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Read Ebook: An Artist's Letters from Japan by La Farge John
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next Page Prev PageEbook has 1164 lines and 69488 words, and 24 pages--Corbleu, monsieur, je ne puis entendre parler ainsi! dit le fougueux mar?chal en sautant sur son fauteuil. Ces r?voltes et ces guerres, monsieur, n'?taient rien aux lois fondamentales de l'Etat et ne pouvaient pas plus renverser le tr?ne que ne le ferait un duel. De tous ces grands chefs de parti il n'en est pas un qui n'e?t mis sa victoire aux pieds du roi s'il e?t r?ussi, sachant bien que tous les autres seigneurs aussi grands que lui l'eussent abandonn? ennemi du souverain l?gitime. Nul ne s'est arm? que contre une faction et non contre l'autorit? souveraine, et, cet accident d?truit, tout f?t rentr? dans l'ordre. Mais qu'avez-vous fait en nous ?crasant? Vous avez cass? les bras du tr?ne et ne mettrez rien ? leur place. Oui, je n'en doute plus ? pr?sent, le Cardinal-duc accomplira son dessein en entier, la grande noblesse quittera et perdra ses terres, et, cessant d'?tre la grande propri?t?, cessera d'?tre une puissance; la cour n'est d?j? plus qu'un palais o? l'on sollicite: elle deviendra plus tard une antichambre, quand elle ne se composera plus que des gens de la suite du roi; les grands noms commenceront par ennoblir des charges viles; mais, par une terrible r?action, ces charges finiront par avilir les grands noms. Etrang?re ? ses foyers, la Noblesse ne sera plus rien que par les emplois qu'elle aura re?us, et si les peuples, sur lesquels elle n'aura plus d'influence, veulent se r?volter... --Que vous ?tes sinistre aujourd'hui, mar?chal! interrompit la marquise. J'esp?re que ni moi ni mes enfants ne verrons ces temps-l?. Je ne reconnais plus votre caract?re enjou? ? toute cette politique; je m'attendais ? vous entendre donner des conseils ? mon fils. Eh bien! Henri, qu'avez-vous donc? Vous ?tes bien distrait! Cinq-Mars, les yeux attach?s sur la grande crois?e de la salle ? manger, regardait avec tristesse le magnifique paysage qu'il avait sous les yeux. Le soleil ?tait dans toute sa splendeur et colorait les sables de la Loire, les arbres et les gazons d'or et d'?meraude; le ciel ?tait d'azur, les flots d'un jaune transparent, les ?les d'un vert plein d'?clat; derri?re leurs t?tes arrondies, on voyait s'?lever les grandes voiles latines des bateaux marchands comme une flotte en embuscade.--O nature, nature! se disait-il, belle nature, adieu. Bient?t mon coeur ne sera plus assez simple pour te sentir, et tu ne plairas plus qu'? mes yeux, ce coeur est d?j? br?l? par une passion profonde, et le r?cit des int?r?ts des hommes y jette un trouble inconnu: il faut donc entrer dans ce labyrinthe; je m'y perdrai peut-?tre, mais pour Marie... Se r?veillant alors au mot de sa m?re, et craignant de montrer un regret trop enfantin de son beau pays et de sa famille: --Je songeais, madame, ? la route que je vais prendre pour aller ? Perpignan, et aussi ? celle qui me ram?nera chez vous. --N'oubliez pas de prendre celle de Poitiers et d'aller ? Loudun voir votre ancien gouverneur, notre bon abb? Quillet; il vous donnera d'utiles conseils sur la cour, il est fort bien avec le duc de Bouillon; et, d'ailleurs, quand il ne vous serait pas tr?s n?cessaire, c'est une marque de d?f?rence que vous lui devez bien. --C'est donc au si?ge de Perpignan que vous vous rendez, mon ami? r?pondit le vieux mar?chal, qui commen?ait ? trouver qu'il ?tait rest? bien longtemps dans le silence. Ah! c'est bien heureux pour vous. Peste! un si?ge! c'est un joli d?but: j'aurais donn? bien des choses pour en faire un avec le feu roi ? mon arriv?e ? sa cour; j'aurais mieux aim? m'y faire arracher les entrailles du ventre qu'? un tournoi, comme je fis. Mais on ?tait en paix, et je fus oblig? d'aller faire le coup de pistolet contre les Turcs avec le Rosworm des Hongrois, pour ne pas affliger ma famille par mon d?soeuvrement. Du reste, je souhaite que Sa Majest? vous re?oive d'une mani?re aussi aimable que son p?re me re?ut. Certes, le roi est brave et bon; mais on l'a habitu? malheureusement ? cette froide ?tiquette espagnole qui arr?te tous les mouvements du coeur; il contient lui-m?me et les autres par cet abord immobile et cet aspect de glace: pour moi, j'avoue que j'attends toujours l'instant du d?gel, mais en vain. Nous ?tions accoutum?s ? d'autres mani?res par ce spirituel et simple Henri, et nous avions du moins la libert? de lui dire que nous l'aimions. Cinq-Mars, les yeux fix?s sur ceux de Bassompierre, comme pour se contraindre lui-m?me ? faire attention ? ses discours, lui demanda quelle ?tait la mani?re de parler du feu roi. --Vive et franche, dit-il. Quelques temps apr?s mon arriv?e en France, je jouais avec lui et la duchesse de Beaufort, ? Fontainebleau; car il voulait, disait-il, me gagner mes pi?ces d'or et mes belles portugalaises. Il me demanda ce qui m'avait fait venir dans ce pays. < Le bon mar?chal avait les yeux attendris; mais le jeune marquis d'Effiat et les Italiens, se regardant, ne purent s'emp?cher de sourire en pensant qu'alors la princesse de Cond? n'?tait rien moins que jeune et jolie. Cinq-Mars s'aper?ut de ces signes d'intelligence, et rit aussi, mais d'un rire amer.--Est-il donc vrai, se disait-il, que les passions puissent avoir la destin?e des modes, et que peu d'ann?es puissent frapper du m?me ridicule un habit et un amour? Heureux celui qui ne survit pas ? sa jeunesse, ? ses illusions, et qui emporte dans la tombe tout son tr?sor! Mais, rompant encore avec effort le cours m?lancolique de ses id?es, et voulant que le bon mar?chal ne l?t rien de d?plaisant sur le visage de ses h?tes: --On parlait donc alors avec beaucoup de libert? au roi Henri? dit-il. Peut-?tre aussi au commencement de son r?gne avait-il besoin d'?tablir ce ton-l?; mais, lorsqu'il fut le ma?tre, changea-t-il? Les propos que nous venons de transcrire longuement furent pourtant assez rapides, et le d?ner n'?tait pas ? la moiti? quand l'arriv?e de Marie de Gonzague fit lever tout le monde. Elle ?tait petite, mais fort bien faite, et quoique ses yeux et ses cheveux fussent tr?s noirs, sa fra?cheur ?tait ?blouissante comme la beaut? de sa peau. La mar?chale fit le geste de se lever pour son rang, et l'embrassa sur le front pour sa bont? et son bel ?ge. --Nous vous avons attendue longtemps aujourd'hui, ch?re Marie, lui dit-elle en la pla?ant pr?s d'elle; vous me restez heureusement pour remplacer un de mes enfants qui part. La jeune duchesse rougit et baissa la t?te et les yeux pour qu'on ne v?t pas leur rougeur, et dit d'une voix timide:--Madame, il le faut bien, puisque vous remplacez ma m?re aupr?s de moi. Et un regard fit p?lir Cinq-Mars ? l'autre bout de la table. Cette arriv?e changea la conversation; elle cessa d'?tre g?n?rale, et chacun parla bas ? son voisin. Le mar?chal seul continuait ? dire quelques mots de la magnificence de l'ancienne cour, et de ses guerres en Turquie, et des tournois, et de l'avarice de la cour nouvelle; mais, ? son grand regret, personne ne relevait ses paroles, et on allait sortir de table, lorsque l'horloge ayant sonn? deux heures, cinq chevaux parurent dans la grande cour: quatre seulement ?taient mont?s par des domestiques en manteaux et bien arm?s; l'autre cheval, noir et tr?s vif, ?tait tenu en main par le vieux Grandchamp: c'?tait celui de son jeune ma?tre. --Ah! Ah! s'?cria Bassompierre, voil? notre cheval de bataille tout sell? et brid?; allons, jeune homme, il faut dire comme notre vieux Marot: Adieu la Court, adieu les dames! Adieu les filles et les femmes! Adieu vous dy pour quelque temps; Adieu vos plaisans passe-temps; Adieu le bal, adieu la dance, Adieu mesure, adieu cadance, Tabourins, Hauts-bois, Violons, Puisqu'? la guerre nous allons. Ces vieux vers et l'air du mar?chal faisaient rire toute la table, hormis trois personnes. --J?sus-Dieu! il me semble, continua-t-il, que je n'ai que dix-sept ans comme lui; il va nous revenir tout brod?, madame; il faut laisser son fauteuil vacant. Ici tout ? coup la mar?chale p?lit, sortit de table en fondant en larmes, et tout le monde se leva avec elle: elle ne put faire que deux pas et retomba assise sur un autre fauteuil. Ses fils et sa fille et la jeune duchesse l'entour?rent avec une vive inqui?tude et d?m?l?rent parmi des ?touffements et des pleurs qu'elle voulait retenir: Pardon!... mes amis... c'est une folie... un enfantillage... mais je suis si faible ? pr?sent, que je n'en ai pas ?t? ma?tresse. Nous ?tions treize ? table, et c'est vous qui en avez ?t? cause, ma ch?re duchesse. Mais c'est bien mal ? moi d'avoir montr? tant de faiblesse devant lui. Adieu, mon enfant, donnez-moi votre front ? baiser, et que Dieu vous conduise! Soyez digne de votre nom et de votre p?re. Le silencieux voyageur baisa les mains de sa m?re et la salua ensuite profond?ment: il s'inclina aussi devant la duchesse sans lever les yeux; puis, embrassant son fr?re a?n?, serrant la main au mar?chal et baisant le front de sa jeune soeur presque ? la fois, il sortit et dans un instant fut ? cheval. Tout le monde se mit aux fen?tres qui donnaient sur la cour, except? madame d'Effiat, encore assise et souffrante. --Il part au galop; c'est bon signe, dit en riant le mar?chal. --Ah! Dieu! cria la jeune princesse en se retirant de la crois?e. --Qu'est-ce donc! dit la m?re. --Ce n'est rien, ce n'est rien, dit M. de Launay: le cheval de monsieur votre fils s'est abattu sous la porte, mais il l'a bient?t relev? de la main: tenez, le voil? qui salue de la route. --Encore un pr?sage funeste! dit la marquise en se retirant dans ses appartements. Chacun l'imita en se taisant ou en parlant bas. La journ?e fut triste et le souper silencieux au ch?teau de Chaumont. Quand vinrent dix heures du soir, le vieux mar?chal, conduit par son valet de chambre, se retira dans la tour du nord, voisine de la porte et oppos?e ? la rivi?re. La chaleur ?tait extr?me; il ouvrit la fen?tre, et, s'enveloppant d'une vaste robe de soie, pla?a un flambeau pesant sur une table et voulut rester seul. Sa crois?e donnait sur la plaine, que la lune dans son premier quartier n'?clairait que d'une lumi?re incertaine; le ciel se chargeait de nuages ?pais, et tout disposait ? la m?lancolie. Quoique Bassompierre n'e?t rien de r?veur dans le caract?re, la tournure qu'avait prise le d?ner lui revint ? la m?moire, et il se mit ? repasser en lui-m?me toute sa vie et les tristes changements que le nouveau r?gne y avait apport?s, r?gne qui semblait avoir souffl? sur lui un vent d'infortune: la mort d'une soeur ch?rie, les d?sordres de l'h?ritier de son nom, les pertes de ses terres et de sa faveur, la fin r?cente de son ami le mar?chal d'Effiat dont il occupait la chambre, toutes ces pens?es lui arrach?rent un soupir involontaire; il se mit ? la fen?tre pour respirer. En ce moment il crut entendre du c?t? du bois la marche d'une troupe de chevaux; mais le vent qui vint ? augmenter le dissuada de cette premi?re pens?e, et tout bruit cessant tout ? coup, il l'oublia. Il regarda encore quelque temps tous les feux du ch?teau qui s'?teignirent successivement apr?s avoir serpent? dans les ogives des escaliers et r?d? dans les cours et les ?curies; retombant ensuite sur son grand fauteuil de tapisserie, le coude appuy? sur la table, il se livra profond?ment ? ses r?flexions; et bient?t apr?s, tirant de son sein un m?daillon qu'il y cachait suspendu ? un ruban noir:--Viens, mon bon et vieux ma?tre, viens, dit-il, viens causer avec moi comme tu fis si souvent; viens, grand roi, oublier ta cour pour le rire d'un ami v?ritable; viens, grand homme, me consulter sur l'ambitieuse Autriche; viens, inconstant chevalier, me parler de la bonhomie de ton amour et de la bonne foi de ton infid?lit?; viens, h?ro?que soldat, me crier encore que je t'offusque au combat; ah! que ne l'ai-je fait dans Paris! que n'ai-je re?u ta blessure! Avec ton sang, le monde a perdu les bienfaits de ton r?gne interrompu... Les larmes du mar?chal troublaient la glace du large m?daillon, et il les effa?ait par de respectueux baisers, quand la porte, ouverte brusquement, le fit sauter sur son ?p?e. --Qui va l?? cria-t-il dans sa surprise. Elle fut bien plus grande quand il reconnut M. de Launay, qui, le chapeau ? la main, s'avan?a jusqu'? lui, et lui dit avec embarras: --Monsieur le mar?chal, c'est le coeur navr? de douleur que je me vois forc? de vous dire que le roi m'a command? de vous arr?ter. Un carrosse vous attend ? la grille avec trente mousquetaires de M. le Cardinal-duc. Bassompierre ne s'?tait point lev?, et avait encore le m?daillon dans la main gauche et l'?p?e dans l'autre main; il la tendit d?daigneusement ? cet homme, et lui dit: --Monsieur, je sais que j'ai v?cu trop longtemps, et c'est ? quoi je pensais; c'est au nom de ce grand Henri que je remets paisiblement cette ?p?e ? son fils. Suivez-moi. --Eh quoi! c'est vous, ?tourdi d'Henri qui faites de ces escapades? Messieurs, messieurs, laissez-le, c'est un enfant. Et de Launay ayant cri? aux mousquetaires de le quitter, on eut le temps de se reconna?tre. --Et comment diable ?tes-vous ici? reprit Bassompierre; je vous croyais ? Tours, et m?me plus loin, si vous aviez fait votre devoir, et vous voil? revenu pour faire une folie? --Ce n'?tait point pour vous que je revenais seul ici, c'est pour affaire secr?te, dit Cinq-Mars plus bas; mais, comme je pense bien qu'on vous m?ne ? la Bastille, je suis bien s?r que vous n'en direz rien; c'est le temple de la discr?tion. Cependant, si vous aviez voulu, continua-t-il tr?s haut, je vous aurais d?livr? de ces messieurs dans ce bois o? un cheval ne pouvait remuer; ? pr?sent il n'est plus temps. Un paysan m'avait appris l'insulte faite ? nous plus qu'? vous par cet enl?vement dans la maison de mon p?re. --C'est par ordre du roi, mon enfant, et nous devons respecter ses volont?s; gardez cette ardeur pour son service; je vous en remercie cependant de bon coeur; touchez l?, et laissez-moi continuer ce joli voyage. De Launay ajouta:--Il m'est permis d'ailleurs de vous dire, monsieur de Cinq-Mars, que je suis charg? par le roi m?me d'assurer monsieur le mar?chal qu'il est fort afflig? de ceci, mais que c'est de peur qu'on ne le porte ? mal faire qu'il le prie de demeurer quelques jours ? la Bastille. Il y resta douze ans. Bassompierre reprit en riant tr?s haut:--Vous voyez, mon ami, comment on met les jeunes gens en tutelle; ainsi, prenez garde ? vous. --Eh bien, soit, partez donc, dit Henri, je ne ferai plus le chevalier errant pour les gens malgr? eux. Et, rentrant dans le bois pendant que la voiture repartait au grand trot, il prit par des sentiers d?tourn?s le chemin du ch?teau. Ce fut au pied de la tour de l'ouest qu'il s'arr?ta. Il ?tait seul en avant de Grandchamp et de sa petite escorte et ne descendit point de cheval; mais s'approchant du mur de mani?re ? y coller sa botte, il souleva la jalousie d'une fen?tre du rez-de-chauss?e, faite en forme de herse, comme on en voit encore dans quelques vieux b?timents. Il ?tait alors plus de minuit, et la lune s'?tait cach?e. Tout autre que le ma?tre de la maison n'e?t jamais su trouver son chemin par une obscurit? si grande. Les tours et les toits ne formaient qu'une masse noire qui se d?tachait ? peine sur le ciel un peu plus transparent; aucune lumi?re ne brillait dans toute la maison endormie. Cinq-Mars, cach? sous un chapeau ? larges bords et un grand manteau, attendait avec anxi?t?. Qu'attendait-il? Qu'?tait-il venu chercher? un mot d'une voix qui se fit entendre tr?s bas derri?re la crois?e: --Est-ce vous, monsieur de Cinq-Mars? --H?las! qui serait-ce? Qui reviendrait comme un malfaiteur toucher la maison paternelle sans y rentrer et sans dire encore adieu ? sa m?re? Qui reviendrait pour se plaindre du pr?sent, sans rien attendre de l'avenir, si ce n'?tait moi? La voix douce se troubla, et il fut ais? d'entendre que des pleurs accompagnaient sa r?ponse:--H?las! Henri, de quoi vous plaignez-vous? N'ai-je pas fait plus et bien plus que je ne devais? Est-ce ma faute si mon malheur a voulu qu'un prince souverain f?t mon p?re? Peut-on choisir son berceau? et dit-on: < Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page |
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