Read Ebook: Lettres à l'Amazone by Gourmont Remy De Vibert P E Pierre Eug Ne Illustrator
Font size: Background color: Text color: Add to tbrJar First Page Next PageEbook has 248 lines and 32942 words, and 5 pagesC'est une singuli?re morale que celle qui fait voir dans le plaisir une diminution de soi-m?me. Des hommes en sont venus ? ?prouver une sorte de honte de la joie qu'ils ont tir?e de leurs sens secrets. Et ce n'est pas de l'hypocrisie; ils sont sinc?res; leur honte est v?ritable. Les plus libres l'?prouvent ou l'ont ?prouv?e, sinon devant eux-m?mes, devant leurs fr?res. A quelle profondeur les obscures puissances du christianisme n'ont-elles pas ravag? notre conscience naturelle! On ?prouve je ne sais quelle fiert? ? se sentir capable des plaisirs des yeux, des plaisirs de l'oreille, des plaisirs m?me de la bouche, mais il est tenu pour cynique, celui qui s'avoue capable ou coupable d'autres jouissances. Elles passent en effet pour grossi?res. Elles s'exercent, disent-ils, avec le corps et avec les parties du corps les moins honorables, comme s'il y avait autre part que dans la coutume une hi?rarchie de biens?ances sensuelles, comme si les yeux ou les oreilles n'?taient des organes mat?riels. D'ailleurs le plaisir sexuel ne fait-il point retentir ces sens sup?rieurs et crus particuli?rement spirituels et ne les confond-il point en un seul d'une magnifique amplitude? Que seraient les joies de l'amour sans la vue, sans l'odorat, sans l'ou?e, sans le go?t, sans l'esprit et le sentiment, sans l'intelligence, et comment peut-on les comprendre, r?duites ? l'exercice du seul sens g?n?sique? La volupt? na?t de l'accord de tous les sens unis sous la ma?trise d'un sens supr?me qui les m?ne tous au m?me but dans un concert harmonique. Et il n'y a que la volupt? qui puisse r?aliser une telle union, ce qui permettrait, en dehors de toute exp?rience, de pr?dire sa sup?riorit? n?cessaire sur tout autre exercice sensuel ou sensoriel, ce qui est tout ? fait la m?me chose. Mais l'exp?rience seule permet de s'en donner la preuve ? soi-m?me. On ne la r?ussit pas toujours, on la r?ussit m?me rarement; de plus, je suis persuad? qu'un tr?s grand nombre d'hommes et un bien plus grand nombre de femmes ne le trouv?rent ou ne le trouveront jamais. La plupart se contentent d'un ? peu pr?s qui, quoique tr?s satisfaisant encore, ne d?termine en eux qu'une conviction mod?r?e. Les femmes cherchent quelquefois avec passion cette pierre philosophale et se retirent persuad?es qu'elle n'est qu'une chim?re. L'homme, du moins, l'entrevoit toujours, et sa ferveur en est augment?e. Les ?coles de volupt? sont si m?diocres! Dou? de meilleures aptitudes, l'?tre pr?dispos? doit inventer et cr?er presque tout. Mais c'est en ce genre que le g?nie est rare et facile ? d?courager. Je suis obscur ? dessein. On m'accuserait de d?pravation, moi qui ne pense, comme un bon jardinier, qu'? la culture naturelle des sens! Du moins dirai-je que je tiens pour un ?tre incomplet celui qui n'a pas tir? de ses organes tout le plaisir qu'ils contiennent. Je trouve, ainsi que le disait Bernier, que c'est un grand p?ch? contre la nature. Ils n'ont vraiment pas le droit de se plaindre d'elle, ceux qui ont n?glig? ses pr?sents et qui, de tout ce qu'elle offre aux hommes, n'ont choisi que ses fruits amers, n'ont voulu mordre que dans le brou des noix vertes. Douce amie, qui m'?coutez, je n'ai jamais pu me r?soudre ? m?priser un plaisir, quelle que f?t sa nature, et c'est pourquoi j'ai ?crit ceci sans nulle hypocrisie. Je connais la vanit? de tout, mais je sais aussi que ce qui est ou ce qui fut est moins vain que ce qui n'exista jamais. Puisque notre vie est born?e, puisque nous en connaissons ? peu pr?s le terme, puisque nous ne sommes pas des enfants qu'on dupe avec des mots, n'ayons honte ni de notre humanit? ni de ses merveilleuses faiblesses. Comme je n'oublie rien de ce que vous dites, je me souviendrai toujours qu'ayant fait je ne sais quelle allusion ? ces gens qui veulent para?tre < LETTRE ONZI?ME L'AMOUR Parler d'amour avec une jeune femme, c'est un des plaisirs de notre civilisation d?licate. Il faudrait vraiment ?tre le dernier des pasteurs m?thodistes, pour n'y point trouver d'agr?ment. Mais il n'est gu?re de femme qui n'en trouve aussi, m?me avec le moins s?duisant des hommes, m?me la moins dispos?e ? se laisser s?duire, m?me celle qui par sa nature physiologique ne peut pas ?tre s?duite. Je ne dis point que ces discours n'?veillent point chez l'homme qui se donne ? ce jeu quelques mouvements confus, ni que la femme, m?me dont les d?sirs vont plus loin ou plus pr?s, n'?prouve pas quelque faible et passag?re curiosit? pour celui qui analyse avec elle les grands secrets. La femme dissocie mal l'?motion intellectuelle de l'?motion physique. C'est m?me sa plus ?vidente sup?riorit? naturelle sur l'homme que toutes ses ?motions, sans jamais se contrarier ni se contredire, se recueillent plus s?rement en un centre unique, d'o? elles irradient dans toutes les directions. Les femmes sont la nature m?me, qui ignore si profond?ment la distinction du spirituel et du temporel. Leur attention, dans un entretien sur les choses de la vie, ?coute de toutes les parties de leur corps, et c'est ce qui en fait le charme sup?rieur. Quand l'homme qui converse avec elles sur le ton de l'intimit? a, malgr? les apparences, ? quoi elles s'arr?tent peu, quelque chose de f?minin dans la contexture nerveuse, il se fait un accord charmant entre ces deux ?tres qui ne se touchent que du bout de leurs antennes et se p?n?trent tr?s bien, d'autant m?me qu'ils r?prouvent toute arri?re-pens?e et ne s'imaginent ni l'un ni l'autre r?aliser la grande union. Quand elle doit se faire, elle a lieu d'abord, mais, d?nou?e, laisse en g?n?ral peu d'espoir ? ces r?alisations tendrement intellectuelles. C'est ? vous et de vous que je parle, Amazone, et de moi aussi. Nos esprits ont un sexe, nous le savons, et aussi que c'est la cause de leur plaisir. Il n'est m?me pas n?cessaire que tous les deux en soient ?galement persuad?s et ma propre conviction suffit ? colorer nos rapports d'?me. Rien ne peut faire, conqu?rante en d'autres territoires, ceinte du baudrier et l'arc tendu sous votre pied nu, que vous ne soyez pour moi Art?mis et que vous ne rec?liez en votre coeur toutes les puissances de la femme. Toutes les amiti?s d'homme ? femme sont ainsi, et toutes ont ce caract?re de la ferveur, de la crainte et de la curiosit?, quand elles s'?tablissent entre deux ?tres sans hypocrisie et qui veulent jouir de leur valeur naturelle. Les ?mes ont un son fondamental qu'elles r?servent ou qu'elles donnent selon la mani?re dont elles sont frapp?es, et ce son d'harmonie peut ?tre tr?s diff?rent de celui qu'elles ont l'habitude de rendre. Ah! mon amie, je veux expliquer l'insaisissable et encore je ne veux pas l'expliquer clairement, parce qu'il y est des nuances dont le myst?re ne doit ?tre per?u que de ceux qui les portent en eux-m?mes. Qui sait si l'amiti? dont je parle n'est pas un d?sir si profond qu'il en est obscur, comme ces puits o? l'on ne voit pas, mais o? l'on devine le ciel r?percut?. Mais c'est un d?sir qui se laisse contempler avec s?r?nit?; loin de troubler les eaux, il les clarifie et, loin de les faire bouillonner, il les apaise. C'est le ferment de la paix, de la joie et de la s?r?nit?. On a mis en doute ce caract?re de s?r?nit? des amiti?s d'homme ? femme, parce que pr?cis?ment on a soup?onn? que le d?sir qu'elles contenaient ?tait toujours synonyme d'inqui?tude et de bouleversement int?rieur. Mais on a oubli? que le milieu o? il tombe n'est pas favorable ? son d?veloppement et tend en principe ? le maintenir sur les limites de la croissance. Sans doute, on voit des amiti?s de ce genre tourner ? l'amour, un jour d'absence, un jour de rupture dans les habitudes, un jour d'orage o? l'odeur des fleurs monte ? la t?te, en toute occasion o? l'?quilibre des sentiments se d?place brusquement. Mais quoi! De ce que tout est possible dans l'histoire de la vie, on ne peut se refuser ? consid?rer les choses sous leur aspect le plus g?n?ral et le plus logique. De ce qu'on a vu de tendres amiti?s intellectuelles se transformer en amour, on ne peut pas conclure qu'un tel ?tat soit instable et qu'on ne puisse s'y confier de bonne foi. C'est la malignit? des hommes, et surtout des femmes, ? qui toute affection semble un vol fait ? elles-m?mes, qui ont falsifi? l'amiti? tendre, dont les d?lices d?passent la conception ordinaire et brutale de la vie. Ils disent que c'est de l'amour qui s'ignore, de la passion ind?cise et qui tremble devant son ombre, et bien d'autres choses, mais qu'importent les d?finitions; les mots peuvent-ils caract?riser avec justesse des sentiments si particuliers qu'ils ?chappent aux mots m?mes qui voudraient les emprisonner? Il n'est pas au pouvoir d'un homme de consid?rer avec indiff?rence une jeune femme qui lui permet de lire parfois au fond de son ?me. Trop d'effluves se d?gagent de ce contact spirituel et corporel ? la fois, car l'?me, ?manation du corps, en est la synth?se et l'essence. On est loin aujourd'hui, malgr? les th?ories antiques des philosophes ? la mode, de faire de l'?me et du corps deux forces oppos?es et, comme on croyait jadis, engag?es dans une perp?tuelle guerre. Ce qu'on appelle l'?me n'est qu'une odeur, parfum ou poison, o? se r?sument les puissances des organes. Respirer l'?me, c'est respirer le corps sous sa forme la plus pure et la plus assimilable. Il n'est donc pas possible qu'un commerce intellectuel entre un homme et une femme ne soit pas impr?gn? d'?l?ments sexuels, lesquels sont les ?l?ments dominants de la constitution des ?tres. Ce commerce doit donc aboutir ? des plaisirs, qui sont des volupt?s, r?sultat qui diff?rencie absolument l'amiti? intersexuelle de l'amiti? ordinaire o? les ?l?ments sexuels ne sont pas per?us, de m?me que notre oeil, dans l'ordinaire de la vie physique, ne per?oit pas les rayons ultra-violets. Ah! qu'il est donc difficile de se tirer d'une analyse qui n'a encore jamais ?t? faite! Et dire que, comme r?compense, on ne pr?voit gu?re que la certitude de n'?tre aucunement compris et de rebuter la paresse des esprits les plus fraternels! Mais vous comprendrez, vous, mon amie, et cela me suffira. D'ailleurs, je ne me dissimule pas qu'une analyse psychologique n'a gu?re de valeur que comme description des mouvements int?rieurs de celui qui analyse. Que peut-on observer, en effet, si ce n'est soi-m?me, et quelle garantie a-t-on que soi-m?me et les autres soient des ?tres pareils? Nous sommes < Je ne vous ai presque pas appel?e Amazone, au cours de cette Lettre, parce que je me la suis adress?e un peu aussi ? moi-m?me, et que je ne vous y ai consid?r?e que dans vos relations avec votre ami. Amazone pour les autres, mais vous ne pr?tendez pas me faire la guerre, ? moi! Je ne suis pas Achille, que vos soeurs vinrent provoquer sous les murs de Troie. Mais, comme lui, je serais inconsolable si je vous avais bless?e. Comme ces vieilles histoires sont commodes pour dire obscur?ment ce qu'on veut dire tout de m?me pour son contentement particulier, selon le sens qu'on donne ? la vie dans la m?lancolie solitaire du matin ou dans le trouble du soir! Mes jours, o? on dirait pourtant qu'il ne se passe rien, sont plus oscillants que les mar?es de l'oc?an, car ils subissent des mouvements plus profonds encore et plus irr?guliers. Tant?t la mer d?couvre de longues ?tendues de sables riants, sous le soleil, tant?t elle s'avance tumultueuse jusqu'au rivage dont elle ensevelit tous les espoirs. Et je ne sais plus lequel de ces ?tats est le plus normal et le meilleur. L'espoir est un grand embarras. LETTRE DOUZI?ME SOI-M?ME N'est-ce pas, mon amie, si volontaire et si ?go?ste que vous soyez, vous avez senti cela, que nous n'existons vraiment que dans les yeux qui nous aiment? Mais vous avez senti aussi que, dans ces yeux-l?, ce que nous voyons clairement et d?licieusement, comme dans un miroir, c'est nous-m?me remani? et rendu plus beau par l'amour. De sorte que, quand nous croyons aimer un autre ?tre, c'est nous-m?me que nous aimons. Et comme cet autre ?tre subit la m?me illusion vis-?-vis de nous, les deux amants, en croyant se donner, en croyant se prendre, ne font que se prendre ? eux-m?mes pour se donner ? leur propre ?go?sme. D?couvrons cette v?rit? m?connue qu'on n'aime que soi, qu'on n'aime que l'id?e qu'on se fait de soi vu par l'?tre que l'on d?sire. Voulez-vous des termes plus directs, encore? On ne couche jamais qu'avec soi-m?me, comme l'obscure H?rodiade de Mallarm?, on se vautre dans son lit en ?treignant sa propre image, O dernier charme, oui, je le sens, je suis seule! Et le narcissisme serait, du point de vue id?aliste pur, la formule supr?me de l'amour. Mais il s'agit d'un narcissisme philosophique dont il faut que le miroir soit des yeux vivants et non pas seulement ceux que peut refl?ter une fontaine. Pour que nous l'aimions, notre sensibilit? veut que l'image soit le reflet d'une pens?e, car nous sommes exigeants, nous voulons ?tre pens?s, regard?s et touch?s. L'histoire de Narcisse simplifie un peu trop ces rapports et l'illusion du d?doublement y va un peu loin: Nous f?mes deux, je le maintiens. Maintenons-le, car il suffit que cela soit notablement plus amusant. C'est peut-?tre la base psychique de l'amour que cette r?novation de soi-m?me par l'amant. Nous ne nous reconnaissons bien que l?, dans ces yeux qui nous d?sirent, car nous ne pouvons nous conna?tre directement. Le creux de notre conscience n'est pas un meilleur miroir que le creux de notre main. Mais les yeux, quel miroir! Et pour que notre image lui revienne favorable, comme l'amant sait la parer, pour qu'elle lui plaise et plaise aux yeux o? il la d?pose! Je ne parle pas de la simple image physique, de l'image d'apparence, mais de cette autre image, plus riche et plus totale, qui renferme aussi nos gestes et nos paroles, nos sourires et nos intentions, nos regards et nos r?ves, de cette image mobile dont les minutes ne se ressemblent pas. Elle est nous-m?mes et elle est l'image de ce que nous croyons lire dans des yeux qui ont lu notre ?me dans nos yeux. Vous voyez le jeu de glaces, Amazone aux regards subtils! On ne peut savoir o? commencent les rayons, ce qu'ils apportent et ce qu'ils remportent, le jeu est inextricable et nous sommes, au m?me moment, le Pygmalion d'une statue et la statue d'un Pygmalion. J'ai expos? autrefois que les hommes n'existent gu?re que dans la mesure o? ils sont pens?s par les autres hommes, ce qui est la base m?me de la vie sociale et de la vie unanime, mais je ne sais plus, n'ayant jamais relu cet ?pilogue d'une philosophie , si j'y ?tudiais la r?percussion de l'amour sur la personnalit? incertaine des hommes. L'amour vient encore compliquer singuli?rement la th?orie, car il comporte une p?riode o? l'amant, tout en ayant conscience d'une vie plus exalt?e et plus large et plus profonde, n'existe plus du tout en dehors de l'amant qui le pense et o? il se pense. Il a remis le peu d'existence personnelle qu'il poss?dait aux mains de l'?tre qu'il aime et vers lequel toutes ses facult?s l'attirent, en lequel il souhaite de se perdre et dont il contemple les yeux avec l'espoir d'y ?tre attir?, comme par l'aimant un brin de limaille. On accepte ce don de lui-m?me, mais c'est pour le rendre aussit?t enrichi de toutes les forces et de toutes les beaut?s de l'amour, et, se retrouvant ainsi transfigur?, il est heureux ? peu pr?s comme les ?lus croient qu'ils le seront en entrant au ciel. L'amant s'est trouv?, en renon?ant ? lui-m?me, paradoxe plus v?ridique que celui de l'?lu qui trouve la vie en renon?ant ? la vie. Je viens de vous appeler subtile, amie. Il faudra l'?tre pour vous retrouver dans ce d?dale de nuances et de comparaisons, mais mon excuse est que l'amour, fait pour ?tre senti, n'est pas fait pour ?tre analys?. Ah! comme on voit bien que je suis un coeur sec! Est-ce qu'autrement je passerais mon temps ? scruter le m?canisme des sentiments qu'il serait si simple de pratiquer? Nietzsche a appel? terriblement George Sand la vache ? ?crire. Moi je suis l'ours ? ?crire. Je le prof?re d'abord, pour ?viter une fatigue aux imaginations. Oui, l'ours ? ?crire et qui grogne quand on le d?range; mais j'aime aussi ? grimper aux arbres, d'o? je regarde danser les hommes, ce qui m'amuse beaucoup. Et, comme ce sont mes ?critures qui m'ont r?v?l? ? vous, je suis satisfait de mes exercices et je continue. Nous disions donc que dans l'amour on n'aime peut-?tre que soi. Ce serait une fatalit? du jeu de la pens?e. L'amour sert d'abord ? nous donner de l'importance vis-?-vis de nous-m?mes. Il est le singulier ferment qui d?veloppe tout ? coup notre personnalit?. Et ceci explique pourquoi, si nombreuses soient les femmes qu'on aima, on a presque toujours la sensation que cela fut toujours la m?me, que cela fut toujours soi qu'on regardait ? travers tous les visages. Je dis l'impression laiss?e ? un amant par des amantes de trop bonne volont?, trop dociles et trop acharn?es ? plaire, donc ? ressembler. Mais des amantes un peu volontaires l'ont ?prouv? aussi, l'effroi de retrouver dans l'amant du moment, l'amant du pass?. Alors chez certains ?tres, lass?s d'eux-m?mes, c'est la recherche effr?n?e de la diversit?, avec bient?t la terreur de se retrouver, encore une fois, dans des yeux, diff?rents, mais toujours pareils, seul ? seul avec soi. Recherche qu'on sait vaine et dont on ne se lasse pas pourtant, peut-?tre parce qu'il y a l'illusion des premiers moments et qu'Isis est nouvelle et qu'elle promet l'inattendu, tant qu'elle reste voil?e ? demi. Mais le voile tomb?, on se retrouve vou? ? l'?ternel et lassant narcissisme. Il en est des femmes comme des paysages dont les plus beaux sont toujours ceux qu'on n'a pas encore vus. Moins on en conna?t et plus l'impression qu'on en re?oit est profonde, mais leur vari?t? extr?me finit par se dissoudre dans une tonalit? moyenne, fatigante comme un n?ant. Il semble qu'on les ait toujours vus. C'est le mot des commencements d'amour, mot qui marque ? la fois la p?riode supr?me et le d?but de la p?riode descendante: < Cependant c'est cela m?me que cherchent quelques-uns, et ils ne le trouvent jamais assez. Pour aimer avec constance, il faut s'aimer soi-m?me et avoir des motifs de s'aimer. L'?go?sme extr?me est pour l'amour un terrain admirable, o? il peut s'implanter solidement. Je crois que je n'ai pas besoin de d?velopper ce paragraphe, dont la certitude est suffisamment ?tablie par ce qui pr?c?de. Aussi bien je suis lass?, plus encore que vous, Amazone, de cette m?taphysique du sentiment. C'est un jeu, comme les math?matiques. La solution est toujours pos?e dans les termes du probl?me. Il serait pr?f?rable d'y proc?der par axiomes. Leur ?vidence surgit ? la moindre r?flexion par l'impossibilit? m?me o? l'on se trouve d'imaginer des arguments contraires. Que du moins cela vous confirme dans votre merveilleux ?go?sme amazonien, base de la sensibilit? et de la bont?. Il faut ?tre d'abord tr?s ?go?ste pour ?tre bon et tr?s ?go?ste pour ?tre sensible. De tous les devoirs perceptibles ? l'intelligence et acceptables par l'intelligence, c'est le premier, et il comporte peut-?tre l'exercice de tous les autres, mais c'est celui qui demande ? ?tre pratiqu? avec le plus d'intelligence. Voil? pourquoi la plupart des hommes, qui en sont assez bien pourvus, en font un si mauvais usage. Mais comme il n'est rien, comme il est m?me n?faste sans l'intelligence, c'est donc l'intelligence que nous mettrons au-dessus de tout, l'intelligence qui est probablement la forme supr?me de l'amour. Je sais bien que je confonds avec impudence l'intelligence et les sentiments, mais je vous avouerai que c'est expr?s, toute facult? intellectuelle ?tant aussi affective et tout sentiment ayant aussi quelque chose d'intellectuel. Il y a l'?tre humain qu'il faut savoir consid?rer dans son int?gralit?, au lieu de le couper par petits morceaux, comme une pr?paration ? regarder sous le microscope. Je veux la plante tout enti?re avec ses fleurs, ses feuilles, ses ?pines et ses racines pleines de terre fraternelle. LETTRE TREIZI?ME M?CANISMES Mon amie, je viens de passer quinze jours dans une petite ville silencieuse o? tout le monde se conna?t et o? presque tout le monde s'?vite. Un homme qui ne serait pas habitu? ? la solitude s'y ennuierait d?sesp?r?ment, mais la solitude n'y est pas de m?me qualit? que dans une campagne ou dans une grande ville. M?me ? celui qui l'aime, elle est lourde. Ce n'est pas de cela que j'y fus accabl?. J'avais d'autres soucis plus pesants dont vous ?tiez la cause innocente et courageuse et ce n'est que maintenant, que j'en suis enfin d?livr?, que je pense, sans rancune, ? la vie silencieuse qui passait comme une ombre autour de moi. Cette ville, morne et pittoresque, est libertine avec une telle d?cence que l'?tranger n'y trouve ? exercer ni ses soup?ons ni sa curiosit?. Nous ne connaissons pas l'hypocrisie des moeurs, si nous n'avons point particip? ? la vie de province qu'elle domine comme un principe inconscient. Et peut-?tre connaissons-nous mal la passion si nous n'avons su deviner, sous son masque aust?re, les d?sordres des coeurs tourment?s, dont les tourments montent l? ? une intensit? douloureuse et voluptueuse, extr?me et presque excessive. L?, des amants mettent des mois, des suites de saisons, ? combiner des rencontres que le hasard pourra expliquer. Des maisons ?troites et des jardins ?troits montent des r?ves et des d?sirs qui ne se croisent que dans l'espace, et des femmes y passent leur vie ? songer ? leurs amours. Comme dans les clo?tres et les harems, la captivit? les alourdit. Le r?ve inutile les jette dans le romanesque et, le roman ?tant sans issue, dans la d?votion. Quelques-unes, plus fougueuses, ne se laissent pas vaincre, et il en r?sulte parfois de belles amours d'une constance et d'une ing?niosit? admirables. Il est plus facile de les deviner que de les surprendre. Balzac a bien connu la province. Sa province est toujours vraie, tandis que son Paris n'a plus gu?re qu'un int?r?t historique, Paris pourtant bien plus facile ? observer. En province, on ne sait rien, il y faut de la divination. Devant l'?tranger tout se ferme et d'abord les visages. Il n'est pas jusqu'aux grandes villes o? ne r?gne une grande d?fiance de l'homme qui passe. Mais ces questions ne doivent gu?re vous int?resser, Amazone. Rassurez-vous, je n'y ai touch? que pour vous faire comprendre quelle pouvait ?tre ma vie dans cette ville ferm?e; l'esprit s'?puise en vain ? en p?n?trer le m?canisme sentimental et au bout de quelques jours on renonce ? tout, hormis ? soi-m?me. Le sentiment d'?tre seul, de se mouvoir, ombre parmi les ombres, vous jette bient?t dans une sorte de prostration, ce que ne fait pas la solitude volontaire ou consentie, d'o? na?t au contraire une sorte d'exaltation ?go?ste. C'est donc au milieu de tout cela, ou de tout ce rien, qu'une nouvelle ?mouvante vint un soir ?voquer ? mes yeux effar?s des images fun?bres. Toute mauvaise nouvelle prend dans ces conditions des tons fun?bres; le raisonnement est impuissant ? les ?claircir et l'angoisse ?treint tout le syst?me nerveux sans en laisser la moindre partie fonctionner librement. C'est une chose certaine et que j'ai heureusement v?rifi?e depuis, que la condition des ?tres, malmen?s par une catastrophe physique, est presque toujours bien pr?f?rable ? celle des ?tres qui n'en ressentent que le contre-coup moral. Les premiers n'ont ressenti qu'un choc dont la brutalit? soudaine s'est ?vanouie au coup m?me qu'il a port?, les autres tombent en proie ? l'imagination qui amplifie les douleurs comme les joies. Sans l'imagination, la vie n'est presque rien: une suite de faits diversement ressentis, selon leur retentissement exact, qui est peu de chose, la plupart du temps. C'est l'imagination qui a cr?? leur valeur. Ainsi, l'on ne sait presque jamais ce qui se passe exactement dans les autres, et surtout dans l'?tre qu'on aime le plus, parce que, au lieu de ressentir le fait directement, on ne le per?oit qu'? travers un appareil d?formateur. Ou plut?t ce n'est pas le fait lui-m?me qu'on ressent, c'est sa propre sensibilit? projet?e devant soi comme sur un ?cran, c'est soi-m?me dont on regarde les contorsions douloureuses. Et en ce sens, il est vrai qu'on ne souffre pas d'autrui, mais seulement de soi-m?me. Quand on a conscience de cet ?go?sme fatal, il est plus difficile de se mouvoir dans la vie que lorsque l'on peut avoir l'illusion d'une communion na?ve avec la sensibilit? m?me des ?tres. On cherche ? r?primer, sans y parvenir toujours, les expressions d'une ?motion qui d?voile trop un ?tat int?rieur dont l'aveu est une satisfaction personnelle. Il est vrai que celui-l? m?me qui n'aime pas ? ?tre plaint ne laisse pas d'?tre sensible aux manifestations douloureuses dont il est la cause. L'?go?sme est presque toujours indulgent ? l'?go?sme et accepte volontiers la preuve qu'on lui donne de sa raison d'?tre, qui est aussi sa justification. Il me pla?t de d?masquer ainsi le m?canisme de la sensibilit? et de ne pas laisser croire qu'elle puisse s'exercer pleinement dans un autre sens que celui qui assure son ?panouissement. Il restera toujours assez de na?fs raisonneurs pour opposer l'altruisme ? l'?go?sme, incapables, dans leur empressement ? confondre la cause et l'effet, de comprendre qu'une sensibilit? sans ?go?sme est une conception d?nu?e de signification, puisque, par sa d?finition m?me, la sensibilit? est la facult? de sentir et qu'on ne peut sentir qu'avec le corps qu'on poss?de personnellement. Il n'est pas d'amours sans ?go?sme et les amours m?diocres sont celles qui ne reposent que sur une sensibilit? fragile et qui n'a pas assez de stabilit? pour qu'un ?go?sme parfait ait pu y prendre racine. Mais les mots sont de grands tyrans et il y a si longtemps qu'ils r?gnent que leur pouvoir est incontest?. Or, il ne faut pas se r?volter contre les pouvoirs incontest?s. Rien n'est plus inutile. Je ne poursuivrai donc pas plus longtemps une d?monstration choquante pour la plupart des esprits, et qu'on ne pourrait leur faire admettre que gr?ce ? des concessions et des distinctions qui en fausseraient la signification fondamentale; j'attends qu'on me montre un ?go?sme sans sensibilit? et une sensibilit? sans amour. Et puis, Amazone ressuscit?e, je ne tiens s?rieusement qu'? une chose, c'est ? vous offrir mon ?go?sme heureux. Vous l'avez mis ? une rude ?preuve, par une nuit d'?t?, sur la route bord?e de platanes, mais j'ai revu votre sourire, j'ai revu votre ?me toujours rayonnante, je sais bien maintenant que la statuaire grecque avait raison et qu'une Amazone bless?e est toujours une Amazone. LETTRE QUATORZI?ME UN CONTE On me contait l'autre jour, mon amie, et je crois que, mise en roman, cela ferait une bien curieuse histoire, l'aventure d'un amant tr?s ?pris et tr?s heureux qui se d?tacha de sa ma?tresse ? la suite d'une grave maladie qu'elle traversa. Cela vous semblera, ainsi r?sum?, une anecdote assez ordinaire, mais entrez dans le d?tail. Il fut d'abord tr?s ?prouv? et passa bien des jours et bien des nuits d'angoisse. Comme le mal croissait, son amour et sa peine croissaient du m?me pas et faisaient de sa vie une ?pouvante. Sa douleur ?tait port?e au plus haut point, quand un revirement subit s'accomplit dans l'?tat de la malade, que l'on vit bient?t hors de p?ril. Accabl? par la peine, il douta longtemps, mais comme les nouvelles qu'on lui donnait se faisaient toujours de plus en plus rassurantes, il fut pris d'une joie aussi forte qu'une grosse fi?vre et qui avait des effets presque pareils. On le vit exub?rant et proche de la divagation. Presque muet d'habitude et si longtemps sombre, il racontait des histoires absurdes et quelquefois choquantes o? ses amis n'auraient rien compris si son ?tat ne leur en avait fourni d'assez bonnes explications. Il y ?tait toujours question d'un malheur extr?me, suivi d'une r?surrection et de joies c?lestes. Esprit assez positif, quoique sentimental, il donnait des signes de mysticisme, et l'on craignit beaucoup pour la premi?re entrevue des deux amants. Elle eut lieu dans un jardin ? la campagne et fut, ? la v?rit?, ?mouvante. C'?tait bien, en effet, deux ressuscit?s, l'un du n?ant, l'autre de la douleur, qui se retrouvaient. Leurs premi?res paroles et bient?t leurs premi?res caresses leur donn?rent une telle joie d'imagination que la convalescente pensa se trouver mal et que l'amant avait l'air comme ?gar?. Mais quand, plus calmes et avertis peut-?tre d'un danger, ils voulurent reprendre leurs confidences d'autrefois, la malade ne parlait que de son mal et l'amant que de sa douleur. A leur insu, ils s'?taient cr?? l'un et l'autre un monde nouveau o? ils marchaient sans pouvoir en joindre les sentiers au monde ancien de leur amour heureux. Ils ne s'en aper?urent pas, mais le pr?sent leur ?tait une sorte d'au del? o? le bonheur r?gne naturellement, sans qu'on ait besoin, pour le ressentir, de s'attacher ? un autre ?tre. Aux visites suivantes, la situation de leurs esprits ne changea gu?re d'abord; cependant, la femme, d'une tendresse plus d?pendante et plus fid?le, r?ussit ? mettre quelques pas dans les anciens vestiges, le long du sentier des r?miniscences. Peu ? peu, elle se sentit redevenir la chose aimante qu'elle ?tait naturellement; la pr?sence de son ami chassait ses souvenirs de solitude et rempla?ait en elle les images de convalescence, qui avaient ?t? si longtemps sa grande occupation. Faiblement encore, peut-?tre plus t?t qu'il n'aurait fallu, elle d?sira des baisers, et employa sa ruse loyale ? les conqu?rir. Il y eut l? une lutte contre l'espionnage domestique qui les occupa quelque temps et leur fit, ? tous les deux in?galement, retrouver les premiers plaisirs. Un jour enfin se pr?senta une occasion plus propice, le d?sir fut plus fort que la prudence et l'invisible observateur e?t pu croire qu'en leur promenade les deux amants avaient d?finitivement reli? aux anciens les nouveaux sentiers de leur amour. C'?tait imparfaitement vrai cependant et ce noeud incertain devait bient?t montrer sa fragilit?. La convalescente allait tout ? fait bien maintenant et n'?tait pas loin de reprendre son train coutumier. Le mal ne laissait nulles traces dans son corps et moins encore dans son esprit. Elle cong?dia la garde-malade et fit comprendre au m?decin, par quelques absences bien r?gl?es, l'indiscr?tion de ses visites. La saison s'avan?ait d'ailleurs et malgr? le charme contradictoire de l'automne pour un coeur ressuscit?, elle se disposa ? regagner la ville. Il n'y eut d'abord rien de chang?. Tout se retrouvait ? sa place, meubles, amis et amant: ce coeur docile ob?issait facilement ? un bonheur si bien ordonn? et qui reprenait si bien le cours des saisons. Cependant un travail tout contraire s'?tait fait dans l'esprit de son amant. N'ayant plus rien ? redouter du pr?sent, il se rem?morait avec terreur ses peines pass?es, et c'est en elles qu'il vivait. La longue peur dont il avait souffert encerclait et limitait ses souvenirs. Il ne pouvait remonter aux heures b?nies d'avant l'inqui?tude et il se prenait ? murmurer au moment du rendez-vous: < Je ne sais quelle association d'id?es ou quel besoin de tristesse m'ont fait r?fl?chir assez longuement ? cette anecdote qui montre le pouvoir des ?v?nements ordinaires de la vie sur la m?tamorphose des coeurs et la marche des passions. Tous, ou presque tous, sont ? la merci de cette sorte d'impr?vu int?rieur qui serait la chose du monde la plus pr?visible, si nous ?tions capables d'assez d'attention sur nous-m?mes. Mais cette attention m?me en pr?viendrait le d?veloppement, et la vie y perdrait sans doute ses perspectives o?, derri?re chaque bouquet d'arbres, si nous y pouvons situer le malheur, nous ne manquons pas d'y r?ver, plus souvent encore, ? l'enchantement cach?. LETTRE QUINZI?ME RETOUR Si vous saviez, mon amie, ce qu'ils ont fait de mon logis o? chaque chose vous connaissait et vous aimait! Elles ne sont plus capables de connaissance, d'amour ni d'aucun sentiment, les pauvres choses. Elles gisent entass?es dans les coins, bless?es peut-?tre, sans plus rien de la vie simple que leur conf?rait l'usage quotidien. Je ne puis penser ? autre chose, ni ?crire d'autre chose, sur la table de fortune o? je forme malais?ment des jambages incertains, avec un chat ?peur? sur mon ?paule, comme on repr?sentait, dans les vieilles gravures sur bois, les alchimistes, n?cromans et faiseurs de grimoires. Est-ce que je n'?voque pas les morts, moi aussi? Est-ce que je ne tente pas de rendre ? la vie la premi?re ?treinte des pens?es, au moment m?me o? leur souvenir se disperse, avec les objets qui en avaient ?t? les t?moins? Je vois encore votre entr?e dans ma solitude, mon effroi et ma joie bient?t de voir un ?tre tel que vous se mouvoir en moi avec la simplicit? des conqu?rants. Ils viennent parce qu'ils devaient venir, ils viennent comme une force s'accomplit, par une n?cessit? de leur nature et il semble tout ? coup qu'ils aient toujours ?t? l?. Comment les ?mes se connaissent-elles d'avance, comment savent-elles qu'il y a une place qu'il leur appartient de combler et qu'on ne leur disputera pas? Comment apprennent-elles qu'elles sont attendues, et qu'elles trouveront, comme dans les contes de f?es, la table mise, par?e et charg?e de tous les mets de la communion spirituelle? Je n'en sais rien, ni personne, et je ne veux pas essayer d'analyser un des myst?res les plus charmants de la vie. Vous v?ntes donc et, sans m'en apercevoir, je m'?tais mis en route pour aller ? votre rencontre: Les heures s'en allaient tr?s lentes, Un soir de brume, un soir d'hiver, Un soir de mortes et d'absentes, O? l'on r?ve aux r?ves d'hier. Et voil? que, par un soir ? peu pr?s pareil, un soir d'?t?, mais de brume encore, je me trouve seul, dans les d?blais Et les r?ves obscurs o? s'endorment les choses, Parmi la poussi?re et l'odeur des vieilles roses. Elles gisent ? terre, les vieilles roses, et leur odeur ancienne monte d'entre les pl?tras, et le bruit de la d?molition emporte toute paix, mais je persiste, moi! sur ces ruines et j'?cris de ces choses en attendant qu'elles se reconstituent. On les d?truirait toutes, autour de moi, que je garde les ?l?ments de leur r?surrection. La vasque s'est remplie peu ? peu de feuilles mortes, N'y cherchez pas d'eau pure. Celle que la pluie apporte A ?t? bue goutte ? goutte par les oiseaux, Il n'y reste rien que la mort. C'est un tombeau. Mais ne regardez pas au fond, parmi les feuilles. Quelque chose s'agite encore dans ce cercueil, Des r?ves, des tendresses, des troubles, des d?sirs, Je ne sais quoi d'absurde qui ne veut pas mourir. Les choses non plus ne veulent pas mourir. Tant que nous sommes, elles sont. J'ai vu d?truire des paysages qui vivent toujours dans ma m?moire. Les arbres, les maisons, les perspectives reviennent prendre leur place d?s que je ferme les yeux sur le pr?sent, et leur r?alit? est aussi vraie pour moi qu'au temps o? elle ?tait r?elle. J'ouvre la porte de toutes mes demeures successives, m?me les plus fugitives, et je m'y installe facilement, ? la place accoutum?e. Les m?mes visions viennent m'y visiter et parfois j'y accomplis des r?ves qui ?taient rest?s des r?ves. Quand j'aurai quitt? ma demeure d'aujourd'hui, je la verrai toujours s'?clairer de votre sourire, Et vos yeux d?chirer la nue d'o? tomba, comme une pluie de printemps, la tendresse des pens?es. Et quand les pierres en choieraient une ? une dans le n?ant des pierres, rien ne pourrait faire que vous ne vous soyez assise l?, et que votre image ne s'y soit refl?t?e dans mes yeux et dans mon esprit. Ce qui a ?t? une fois est devenu ?ternel. Voil? des imaginations bien compliqu?es, n'est-ce pas, mon amie, pour accompagner les coups sourds du pic, mais c'est que je les entends moins ? mesure que je pense ? vous, et de penser ? vous, cela me m?ne toujours tr?s loin, puisque vous contenez toutes les possibilit?s. La diversit? de votre ?me satisfait la mienne ?prise ? la fois de vari?t? et d'unit? et j'aime ? promener mon visage Add to tbrJar First Page Next Page |
Terms of Use Stock Market News! © gutenberg.org.in2025 All Rights reserved.