschaux de Paris, ils ont faict une capture depuis peu de deux cent seize voleurs, au nombre desquels il y avoit vingt-deux manteaux rouges qui estoient ? gages, et qui jettoient par le soupirail des caves ce qu'ils avoient butin? par la ville, qu'on avoit ? vil pris, et en faisoit-on fort bien son proffit: car on s?ait changer un manteau en pourpoinct, en chausse et en tout autre vestement, si bien qu'il estoit impossible de rien recognoistre. Or, ? present, on a envoy? ces honnestes gens-l? aux gall?res, et nous avons de la peine maintenant ? vivre et ? gaigner nostre vie. Nous vous demandons justice. --Levez la main tous. Par le serment que vous avez faict, estes-vous chrestiens? --Monsieur le lieutenant, ? la verit? nous tenons encores un tantay du juda?sme plus de deux douzaines d'entre nous, et neantmoins nous faisons bonne mine ? la paroisse S.-Eustache, o? nous ne croyons pas la moiti? de ce que l'on y dict. Mais n'en dites mot. Faictes-nous justice pourtant. --Escrivez, greffier: < --Monsieur le lieutenant, vous n'aviez que faire de revenir en ce monde pour donner des jugemens si cruels contre les bourgeois de Paris; les juges qui sont ? present sont plus favorables et ne pen?trent pas si avant. Nous en appellerons devant monsieur Lusigoly, et de l? ? la cour, o? nous ferons trotter nos alliances pour avoir de la faveur, car nous avons cet honneur, pour nostre argent, d'avoir mari? nos filles aux plus anciennes maisons de Paris, sans que pour cela on ait eu esgard ? cet ancien dicton , ce qui estoit escrit en lettres d'or au dessus du portail du cimeti?re des saincts Innocens; mais, par succession de temps, nos confr?res, ayant brigu? la marguillerie, ont si bien faict, qu'ils l'ont fait effacer. --Allez, allez, on vous le fera manger sans peler; sortez de l'audiance, et laissez plaider les autres. Appelez, huissier. --Carr?! Carr?! si vous estes de sens rassis, plaidez. --Monsieur le lieutenant, en ceste cause il est question d'un point de droict pour s?avoir si un enfant doit estre meilleur que son p?re. Il y en a un qui est ? present prisonnier pour avoir, en continuant ses debauches, espous? une femme contre le gr? de son p?re; si elle est garse, je ne m'en suis pas inform?; si elle est legitime, encore moins. Quoyque s'en soit, le p?re, qui est de grande alliance, tonne, crie, tempeste, arrache, frappe, consulte, court, employe ses amis, parle mal de son fils, bref, fait retentir la cour du pech? de sa maison; cependant je demande l'eslargissement du fils. --Carr?, plaidez une autre cause: celle-l? merite d'estre appoint?e au conseil. On plaide ? huis-clos, car je trouve en nostre code une loy qui dict: qu'il faut expliquer en compagnie. --Cependant, monsieur le lieutenant, je demande acte de mon emprisonnement, pour me servir lors que je brigueray l'eschevinage. --< Appelez un autre. --Mauclerc! Mauclerc! plaidez, et vous souvenez du temps pass? pour estre sage. --Monsieur le lieutenant, je plaide pour les p?res qui ne sont pas ce qu'ils veulent en ce monde, et ausquels, par une subtilit? extraordinaire, on coupe la broche de leurs desseins. Il est question qu'un certain marchand de Paris desiroit s'allier en bon lieu, et donner sa fille en mariage ? gens de son calibre, o? il y avoit du fonds; et toutesfois, pour avoir permis ? cette fille la communication et fr?quentation d'un advocaceau qui la visitoit et la langueoit souvent, le p?re n'a sceu faire condescendre sa fille ? ce mariage: si bien que, de chol?re, le p?re luy dit que jamais il ne parleroit de la marier; pour ? quoy remedier par la fille et l'advocat, apr?s une consultation secrette, la fille a laiss? aller le chat au fromage si souvent, que l'on s'est apperceu qu'il falloit r'eslargir sa robbe, qui a est? le subject que, pour ne point descrier la maison, le marchand luy-mesme a est? le postulant pour avoir l'advocat, qu'il refusoit auparavant; et l'advocat, faisant semblant de le mepriser, a eu du bien avec la fille beaucoup plus qu'il n'avoit volont? de donner, et ont est? mariez secrettement; et si on a accouch? avant terme d'un roussin qui a queue, crin et oreille. A ceste cause, je demande que l'antiquit? soit restablie, et qu'il ne soit pas permis de faire communiquer les filles avec les jeunes hommes que le jour de leurs accordailles. --O? sont les gens du roy, Bourguignon et Gouff?? Qu'ils concluent. --Monsieur le lieutenant, ils sont empeschez ? la chambre civile ? faire leurs affaires. Vous pouvez juger sans eux. --Escrivez, greffier: < Appelez un autre. Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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