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Munafa ebook

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Words: 65100 in 29 pages

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EUG?NIE GRANDET.

Sc?nes de la vie de Province.

HONOR? DE BALZAC.

A MARIA,

DE BALZAC

--Le p?re Grandet?... le p?re Grandet doit avoir cinq ? six millions.

--Vous ?tes plus habile que je ne le suis, je n'ai jamais pu savoir le t otal, r?pondaient monsieur Cruchot ou monsieur des Grassins s'ils entendaient le propos. Quelque Parisien parlait-il des Rotschild ou de monsieur Laffitte, les gens de Saumur demandaient s'ils ?taient aussi riches que monsieur Grandet. Si le Parisien leur jetait en souriant une d?daigneuse affirmation, ils se regardaient en hochant la t?te d'un air d'incr?dulit?. Une si grande fortune couvrait d'un manteau d'or toutes les actions de cet homme. Si d'abord quelques particularit?s de sa vie donn?rent prise au ridicule et ? la moquerie, la moquerie et le ridicule s'?taient us?s. En ses moindres actes, monsieur Grandet avait pour lui l'autorit? de la chose jug?e. Sa parole, son v?tement, ses gestes, le clignement de ses yeux faisaient loi dans le pays, o? chacun, apr?s l'avoir ?tudi? comme un naturaliste ?tudie les effets de l'instinct chez les animaux, avait pu reconna?tre la profonde et muette sagesse de ses plus l?gers mouvements.

--L'hiver sera rude, disait-on, le p?re Grandet a mis ses gants fourr?s: il faut vendanger.

--Je ne puis rien conclure sans avoir consult? ma femme. Sa femme, qu'il avait r?duite ? un ilotisme complet, ?tait en affaires son paravent le plus commode. Il n'allait jamais chez personne, ne voulait ni recevoir ni donner ? d?ner; il ne faisait jamais de bruit, et semblait ?conomiser tout, m?me le mouvement. Il ne d?rangeait rien chez les autres par un respect constant de la propri?t?. N?anmoins, malgr? la douceur de sa voix, malgr? sa tenue circonspecte, le langage et les habitudes du tonnelier per?aient, surtout quand il ?tait au logis, o? il se contraignait moins que partout ailleurs. Au physique, Grandet ?tait un homme de cinq pieds, trapu, carr?, ayant des mollets de douze pouces de circonf?rence, des rotules noueuses et de larges ?paules; son visage ?tait rond, tann?, marqu? de petite v?role; son menton ?tait droit, ses l?vres n'offraient aucunes sinuosit?s, et ses dents ?taient blanches; ses yeux avaient l'expression calme et d?voratrice que le peuple accorde au basilic; son front, plein de rides transversales, ne manquait pas de protub?rances significatives; ses cheveux jaun?tres et grisonnants ?taient blanc et or, disaient quelques jeunes gens qui ne connaissaient pas la gravit? d'une plaisanterie faite sur monsieur Grandet. Son nez, gros par le bout, supportait une loupe vein?e que le vulgaire disait, non sans raison, pleine de malice. Cette figure annon?ait une finesse dangereuse, une probit? sans chaleur, l'?go?sme d'un homme habitu? ? concentrer ses sentiments dans la jouissance de l'avarice et sur le seul ?tre qui lui f?t r?ellement de quelque chose, sa fille Eug?nie, sa seule h?riti?re. Attitude, mani?res, d?marche, tout en lui, d'ailleurs, attestait cette croyance en soi que donne l'habitude d'avoir toujours r?ussi dans ses entreprises. Aussi, quoique de moeurs faciles et molles en apparence, monsieur Grandet avait-il un caract?re de bronze. Toujours v?tu de la m?me mani?re, qui le voyait aujourd'hui le voyait tel qu'il ?tait depuis 1791. Ses forts souliers se nouaient avec des cordons de cuir, il portait en tout temps des bas de laine drap?s, une culotte courte de gros drap marron ? boucles d'argent, un gilet de velours ? raies alternativement jaunes et puces, boutonn? carr?ment, un large habit marron ? grands pans, une cravate noire et un chapeau de quaker. Ses gants, aussi solides que ceux des gendarmes, lui duraient vingt mois, et, pour les conserver propres, il les posait sur le bord de son chapeau ? la m?me place, par un geste m?thodique. Saumur ne savait rien de plus sur ce personnage.

Six habitants seulement avaient le droit de venir dans cette maison. Le plus consid?rable des trois premiers ?tait le neveu de monsieur Cruchot. Depuis sa nomination de pr?sident au tribunal de premi?re instance de Saumur, ce jeune homme avait joint au nom de Cruchot celui de Bonfons, et travaillait ? faire pr?valoir Bonfons sur Cruchot. Il signait d?j? C. de Bonfons. Le plaideur assez malavis? pour l'appeler monsieur Cruchot s'apercevait bient?t ? l'audience de sa sottise. Le magistrat prot?geait ceux qui le nommaient monsieur le pr?sident, mais il favorisait de ses plus gracieux sourires les flatteurs qui lui disaient monsieur de Bonfons. Monsieur le pr?sident ?tait ?g? de trente-trois ans, poss?dait le domaine de Bonfons , valant sept mille livres de rente; il attendait la succession de son oncle le notaire et celle de son oncle l'abb? Cruchot, dignitaire du chapitre de Saint-Martin de Tours, qui tous deux passaient pour ?tre assez riches. Ces trois Cruchot, soutenus par bon nombre de cousins, alli?s ? vingt maisons de la ville, formaient un parti, comme jadis ? Florence les M?dicis; et, comme les M?dicis, les Cruchot avaient leurs Lazzi. Madame des Grassins, m?re d'un fils de vingt-trois ans, venait tr?s assid?ment faire la partie de madame Grandet, esp?rant marier son cher Adolphe avec mademoiselle Eug?nie. Monsieur des Grassins le banquier favorisait vigoureusement les manoeuvres de sa femme par de constants services secr?tement rendus au vieil avare, et arrivait toujours ? temps sur le champ de bataille. Ces trois des Grassins avaient ?galement leurs adh?rents, leurs cousins, leurs alli?s fid?les. Du c?t? des Cruchot, l'abb?, le Talleyrand de la famille, bien appuy? par son fr?re le notaire, disputait vivement le terrain ? la financi?re, et tentait de r?server le riche h?ritage ? son neveu le pr?sident. Ce combat secret entre les Cruchot et les des Grassins, dont le prix ?tait la main d'Eug?nie Grandet, occupait passionn?ment les diverses soci?t?s de Saumur. Mademoiselle Grandet ?pousera-t-elle monsieur le pr?sident ou monsieur Adolphe des Grassins? A ce probl?me, les uns r?pondaient que monsieur Grandet ne donnerait sa fille ni ? l'un ni ? l'autre. L'ancien tonnelier rong? d'ambition cherchait, disaient-ils, pour gendre quelque pair de France, ? qui trois cent mille livres de rente feraient accepter tous les tonneaux pass?s, pr?sents et futurs des Grandet. D'autres r?pliquaient que monsieur et madame des Grassins ?taient nobles, puissamment riches, qu'Adolphe ?tait un bien gentil cavalier, et qu'? moins d'avoir un neveu du pape dans sa manche, une alliance si convenable devait satisfaire des gens de rien, un homme que tout Saumur avait vu la doloire en main, et qui, d'ailleurs, avait port? le bonnet rouge. Les plus sens?s faisaient observer que monsieur Cruchot de Bonfons avait ses entr?es ? toute heure au logis, tandis que son rival n'y ?tait re?u que les dimanches. Ceux-ci soutenaient que madame des Grassins, plus li?e avec les femmes de la maison Grandet que les Cruchot, pouvait leur inculquer certaines id?es qui la feraient, t?t ou tard, r?ussir. Ceux-l? r?pliquaient que l'abb? Cruchot ?tait l'homme le plus insinuant du monde, et que femme contre moine la partie se trouvait ?gale.

--Ils sont manche ? manche, disait un bel esprit de Saumur. Plus instruits, les anciens du pays pr?tendaient que les Grandet ?taient trop avis?s pour laisser sortir les biens de leur famille, mademoiselle Eug?nie Grandet de Saumur serait mari?e au fils de monsieur Grandet de Paris, riche marchand de vin en gros. A cela les Cruchotins et les Grassinistes r?pondaient:

--D'abord les deux fr?res ne se sont pas vus deux fois depuis trente ans. Puis, monsieur Grandet de Paris a de hautes pr?tentions pour son fils. Il est maire d'un arrondissement, d?put?, colonel de la garde nationale, juge au tribunal de commerce; il renie Grandet de Saumur, et pr?tend s'allier ? quelque famille ducale par la gr?ce de Napol?on Que ne disait-on pas d'une h?riti?re dont on parlait ? vingt lieues ? la ronde et jusque dans les voitures publiques, d'Angers ? Blois inclusivement? Au commencement de 1818, les Cruchotins remport?rent un avantage signal? sur les Grassinistes. La terre de Froidfond, remarquable par son parc, son admirable ch?teau, ses fermes, rivi?res, ?tangs, for?ts, et valant trois millions, fut mise en vente par le jeune marquis de Froidfond oblig? de r?aliser ses capitaux. Ma?tre Cruchot, le pr?sident Cruchot, l'abb? Cruchot, aid?s par leurs adh?rents, surent emp?cher la vente par petits lots. Le notaire conclut avec le jeune homme un march? d'or en lui persuadant qu'il y aurait des poursuites sans nombre ? diriger contre les adjudicataires avant de rentrer dans le prix des lots; il valait mieux vendre ? monsieur Grandet, homme solvable, et capable d'ailleurs de payer la terre en argent comptant. Le beau marquisat de Froidfond fut alors convoy? vers l'oesophage de monsieur Grandet, qui, au grand ?tonnement de Saumur, le paya, sous escompte, apr?s les formalit?s. Cette affaire eut du retentissement ? Nantes et ? Orl?ans. Monsieur Grandet alla voir son ch?teau par l'occasion d'une charrette qui y retournait. Apr?s avoir jet? sur sa propri?t? le coup d'oeil du ma?tre, il revint ? Saumur, certain d'avoir plac? ses fonds ? cinq, et saisi de la magnifique pens?e d'arrondir le marquisat de Froidfond en y r?unissant tous ses biens. Puis, pour remplir de nouveau son tr?sor presque vide, il d?cida de couper ? blanc ses bois, ses for?ts, et d'exploiter les peupliers de ses prairies.


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